Semaine 50

  • Chémot
Editorial

 Les hommes et leurs jours

Le monde est plein d’instants précieux, de gestes inoubliables. Il est plein de toutes ces petites choses du quotidien qui font de la vie un parcours de découvertes que l’on ne voudrait manquer à aucun prix : le sourire d’un enfant qui regarde le ciel, celui d’une mère qui suit ce regard, celui de cet homme qui vient en aide à son prochain ou de cet autre qui se souvient du passé pour mieux penser l’avenir. Ce ne sont que des instants fugitifs, effacés parfois alors qu’ils viennent d’apparaître. Mais, malgré cette fragilité essentielle, ils laissent une trace profonde ; ne sont-ils pas la beauté et la grandeur des choses qui passent ? C’est dire à quel point chacun peut faire de l’endroit où il vit, de tout son environnement, un lieu de merveilles.

Car tout cela n’est pas qu’une question de regard, c’est aussi affaire d’action. Il est dit que D.ieu créa le monde «pour faire», ce que les commentateurs relèvent comme signifiant «pour réparer», indiquant ainsi que l’homme, créature suprême, en a reçu la charge et le privilège. Il devient, de cette façon, «l’associé de D.ieu dans la création du monde». En d’autres termes, le lien avec le spirituel ne peut se résumer à certains moments du jour, à ces instants particuliers où, par la prière, l’étude, la pratique des commandements, l’homme se ressent comme plus proche de l’Essence. Cette démarche, toute importante soit-elle, ne saurait se limiter à elle-même. Le lien avec le Divin est, par nature, un lien de tous les instants sauf à révéler, par son absence récurrente, une infirmité qui remettrait en cause son sens même.

C’est donc ainsi que la question se pose : comment établir ce lien éternel et constant ? Et c’est ainsi que la réponse monte : par ses actes du quotidien, par sa vie de toutes les secondes. C’est là un défi majeur qui est lancé à chacun et peut-être est-ce aussi une manière de définir la condition humaine. Faire de ce monde ce lieu de sérénité propre à devenir, selon les termes traditionnels, «la demeure de D.ieu ici-bas». Faire de son foyer ce «petit sanctuaire» où, chaque acte prenant sa pleine signification et toute sa portée, la Divinité réside. Devenir soi-même ce «porteur de lumière» autour de qui tous se rassemblent d’instinct tant il est vrai que toute lumière attire. Cela peut résonner comme un grand et noble programme malheureusement irréaliste ou, tout simplement, comme la petite musique des jours vécus à dimension pleinement humaine. En ces temps d’hiver, comme un avant-goût du temps de Machia’h.

Etincelles de Machiah

 Tout près du sommet

Notre génération est comparable à un homme qui escalade une haute montagne et se rapproche du sommet. Pour y parvenir, cet homme doit remplir plusieurs conditions :

-          Il doit être fort.

-          Il doit connaître le chemin.

-          Ses vêtements doivent être adaptés à l’entreprise.

Quant à nous, nous ne remplissons aucune de ces conditions. Nous devons donc gravir la montagne avec sacrifice de soi. Nous sommes tout proches du sommet, mais l’immense effort fourni nous a épuisés. C’est justement le moment de rassembler toutes nos forces afin que nous franchissions le petit espace qui reste encore.

(D’après Séfer Hasi’hot 5696 p. 316) H.N.

Vivre avec la Paracha

 Chemot

L’âne de Machia’h

«Et Moché prit sa femme et ses enfants, les mit sur l’âne et ils retournèrent en terre d’Egypte.» (Chemot 4:20)

Le prophète Ze’haria décrit Machia’h comme «un pauvre montant un âne». Le sens simple du verset indique que Machia’h, décrit par le Midrach comme «plus grand qu’Avraham, plus haut que Moché et plus élevé que les anges célestes» (Yalkout Chimoni sur Yéchayahou 52 :13) est l’incarnation de la modestie. Et il est de fait que la modestie est la caractéristique principale des Justes. Ils reconnaissent que leurs dispositions et leurs accomplissements extraordinaires, la force dont ils sont investis en tant que dirigeants ne leur appartiennent pas mais sont ceux de leur Créateur. Ils vivent non pour se réaliser et s’accomplir mais pour servir le dessein divin dans la création.

A un niveau plus profond, l’âne de Machia’h représente l’essence du processus messianique, processus qui a commencé au début des temps et constitue l’âme même de l’histoire. Au commencement, nous dit la Torah, quand D.ieu créa les cieux et la terre, alors que l’univers était encore vide, à l’état brut et plongé dans l’obscurité, l’esprit de D.ieu planait sur l’existence émergeante. Le Midrach explique : «l’esprit de D.ieu planait : il s’agit de l’esprit de Machia’h». Car Machia’h représente l’esprit divin de la création, la vision du monde parfait, but de D.ieu en le créant, le peuplant avec des êtres déterminés, réfléchis et en quête d’accomplissement.

L’âne de Machia’h a une longue et prestigieuse histoire. De temps à autre, il apparaît à travers les générations, faisant surface aux moments-clé du processus messianique. Chaque fois, nous le voyons accomplir la même fonction mais d’une manière légèrement différente, reflétant les changements que traverse notre monde dans son développement vers son ultime perfection.

 

Avraham, Moché et Machia’h

L’âne de Machia’h apparaît pour la première fois en 2084 (1677 avant l’ère commune) quand Avraham est en route pour «le sacrifice d’Its’hak», la dixième et dernière expression de sa foi en D.ieu. «Avraham se leva tôt le matin et prépara son âne», nous relate la Torah (Beréchit 22 :3) et le chargea du matériel pour le sacrifice (le bois, le feu et le couteau), pour le voyage de trois jours qui devait le mener de ‘Hévron vers le Mont Moriah, à Jérusalem.

Sept générations plus tard, Moché fut également envoyé en mission par D.ieu : il devait faire sortir les Juifs d’Egypte et les conduire vers le Mont Sinaï où D.ieu lui dit : «Je leur communiquerai leur mission dans la vie en tant que Mon peuple choisi». Ainsi Moché prit-il sa femme et ses enfants, les installa sur l’âne et ils se mirent en route vers l’Egypte». «L’âne, avec un article défini» insiste la Torah : le même âne que celui qui avait servi à Avraham et qui porterait Machia’h, soulignent nos Sages.

Avraham, Moché et Machia’h, tous trois utilisent le même âne dans l’accomplissement de la volonté divine. Cependant, l’étendue de l’implication de l’âne dans leur mission diffère. Avec Avraham, il sert à porter son matériel, pour Moché, il s’agit de transporter sa femme et ses enfants. Enfin Machia’h est décrit comme montant lui-même l’animal.

Le décret abrogé

La sagesse conventionnelle veut que le spirituel soit plus grand que le matériel, que le céleste soit plus saint que le physique. Pourtant, nos Sages nous ont enseigné que D.ieu créa toute l’existence, y compris les mondes spirituels les plus élevés, parce qu’ «Il désirait une demeure dans ce monde inférieur». Notre existence matérielle constitue l’objectif de tout ce qu’Il créa, l’environnement dans lequel Son but dans la création doit se réaliser.

D.ieu désirait que l’on raffine et élève l’existence matérielle, que la réalité physique, dont l’aspect concret et égocentrique obscurcit notre vision et déforme nos priorités, soit réutilisé comme une force positive dans notre vie, que nous fassions surgir tout le bien, toute la perfection inhérents à toute Sa création, y compris, et tout particulièrement, le monde matériel.

Le mot hébreu pour «âne» est ‘hamor. Il vient du mot ‘homère, «matérialité». L’âne de Machia’h représente la bête matérielle jugulée, le physique redirigé vers des objectifs plus élevés et plus saints.

Mais la mission de l’humanité pour élever le matériel implique un processus long et complexe, un effort historique dans lequel chaque génération construit par dessus les accomplissements de ses ancêtres. Car le monde spirituel et le monde matériel sont des mondes séparés. En fait, la nature-même de la création divine est telle qu’un vaste gouffre les divise, en faisant des opposants naturels. Lorsque D.ieu descendit sur le Mont Sinaï, le mur séparant l’esprit et la matière fut détruit. La réalité divine se révéla dans la réalité terrestre. La Torah fut donnée à l’homme pour lui permettre de sanctifier la matière, pour exprimer la vérité omniprésente de D.ieu à l’intérieur et à travers le monde matériel.

Cela explique dans quelle mesure Avraham et Moché impliquèrent l’âne matériel dans leur mission respective. Avraham, le premier Juif, commença le processus de sublimation du matériel, de réalisation de son potentiel pour exprimer la bonté et la perfection du Créateur. Mais Avraham vivait avant la révélation sinaïtique, avant l’abrogation du décret divisant le monde entre le bas et le haut, entre la matière et l’esprit. A son époque, l’ordre originel institué à la création prévalait toujours : le monde spirituel et le monde matériel constituaient deux entités séparées, deux mondes incompatibles. Dans le meilleur des cas, Avraham pouvait mobiliser le matériel pour qu’il serve le spirituel, utiliser l’âne pour qu’il porte les outils du service divin.

Par contre, Moché entreprenait la mission qui devait donner à l’homme le moyen d’annuler la dichotomie entre le royaume supérieur et le royaume inférieur. C’est ainsi que Moché utilisa l’âne pour porter sa femme et ses enfants. Avec Moché, le matériel commença à jouer un rôle central et intime dans le travail de notre vie.

Mais Moché ne marquait que l’amorce des effets de la Torah sur le monde matériel. Depuis, chaque fois qu’un individu utilise une ressource matérielle dans l’accomplissement d’une Mitsva, par exemple de l’argent pour la charité, il «raffine» ces objets matériels, leur faisant abandonner leur caractère profane. Avec de tels actes, le monde matériel devient beaucoup plus saint, beaucoup plus en harmonie avec son essence et sa fonction. De tels actes rapprochent le jour où notre monde se débarrassera finalement et complètement de la coquille de grossièreté, source de toute ignorance et querelle, apportant au monde entier une nouvelle aube de paix et de perfection universelles.

Ainsi, Machia’h, qui représente l’accomplissement ultime de la Torah, monte lui-même l’âne de la matérialité. Car il proclame un monde dans lequel la matière est une ressource entièrement raffinée, une force non moins essentielle et significative pour le bien que la création la plus spirituelle.

Le Coin de la Halacha

 Comment les parents choisissent-ils le prénom d’un enfant ?

Le choix du ou des prénom(s) d’un enfant est particulièrement important. Il est dit que le prénom a un lien avec l’âme de l’enfant et même l’influence profondément. La Guemara raconte que Rabbi Meïr savait analyser le caractère d’une personne rien que par son prénom.

Le Ari Zal (Safed – 16ème siècle) estimait : « Quand le père et la mère donnent un prénom à leur enfant, D.ieu met dans leurs bouches le prénom qui convient pour cette âme ». En d’autres mots, les parents choisissent un prénom mais, parfois sans qu’ils s’en rendent compte, c’est D.ieu qui met dans leur bouche le prénom qui convient parfaitement pour cet enfant.

Pour le succès de l’enfant et sa réussite dans la vie (matérielle et spirituelle), on ne lui donne pas un prénom associé à des personnages méchants ou nuisibles mais plutôt à des Justes, des Juifs dont la vie et les enseignements ont été exemplaires.

On ne communique pas immédiatement le prénom de l’enfant (sauf pour raisons administratives) ; on donne au garçon son prénom au moment de la Brit Mila (circoncision) et à la fille au moment où son père est appelé à la Torah. Il convient de ne pas retarder ce moment.

S’il n’y a pas de tradition familiale impérative et que les parents ne parviennent pas à se mettre d’accord sur un prénom, c’est généralement le père qui donne le prénom de l’aîné, la mère au second enfant, le père au troisième et ainsi de suite. Il est recommandé de prendre conseil auprès de Rabbanim pour un sujet aussi délicat.

F.L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh)

Le Recit de la Semaine

 La mallette retrouvée

Voici un récit raconté par un jeune Loubavitch lors d’une réunion ‘hassidique qui s’est tenue à Re’hovot en Israël :

Un homme d’une cinquantaine d’années, de la ville de Yavné, avait économisé de l’argent depuis des années afin d’acheter enfin une maison qui lui procurerait des revenus pour sa retraite. Finalement, il retira l’argent de la banque, le plaça dans une grande mallette et prit un taxi pour se rendre chez le notaire. Il avait en tout 180 000 dollars, le fruit d’années de labeur et de privations. Son avenir et celui de toute sa famille en dépendait.

Arrivé à destination, il paya le conducteur, sortit du taxi qui redémarra en trombe. C’est alors qu’il s’aperçut… qu’il avait oublié sa précieuse mallette sur la banquette ! Il n’avait évidemment pas l’adresse du taxi, ignorait s’il était membre d’une compagnie ou si c’était un chauffeur indépendant, n’avait pas relevé son numéro d’immatriculation.

Au lieu de se rendre enfin chez le notaire pour acquérir la maison de ses rêves, il retourna à Yavné ; en chemin, il arrêta tous les taxis qu’il pouvait croiser. Tous les chauffeurs mirent en marche leurs radios-guidage pour demander à leurs collègues s’ils avaient retrouvé une mallette mais nul n’avait de renseignements à ce sujet.

L’homme était désespéré !

Il parla à un Rav orthodoxe à Yavné qui, après avoir compati à sa détresse, suggéra : « Organisez un cours de Torah à votre domicile : le mérite de cette étude vous aidera certainement ! ».

Essuyant ses larmes, l’homme accepta l’idée et invita quelques amis à la maison pour écouter un cours de Torah le lundi soir.

Mardi matin, il se rendit comme à son habitude à la synagogue et, quand quelqu’un frappa sur son épaule, il se retourna et aperçut son chauffeur de taxi !

- C’est bien vous qui avez pris mon taxi l’autre jour ? demanda celui-ci en lui tendant la mallette.

- Incroyable ! s’extasia l’homme tout en ouvrant la précieuse mallette, en comptant les liasses et en vérifiant les documents : rien ne manquait ! Mais où étiez-vous ? Je vous ai cherché par tous les moyens possibles !

Le chauffeur sourit et l’entraîna en dehors de la synagogue pour lui parler en privé.

- Il y a quelques jours, quand je vous ai emmené de Yavné à Re’hovot, je me suis rendu compte que vous aviez oublié quelque chose dans la voiture. J’ai ouvert la mallette et n’en crus pas mes yeux : tellement d’argent ! J’ai décidé que cela m’appartenait, que certainement c’était un cadeau du Ciel et que je saurais comment bien l’utiliser. J’en avais bien besoin (qui n’en aurait pas besoin ?) et, de toute manière, qui sait si le propriétaire avait gagné cet argent honnêtement ? Peut-être l’avait-il volé ou avait-il commis des trafics louches… Je rentrai à la maison et déclarai à ma femme que nous étions miraculeusement devenus riches. Durant les jours qui ont suivi, nous avons échafaudé toutes sortes de plans pour bien utiliser cet argent, nous avons même acheté des magazines spécialisés sur le bon usage des actions et des obligations…

La nuit dernière, un Loubavitch m’a demandé de l’amener chez lui dans mon taxi. C’était un garçon sympathique et nous avons bavardé comme si nous étions de vieux amis. Il m’a demandé si je possédais une boîte de Tsedaka dans mon véhicule et je lui demandai à quoi bon. Il répondit que le Rabbi de Loubavitch avait demandé que chacun possède une telle boîte dans sa voiture et que cela agissait comme une protection. Comme je hochai la tête négativement, il me tendit une petite boîte de Tsedaka pour que je la garde dans la boîte à gants ! Quel jeune homme extraordinaire !

Il continua et me demanda si j’avais étudié le ‘Hitat du jour. Je n’avais aucune idée de quoi il pouvait bien s’agir ; il sortit de sa poche un livre et déclara que nous allions l’étudier ensemble : en fait, c’était la portion quotidienne de ‘Houmach, la Paracha Behar. Il lut : « Ne cause pas de souci à ton frère ». Il commenta qu’il était donc interdit de voler qui que ce soit, qu’il fallait gagner son argent honnêtement. Ce qui est à toi est à toi mais ce qui n’est pas à toi ne t’appartient pas. Il continua sur ce sujet encore et encore et je sentis mes entrailles se tordre de nervosité. J’eux l’impression que ce jeune homme m’avait été envoyé du Ciel pour m’avertir de ne pas m’approprier ce qui n’était pas à moi. Il parlait en toute sincérité et ses paroles me touchèrent au plus profond de moi. Plus il parlait et plus je pris la ferme décision de vous retrouver et de vous rapporter tout l’argent. Je suis donc retourné à Yavné, votre adresse était inscrite sur les documents ; votre femme m’ouvrit la porte et m’informa que vous étiez parti à la synagogue. Et voilà ! Je suis désolé pour le retard… » !

- Qu’apprend-on de cette histoire ? demanda pensivement un des participants à cette réunion ‘hassidique.

- Tout d’abord, déclara l’un d’eux, on remarque que le chauffeur ne se décida à rendre l’argent que grâce à l’étude de ‘Hitat qu’un jeune garçon Loubavitch insista pour lui faire partager. Ce jeune homme ignore même la grande Mitsva qui a été faite grâce à lui ! Grâce à son étude à voix haute dans le taxi, il a sauvé un Juif d’une grande faute et un autre d’une grande angoisse !

- C’est vrai, concéda un autre participant. Mais ce qui est extraordinaire, c’est que c’est un Rav qui n’était pas Loubavitch qui suggéra d’établir un cours de Torah afin que l’affaire se résolve du mieux possible. Il y a vingt ou trente ans, personne n’aurait proposé une telle solution : quel lien y a-t-il effectivement entre l’étude de la Torah et une mallette perdue, alors que l’une est entièrement spirituelle et l’autre bassement matérielle ? En quoi le fait d’accomplir une Mitsva comme l’étude de la Torah ou la pose d’une Mezouza peut-il affecter la réalité matérielle ? C’est le Rabbi qui, au cours de ses années à la tête du peuple juif, a instillé en chaque Juif cette idée que certaines Mitsvot ont un pouvoir protecteur et permettent la solution de nombreux problèmes.

Le message du Rabbi a été bien compris et l’impact de ses paroles préparent le monde entier à la venue du Machia’h !

 Traduit par Feiga Lubecki