Semaine 6

  • Michpatim
Editorial
Loin des commémorations

Il existe des dates qui incarnent, d’année en année, plus qu’un souvenir, un anniversaire ou le simple défilement du temps. Ce sont des dates porteuses de vie et d’inspiration. Elles ne sont pas gravées dans une éternité figée mais bien présentes dans la quotidien et l’effort de chacun. C’est ainsi que revient le 22 Chevat, le jour du départ de ce monde de la Rabbanit ‘Haya Mouchka, l’épouse du Rabbi, en 5748 (1988).
Certes, une telle journée présente quelque chose de solennel. Elle incarne un temps à part, presque suspendu dans son déroulement habituel. De ce fait, elle pourrait n’être que l’occasion, nécessaire et sans surprise, de l’évocation de la réelle grandeur de la personne disparue. Pourtant, limiter le 22 Chevat à cette demande serait lui faire perdre son sens essentiel, celui que le Rabbi ne manquera pas de souligner avec insistance : “Celui qui est vivant doit en tirer inspiration et enseignement”.
C’est très exactement la raison pour laquelle, à cette occasion, plus de deux mille femmes se réunissent à New York. Ce sont les déléguées du Rabbi dans tous les pays du monde et, aux côtés de leur mari, elles agissent pour que le judaïsme soit véritablement le patrimoine de tous les Juifs. Venues littéralement des quatre coins de la planète, d’orient et d’occident, d’Afrique et d’Asie, du monde développée et en voie de développement, elles vivent des expériences parfois aux antipodes les unes des autres. Elles savent cette semaine les échanger mais, surtout, elle savent que leur action est animée de la même âme et du même souffle. Et que cette âme et ce souffle sont présents, avec combien de puissance, en ce jour du 22 Chevat.
Car c’est précisément ce qu’il est : la vie, la volonté et le mouvement. C’est un jour qu’il faut savoir vivre, il éclaire notre semaine. Puisse-t-il continuer d’éclairer les jours qui viennent jusqu’au temps de toute lumière.
Etincelles de Machiah
Moïse et la connaissance

La Paracha de Michpatim, qui enseigne, au sens premier, une série de lois, commence par la règle suivante : “Quand tu achèteras un serviteur juif…”. La question est connue : alors que les règles énoncées ont été introduites par les mots “Voici les lois que tu placeras devant eux”, au pluriel “devant eux”, la loi elle-même est enseignée au singulier – “Quand tu achèteras”.
En fait, est-il précisé, au sens le plus profond, cette dernière phrase s’adresse à Moïse et elle signifiez qu’il a pour tâche, en tant que “berger fidèle”, d’établir le lien entre D.ieu et le Juif en leur insufflant la connaissance. C’est précisément ce qui fait de Moïse, selon la parole des Sages, “le premier libérateur et le dernier libérateur”. Il fut, en effet, celui qui délivra le peuple juif d’Egypte et lui donna alors cette connaissance. Il est aussi celui qui délivrera le peuple juif lors de la venue de Machia’h, liée également à la connaissance, celle du sens profond de la Torah.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – Torat Mena’hem 5745, p. 1192)
Vivre avec la Paracha
Michpatim: Faire des affaires avec D.ieu

"Si ton frère s'appauvrit et qu'il n'a plus de moyens, tu l'aideras [avec un prêt] ne prends de lui ni intérêt ni usure. Je suis l'Eternel ton D.ieu Qui t'a sorti d'Egypte pour être ton D.ieu. (Vayikra 25 :35-38)

De ceux-là (de ces mots de conclusion) nos Sages ont conclu "celui qui prend sur lui l'interdiction de l'usure accepte sur lui le joug du Ciel mais celui qui rejette l'interdiction de l'usure rejette le joug du Ciel." Sifra, ibid


La Torah interdit strictement la collecte ou le paiement d'un intérêt pour un prêt contracté par un Juif à un autre Juif. Néanmoins, il existe une procédure, appelée héter iska (une clause de partenariat), par laquelle il est permis de profiter de fonds confiés à son prochain. Dans ce contrat de héter iska, il est stipulé que l'argent n'est pas un prêt mais un investissement dans un partenariat d'affaire dont le profit sera partagé entre le propriétaire du capital et celui qui en a obtenu la jouissance pour l'utiliser et l'investir.

Pourquoi un intérêt sur un prêt est-il interdit alors que le partage des profits dans un investissement est permis?

La différence légale est que dans le cas d'un prêt, l'argent n'est plus la propriété du prêteur : à partir du moment où l'emprunteur le reçoit, il devient sien dans tous les aspects. Ainsi si le prêteur devait percevoir des frais ou un pourcentage en retour pour le bénéfice que l'emprunteur a tiré de l'argent, il serait récompensé pour le fait que l'argent lui a un jour appartenu et non pour quelque chose auquel il a contribué maintenant. Et c'est cela qu'interdit la Torah. Par ailleurs, dans le cas d'un agrément selon le héter iska, l'argent reste la propriété de l'investisseur (dans un partenariat avec celui à qui l'argent a été confié); la compensation qu'il reçoit n'est pas "des frais de profit" mais le profit que son argent est en train de produire.

L'âme et le corps

Le Zohar déclare que la Torah possède à la fois un corps et une âme. Le "corps" de la Torah est sa dimension matérielle.

La même approche s'applique aux lois de l'intérêt et du héter iska. Entrevues simplement dans leur application dans notre vie financière, elles peuvent paraître essentiellement techniques ou même rhétoriques, le héter emble un détour habile pour esquiver l'interdiction de l'intérêt. Il nous faut donc pénétrer l'âme de cette loi, l'esprit qui se cache derrière son application matérielle.

Avant et après

Nos Sages nous disent que D.ieu Lui-Même observe tous les commandements qu'Il nous enjoint. Un examen plus précis de leur formulation révèle qu'en fait, il y a deux aspects dans l'observance des mitsvot de D.ieu.
Citant le verset ( Psaumes 147) "Il instruit Yaakov de Ses paroles, de Ses statuts et de Ses lois à Israël", le Midrach enseigne: "L'approche de D.ieu ne ressemble pas à l'approche de chair et de sang. Cette dernière concerne ce que l'on instruit aux autres de faire mais que l'on ne fait pas soi-même; D.ieu, cependant, ce qu'Il fait Lui-Même est ce qu'Il demande à Israël de faire et d'observer". En d'autres termes, les mitsvot ont leur origine dans des actes divins. Cependant, d'autres sources impliquent l'inverse: c'est notre observance des mitsvot qui a pour résultat que D.ieu réponde de la même façon.
Il existe ainsi deux niveaux dans l'observance des mitsvot de D.ieu: celui où Il nous précède et permet notre observance et un second niveau où D.ieu est "poussé" à ces actes en réponse à notre accomplissement.

Une mitsvah incorpore la volonté divine; accomplir une mitsvah crée un lien (le mot mitsvah signifie à la fois commandement et attachement) entre l'homme et D.ieu, entre le réalisateur humain et son concepteur divin. C'est la raison pour laquelle D.ieu doit d'abord "faire" une mitsvah avant que nous puissions la faire à notre tour.
Mais pourquoi D .ieu fait-Il suivre notre observance par la Sienne? Quand D.ieu désira-t-Il que notre accomplissement de Ses commandements stimule en Lui une réponse analogue ?

La faux vide

La réponse à cette question réside dans une autre question, plus générale: pourquoi D.ieu nous a-t-Il commandé les mitsvot? Il est certain qu'Il n'a pas besoin de cela de notre part. Comme le dit Eliyahou "Si vous péchez, en quoi L'affectez-vous? Si vos transgressions sont nombreuses, que Lui avez-vous fait? Que peut-Il recevoir de vous? Si vous êtes justes, que Lui donnez-vous? Que peut-Il recevoir de vous?" (Job35:6)
Mais D.ieu a fait plus que de tendre une liste de "faîtes" et "ne faîtes pas". Car le travail seul ne suffit pas. Si le travail n'a pas une fonction, le travailleur n'en tire aucune satisfaction, même lorsqu'il est pleinement récompensé.
Le Rabbi précédent, Rabbi Yossef Yits'hak, illustre ce point par la parabole suivante : un noble faisait une tournée dans ses terres et arriva près d'un paysan qui fauchait du blé. Le noble fut fasciné par les mouvements élégants des bras du paysan et le balayage gracieux de la faux dans les airs. Il apprécia tant ce spectacle qu'il établit un marché avec le paysan: pour dix roubles par jour, le paysan ferait les gestes de sa technique dans la salle de dessin du noble.
Le jour suivant, le paysan arriva au manoir, cachant difficilement sa joie devant sa nouvelle fonction. Après avoir balayé sa faux vide dans les airs pendant une heure, il récolta ses dix roubles, une somme bien supérieure à celle qu'il gagnait pendant une semaine de travail éreintant. Mais le jour suivant, son enthousiasme était quelque peu émoussé. Plusieurs jours passèrent et il annonça à son maître qu'il quittait son nouvel emploi.
Le noble lui dit:
-Je ne comprends pas. Pourquoi préfères-tu travailler dehors, dans le froid de l'hiver et la chaleur de l'été alors que tu peux accomplir une tâche tellement plus facile dans le confort de ma demeure et gagner bien plus que ton salaire habituel?
-Mais Maître, répondit le paysan, je ne vois pas le travail.

Ainsi pour imprégner notre vie d'un sentiment d'accomplissement et de signification, D.ieu veilla à ce que chacune de nos actions ait un sens objectif, qu'elle L'affecte, Lui. En fait, c'est là le seul effet objectivement significatif qui peut exister puisque D.ieu est la seule réalité objective, toutes les autres étant, par définition, restreintes et artificielles.
La vie n'est ni un repas gratuit humiliant ni une faux vide ramassant du blé imaginaire mais un véritable travail, un travail qui mérite les bénédictions qu'il produit et a un impact véritable, au-delà de l'occupation et la récompense du travailleur.

L'argent de D.ieu
Ainsi l'interdiction de l'intérêt incorpore-t-elle le concept même du Joug divin, de D.ieu communiquant à notre vie un véritable travail et un véritable accomplissement.
Si l'observance des mitsvot de D.ieu n'avait pour but que de précéder notre observance mais non d'en résulter, notre relation avec Lui serait celle d'un emprunteur qui paie des intérêts. D.ieu ferait la Mitsvah nous accordant l'aptitude d'agir de même mais là son implication s'arrêterait. Le "capital" serait maintenant entièrement notre domaine. Nous ne ferions qu'un "paiement" en retour de ce qu'Il nous a donné, comme un emprunteur qui paie le prêteur pour le fait qu'il lui a accordé un prêt.

Mais le contrat qu'a signé D.ieu avec nous n'est pas celui-là mais un investissement héter iska. Il nous avance le capital et insiste pour le paiement en retour mais Il insiste sur le fait qu'il s'agit d'un partenariat, une implication permanente.
D.ieu désire que nous imitions Sa relation avec nous dans nos relations avec nos prochains, que la nature du "profit" qu'il tire de Sa création dicte la manière dont nous profitons de ce que nous prêtons à quelqu'un dans le besoin. Celui qui fait fi de l'interdiction de l'intérêt rejette le partenariat divin dans sa vie, un partenariat qui fait en sorte que chacune de nos entreprises est un accomplissement véritable et gratifiant.
Le Coin de la Halacha
Je dispose d’une certaine somme à remettre à la Tsédaka (charité). Dois-je la distribuer en plusieurs fois ?

Il est écrit dans le Tanya: “Grand est le mérite de la Tsédaka que l’on donne souvent, car chaque pièce s’ajoute aux autres pour former une grande armure qui protège celui qui donne”. Il est évident que Rabbi Chnéour Zalman, auteur du Tanya, ne voulait pas qu’on diminue mais au contraire qu’on ajoute.
Ainsi, si on dispose d’une certaine somme, il ne faut pas la diviser et la donner petit à petit: au contraire, il faut tout donner, tout de suite. Mais même lorsqu’on ne dispose que d’une petite pièce, il faut la donner, et ne pas attendre d’avoir plus d’argent pour donner une somme conséquente.
C’est pourquoi on aura toujours près de soi, (à la maison, au bureau, dans la voiture, à la synagogue…) une boîte prête pour la charité, et chaque pièce qu’on mettra dans la boîte représentera une bonne action.
De Recit de la Semaine
Les pièces étincelaient

Reb Gabriel était un 'Hassid dévoué corps et âme à son Rabbi, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, le fondateur de la 'Hassidout 'Habad. Jamais, il n'aurait imaginé déranger le Rabbi pour des problèmes personnels, comme par exemple sa pauvreté et surtout le fait qu'il n'avait pas d'enfants.
Mais D.ieu avait décidé qu'il était temps pour Reb Gabriel de recevoir une triple bénédiction: les enfants, la santé et la richesse.
Un jour, Rabbi Chnéour Zalman entreprit une action de grande envergure afin de délivrer des Juifs injustement emprisonnés. Pour cela, il lui fallait beaucoup d'argent. Il fixa donc pour chacun de ses 'Hassidim la somme avec laquelle il contribuerait à cette grande Mitsva.
Reb Gabriel, en particulier, avait été désigné pour une somme largement au-dessus de ses moyens. Il s'en ouvrit à son épouse. Celle-ci vit que cela lui causait du souci. Elle savait combien son mari était attaché aux enseignement du Rabbi et comment il se réjouissait d'habitude chaque fois qu'il se voyait confier par lui une mission.
Etonnée, elle lui rappela que Rabbi Chnéour Zalman avait toujours encouragé ses 'Hassidim à avoir confiance en D.ieu, quelle que soit la situation, à être toujours joyeux. Certainement D.ieu leur viendrait en aide et Reb Gabriel pourrait réunir cette somme d'argent nécessaire pour délivrer des frères juifs.
Cette femme remarquable, qui s'appelait 'Hanna Rivka, alla vendre son collier de perles et quelques autres bijoux. En rentrant, elle dit à son mari: "Voici l'argent que tu dois donner au Rabbi!". Elle lui conseilla de se rendre immédiatement à Lyozna pour lui remettre la somme.
Reb Gabriel, ému à la pensée que sa femme avait sans hésiter vendu ses bijoux, répondit qu'il attendrait le retour de l'émissaire du Rabbi, celui qui était chargé de réunir les contributions de tous les 'Hassidim.
Quelques temps plus tard, la situation financière de Reb Gabriel se détériora encore et il craignit d'être tenté de prendre un peu de cet argent pour lui. Il décida donc de se rendre à Lyozna le plus vite possible afin de ne pas garder dans sa maison ce qui pourrait devenir un piège!
En arrivant chez le Rabbi, il posa la bourse sur la table et expliqua que, comme sa situation financière n'était plus ce qu'elle était, il avait préféré se dépêcher d'apporter l'argent de peur d'être tenté d'y toucher pour ses besoins personnels et n'avait pas attendu l'émissaire.
Rabbi Chnéour Zalman lui dit d'ouvrir la bourse: tous deux remarquèrent que les pièces brillaient d'un éclat particulier, elles étincelaient comme si elles sortaient de la forge et n'avaient jamais été utilisées. Reb Gabriel n'arrivait pas à s'expliquer un tel phénomène.
Quant au Rabbi, il resta un moment pensif, en regardant fixement les pièces. Puis il leva la tête et dit: "Lorsque les Juifs ont été invités à construire le Tabernacle, la demeure de D.ieu sur terre, ils ont apporté de l'or, de l'argent et du cuivre. Aucun de ces matériaux ne brillait, à part les miroirs que les femmes donnèrent de bon cœur et avec lesquels on construisit le bassin de purification. Ce bassin a été construit en dernier alors que c'était le premier objet dont les Cohanim devaient se servir avant de procéder aux sacrifices. Car "le début rejoint la fin". Dis-moi, je t'en prie, d'où vient cet argent!"
Confus, Reb Gabriel se vit obligé de raconter au Rabbi ses problèmes d'argent, comment sa femme s'était dévouée, était immédiatement partie vendre ses perles et ses bijoux et lui avait recommandé d'apporter immédiatement l'argent au Rabbi.
Rabbi Chnéour Zalman écouta attentivement tous les détails puis dit: "Que D.ieu te donne, à toi et à ton épouse, des fils et des filles, une bonne santé et une longue vie pour voir des petits-enfants et des arrière-petits-enfants.
Et que D.ieu vous donne, et vous donne encore et encore, la réussite dans tout ce que vous entreprendrez et puissiez-vous trouver grâce auprès de tous ceux qui vous approchent. Ferme ton magasin, et occupe-toi du commerce des perles et des pierres précieuses!"
Stupéfait et heureux de cette magnifique bénédiction, Reb Gabriel rentra chez lui et raconta à sa femme ce qui était arrivé; il lui demanda comment il se faisait que les pièces brillaient de cette façon.
Hanna Rivka répondit qu'elle avait frotté les pièces avec du sable jusqu'à ce qu'elles étincellent comme les étoiles du ciel, afin que D.ieu les prenne tous deux en pitié et que le Rabbi les tire de cette mauvaise situation, afin que leur "Mazal", leur sort se remette à briller.
Reb Gabriel ferma son magasin, se mit à acheter et à vendre perles et pierres précieuses et s'enrichit prodigieusement. Les nobles de la région de Vitebsk devinrent ses clients attitrés. Un an plus tard, sa femme donnait naissance à leur fils aîné: 'Haïm. Reb Gabriel continua de s'enrichir et d'être aimé de tous, à tel point qu'on l'appela: "Reb Gabriel Nossé 'Hène", celui qui trouve grâce aux yeux de tous.
Durant quarante ans, il continua son commerce et fut béni de tous. Il maria ses enfants avec des enfants des personnalités juives des environs. Puis il leur laissa le soin de continuer ses affaires et se retira pour se consacrer à l'étude de la Torah et à des actes de bienfaisance.
Sa maison était toujours ouverte aux pauvres et aux invités et, grâce à lui, la communauté 'hassidique de Vitebsk s'épanouit et devint florissante.
Que son souvenir soit béni.