Samedi, 31 janvier 2015

  • Bechala’h
Editorial

 Un 10 Chevat pour notre temps

C’est une évolution naturelle : le temps passe et les émotions les plus fortes s’estompent peu à peu. Les graves événements que nous avons collectivement traversés échappent difficilement à cette règle même si les drames dont ils ont été porteurs empêchent que le processus soit trop rapide. Du reste, les déploiements sécuritaires, évidemment nécessaires, y contribuent largement. Pourtant, il nous faut continuer notre chemin. Et nous ne devons pas le faire comme par obligation ou faute d’un autre choix. Il nous appartient de poursuivre la route  avec toute la force, tout l’enthousiasme de ceux qui savent qu’ils détiennent les secrets de la victoire éternelle. Certes, cette victoire-là ne sera pas celle de l’épée mais bien celle de l’esprit. Elle n’en sera que plus grande, le peuple juif l’a toujours su au long de son histoire.

Pour cette raison, le bonheur d’être juif est constamment en nous, avec cette forme de joie et d’assurance que seule peut donner la conscience de ses choix et de leur portée. Décidément, notre peuple avance dans sa voie éternelle et rien ne saurait l’en détourner. Justement, cette semaine nous célébrons le 10 Chevat – à la fois jour-anniversaire du départ de ce monde du précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak, et date à laquelle lui succéda son gendre, le Rabbi. On a sans doute du mal aujourd’hui à ressentir les choses comme en cette époque déjà si lointaine. Nous sommes alors en 1950 ; cinq années seulement se sont écoulées depuis la Shoah. Nul n’ose envisager alors ce que sera l’avenir et l’optimisme n’est généralement guère de mise quand il s’agit du judaïsme. Dès son arrivée aux Etats-Unis, Rabbi Yossef Its’hak avait clairement annoncé son projet : mettre à bas une certaine désespérance, redonner vigueur à la vie juive sur cette terre nouvelle. Mais en 1950, après l’obscurité profonde descendue sur le monde, qui pouvait imaginer un développement réel ?

Le Rabbi sait, dès le premier jour, répondre aux questions du temps. Il sait aller à la rencontre de chacun. Il sait dire que le judaïsme a des messages importants à transmettre. Et ses mots sont entendus et ils rendent un sens aux choses. C’est tout cela que nous célébrons le 10 Chevat et cette célébration prend encore plus de relief à présent. Des barbares se sont levés et ils croient pouvoir répandre frayeur et désespoir. La puissance du 10 Chevat est là et la force investie par le Rabbi nous y est transmise. Laissons-la entrer en nous, nous pénétrer. C’est vers le temps de Machia’h qu’elle nous conduit, où seules règneront la paix et la sérénité. 

Etincelles de Machiah

 Un petit instant

Quand le Machia’h viendra, il apparaîtra comme toute la si longue période d’exil aura été, en fait, très courte. C’est à ce sujet que le prophète Isaïe (54:7) dit : « Un petit instant, Je t’ai abandonné et avec une grande miséricorde Je te rassemblerai. »

Lorsque la « grande miséricorde » de la Délivrance se révèlera, chacun verra que l’exil n’aura finalement constitué qu’un « petit instant ».

(D’après Séfer Hamaamarim 5700 p. 10) 

Vivre avec la Paracha

 Bechala’h : Les femmes et la sortie d’Egypte

La dimension féminine

Nos Sages enseignent que Chir Hachirim, «le Cantique des Cantiques», ne doit pas être compris dans son sens littéral mais comme une allégorie décrivant la relation qui se développe entre D.ieu et Sa promise, le Peuple Juif. Les différentes phases de rapprochements et de séparations, relatées dans ce texte, servent d’analogie pour les états d’exil subis par notre peuple et les rédemptions qu’il a vécues et vivra.

Le concept même de la rédemption est intrinsèquement lié aux femmes. L’exprimant en termes d’émanations divines, les Sefirot, la Cabbale explique que la Sefira de Mal’hout (littéralement «la souveraineté») reflète la dimension féminine. Durant les périodes d’exil, Mal’hout est dans un état d'abaissement et ne reçoit pas le déversement direct d’énergie spirituelle dont elle bénéficie ordinairement de la part des autres Sefirot avec lesquelles elle est liée. Métaphoriquement, cet état décrit l’obligation pour la femme d’être séparée de son mari. Inversement, à l’Ere de la Rédemption, «une femme de valeur (sera) la couronne de son mari» (Michlé 12 :4 ; Yirmiyahou 31 :21) ; la source supérieure de Mal’hout se révélera alors, le lien direct entre Mal’hout et les autres Sefirot sera rétabli et Mal’hout deviendra une source d’une importance vitale, ranimant la totalité de l’existence.

Ces concepts se sont reflétés tout au long de l’histoire juive. Nos Sages enseignent que «par le mérite des femmes vertueuses, les Juifs furent délivrés d’Egypte» (Sotah 11b) et il en va de même pour les générations postérieures. Quant au futur, il nous a été promis : «comme aux jours de votre sortie d’Egypte, Je vous (au peuple) montrerai des merveilles». Le AriZal écrit que la génération de la Rédemption ultime sera une réincarnation de la génération de l’Exode d’Egypte. Puisque la Rédemption future suivra le même modèle que la rédemption archétypale, elle surviendra également par le mérite des femmes justes de cette génération.

Un foyer pour la famille : un Sanctuaire pour D.ieu

Le rôle du Peuple juif, la fiancée de D.ieu, et tout particulièrement des femmes juives, dans la préparation du monde pour la Rédemption, est analogue à celui de la femme dans son propre foyer. Nos Sages nous enseignent que D.ieu créa le monde pour qu’Il puisse avoir une résidence parmi les mortels. Cet idéal sera complètement réalisé à l’Ere de Machia’h.

Développons cette analogie : une personne ne désire pas seulement posséder une résidence mais elle souhaite qu’elle soit accueillante et décorée avec goût. Il revient conventionnellement à la femme d’enjoliver l’environnement du foyer. Par le même biais, dans la mission de faire de ce monde une Résidence pour D.ieu, c’est la femme juive qui le rend attrayant et lumineux.

Ce rôle éminent, que jouent les femmes dans le monde, doit se retrouver dans leurs activités à l’intérieur de leur propre maison. C’est très largement grâce aux efforts de la maîtresse de maison que chaque foyer est transformé en «un sanctuaire en microcosme», un lieu où se révèle la Divinité, d’une manière qui est parallèle et conduit à la révélation qui se répandra dans le monde entier à l’Ere de Machia’h.

Ces efforts se retrouvent, non seulement dans l’influence spirituelle qu’instille une femme dans le foyer, mais également dans la manière dont elle dessine son intérieur. En effet, c’est elle qui s’assure que chaque membre de la maisonnée possède un Sidour, un ’Houmach, un Tanya, une boîte de Tsedaka bien mise en évidence. C’est elle qui décore la chambre de ses enfants de symboles juifs comme un Chir HaMaalot. Tous ces efforts concrets témoignent de la manière dont le Judaïsme imprègne même l’environnement matériel dans lequel nous vivons.

Eclairer la maison : illuminer le Sanctuaire

L’on se réfère à Chabbat comme à un «microcosme du Monde Futur» et réciproquement, l’Ere de la Rédemption est évoquée comme «le Jour qui sera entièrement Chabbat et un repos éternel pour la vie». Au niveau de notre monde, c’est la maîtresse de maison, qui fait pénétrer l’atmosphère du Chabbat en allumant les bougies. Dans cet esprit, pour rappeler l’analogie avec le monde comme Résidence de D.ieu, c’est donc à la femme qu’il revient de faire entrer la lumière de la Rédemption dans le monde.

En fait, cette mitsva elle-même, l’allumage des bougies de Chabbat, est un moyen puissant pour parvenir à cette fin. Car la lumière visible, générée par les bougies, reflète la manière dont chaque mitsva, et dans un sens plus large chaque acte positif entrepris par un Juif, comme une parole amicale ou un acte bienveillant, augmente la lumière Divine dans le monde.

Les femmes comme ferment de la Libération

Les efforts des femmes juives pour servir d’éléments catalyseurs de la Rédemption ont des précédents historiques. Au cours de l’exil égyptien, c’est Myriam qui relaya la prophétie qu’un sauveur se lèverait. Et même lorsque les dirigeants de cette génération n’entrevoyaient pas l’issue de la servitude et de l’oppression, elle propagea l’espoir et la confiance dans son peuple.

Quand sa mère fut obligée de placer Moché, le futur sauveur des Juifs, sur le Nil, son père, Amram, s’approcha d’elle et lui demanda : «Quel sera le résultat de ta prophétie ? Comment pourra-t-elle s’accomplir ?».

Miryam resta sur les rives du Nil et se tint à distance pour voir ce qui lui arriverait. Nos Sages expliquent qu’outre son appréhension pour le futur de son frère, elle se souciait du sort de sa prophétie. Comment réellement la Rédemption pourrait-elle se produire ?

Dans son sens métaphorique, le récit s’adresse à toutes les femmes juives, celles qui vivent aujourd’hui et celles dont les âmes sont dans le royaume spirituel. Concernées par l’avenir du Peuple Juif, elles attendent la Rédemption avec impatience et anxiété : ad mataï ! Combien de temps encore le Peuple peut-il rester en exil ?

Célébrer en avance

L’impatience empreinte d’anxiété pour la Rédemption, que ressentirent Miryam et toutes les femmes juives en Egypte, trouva son équivalent dans les célébrations pleines d’exultation qui furent les leurs quand s’amorça la Rédemption, après les miracles de la Mer Rouge. Après que les hommes se furent joints à Moché Rabbénou dans le chant, les femmes se mirent à chanter et à danser, remerciant D.ieu dans un esprit de réjouissance qui dépassa celui des hommes (Chemot 15 :20).

(Cette description de leur joie atteste également de la foi profonde inhérente aux femmes juives. Les commentaires de ce verset relatent que lorsque les femmes de l’époque se préparèrent à quitter l’Egypte, elles étaient si sûres que D.ieu accomplirait des miracles pour leur peuple dans le désert, qu’elles prirent des tambourins pour pouvoir se réjouir, le moment venu.)

Dans un avenir très proche, notre peuple célébrera la venue de la Rédemption ultime et «le Saint béni soit-Il fera une danse pour les justes. Nous pouvons dores et déjà avoir un avant-goût de cette célébration imminente. Bien que nous soyons toujours en exil, la confiance en une Rédemption imminente doit nous inspirer de la joie. Car le Peuple Juif a achevé tout le service divin nécessaire pour faire venir le Machia’h. Pour emprunter une analogie à nos Sages, «la table est déjà dressée pour le festin célébrant la Rédemption, tout a déjà été servi et nous sommes assis avec Machia’h. Il ne nous reste qu’à ouvrir les yeux».

Exprimer cette joie démontre la force de notre confiance dans la promesse de la Rédemption et l’expression de cette foi hâtera, à son tour, sa réalisation. Et alors, «couronnés d’un bonheur éternel», nous nous dirigerons ensemble «avec nos jeunes et nos anciens… avec nos fils et nos filles», chantant, «un chant nouveau pour notre Rédemption et la délivrance de nos âmes».

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que Tou Bichevat ?

Le 15 («Tou») du mois juif de Chevat est un jour particulier : il est un des quatre «Roch Hachana» (début de l’année), en l’occurrence le Roch Hachana des arbres. On ne récite pas la prière de Ta’hanoune (supplication).

Ce mardi 3 février au soir et mercredi 4 février 2015, on mangera davantage de fruits, en particulier des fruits qui font la fierté de la terre d’Israël : blé, orge, raisin, figue, grenade, olive et datte. On s’efforcera également de manger des caroubes ainsi que des fruits nouveaux. On n’oubliera pas de réciter les bénédictions adéquates avant et après manger.

On aura soin de prélever la «Terouma» et le «Maasser» des fruits provenant d’Israël.

La Torah compare l’homme à un arbre des champs : lui aussi est supposé produire des fruits, c’est-à-dire des Mitsvot, des bonnes actions. De même que le fruit peut produire des arbres qui produiront des fruits etc., de même nos Mitsvot entraînent d’autres Mitsvot, encouragent d’autres Juifs à assumer leur judaïsme, à retrouver leurs racines et à s’enraciner dans un sol riche d’étude de la Torah et de pratique des Mitsvot. C’est ainsi que le peuple juif se perpétue, se développe et produira d’autres fruits.

À Tou Bichevat, nous mangeons des fruits, nous «produisons» des fruits, nous plantons des graines de bonnes actions.

Le Recit de la Semaine

 A qui ai-je l’honneur de parler ?

Après le séminaire pour enseignantes d’écoles juives, je fus engagée à l’école Loubavitch de Londres et j’eus aussi l’occasion de me rendre à New York pour rencontrer le Rabbi. J’avais voyagé avec Madame Shagalov mais j’étais entrée seule dans le bureau du Rabbi. Il était assis derrière une table sur laquelle s’entassaient des piles de lettres venues du monde entier et je fus stupéfaite de le voir prendre justement ma lettre de cette pile énorme ! Elle se trouvait au milieu de ce tas mais il savait exactement où elle était !

Il commença : «J’ai lu votre lettre mais vous n’avez pas indiqué toutes vos activités !». Et il se mit à toutes les énumérer : des cours, des groupes d’Oneg Chabbat, des clubs pour les petites filles… Moi je n’avais rien écrit de tout cela !

Et il continua : «Cela fait beaucoup en quantité. Vous avez non seulement la quantité mais aussi la qualité parce que tout ce que vous enseignez aux enfants, c’est de la qualité ! C’est très bien !».

Le Rabbi me donna aussi des conseils pour ma santé – j’avais beaucoup de problèmes d’oreilles au point que je suis complètement sourde d’une oreille – et il demanda des nouvelles de mes parents : il me demanda comment cela se passait à la maison car j’étais devenue pratiquante tandis que mes parents ne l’étaient pas encore.

Ensuite, je sortis et Madame Shagalov entra. Elle me raconta par la suite que le Rabbi lui avait aussi demandé comment cela se passait avec mes parents – s’ils étaient gentils avec moi et me laissaient pratiquer le judaïsme comme il convient. Madame Shagalov l’assura que tel était le cas.

Il se produisit quelque chose d’étrange pour elle : elle avait écrit sur un papier tout ce qu’elle voulait demander au Rabbi et lui avait tendu ce papier comme le veut la coutume. Le Rabbi répondit à toutes ses questions, une par une.

Ce n’est que quand elle sortit de son bureau qu’elle réalisa qu’elle avait encore dans son sac le papier qu’elle avait écrit pour le Rabbi et qu’elle ne le lui avait pas du tout donné ! Elle ne lui avait tendu que la liste des commissions !

Elle était horrifiée par son étourderie. Mais, en même temps, elle était stupéfaite que le Rabbi ait connu tous ses problèmes et lui ait répondu comme si elle lui avait tendu le vrai papier !

Quand je retournai en Angleterre, les gens commencèrent à m’encourager à accepter des propositions de mariage. Mais je ne me sentais pas encore prête. Néanmoins, on me proposa de rencontrer un certain jeune homme et la rencontre s’avéra fructueuse. Le jeune homme écrivit au Rabbi pour demander son consentement au mariage et moi aussi, j’écrivis. Le secrétaire Rav Groner téléphona au jeune homme : il avait reçu une réponse positive mais moi, j’avais reçu une réponse négative ! Les personnes concernées estimèrent que j’avais mal entendu et me demandèrent de rappeler New York pour obtenir des clarifications.

Quand j’appelai et expliquai le problème à Rav Groner, il me demanda d’attendre un moment. Puis une autre voix se fit entendre à l’autre bout du fil : «Au jeune homme, j’ai dit oui, parce que votre caractère lui convient et il doit chercher quelqu’un qui vous ressemble. Mais pour vous, j’ai répondu non parce qu’il n’est pas pour vous !»

Étonnée, je demandai avec la politesse anglaise si caractéristique :

- A qui ai-je l’honneur de parler ?

- Rabbi Schneersohn !

Je tentai de comprendre ce qui se passait :

- Vous voulez dire… le Rabbi ? demandai-je, estomaquée.

- Oui, le Rabbi ! répondit-il.

J’avoue qu’il me fallut un certain temps pour assimiler tout cela !

Puis il ajouta :

- Je voudrais vous prévenir encore d’autre chose : vous ne devez pas encore vous intéresser au mariage. Avec l’aide de D.ieu, vous rencontrerez la personne qui convient plus tard et vous vous marierez. Mais ce n’est pas encore le moment !

Je le remerciai et la conversation était terminée.

Sur le coup, je ne réalisai pas vraiment que ce qui m’était arrivé était absolument inhabituel. Mais je réalise maintenant combien j’ai eu de la chance de recevoir tant d’attention de la part du Rabbi. Je venais d’une famille pauvre, pas pratiquante et le Rabbi avait veillé personnellement à ce que j’emprunte le bon chemin. Maintenant que je suis devenue une Chlou’ha (émissaire du Rabbi) à Birmingham depuis 1974, je lui en suis pour toujours reconnaissante.

Leah Rivka Arkush – JEM

Traduite par Feiga Lubecki