Semaine 2

  • Chémot
Editorial
L’unité : une idée nouvelle

Parfois, on a l’impression que certaines idées sont d’une évidence si ancienne que leur texture même en paraît comme usée. On n’ose plus les manier qu’avec précaution tant elles ont été énoncées. Pourtant, si elles sont anciennes et bien souvent redites, c’est aussi parce qu’elles sont incontournables, mieux parce qu’elles sont indispensables tant à l’esprit qu’au cœur. C’est pourquoi il faut ici parler encore une fois d’unité.
C’est là un terme qui, si sous brièveté, cache une profondeur – on pourrait dire un poids – littéralement extraordinaire. C’est que le peuple juif est bien divers. Lorsque l’on considère son histoire, ce caractère l’a marqué très tôt, dès le début de la diaspora. Il n’est que naturel que la culture juive soit multiforme et que des traditions belles et différentes l’animent. De plus, les évolutions du monde global n’ont pas manqué d’affecter ses membres et, aujourd’hui, les modes de vie les plus dissemblables s’y retrouvent. Certes, le judaïsme, au sens traditionnel, en est, qu’on en ait conscience ou non, toujours le fondement. Mais les choix individuels, les façons de vivre se superposent et s’entrecroisent jusqu’à finir par constituer un très large éventail d’une essentielle et indestructible judaïté. C’est dire que, lorsqu’on regarde l’autre Juif, c’est elle qui apparaît d’abord. On appelle cela « âme juive » et, au-delà des contingences, elle fait de tous les parties prenantes d’un destin commun, les acteurs d’un projet qui les dépasse et qui commença avec la création de l’univers. C’est bien d’une sorte d’unité transcendante qu’il s’agit, comme une vision plus haute de la vie.
Pourquoi souligner à présent une telle idée ? C’est que la rumeur monte, sur cette terre d’Israël qui nous est si proche, d’affrontements entre des camps opposés sur des thèmes liés au judaïsme et à la manière de le vivre ensemble. Bien sûr, chacun y aura recours à ses arguments sans appel : la fidélité à la loi juive sans compromis pour les uns, la liberté individuelle pour les autres. On ressent bien que ces grandes et également légitimes invocations ne suffisent pas à épuiser le débat. Alors, faudrait-il se résigner aux combats stériles et aux invectives mutuelles ? N’est-il pas temps de revenir… justement à l’unité. Une idée ancienne ou plutôt éternelle… Il faut savoir lui redonner sa pleine place et sa pleine puissance, à commencer par ici et maintenant, en nous-mêmes, dans nos communautés. Le peuple juif n’est jamais si grand que quand il sait être vraiment lui-même, comme une unique entité tendue vers la réalisation ultime : la venue de Machia’h.
Etincelles de Machiah
Les demandes des Sages de la génération

Plus la génération est tardive et spirituellement basse, plus haute est la lumière divine qui se revêt dans les ordonnances des Sages de la génération.
C’est en effet justement par le respect de ces ordonnances que l’on parvient à toutes les révélations du temps de Machia’h.
(d’après Likoutei Si’hot vol. IV, p. 1089) H.N.
Vivre avec la Paracha
Moché : la naissance d’un chef

La Paracha Chemot est l’histoire d’une Galout, l’exil et l’esclavage des Enfants d’Israël en Egypte, dont nos Sages nous parlent comme le premier et le prototype de tous les exils et de toutes les persécutions que devrait subir le Peuple Juif. C’est aussi l’histoire de l’avènement du chef juif par excellence : Moché.
Tout ce que rapporte la Torah à propos de Moché peut servir de leçon pour le leadership juif. Il nous est relaté que la mère de Moché, Yo’hévède, naquit «entre les murs frontaliers» de l’Egypte quand la famille de Yaakov y parvint. Cela signifie que Yo’hévède n’appartenait ni à la «vieille génération» née en Terre Sainte, pour laquelle la Galout allait toujours rester un monde étranger et inconnu, ni à la génération née en Egypte pour laquelle cette situation représenterait un fait de la vie naturel et évident. Elle participait de ces deux mondes à la fois, ce qui signifie qu’elle possédait une connaissance intime des circonstances de l’exil tout comme la vision transcendante qui le supplante. Ainsi, Yo’hévède était-elle la femme dans le giron de laquelle serait formé celui qui allait sauver le Peuple d’Israël de cette Galout, la femme qui le guiderait.
Les circonstances de la naissance de Moché nous enseignent l’altruisme nécessaire chez un chef. Yo’hévède et son époux Amram s’étaient séparés lorsque le Pharaon avait décrété que tous les nourrissons hébreux seraient jetés dans le Nil. Leur fille aînée, Miryam, leur avait alors dit : «Votre décret est encore plus grave que celui du Pharaon : Pharaon veut décimer les garçons, votre action aboutira à la fin des enfants juifs.» Amram et Yo’hévède avaient alors réalisé qu’en tant que dirigeants dont les actions étaient imitées, ils devaient s’élever au-dessus du danger et de l’angoisse personnels suscités par le fait de mettre au monde des enfants juifs en ces temps terribles. Le résultat de leur remariage fut la naissance de Moché.

Le défenseur d’Israël
Le premier acte de Moché explicitement relaté par la Torah définit deux tâches essentielles du leader : défendre son peuple de la menace extérieure et sauvegarder son intégrité intérieure.
Le jour où il parvient à l’âge adulte, Moché «sort chez ses frères» et «voit leur affliction». Les années qu’il a passées à la cour royale n’ont en rien affecté son affinité avec cette tribu d’esclaves juifs ni sa sensibilité devant leur misère. Il voit un Egyptien frapper à mort un Juif. Il est forcé d’agir, sacrifiant, par cette action unique, sa vie privilégiée de membre de la classe régnante et unit ainsi son sort à celui de ses frères.
Le lendemain, il agit à nouveau, cette fois en intervenant dans une querelle entre deux Juifs. Il comprend devant ce désaccord que la source de leur asservissement n’est pas la force de l’Egypte mais leur propre disharmonie interne. La clé de la rédemption réside donc dans l’épanouissement d’une interdépendance et d’une responsabilité mutuelle parmi les membres de cette nation.
L’on pourrait s’attendre, après ces deux démonstrations de leadership, que Moché endosse immédiatement son rôle de dirigeant d’Israël. Mais il doit d’abord devenir un berger.

Le sacrifice ultime
Après de nombreuses années d’apprentissage et de formation, il est prêt. Il a été un bébé hébreu jeté dans le Nil, un enfant nourri par Yo’hévède, un jeune prince égyptien, un défenseur intrépide de son peuple, un partisan inconditionnel de l’unité juive, un berger dans le désert. D.ieu se révèle alors à lui dans le buisson : «J’ai vu l’affliction de Mon peuple, J’ai entendu leurs cris, Je connais leur souffrance. Je t’envoie les sauver. Va, sors-les d’Egypte et conduis- les au Mont Sinaï pour qu’ils deviennent Mon peuple élu. »
De façon très surprenante, Moché refuse.
Il ne fait pas que refuser. Pendant sept jours et sept nuits, il argumente avec D.ieu, lui présentant chaque excuse imaginable pour décliner cette mission, jusqu’à ce que «la colère de D.ieu éclate contre Moché».
Tout d’abord vient l’excuse de l’humilité :
- Qui suis-je pour aller chez le Pharaon et sortir les Enfants d’Israël d’Egypte ?
D.ieu clôt la discussion sur ce sujet :
- Je serai avec toi.
Même «le plus humble des hommes sur terre» peut-il alors plaider l’indignité ?
- Mais je ne connais pas Ton essence, dit Moché. Comment pourrais-je me présenter comme messager quand je ne peux expliquer la nature de Celui qui m’envoie ?
Alors D.ieu lui dit Qui Il est.
- Ils ne me croiront pas quand je dirai que c’est D.ieu Qui m’envoie !
D.ieu réprimande Moché pour dire du mal de Son peuple.
- Si, Ils te croiront. Quoique tu puisses dire d’eux (et il y a beaucoup à dire), ils sont croyants. Mais si tu ‘es pas convaincu de leur foi, voici quelques moyens surnaturels que tu pourras utiliser.
Moché est à cours d’excuses. Il tente encore :
- Mais j’ai un défaut de langue. Un chef doit savoir faire des discours…
La réponse de D.ieu est si évidente qu’il semble inutile de la rapporter.
Alors, en dernier recours, Moché s’écrie :
- Je t’en prie Mon D.ieu, «envoie par la main de celui que Tu enverras».
Pourquoi Moché a-t-il une attitude aussi étrange ? Ses frères et ses sœurs souffrent sous le fouet de leurs tortionnaires, le Pharaon se baigne dans le sang des enfants juifs. Le moment que les Enfants d’Israël ont tant espéré, pour lequel ils ont prié pendant quatre générations, est enfin venu. D.ieu est apparu dans un buisson ardent pour lui dire : «Je t’envoie sauver Mon peuple» et il refuse… Par humilité ? Parce qu’il n’est pas un bon porte-parole ?
Nos Sages interprètent les mots : «envoie par la main de celui que Tu enverras» comme signifiant : Tu enverras à la fin des temps, Machia’h, l’ultime sauveur d’Israël.
Les Maîtres de la ‘Hassidout expliquent que Moché savait qu’il n’aurait pas le mérite de faire entrer le Peuple d’ Israël en Terre Sainte et parvenir ainsi à la rédemption finale. Il savait qu’Israël serait encore exilé, souffrirait encore des afflictions physiques et spirituelles de la Galout. (Si Moché lui-même avait conduit son peuple en Terre Sainte et construit le Temple, ils n’auraient jamais été exilés de nouveau et le Temple n’aurait pas été détruit car «tous les actes de Moché sont éternels»)
Ainsi refusait-il.
- Si le temps de la rédemption est venu, plaidait-il avec D.ieu, envoie celui par lequel Tu accompliras la rédemption totale et éternelle.
Pendant sept jours et sept nuits, Moché contesta le plan divin de l’histoire, prêt à subir la colère de D.ieu, par amour pour Israël.
Le Rabbi conclut : D.ieu dit : «Cela suffit !» Mais Moché ne se tut pas. Car le défi que lança Moché contre le plan divin ne s’arrêta pas avec sa disparition de la vie physique. Le Zohar nous explique que chaque âme juive possède dans son cœur une étincelle de l’âme de Moché. Ainsi chaque Juif, qui tempête aux portes des cieux et réclame la rédemption, poursuit le combat de Moché contre le décret de la Galout.
Le Coin de la Halacha
En quoi consiste la Mitsva de Bikour ‘Holim, la visite aux malades ? (2ème partie)

On parle au malade avec tact, on lui parle de sujets qui inspirent la vitalité. On lui conseille de mettre de l’ordre dans ses affaires, c’est-à-dire de régler ses dettes et de signaler à son entourage si de l’argent lui est dû.
On demandera la bénédiction d’un érudit en Torah et on mentionnera le nom du malade en présence d’un Séfer Torah.
On ne rend pas visite aux malades qui risquent d’être gênés par des problèmes intestinaux ou qui ont des difficultés à se concentrer dans une conversation, par exemple les malades des yeux ou de la tête. Cependant on se renseigne sur leur état de santé, on veille à la propreté de leur chambre et à leur alimentation.
On peut rendre visite à un malade plusieurs fois par jour, à condition que cela ne le dérange pas.
On ne s’assoit pas près de la tête du malade car la «Che’hina», la Présence Divine réside sur sa tête. On ne s’assied pas près de ses pieds car l’Ange de la Mort rôde à cet endroit.
On veille à ne pas annoncer de mauvaises nouvelles à un malade.
Celui qui hésite entre la visite aux malades ou aux endeuillés optera pour la visite aux malades afin de prier pour eux puis rendra visite aux endeuillés. Cependant, s’il ne peut accomplir qu’une des deux Mitsvot, il rendra visite aux endeuillés car ainsi il manifeste de la bienfaisance envers les morts et envers les vivants.

F. L. (d’après Rav Chimon Guadassi – Michpa’ha ‘Hassidit)
De Recit de la Semaine
Mohel et conseiller…

Il n’est pas dans la coutume des ‘Hassidim de Loubavitch d’écrire des discours funèbres à la gloire d’un défunt ; cependant, on suggère de raconter des histoires de sa vie afin d’inspirer ceux qui restent et qui souhaitent perpétuer sa mémoire à travers ses actions méritantes qui demeurent une source constante d’inspiration.
C’est pourquoi j’ai souhaité vous faire part d’une histoire qui s’est passée avec Rav Chalom Mendel Kalmenson (zatsal) qui nous a quitté récemment, une histoire que vous n’avez sans doute jamais entendue et que peut-être lui-même ne connaissait pas jusqu’au bout…
Au début des années 90, alors que le communisme vacillait déjà mais n’était pas encore tombé complètement en Union Soviétique, l’organisation ‘Hama organisa une colonie de vacances dans la ville de Gorki. Sachant que nombre d’enfants n’étaient pas circoncis, nous avions invité Rav Chalom Mendel Kalmenson de Paris, dont la longue expérience dans ce domaine était connue de tous, afin qu’il effectue cette opération sur une cinquantaine d’enfants ainsi que sur quelques adultes. Tout se passa de la meilleure façon possible, à la grande satisfaction des enfants et de leurs parents.
Sur le chemin du retour, Rav Kalmenson passa par Moscou et se rendit au Quartier Général de l’organisation ‘Hama qui venait d’être inauguré. Il transmit son rapport puis se prépara à reprendre l’avion.
‘Hama ne possédait pas encore de voiture. La directrice s’appelait Greta Alinson : c’était une femme remarquable, issue d’une famille de savants qui avait mis au point l’essence liquide nécessaire pour les fusées. D’ailleurs, ces chercheurs avaient été proches du pouvoir à l’époque et avaient même côtoyé Staline et Béria (que leurs noms soient effacés !). Le fils de Greta, Alexandre, était lui aussi un savant réputé, doté d’une mémoire phénoménale et d’un cerveau brillant. Comme il possédait une voiture, on lui demanda d’accompagner Rav Kalmenson à l’aéroport. Comme on le sait, Rav Kalmenson était né en Russie et parlait parfaitement le russe. De plus, il était doué d’un caractère agréable et savait établir des relations de confiance. Dans la voiture, ils firent connaissance et Alexandre, comprenant que Rav Kalmenson était un homme droit, un homme de principes et vraisemblablement un homme de bon conseil, se confia à lui : il était marié depuis six ans et n’avait toujours pas d’enfant. Rav Kalmenson lui demanda avec toutes les précautions d’usage si son épouse était juive et il répondit : «Bien sûr ! Ses deux parents sont juifs !».
Rassuré, Rav Kalmenson lui suggéra alors : «Dans un cas comme le vôtre, le Rabbi de Loubavitch demandait à chaque fois qu’on mette les Téfilines !»
Intrigué, Alexandre demanda de quoi il s’agissait et Rav Chalom Mendel lui expliqua et ajouta : «Quand nous arriverons à l’aéroport, je vous montrerai des Téfilines et vous aiderai à les mettre !»
Effectivement, quand ils arrivèrent à l’aéroport, Rav Kalmenson sortit ses Téfilines de son porte-documents et Alexandre put ainsi mettre les Téfilines pour la première fois de sa vie et devenir… Bar Mitsva. « Parlez-en à Rav Karpov », continua Rav Kalmenson, « c’est le représentant de l’organisation ‘Hama à Moscou, afin qu’il vous procure des Téfilines que vous pourrez ainsi mettre chaque jour. »
Alexandre qui était un homme d’action remercia chaleureusement Rav Kalmenson, lui souhaita bon voyage et se mit immédiatement à la recherche de Rav David Karpov, très étonné mais évidemment heureux de voir combien Alexandre tenait déjà à cette Mitsva si importante.
C’est ainsi qu’Alexandre tint sa promesse et mit tous les jours les Téfilines. Peu après, sa femme tomba enceinte.
Bien que lui-même et toute sa famille fussent des gens «éclairés» et absolument athées, Alexandre déclara à sa mère : «Tu peux raconter ce que tu veux mais moi je suis sûr d’une chose : c’est grâce au fait que je mets les Téfilines chaque jour que ma femme attend enfin un enfant ! Et j’ai pris l’engagement de continuer à le faire chaque jour !»
C’est là une des innombrables bonnes actions de ce véritable ‘Hassid que fut Rav Chalom Mendel Kalmenson. Certainement les membres de sa famille et de sa communauté peuvent raconter encore bien d’autres histoires mais certainement aussi nombre d’entre elles ne leur sont pas encore connues tant il était discret et humble.
Que son souvenir soit béni, puisse sa famille ne connaître maintenant que des joies véritables dans tous les domaines jusqu’à la venue du Machia’h !

H. Zaltz
traduit par Feiga Lubecki