Samedi, 15 janvier 2022

  • Bechala’h
Editorial

 10 Chevat, l’enthousiasme au cœur

Et si l’on parlait, une fois n’est pas coutume, d’une « histoire ancienne » ? Cela se passait en 5711 – 1951, il y a soixante-et-onze ans. Dans ce monde si proche encore des horreurs de la guerre, la communauté juive cherchait partout les chemins de sa reconstruction. Le précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, avait quitté ce monde le 10 Chevat de l’année précédente. Dès son arrivée aux Etats-Unis, dix ans plus tôt, il avait posé les principes de son action, en avait jeté les bases. Il y avait tant à faire. Son décès avait bouleversé chacun : qu’allait-il arriver ? L’œuvre pourrait-elle continuer sans son inspirateur ? Un an était donc passé et personne ne pouvait envisager la poursuite de cette longue incertitude. Le 10 Chevat 1951 arriva alors et tous surent que le gendre du précédent Rabbi, Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, acceptait de prendre la fonction de Rabbi de Loubavitch. Ce jour-là, un nouveau temps commença, comme une nouvelle naissance.

Ce n’est décidément pas le terme d’ancien qui convient pour qualifier cette histoire. Dès sa première prise publique de parole, celui que tous allaient bientôt connaître sous le simple nom de « Rabbi » indiquait la voie à suivre. S’adressant à chacun, il confia une « mission » qui ne devait plus s’interrompre : aller à la rencontre de l’autre, partager le judaïsme avec lui, donner accès à la tradition juive à tous ceux que les circonstances en avaient privé, faire progresser chacun, et le monde avec lui, jusqu’à l’accomplissement ultime : la Délivrance. Par delà toutes les multiples vicissitudes des temps, cette mission est celle qui continue de conduire l’effort de tous. Elle commença il y a à présent soixante-et-onze ans.

Soixante-et-onze ans, est-ce, pour une telle entreprise, l’âge du repos, le temps d’un retrait quelconque de l’impétuosité de l’action ? En aucun cas. Car ce qui est vivant ne peut jamais que grandir et se développer. C’est même là sans doute le trait marquant de la vie. Alors que tant d’années se sont écoulés depuis la prise de fonction du Rabbi, que cette éternité d’initiatives a profondément fait évoluer le judaïsme mondial, le 10 Chevat est le jour privilégié où, prenant pleinement en charge la tâche qui nous incombe, nous en concrétisons tous les possibles, jusqu’au cœur : l’avènement des temps messianiques.

Etincelles de Machiah

 Quand le Chabbat viendra

A propos du verset (Exode 20 : 8) « Souviens-toi du jour du Chabbat pour le sanctifier », Rachi écrit : « Souviens-toi du jour du Chabbat constamment de telle sorte que, si tu trouves quelque chose de spécial (pendant la semaine), mets-le de côté pour Chabbat ».

Il en est de même pour la Délivrance future. Même si nous sommes encore en exil, nous devons toujours garder en tête la venue de la Délivrance et nous y préparer car (Talmud, traité Tamid) « ce jour sera entièrement Chabbat et repos pour l’éternité ».

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, 11 Sivan 5744)

Vivre avec la Paracha

 Bechala’h

A peine a-t-il permis aux Enfants d’Israël de quitter l’Egypte que le pharaon se lance à leur poursuite pour les obliger à revenir. Le peuple hébreu se trouve pris au piège entre les armées égyptiennes et la mer. D.ieu dit à Moché de lever son bâton au-dessus de l’eau et la mer s’ouvre pour permettre au Peuple juif de passer puis elle se referme sur les assaillants égyptiens. Les Enfants d’Israël entonnent un chant de louange et de gratitude en l’honneur de D.ieu.

Dans le désert, le peuple souffre de faim et de soif et se plaint sans cesse à Moché et Aharon. D.ieu adoucit miraculeusement les eaux amères de Mara et par la suite, Moché fait jaillir de l’eau d’un rocher, en le frappant de son bâton. Grâce à son mérite, la Manne tombe des Cieux, chaque matin avant l’aube, et des cailles apparaissent, chaque soir, dans le camp d’Israël.

Les Enfants d’Israël reçoivent l’instruction de ramasser, chaque vendredi, une double portion de la Manne, puisqu’elle ne tombera pas le Chabbat, décrété par D.ieu comme jour de repos. Certains désobéissent, veulent en ramasser le septième jour mais n’en trouvent pas. Aharon préserve une petite quantité de Manne dans une fiole, comme témoignage pour les générations futures.

A Refidim, le peuple est attaqué par Amalek qui est vaincu grâce aux prières de Moché et une armée levée par Yehochoua.

Un nom devrait en dire beaucoup

La répartition de la Torah en lectures hebdomadaires n’a pas été faite fortuitement, pas plus que le choix des noms de ces lectures n’est issu du hasard. Le nom de chaque Paracha renferme en lui son résumé et exprime son thème fondamental.

La lecture de cette semaine comprend de nombreux épisodes significatifs, démontrant l’amour de D.ieu pour le Peuple juif et la réponse que Lui adressent les Juifs. Elle relate certains des plus extraordinaires miracles de toute l’histoire de notre peuple : l’ouverture de la Mer Rouge, la Manne et la victoire sur Amalek. Et en ce qui concerne la réponse des Juifs, elle inclut le Chant de la Mer Rouge, une reconnaissance si puissante de la Main de D.ieu qu’elle permit, même à l’homme le plus simple, d’atteindre le niveau de la prophétie.

Et pourtant, la nature extraordinaire de ces événements ne semble pas se refléter dans le nom de la Paracha. Ce Chabbat est appelé Chabbat Chira, « le Chabbat du Chant », pour rappeler le chant lors de la traversée de la Mer Rouge mais le nom de la Paracha, Bechala’h, signifie « quand il renvoya » et n’a apparemment pas de référence évidente avec ces faits. C’est même tout le contraire puisque Bechala’h a une connotation négative, impliquant que nous avons dû être renvoyés d’Égypte contre notre volonté. La Torah attribue le « renvoi » au Pharaon, comme pour dire que c’est lui qui nous motiva à quitter l’Égypte !

Pourquoi ce fut le Pharaon qui renvoya les Juifs ?

Décrire le Pharaon comme agent de l’Exode souligne l’un de ses objectifs et fait allusion à notre mission ultime dans la création. Pour mettre l’accent sur ce point, D.ieu avait dit à Moché au tout début du processus de la Rédemption : « Avec une main puissante, [le Pharaon] les renverra de son pays. »

Car le but de la création est de transformer ce monde matériel et tout ce qu’il renferme en une résidence pour D.ieu. Cela inclut ces éléments-mêmes qui, a priori, s’opposent aux forces de la sainteté. En fin de compte, tout ce qui existe servira un objectif positif.

Dans certaines situations, comme ici, avec le Pharaon, il faut d’abord passer par une transformation. Dans leur statut originel, de tels êtres ne peuvent servir un dessein positif et ainsi, « leur destruction est leur purification », c’est-à-dire que ce n’est que lorsqu’ils sont brisés que leur nature positive peut se révéler.

Ce concept est mis en valeur par les Prophéties qui déclarent : « Et Je débarrasserai la terre des animaux dangereux. » Nos Sages interprètent ces paroles comme signifiant que les animaux seront transformés de sorte qu’ils ne feront plus de mal, comme il est écrit : « le loup résidera avec l’agneau. » A l’ère du bien absolu, les prédateurs continueront à exister mais « ils ne prendront plus de proies ni ne détruiront. » Leurs tendances négatives seront éliminées.

L’intention de D.ieu dans le processus créatif n’était pas simplement de révéler la lumière illimitée dans l’existence matérielle. Le cas échéant, Il n’aurait pas créé un monde matériel dans la mesure où les révélations sont bien plus intenses dans les royaumes spirituels.

Son but n’était pas non plus de simplement annihiler les influences de ces entités qui s’opposent à la sainteté, car alors, leur création aurait été vaine. Mais le désir de D.ieu était plutôt que chaque aspect de l’existence fasse partie de Sa résidence. Et tout comme une résidence humaine révèle le caractère de son propriétaire, chaque élément de la résidence Divine a pour but de révéler une facette différente de Son Être.

Comme un avant-goût de cet état final, le nom de notre Paracha se concentre sur la transformation du Pharaon. Les autres miracles mentionnés impliquent également la négation d’influences indésirables et/ou l’expression de forces spirituelles extraordinaires, mais en dirigeant notre attention vers le rôle que joua le Pharaon en renvoyant les Juifs, le nom Bechala’h met en évidence le message que l’élément le plus pervers soit-il peut, malgré tout, générer des influences positives.

Regarder au-delà de l’exil

Cependant, une question reste toujours non résolue : pourquoi était-il nécessaire que le Pharaon renvoie les Juifs d’Égypte ? Et pourquoi n’étions-nous pas pressés de partir ?

L’on peut avancer qu’il n’y avait aucune raison de se précipiter. Après les plaies initiales, plus de six mois avant l’Exode, l’esclavage des Juifs avait pris fin. Ils vivaient dans une région prospère et les Égyptiens étaient prêts à leur donner tout ce qu’ils voulaient. En outre, ils étaient également nourris spirituellement, car nos Sages relatent que les Yechivot n’avaient pas cessé de fonctionner tout au long de l’exil égyptien. Pourquoi donc auraient-ils désiré s’en aller ? Qu’avaient-ils à gagner ?

Nos Sages déclarent que tous ceux qui ne voulaient pas partir étaient morts au cours de la plaie de l’obscurité. Tous ceux qui restaient voulaient donc s’en aller. Ils avaient pris conscience que vivre en exil, même dans la sécurité et la prospérité n’est pas le but d’un Juif.

Pourquoi donc le Pharaon dut-il nous forcer à nous en aller ?

Faire surgir une volonté supérieure

On peut répondre à cette question en s’appuyant sur un concept parallèle. D.ieu avait promis à Moché qu’Il donnerait la Torah aux Juifs, comme il est écrit : « Après que tu auras conduit le peuple hors d’Égypte, vous servirez D.ieu sur cette montagne. » (Chemot 3 : 12). Les Juifs s’étaient réjouis de cette promesse et avaient impatiemment compté les jours jusqu’à ce que cela s’accomplisse. Quand ils atteignirent le Mont Sinaï, ils y campèrent dans un esprit d’unité. Et pourtant, nous lisons que « D.ieu tint le mont Sinaï au-dessus d’eux », les obligeant apparemment à recevoir la Torah. S’ils étaient si impatients, pourquoi cela était-il nécessaire ?

L’idée ici est qu’il existe différents niveaux de désir. D.ieu voulait que les Juifs acceptent la Torah avec un engagement absolu, avec des sentiments extrêmement puissants, comme si leur vie en dépendait. Nous ne sommes pas capables d’atteindre ce niveau d’engagement tout seuls. Il fallait donc que D.ieu nous permette d’atteindre ce sommet par des moyens extérieurs.

Il en va de même pour l’Exode. D.ieu voulait que les Juifs désirent la liberté avec une volonté plus qu’ordinaire. C’est ainsi qu’Il fit surgir des circonstances qui éveillèrent en eux un engagement qui les dépassaient.

La force tranquille

Bechala’h nous propose également une leçon dans nos relations avec autrui. Chaque Juif possède un désir intérieur de se conformer à la Torah et aux Mitsvot. Cependant, pour que ce désir s’extériorise dans un acte, la présence d’un ami est souvent nécessaire pour le conduire gentiment à un niveau plus profond de sa volonté.

Ce concept est lié à la Rédemption. En effet, l’une des qualités que manifestera le Machia’h sera une aptitude à « obliger tout Israël à renforcer son observance de la Torah. »

Pourquoi « obliger » ? Parce que le Machia’h révélera un niveau de l’âme qui nous motivera à un engagement qui surpasse notre volonté individuelle. Nous sentirons que quelque chose qui nous dépasse nous propulse en avant et nous pousse à faire des efforts positifs.

L’expression de cet engagement permettra à son tour au Machia’h d’accomplir sa mission, « menant les guerres de D.ieu… et y réussissant, construisant le Beth Hamikdach sur son site, et rassemblant ceux qui restaient dispersés en Israël. » Que cela ait lieu dans un futur immédiat !

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que Tou Bichevat ?

Lundi 17 janvier 2022, c’est Tou Bichevat, le Roch Hachana, le nouvel an des arbres.

On ne récite pas la prière de Ta’hanoun (supplications).

Dimanche soir 16 janvier et lundi 17 janvier, on consomme de nombreux fruits, en particulier ceux qui représentent la fierté de la Terre Sainte, qui sont cités dans le verset de la Torah : « blé, orge, raisin, figue, grenade, olive et datte. En cette année de Chemita, on vérifiera que les fruits qui viennent d’Israël possèdent un certificat de cacherout attestant que ces fruits sont aptes à la consommation. On s’efforcera également de manger des caroubes ainsi que des fruits nouveaux qu’on n’a pas encore consommés cette année. On veillera à réciter les bénédictions adéquates avant et après manger. On profitera de cette belle occasion pour tenir des réunions joyeuses et productives sur le plan des bonnes résolutions - dans le respect des règles sanitaires.

La Torah compare l’homme à un arbre des champs : lui aussi est supposé produire des fruits, c’est-à-dire des Mitsvot, des bonnes actions. De même que le fruit peut produire des arbres qui produiront des fruits etc…, de même nos Mitsvot entraînent d’autres Mitsvot, encouragent d’autres Juifs à assumer leur judaïsme, à retrouver leurs racines et à s’enraciner dans un sol riche d’étude de la Torah et de pratique des Mitsvot. C’est ainsi que le peuple juif se perpétue, se développe et produira d’autres fruits.

A Tou Bichevat, nous mangeons des fruits, nous « produisons » des fruits, nous plantons des graines de bonnes actions.

Le Recit de la Semaine

 « Va prier ! »

« Passeport ! »

Le ton était sans appel, l’ordre avait été aboyé fermement pour déstabiliser le passant, certainement un contrevenant aux ordres des autorités.

Barou’h Shifrin leva les yeux de sous sa casquette et se figea. Devant lui, se trouvait un soldat armé jusqu’aux dents, vêtu d’un épais manteau bardé de médailles, l’air menaçant et décidé. On était à Leningrad, pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que la ville subissait un siège féroce : la famine régnait, les destructions étaient énormes et l’armée allemande resserrait son étau sur une population affolée et sans défense.

Barou’h n’avait pas de quoi réchauffer sa famille ni même de la nourrir alors que le froid s’intensifiait. Comme tous les autres habitants de la ville, il avait du mal à garder espoir.

On était Chabbat matin et Barou’h se dirigeait vers la synagogue ; sous son manteau, il portait son Talit (châle de prière). A peine s’était-il éloigné de cinquante mètres de sa maison, qu’il avait été arrêté par ce soldat qui voulait vérifier ses papiers. Or, même s’il avait possédé des papiers en règle, il n’aurait pas pu les porter sur lui Chabbat. Si jamais il prétendait les avoir oubliés chez lui, le soldat risquait de vouloir le raccompagner chez lui et il n’aurait rien pu lui montrer. Ne sachant quoi répondre, il préféra se taire.

- Et où vas-tu ? insista l’homme en colère.

- A la synagogue !

- Et pourquoi donc ?

- Pour prier, simplement.

- Qu’as-tu dans les poches ?

Barou’h retourna ses poches, vides bien entendu. Il expliqua qu’un Juif pratiquant ne porte aucun objet sur lui le jour de Chabbat : « Camarade soldat, si vous voulez venir chez moi, je vous montrerai mes papiers » lâcha-t-il finalement.

Mais le soldat s’intéressait déjà à autre chose et posa les yeux sur le Talit : « C’est quoi ça ? » s’étonna-t-il.

A ce moment, Barou’h se souvint d’un épisode qui s’était produit avec son Rabbi, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn (1880 - 1950) :

C’était du vivant de son père, Rabbi Chalom Dov Ber. Celui-ci avait appris que le mouvement des Maskilim (qui cherchait à « moderniser » le judaïsme) avait l’intention de s’attaquer à la manière traditionnelle d’éduquer les enfants et entendait proposer des « améliorations » au mode de vie selon la Torah. Dans cette optique, leur représentant Mel Kreps de la ville de Harson avait préparé un épais dossier démontrant la nécessité de réformer tout cela et s’était rendu à St Petersburg, la capitale de la Russie d’alors. Rabbi Chalom Dov Ber avait demandé à son fils, Yossef Its’hak, d’user de toutes les stratégies possibles à Petersburg pour contrecarrer ce projet. L’affaire devait s’effectuer dans la plus grande discrétion : c’est pourquoi son épouse devait l’accompagner afin de donner l’apparence d’un voyage à visée médicale pour ne pas éveiller des soupçons.

Rabbi Yossef Its’hak séjourna quelques jours dans la ville mais, malgré tous ses efforts, ne parvint pas à annuler le projet. Déçu, il retourna à Loubavitch pour rapporter à son père qu’il n’avait pas réussi dans la mission qu’il lui avait confiée. Quand il entra dans son bureau, il trouva son père qui se préparait pour la prière du matin, le Talit sur l’épaule pour vérifier un à un que les Tsitsits (franges rituelles) n’étaient pas enchevêtrés ou déchirés. Le Rabbi ne commenta pas le récit de son fils et répondit par une histoire :

Un jour, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi (le premier Rabbi du mouvement Loubavitch) avait chargé d’une certaine mission son fils, le futur Rabbi Dov Ber. Lui aussi n’avait pas réussi et, à son retour, avait trouvé son père, Rabbi Chnéor Zalman en train de vérifier les Tsitsits de son Talit avant la prière. En entendant le rapport de son fils, Rabbi Chnéor Zalman avait remarqué :

- Tu vois, c’est un Talit. Un Talit apporte une « lumière enveloppante » qui aveugle les yeux des éléments extérieurs mal intentionnés.

Cette définition suffit au jeune fils du Rabbi qui embrassa les Tsitsits de son père et reprit la route, déterminé. Et cette fois-ci, il réussit brillamment.

Quand Rabbi Chalom Dov Ber raconta cette histoire, son fils comprit l’allusion. Il saisit les Tsitsits du Talit que son père portait sur les épaules, les embrassa et retourna immédiatement à St Petersburg. Il se rendit à l’hôtel où résidait ce M. Kreps et demanda à le rencontrer. Celui-ci l’accueillit avec tous les honneurs. Ils discutèrent courtoisement pendant une heure ; l’homme se vanta du dossier qu’il se préparait à remettre aux autorités contre les « fanatiques entêtés de l’orthodoxie juive » : ainsi, enfin, le gouvernement apporterait des changements et du « progrès » dans l’enseignement juif traditionnel.

Rabbi Yossef Its’hak demanda à jeter un coup d’œil sur ces documents. L’homme s’empressa de les lui remettre et, sans même les consulter, Rabbi Yossef Its’hak les déchira.

- De quel droit agissez-vous ainsi ? protesta, atterré, M. Kreps. Ces feuilles sont le fruit de mois de travail ! Je ne pourrai pas les reproduire à temps pour les présenter à la réunion avec le gouvernement !

Furieux, il s’emporta et frappa le jeune Rabbi au visage. Celui-ci s’empressa de sortir de l’hôtel et retourna à Loubavitch annoncer à son père le succès de sa mission.

Effectivement, les Maskilim (adversaires du judaïsme traditionnel) ne purent pas se remettre de cet épisode. Quant à M. Kreps, il attrapa le typhus et décéda quelques temps plus tard.

Quand le soldat avait demandé à Barou’h ce que représentait le Talit qu’il portait sous son manteau, celui-ci se souvint de cette histoire et se contenta de répéter :

- Ce sont des Tsitsits… des Tsitsits… des Tsitsits… Un Juif s’enveloppe dans ce vêtement et peut ainsi prier son D.ieu…

- Bon, va prier ! concéda le soldat. Mais fais attention à toi la prochaine fois, ne sors pas sans tes papiers d’identité…

Mena’hem Shaikevitz – Si’hat Hachavoua N° 1825

Traduit par Feiga Lubecki