Semaine 43

  • Beréchit
Editorial
Après l’effervescence

Que ressent-on lorsque les fêtes sont passées ? Comment reprend-on le chemin du monde après un mois de célébrations? Comment retrouver ses repères dans la matérialité de la vie alors que celle-ci n’a été que spiritualité pendant la période aujourd’hui écoulée ? Sans doute, ces questions affleurent, plus ou moins lancinantes, dans l’esprit de tous. Sans doute appartient-il à chacun d’y trouver sa propre réponse. Pourtant, il existe des idées indispensables qui nous éclairent la voie.
La métaphore est connue : dans les temps passés, de grandes foires régulières étaient organisées. Les commerçants s’y rendaient pour s’y approvisionner et c’était, pour eux, un rendez-vous essentiel. En effet, c’était là, et nulle part ailleurs, qu’ils pouvaient acheter ce dont ils allaient avoir besoin ensuite pendant l’année, jusqu’à la prochaine foire. Il est certainement inutile de décrire le sentiment d’urgence qui les animait. Ils achetaient tout ce qui pouvait leur paraître d’une quelconque utilité, amoncelaient les paquets sans même vraiment être conscients de ce qu’ils contenaient. Puis venait le temps du retour. Arrivés chez eux, le calme revenu, ils défaisaient leurs bagages et y rangeaient ce qu’ils avaient rapporté, sachant pouvoir le trouver quand la nécessité s’en ferait sentir.
Nous venons de vivre, de manière très similaire, une suite d’expériences spirituelles uniques : depuis la solennité de Roch Hachana et de Yom Kippour jusqu’à la confiance et l’allégresse de Souccot et de Sim’hat Torah. La période a été d’une telle richesse spirituelle que nous avons amassé plus que ce que nous imaginions. Nous voici de retour après l’effervescence. C’est le moment de “défaire nos paquets”. C’est le moment de prendre conscience que de nouvelles forces sont en nous et qu’elles nous permettront de vivre une année belle et intense, une année où le lien avec D.ieu sera d’une puissance incomparable et où ce fait seul assurera à tous le bonheur, la sérénité et la paix.
Il ne reste plus qu’à avancer sur le chemin.
Etincelles de Machiah
La première danse

Souccot est "le temps de notre joie", Sim'hat Torah, celui où nous dansons avec la Torah. A cette occasion, il convient de s'interroger sur les danses que la venue de Machia'h suscitera. A ce propos, Rabbi Its'hak Eizick de Homil déclara :
Lorsque le Machia'h viendra et que les morts ressusciteront, se relèveront alors les Patriarches, les enfants de Jacob, fondateurs des tribus d'Israël, Moïse et Aaron. Se relèveront aussi les Prophètes, les Sages du Talmud et les Justes de toutes les générations. Tous se réjouiront avec les Juifs simples.
La première danse, c'est Moïse qui la conduira avec ces Juifs simples. C'est en effet sur eux que tient la Torah et non sur les érudits qui développent leurs commentaires. Quant à la véritable danse, c'est le roi David qui la mènera avec ces Juifs qui récitent des Psaumes.
(D'après les lettres du précédent Rabbi de Loubavitch, vol. VI, p. 371)
Vivre avec la Paracha
Beréchit : les affaires de D.ieu

“Venez voir les actions de D.ieu, Son complot effrayant pour les enfants de l'homme” (Psaumes 66 : 5).
Et la femme vit que l'arbre était bon à manger et elle prit de ses fruits et en mangea ; et elle en donna aussi à son époux et il en mangea avec elle (Genèse 2 : 6).

Le but d'une aventure commerciale est de faire des profits. Aucun homme d'affaire qui se respecte n'investirait un capital et ne consacrerait du temps et des talents quand les comptes ne montrent pas une véritable possibilité de bénéfices.
Et pourtant, les bénéfices les plus importants doivent être récoltés sous les conditions même que l'homme d'affaire responsable cherche le plus à éviter: à la suite de développements tout à fait imprévisibles, dans des environnements sur lesquels il n'a aucun contrôle et dans lesquels son aventure tout entière, et peut-être sa propre personne, sont menacés.
C'est pourquoi l'on peut dire que l'esprit de l'homme d'affaire opère à deux niveaux. Au niveau manifeste, il cherche la stabilité et le contrôle. A ce niveau, "être pris au dépourvu" jette l'anathème sur les affaires.
Tout en sachant que chaque aventure comporte une part de risques, son but est de les empêcher, d'éviter l'imprévisible, d'avoir un plan d'action pour toute éventualité. Mais à un niveau plus profond, subconscient, l'homme d'affaire aspire à l'imprévisible. Au plus profond de son cœur, il veut être pris par surprise, être plongé dans les circonstances que la structure de ses affaires cherche à éviter. Car là et seulement là, réside le potentiel de profits plus grands qu'aucun analyste ne pourrait envisager.
A ce niveau, si "tout va selon le plan prévu", ce serait une déception plutôt qu'un accomplissement. Ce sont des scénarii qu'il n'osera jamais présenter à ses investisseurs, ni même à son moi conscient. Mais en dernière analyse, ce sont ces mêmes possibilités se cachant derrière les chiffres et les projets officiels qui constituent la plus grande motivation pour laquelle il s'est engagé dans les affaires.

Le complot effrayant
Nos Sages nous disent que "le royaume des Cieux est semblable au royaume de la terre", que les structures de la société humaine et les modes de comportement humain reflètent la manière dont le Créateur établit un rapport avec Son monde et le dirige.
D.ieu opère selon une stratégie empruntée au monde des affaires: la Torah qui est "le plan de D.ieu pour la création" définit le "profit" que le Créateur veut tirer de Son entreprise. Les lois de la Torah détaillent ce qui devrait et ce qui ne devrait pas être fait, et ce qui devrait et ne devrait pas arriver, pour sauvegarder l'investissement divin dans la création et assurer sa rentabilité.
Mais au premier jour des affaires de l'histoire, le plan alla de travers. Adam et Eve, en mangeant du fruit de l'Arbre de la Connaissance violèrent la première Mitsva, le premier commandement de D.ieu. Leur acte mit en péril l'aventure tout entière, laissant un chaos de bien et de mal déferler sur le monde sous contrôle et organisé dans lequel ils étaient nés.
Et pourtant, nous disent nos Sages, c'était "le plan effrayant de D.ieu pour les enfants de l'homme". "C'est Moi qui les ai fait pécher, en créant en eux un penchant vers le mal" admit D.ieu devant le Prophète Elie.
Car c'est le processus de la Techouva ("retour") du péché qui apporte le plus grand profit dans l'entreprise de la vie. Il n'existe aucun amour plus fort que l'amour ressenti de loin et de plus grande passion que la quête du retour à une maison abandonnée et à un moi qui s'est aliéné. Quand le lien de l'âme avec D.ieu s'est étiré au point de rupture, la force qui le rattache à sa source est plus grande que tout ce qui peut être produit par l'âme qui ne quitte jamais l'orbite divine. Et quand une âme qui a erré jusqu'aux recoins les plus éloignés de la vie, et a exploité tout l'aspect négatif et vil de son environnement, ressent l'impulsion de retourner à D.ieu, elle élève ces parties de la Création qui résident derrière le cadre d'une vie vécue dans la droiture.
C'est là "le complot effrayant" contre les enfants de l'homme: créer un homme avec une inclination au mal, de sorte que lorsqu'il y succombe, il renoue avec D.ieu dans un amour plus grand et des ressources rachetées, générés par une vie maintenant en conformité avec la Volonté Divine.
Toutefois, il est sûr qu'on ne peut dire que D.ieu voulait que l'homme pèche: un péché est, par définition, un acte que D.ieu ne veut pas. De plus, si le "plan" de D.ieu était que l'homme pèche, cela soulève la question de savoir ce qui serait arrivé si Adam et Eve n'avaient pas choisi de manger des fruits de l'Arbre de la Connaissance. Le but de D.ieu dans la Création aurait-il été accompli?

Ce que désire D.ieu
Tout comme dans le cas de l'homme d'affaire conventionnel, il existe deux niveaux de "motivation" derrière l'acte divin de création.
Au niveau manifeste, le monde fut destiné et créé pour accomplir le plan indiqué par la Torah. Ce plan appelle l'existence d'une inclination au mal dans le cœur de l'homme pour que notre conformité à la volonté divine ait du sens et de la signification.
Selon les paroles de Maïmonide: “La liberté est donnée à chaque homme: s'il désire suivre le droit chemin et être une personne juste, le choix de le faire est entre ses mains; et s'il désire suivre la voie du mal et devenir un être vil, le choix de le faire est entre ses mains… C'est un principe majeur et une base de la Torah et des commandements… Car si D.ieu devait décréter qu'une personne soit bonne ou vile ou s'il existait dans l'essence de l'individu quelque chose qui le force à emprunter telle ou telle voie,… comment D.ieu aurait-Il pu nous commander par Ses Prophètes "fais cela" et "ne fais pas cela"? Quelle place aurait occupé la Torah tout entière? Et selon quelle justice D.ieu aurait-Il puni les méchants et récompensé les bons?”.
Ce plan ne requiert pas l'existence du mal, mais seulement le potentiel de son existence. Il nous est possible de violer la Volonté divine, pour que le fait que nous ne le fassions pas soit pour nous un triomphe moral et une source de plaisir pour D.ieu. Il faut qu'il nous soit possible de ne pas faire le bien, pour que nos bonnes actions aient une valeur et un sens. Les risques doivent être présents, ils sont ce qui rend l'aventure valorisante et jouable, mais le but de tout cela, c'est qu'ils soient évités.
Mais au niveau "subconscient" plus profond, D.ieu complote pour que l'homme succombe au péché. Ce n'est pas ce qu'Il désire et c'est même une déviance de Sa Volonté expresse. Mais quand cela arrive, cela libère une richesse de possibilités qui sont infiniment plus efficaces que tout ce que le plan "officiel" aurait pu permettre. Et ce sont ces possibilités se cachant derrière les calculs et les projets officiels qui constituent Sa motivation ultime pour laquelle Il s'est investi dans “l'affaire” de la vie humaine.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que Roch ‘Hodech ?

Le premier jour du mois hébraïque (“Roch ‘Hodech”) est fixé d’après le “Molad”, le renouvellement de la lune et selon des calculs complexes (qu’on peut étudier dans les “Lois de la consécration de la lune” de Maïmonide). Si le mois compte 29 jours, le mois suivant ne comptera qu’un jour de Roch ‘Hodech. Si le mois compte 30 jours, le dernier jour du mois et le premier jour du mois suivant seront Roch ‘Hodech ; cette année, dimanche 26 octobre et lundi 27 octobre 2003, c’est Roch ‘Hodech Mar’hechvane.
On ne prononce pas les prières de supplication (“Ta’hanoun”) depuis l’après-midi de la veille de Roch ‘Hodech.
Les femmes évitent de faire lessive, repassage et couture à Roch ‘Hodech. On prononce les prières de louanges (petit “Hallel”), on lit dans le rouleau de la Torah le passage relatif aux sacrifices qu’on offrait Roch ‘Hodech dans le Temple de Jérusalem (Nombres 28). Puis on procède à l’office de Moussaf.
On intercale dans la “Amida” et la prière après le repas le passage “Yaalé Veyavo’h” pour rappeler les mérites du peuple juif en ce jour particulier et demander la bénédiction pour le mois qui commence. Si on a oublié ce passage le soir (Maariv) ou dans la prière après le repas, on ne recommence pas. Mais si on l’a oublié dans les autres prières, on devra recommencer la “Amida”.
On ne jeûne pas et on a même coutume de manger davantage le jour de Roch ‘Hodech :
- en l’honneur de ce jour particulier
- pour se souvenir des prières et sacrifices spécifiques de ce jour
- en souvenir du repas qu’offrait le grand Sanhédrine aux témoins oculaires qui avaient fait l’effort de se rendre rapidement à Jérusalem pour signaler l’apparition de la nouvelle lune.
Le Baal Chem Tov avait coutume de tenir une réunion ‘hassidique en l’honneur de Roch ‘Hodech.

F. L. d’après Rav Yossef Guinzbourg
De Recit de la Semaine
SAUVER DES AMES, SAUVER UNE VIE

Le dimanche après-midi 6 juillet 2003, j’achevais une mission réussie de trois semaines en Israël. J’avais donné conférences et interviews, j’avais rencontré des personnalités gouvernementales et j’avais distribué des milliers de fascicules en hébreu avec des réponses claires et détaillées aux arguments fallacieux des missionnaires. Notre organisation “Jews for judaism”, créée pour parer au prosélytisme chrétien avait, en son temps, reçu la bénédiction du Rabbi de Loubavitch.
Avec ma femme Dévorah et notre fils, je revenais en voiture de la ville du nord, Safed, vers Tel-Aviv. Vers 16 h, nous avons décidé de nous arrêter pour une pause. Juste avant le carrefour de Zikron Yaacov, nous avons quitté l’autoroute 70 et nous avons dévié vers un petit restaurant à 25 m de là. Alors que nous sortions du véhicule, nous avons entendu une voiture freiner à mort: nous avons tourné la tête vers l’autoroute pour apercevoir un terrible accident. Un taxi roulant à grande vitesse avait percuté un piéton qui marchait le long de la route. Je vis et j’entendis l’impact: le piéton fut projeté dans les airs, effectua un vol plané au-dessus de la voiture et atterrit, tête la première, sur le trottoir…
J’avais été aumônier de la Police durant plus de dix ans à Los Angeles et j’avais déjà affronté de nombreuses situations de crise. Ma formation avait inclus des stages de premiers secours et grâce à cela, je ne paniquai pas. Les gens alentour étaient choqués, incapables d’agir, mais je pris immédiatement l’initiative : ils coururent dans le restaurant appeler l’ambulance.
Je courus les 25 mètres vers le lieu de l’accident, j’enjambai le parapet et m’agenouillai près de la victime. C’était une adolescente de 14 ans, qui ne bougeait plus. Couchée sur le côté, elle saignait de la tête et de la bouche. Un ancien parachutiste, officier de l’Armée de l’Air israélienne, me rejoignit. Dany Eytan avait lui aussi assisté à l’accident tandis qu’il roulait en sens inverse. Tous les deux, nous avons vérifié la respiration et le pouls. Rien. Nous nous sommes alors relayés pour tenter de lui rendre la respiration. Nous avons réussi à la ramener à la vie.
Je vérifiai alors qu’il n’y avait pas d’autres lésions. Un médecin arriva et s’occupa de la victime. Je pus alors m’occuper de ses trois amies : elles tremblaient et pleuraient sans arriver à se contrôler. Je les guidai vers le restaurant, leur apportai de l’eau fraîche et les encourageai à espérer pour le mieux. Elles m’apprirent que la victime s’appelait Hadass: je fis une brève prière en mentionnant son nom et laissai les adolescentes en compagnie de mon épouse qui est psychothérapeute.
Pour protéger Hadass du soleil brûlant, je fis confectionner un parasol avec une grande caisse en carton. Je surélevai la tête d’Hadass pour empêcher tout traumatisme supplémentaire. Elle tentait d’enlever ma main, mais, avec l’aide d’autres volontaires qui maintinrent ses mains, je réussis à stabiliser sa tête et son cou. Je l’appelai doucement par son prénom et l’encourageai en la rassurant jusqu’à ce qu’arrive l’ambulance.
Après le départ de l’ambulance, Dany, qui n’était apparemment pas pratiquant se tourna vers moi et déclara: “Je n’étais pas supposé me trouver ici à ce moment”. Je répondis que moi non plus, d’ailleurs le “raccourci” que m’avait conseillé au matin, Reb Chaoul Leiter de Safed m’avait mené sur neuf routes différentes jusqu’à ce que j’arrive sur le lieu de l’accident.
“Le Baal Chem Tov a enseigné que tout arrive sous l’effet de la Providence Divine car c’est D.ieu qui dirige les pas de l’homme” remarquai-je. Dany et moi, nous nous sommes embrassés au milieu de la route; trop émus par ce que nous venions de vivre, nous avons éclaté en sanglots, sachant que D.ieu nous avait guidés ici pour sauver une jeune vie. Je proposai à Dany de mettre les Téfilines pour le mérite de la guérison rapide et complète d’Hadass, il accepta de bon cœur. Nous nous sommes promis de rester unis, quoi qu’il arrive, pour la vie.
Après quatre jours de soins intensifs à l’hôpital, Hadass fut déclarée hors de danger. Elle est maintenant rentrée à la maison et, selon ses parents reconnaissants, sa convalescence est en bonne voie.
La Providence Divine nous avait placés Dany et moi au bon endroit et au bon moment. J’avais pensé me rendre en Israël pour combattre des activités missionnaires et sauver des âmes juives de la conversion. Qui aurait pu imaginer que j’avais été envoyé à cet endroit précis pour sauver la vie d’Hadass?

Rav Ben Tsion Krawitz – Los Angeles – @jewsforjudaism.org
traduit par Feiga Lubecki