Samedi, 10 janvier 2015

  • Chémot
Editorial

 Question de temps

Les rythmes sociaux ont une réelle importance. Ils dépassent largement la simple convention communément admise. Ils sont comme une pulsation profonde que chacun est convié à accepter comme une respiration naturelle. C’est ainsi que, pendant les jours écoulés, l’activité générale s’est ralentie pour laisser place à une sorte de plage temporelle indéterminée. Passage de l’année civile, réjouissances obligées, vacances attendues : toutes les raisons sont là pour donner fondement légitime à ce ralentissement. Et pourtant la vie continue...

De fait, la tradition juive ignore ce type de pause. Pour elle, il ne saurait y avoir de trêve car chaque jour est porteur de sens. Chaque jour recèle des opportunités uniques qui attendent de chacun qu’il les utilise au maximum de leur puissance. Il est dit du premier de nos ancêtres, Abraham, qu’il était « avancé en âge » et les commentateurs de préciser la portée du propos : il n’avait laissé aucun jour sans y accomplir l’œuvre spirituelle qui était attendue de lui. Sa vie était donc complète, chargée de toutes les significations qui lui appartenaient. En notre temps, de tels points de repère font sans doute cruellement défaut. Le monde qui nous entoure nous invite souvent à laisser passer le temps alors qu’il faudrait retrouver le goût de l’initiative, en quelque sorte le faire activement passer en lui donnant un but.

Notre époque présente ainsi un aspect paradoxal. A bien des égards, elle porte à l’inquiétude et nombreux sont ceux qui s’interrogent sur ce que sera demain. Mais, d’un autre côté, elle déploie les attraits du confort et de la facilité, même relatifs. Il nous faut regarder tout cela avec les yeux de notre longue histoire. Il nous appartient d’agir, ici et maintenant, dès à présent. Il nous revient de faire de l’endroit où nous vivons un lieu de paix et d’harmonie pour tous. Par notre vie toujours en mouvement, par nos actions toujours positives et par notre confiance en D.ieu inébranlable. Cela résonne comme un pari ? Et si nous le prenions comme une assurance...

Etincelles de Machiah

 Plus grand que Moïse

Machia’h a une certaine supériorité même sur Moïse. Au début du texte de la Torah (Gen. 1 : 2), il est dit : «Et l’esprit de D.ieu planait…». A ce sujet, Les Sages enseignent (Berechit Rabba 2 : 4) : «Ceci fait allusion à l’esprit de Machia’h». Puis le verset continue : «…sur la face des eaux» ; ceci dénote un degré plus élevé que celui de Moïse qui reçut ce nom car «je t’ai tiré des eaux».

C’est la raison pour laquelle cet exil est si long – pour que ce niveau si élevé soit enfin atteint.

(d’après les Maamarim de l’Admour Hazakène sur les Parchiot, p.237)

Vivre avec la Paracha

 Chemot : Le défi, la croissance et la transition

Le paradoxe de l’exil

L’exil constitue un défi : D.ieu y est comme caché. Nous devons donc réveiller nos ressources spirituelles les plus profondes et renforcer notre attachement à Lui. Cette idée se retrouve dans la Paracha de cette semaine qui décrit les descentes successives vécues par le Peuple Juif en Egypte. Tant que Yossef et ses frères vivaient, les Juifs jouissaient de prospérité et de sécurité. Mais avec la mort du dernier fils de Yaacov, les travaux forcés firent irruption, on jeta dans le Nil les nouveau-nés et survinrent d’autres actes d’une cruauté inouïe. Et quand Moché apporta la promesse de la rédemption, l’oppression du Peuple Juif s’accrut encore au point que Moché lui-même s’écria : «Depuis que je me suis rendu chez le Pharaon pour parler en Ton nom, il a fait du mal à ce peuple» (Chemot 5 : 23).

Cependant, la Torah évoque également comment les Juifs implorèrent D.ieu, attirant Son attention (Chemot 2 : 2 3-24). En réponse, D.ieu transmit la promesse de la rédemption et l’engagement que «lorsque tu sortiras ce peuple d’Egypte, tu serviras D.ieu sur cette montagne» (Chemot 3 :12). En d’autres termes, D.ieu s’engagea à donner la Torah aux Juifs. Cela révéla la possibilité d’un lien plus élevé et plus profond avec D.ieu, rapprochement qui n’aurait pu être atteint auparavant.

L’histoire d’un nom

Ces deux pôles se retrouvent dans le nom de notre Paracha, Chemot, qui signifie «noms». Il existe deux dimensions dans le nom d’une personne. D’un côté, il représente les aspects extérieurs de son être, ce qui apparaît dans le fait que le nom de quelqu’un est nécessaire dans sa relation avec autrui. Il n’a pas besoin d’un nom pour lui-même. Cela va même plus loin ; plusieurs individus, avec des personnalités totalement différentes, peuvent partager le même nom, ce qui démontre que, du moins apparemment, le nom ne décrit pas qui nous sommes réellement.

Cependant, comme l’écrit Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi dans le Tanya, un nom représente la nature d’une entité et sa force vitale. C’est un canal qui permet à cette nature intérieure de s’exprimer. Il ne s’agit pas simplement d’une idée théorique. Le nom affecte la conduite quotidienne. Nous observons que lorsque nous appelons une personne par son nom, nous attirons son attention. Plus encore, quand un homme s’évanouit, souvent il suffit de murmurer son nom à son oreille pour qu’il se réveille.

Lions ces observations aux concepts d’exil et de rédemption. Tant que n’est révélée que l’expression extérieure du nom des Juifs, il leur est possible d’être subjugués par les forces matérielles. Mais quand c’est l’essence du nom des Juifs, Israël, qui s’exprime, il n’y a aucun potentiel pour l’exil. Car le nom Israël indique que «nous avons combattu D.ieu et avec les hommes et avons gagné» (Beréchit 32 :29).

Cela souligne la différence fondamentale entre l’exil et la rédemption. L’exil ne représente pas, en effet, un changement dans l’essence de notre relation avec D.ieu. De Sa perspective, même en exil nous sommes «(Ses) enfants et (nous) changer pour une autre nation, Il ne le peut» (Kidouchin 36a). Et en ce qui concerne le Peuple Juif, nos Sages commentent le verset «je dors mais mon cœur est éveillé» (Chir Hachirim 5 :2) ainsi: «bien que je dorme en exil, mon cœur est éveillé pour le Saint béni soit-Il».

Quelle est la différence entre l’exil et la Rédemption ? Le fait que «notre nom est invoqué» et que nous répondions, c’est-à-dire que cette relation s’exprime ouvertement ou est cachée.

La destinée et la direction

Rien dans le cycle de l’exil et de la rédemption n’est dû au hasard. C’est un processus ordonné par D.ieu. Il désire que les Juifs atteignent des sommets dans le Service Divin et ainsi structura-t-Il les défis de l’exil pour nous obliger à exprimer notre potentiel spirituel le plus profond. Et Il nous donna la possibilité de les surmonter.

La Torah y fait allusion en mentionnant les noms des tribus, au début de la Paracha. Nos Sages expliquent que c’est un exemple qui nous montre la façon dont D.ieu chérit notre peuple : «Puisqu’ils sont comme des étoiles, Il appela chacun par son nom».

Dans la Loi de la Torah, nous rencontrons le principe selon lequel  une entité importante ne peut jamais être annulée». En répétant les noms du Peuple Juif, la Torah met l’accent sur leur importance pour D.ieu et assure que leur existence ne sera jamais annulée par l’exil.

La Torah ne mentionne pas le nom de notre peuple en tant qu’entité mais mentionne plutôt le nom de chacune des tribus, chacune représentant une approche différente du Service Divin. Cela attribue, non seulement à l’essence du Peuple Juif mais aussi à chaque approche individuelle, la force de supporter l’exil et de traverser cette expérience.

De l’exil à la rédemption

Le cycle de l’exil juif et de la rédemption est significatif pour le monde en général. Le but de la création est d’établir une résidence pour D.ieu. Elle est construite par l’engagement du Peuple Juif dans les différents aspects de l’expérience profane. Durant l’exil, les Juifs sont éparpillés dans différents pays et entrent en contact avec des cultures variées. Ainsi, le défi de l’exil renforce-t-il le lien avec D.ieu et élève-t-il également l’environnement, rendant manifeste la Divinité imprégnée dans notre monde.

La saga de l’exil et de la Rédemption n’est pas simplement une histoire qui appartient au passé. Bien au contraire, signe avant-coureur de la transition ultime de l’exil à la rédemption, elle affecte toutes les dimensions de notre existence présente. Pour emprunter une expression de Rabbi Yossef Its’hak (le Rabbi précédent) : «tout est prêt pour la Rédemption, les boutons eux-mêmes ont été polis». Il suffit que nous ouvrions nos yeux, reconnaissions les signes de l’influence de Machia’h et créions les moyens d’inclure l’humanité.

Le Coin de la Halacha

 Comment éduquer l’enfant à la «crainte de D.ieu» ?

Chaque enfant juif possède par essence la conscience que D.ieu existe ; cependant, cela ne suffit pas pour assurer qu’il mènera une vie saine avec pratique des Mitsvot et étude de la Torah. Pour cela, il est nécessaire de nourrir cette croyance innée :

- En racontant aux enfants, dès l’âge de six ans ou même avant, des histoires de nos Sages qui n’ont pas hésité à se sacrifier pour rester fidèles à la tradition juive, comme Rabbi Akiva, ‘Hanna et ses sept fils, les martyrs de l’Inquisition, des pogromes d’Europe et d’Afrique du nord ou de la Shoah…

- En expliquant les «merveilles de la Nature», aussi bien en biologie qu’en astronomie, médecine etc.

- En commentant la Michna (Avot 2 : 1) : «Sache ce qui est au-dessus de toi et ainsi, tu ne viendras pas à fauter : un œil qui voit, une oreille qui entend et toutes tes actions sont écrites dans le livre». Chacun doit être conscient qu’il existe un jugement et un Juge, que les bonnes actions sont toujours récompensées, tôt ou tard. Notre cerveau est limité et ne peut pas toujours comprendre les calculs de D.ieu mais le monde n’est pas une jungle, il est régi par des lois que nous devons étudier et appliquer.

- En insistant, à l’école, non pas tant sur les résultats aux examens et les notes mais aussi et surtout sur les bonnes relations avec les camarades et les professeurs, l’enthousiasme dans l’accomplissement des Mitsvot et l’étude de la Torah, le respect des autres et la bonne influence sur les autres élèves.

- En donnant soi-même l’exemple vivant de la joie de la Mitsva, du respect scrupuleux des lois et coutumes de la Torah et de la déférence vis à vis des Rabbanim et autres personnalités remarquables de la communauté.

F.L. d’après Rav Yossef Hartman – (Kétsad Ne’haneh eth Yaldénou)

Le Recit de la Semaine

 Un petit miracle à Tucson

Dernièrement, j’ai reçu un mail de Suzanne, une dame professeur de droit à l’Université d’Arizona. Voici ce qu’elle m’écrivait : «Je n’arrête pas de pleurer - de joie - depuis ce que vous m’avez raconté. Je suis bouleversée et vous écris maintenant à travers mes larmes – alors que je suis en pleine journée de travail à l’Université».

Quelques minutes plus tôt, je lui avais appris que je revenais de la Brit Mila (circoncision) du fils d’Andrew. Andrew est une des stars montantes de l’équipe de football américain «Wild Cats». J’avais alors rappelé par écrit à cette dame que c’était grâce à elle que j’avais fait connaissance d’Andrew un an plus tôt.

Voilà ce qui s’était passé : l’année dernière, à ‘Hanouccah, nous avions loué le zoo de la ville pour y organiser une journée juive inoubliable. Les arbres furent décorés avec des toupies lumineuses, des stands proposaient toutes sortes d’attractions et de jeux à thèmes juifs ; à l’entrée, nous avions érigé une énorme ‘Hanoukia. Mais nous n’avions pas encore trouvé de personnalité célèbre qui aurait l’honneur de l’allumer devant la foule.

Suzanne – le professeur dont je viens de parler – avait eu vent de notre «problème» et avait suggéré que nous nous adressions à Andrew qui se trouvait justement à Tucson avec son épouse. Ce fut elle qui nous arrangea un rendez-vous avec lui. Andrew accepta immédiatement mais nous demanda de lui indiquer exactement ce qu’il devait faire ou dire car il ignorait absolument de quoi il s’agissait.

Plus de cinq cents personnes arrivèrent pour l’événement ; Andrew lut les bénédictions d’une voix forte et émue à la fois après que nous lui ayons fait répéter des centaines de fois «le texte» de la prière. Son épouse Ashley se tenait dans la foule, les yeux brillant de bonheur et de fierté : «Mes parents viennent d’une grande famille juive marocaine, nous apprit-elle ; actuellement, ils habitent dans le Maryland. Ils seront très fiers d’apprendre qu’Andrew a prononcé les bénédictions !». Elle promit de rester en contact avec nous.

Quelques mois plus tard, Ashley m’informa qu’elle attendait un heureux événement. Après la naissance, elle m’informa du jour et de l’heure de la Brit Mila et je m’y rendis, muni bien évidemment de mes Téfilines. J’aidai les deux grands-pères à les mettre puis les proposai à Andrew, le père de l’enfant. Une fois de plus, Andrew accepta tout en m’informant que je devais lui indiquer exactement ce qu’il convenait de faire car il ne savait pas du tout comment agir. Je lui demandai si c’était la première fois et, un peu honteux, il répondit par l’affirmative. Je répondis que c’était moi qui avais honte de ne jamais les lui avoir proposés auparavant !

Son père intervint dans la discussion : «Non ! C’est moi qui ai honte de ne jamais avoir fêté la Bar Mitsva de mon cher fils !». Il se tourna vers son fils et déclara : «Je te promets que je vais t’acheter une paire de Téfilines ! Excuse-moi pour le retard !».

Maintenant tous pleuraient – de joie bien sûr et d’émotion ! Les Mazal Tov fusaient de partout : pour l’enfant qui entrait dans l’alliance d’Avraham notre père mais aussi pour son père qui devenait Bar Mitsva le jour-même !

Suzanne aussi était émue aux larmes en entendant comment se réalisait – grâce à elle finalement – le dicton : «Une Mitsva entraîne une autre Mitsva» !

Cette année, nous avons loué un parc encore plus grand pour toutes nos activités de ‘Hanouccah. Andrew y était. Mais il avait déjà allumé sa propre ‘Hanoukia chez lui, aux côtés de sa femme et de son bébé. En prononçant les bénédictions avec bien plus d’aisance que l’année dernière !

Au fait, vous ne m’avez pas demandé le prénom du bébé : il s’appelle Nissim (miracles) !

 
Rav Yehuda Leib Ceitlin – Kfar Chabad N° 1583

Traduit par Feiga Lubecki