Guimel Tamouz

Si'ha du Rabbi

Discours Hassidique Chabbat Parchat Tetsavé 5741

1. Le Zohar enseigne que : " le Juste qui quitte ce monde se trouve, dans tous les mondes, plus que de son vivant ", y compris en ce monde non uniquement " plus ", mais même sans aucune commune mesure avec la situation préalable. En effet, l'Admour Hazaken explique :

A) " Lorsque le Juste vit sur la terre ", son existence s'introduit dans ' le réceptacle et le vêtement de son corps ", de sorte que l'on ne peut en recevoir qu'un reflet. A l'opposé, en quittant ce monde, il est libéré de ce réceptacle. De ce fait, on peut ensuite obtenir la quintessence de la vie du Juste.

B) Quand le Juste quitte ce monde, " son esprit et son âme réintègrent leur source ". C'est alors le Juste tel qu'il est en sa source que l'on peut percevoir ici-bas.

Il en résulte que le décès du Juste présente deux aspects opposés. D'une part, son retrait physique correspond à une élévation morale, étape après étape, jusqu'à sa source première, jusqu'à l'essence qui ne peut se révéler. De ce point de vue, le Juste cesse effectivement de se dévoiler dans ce monde. Mais, d'autre part, c'est alors l'essence de ce Juste qui se trouve dans tous les mondes à la fois, y compris celui-ci("). Ce que l'on reçoit de lui est donc " plus que de son vivant ".

2. Ce qui vient d'être dit nous permettra de comprendre pourquoi l'on fait allusion au décès de Moché précisément en ne citant pas son nom dans la Parchat Tetsavé('). On peut, en effet, s'interloger, à ce sujet. Même si le nom de Moché n'est pas clairement(s) mentionné dans cette Paracha, on y trouve de nombreux versets qui parlent de lui, qui font référence à lui. De fait, les premiers mots de ce texte s'adressent à lui : " Et, toi, tu ordonneras ". Par la suite, plusieurs autres Injonctions sont également faites à Moché.

Bien plus, le fait de ne pas mentionner le nom du Juste va à l'encontre de son décès, car, lorsque celui-ci quitte le monde, son nom et ses actions ne sont nullement remis en cause. Ils sont immuables et nul ne les oublie, ce qu'à D.ieu ne plaise. Car, seul son corps(9) disparaît du monde. Dès lors, comment penser que l'on fait allusion au décès de Moché en ne citant pas son nom.

Plus encore, les Injonctions faites à Moché, dans la Parchat Tetsavé, sont introduites par : " tu ordonneras ", " tu feras ", " tu prendras ". Elles sont donc formulées à la seconde personne, alors que dans beaucoup d'autres passages, y compris à proximité de la Parchat Tetsavé, par exemple à la fin de la Parchat Michpatim, le nom de Moché est nommément cité, mais, pour autant, on parle de lui à la troisième personne, comme s'il était absent.

L'explication est, en fait, la suivante. Le nom de l'homme n'exprime pas l'essence de sa personnalité. Il n'intervient que dans la relation avec l'autre, afin de pouvoir être appelé par lui. Un homme seul, en revanche, n'a nul besoin d'un nom°10>. Du reste, l'enfant reçoit son nom quelques jours après sa naissance, alors qu'il possède l'existence depuis le premier instant et qu'aussitôt, selon la Torah, il est en mesure de recevoir un héritage. A l'opposé, quand on s'adresse à quelqu'un à la seconde personne, en lui disant " tu ", on fait appel à l'essence même de sa personne.

Il en est donc de même pour Moché. Son nom lui fut donné quelques temps après sa naissance. Bien plus, il ne fut pas appelé(" Moché par ses parents, mais parla fille du pharaon, " car je l'ai tiré des eaux "(11). Telle est donc l'allusion au décès de Moché qui figure dans la Parchat Tetsavé. En quittant ce monde, celui-ci s'éleva vers l'essence de sa personne, bien au-delà de son nom, lequel n'apparaît donc pas dans la Parchat Tetsavé(13). Pour autant, il " assume encore sa fonction 11(14) , bien plus, il le fait par toute l'essence de lui-même, " comme il se trouve là-haut "(15). De ce fait, il est "présent" dans la Parchat Tetsavé(16) et l'on peut s'adresser à lui à la seconde personne , " et, toi tu ordonneras " , faisant ansi véritablement référence à son essence, comme le souligne le Kéli Yakar (17)


(1) Tome 3, page 71b. Voir Iguéret Ha Kodech, chapitre 27 et son commentaire.
(2) Voir Iguéret Ha Kodech, à la même référence.
(3) Voir Iguéret Ha Kodech, dans le commentaire.
(4) Dans ce texte, c'est, en effet, à la quintessence de l'âme que l'Admour Hazaken fait allusion.
(5) Voir le Sidour de l'Admour Hazaken, porte de Lag Baomer, page 304b-c.
(6) Voir Iguéret Ha Kodech, au chapitre 28: " Il accomplit des merveilles jusqu'au fin fond de la terre ".
(7) Voir également le Likouteï Si'hot, tome 16, à partir de la page 350.
(B) Voir, à ce sujet, le Likouteï Si'hot, tome 21, à partir de la page 173.
(9) Voir, dans Iguéret Ha Kodech, le commentaire du chapitre 27, selon lequel la vie du Juste, qui n'est pas physique, mais bien morale, subsiste dans le monde, même après son décès.
(10) Voir le Torah Or, au début de la Parchat Terouma et le Likouteï Torah, Parchat Behar, page 41c.
(11) Voir le Midrash Vaykra Rabba, chapitre 1, paragraphe 3, selon lequel " Moché avait dix noms ".
(12) Chemot 2, 10.
(13) Ceci peut être rapproché de la raison pour laquelle le Nom de D.ieu n'est pas mentionné dans la Meguilat Esther. En effet, celle-ci est liée à l'Essence de D.ieu, à Laquelle aucun signe ne peut faire allusion, selon le Torah Or, Meguilat Esther, page 100b et, dans les additifs, page 121c. On verra aussi le Likouteï Si'hot, tome 6, pages 189 et 194, tome 21, à partir de la page 201. En outre, le traité Meguila 13b établit un lien entre le 7 Adar, date de la naissance et du décès de Moché et la fête dé Pourim.
(14) Traité Sotta 13b. Sifri, Parchat Bera'ha 34, 5 et début de l'introduction du Rambam au commentaire de la Michna.
(15) Selon les termes du Rambam, à cette référence. Le Sifri dit : " Il effectue son service là-haut ".
(16) Voir également aussi le Meor Enaïm, à la Parchat Tetsavé.
(17) Au début de la Parchat tetsavé. Voir le discours 'hassidique intitulé : " Voici le staut de la maison " , de 5689, publié dans le Séfer Ha Maamarim Kountrassim, tome 1, chapitre 11, pages 174 et 177.