Editorial
Le haut et le basNos Sages ont souvent de brillants raccourcis. En une image, ils décrivent un monde, une manière de vivre et de voir, ils nous enseignent une certaine sagesse. C’est ainsi qu’ils nous parlent de l’homme.
Voulant nous faire toucher du doigt la différence entre ce qui appartient au genre humain et ce qui appartient à l’animal, ils observent: “l’homme marche sur deux jambes alors que, de manière générale, l’animal marche à quatre pattes”.
Au-delà de la simple constatation, ils y voient une prédisposition, une attitude mentale: “l’homme, debout, regarde le ciel alors que l’animal, par sa position naturelle, est entrainé à regarder le sol”. Compte-tenu du fait que le ciel symbolise le domaine du spirituel tandis que le sol représente le matériel, cette image apparait dans toute sa profondeur et sa pertinence. Toute créature matérielle, par sa condition même, est constituée de deux éléments. L’un, physique, la rattache au “sol” tandis que l’autre, à des degrés divers selon la catégorie de la créature concernée, est spirituel et la relie au “ciel”. C’est justement là la grandeur de l’homme. Celui-ci incarne, au cœur du monde, une aspiration, un élan vers ce qui le dépasse. Il est le lieu constant d’une tension entre les deux pôles de son être, qu’il lui appartient de résoudre en s’élevant au-dessus de lui-même.
Voici qu’en une image forte, nos Sages ont replacé le monde et les hommes dans leur cadre de référence. Voici qu’ils nous rappellent que l’être humain n’est pas, comme certains voudraient le faire croire, un simple animal pensant. Il est la créature choisie par D.ieu pour faire du monde le lieu de Sa résidence. Même apparement engoncé dans la matière, il se dresse toujours dans une tentative sans fin pour rejoindre le spirituel.C’est là toute sa grandeur.
Il est clair qu’un tel pouvoir est aussi le signe d’une responsabilité immense. L’homme est l’être de tous les possibles, il lui appartient de ne pas l’oublier et de ne pas se perdre. Capable de regarder vers le “haut”, c’est le chemin de l’élévation qui s’ouvre, pour l’éternité, devant lui.
Etincelles de Machiah
Isaac, notre pèreLe traité du Talmud Chabbat (89b sur Isaïe 63:16) enseigne: “Au temps de Machia’h...(le peuple juif) dira à Isaac: ‘car tu es notre père’”. S’il ne fait pas de doute qu’Isaac est bien le second de nos Patriarches et, par conséquent, notre père, cependant pourquoi lui donne-t-on ce titre de préférence à Abraham ou à Jacob?
C’est que le nom “Isaac” a pour étymologie en hébreu le mot “rire”. De ce fait, il renvoie à l’idée de plaisir, délice. Dans les temps futurs, alors que toutes les étincelles divines investies dans le monde matériel auront été dévoilées et élevées vers leur source, le “plaisir ” de D.ieu dans la conclusion de Son œuvre sera manifeste et éclairera toute la création.
(d’après Torah Or, p.210)
Vivre avec la Paracha
‘Hayé Sarah: Avraham et Sarah, le corps et l’âmeA propos du verset “Sarah mourut à Kiryat Arba qui est ‘Hevron, en terre de Canaan”, la Torah propose le commentaire selon lequel “Sarah” fait allusion au corps et “Avraham” à l’âme.
Ainsi, c’est en ce sens que nous devons comprendre le verset dans lequel D.ieu intime l’ordre à Avraham: “écoute tout ce que te dira de faire Sarah” (l’âme doit écouter tout ce que lui dit de faire le corps). Apparemment, il semblerait que c’est plutôt le corps qui devrait se soumettre aux exigences de l’âme et non l’inverse!
Le Baal Chem Tov offre le commentaire suivant sur le verset: “quand tu vois l’âne de ton ennemi ployer sous sa charge, tu pourrais avoir envie de ne pas l’aider, mais (au contraire), il faut l’aider”.
“Quand tu vois un âne” (en hébreu, ‘Hamor, âne, se réfère au mot ‘Homer, matérialité) signifie que lorsque tu examines soigneusement ton ‘Homer, tes préoccupations matérielles, tu en viens à réaliser qu’elles sont ton ennemi. Car au début du service spirituel et au commencement de la vie, le corps et l’âme sont ennemis.
Ce qui est plus grave encore, le corps “ploie sous sa charge”. La “charge” représente le “poids” de la Torah et des Mitsvot. Car malgré le fait que c’est “sa propre charge”, que la Torah et les Mitsvot ont été données à l’âme lorsqu’elle s’est habillée dans un corps pour que celui-ci puisse se raffiner, il les considère néanmoins comme des charges.
Outre le fait que la Torah et les Mitsvot sont données spécifiquement aux âmes habillées dans des corps, les Mitsvot sont elles-mêmes parées de vêtements physiques.
Et cela ne concerne pas seulement les commandements qui demandent une action, mais même ces ordonnances qui sont classées comme les “devoirs du cœur et de l’esprit”, les Mitsvot comme la foi en D.ieu, la crainte de D.ieu ou l’amour de D.ieu qui ne sont accomplies que lorsqu’on les ressent réellement dans le cœur et l’esprit, physiquement.
Un exemple peut être donné: celui de l’amour de D.ieu. Tout comme les “bonnes nouvelles engraissent les os”, comme dans l’incident rapporté par le Talmud (Guittin 56b) à propos de bonnes nouvelles qui apportèrent un véritable changement physique au corps, ainsi en va-t-il de l’amour de D.ieu. Le sentiment que “la proximité de D.ieu m’est favorable” doit aussi se ressentir dans le corps.
C’est ainsi qu’à propos de Rabbi Na’houm de Tchernobyl, il est relaté qu’il était physiquement très imposant parce qu’il prononçait: “Amen, que Son Grand Nom soit béni à tout jamais et éternellement”. Car, lorsqu’il songeait à la grandeur de D.ieu, qu’on peut Le trouver dans tous les mondes, y compris dans le monde matériel, il était empli d’un tel amour pour D.ieu que son corps enflait.
La même chose est vraie pour la peur et la crainte de D.ieu. Non seulement doivent-elles susciter une contrition spirituelle dans l’esprit et dans le cœur mais elles doivent également se ressentir dans le corps.
Le Baal Chem Tov continue son interprétation du verset: “tu voudrais t’empêcher de l’aider”: tu pourrais penser que puisque le corps “ploie sous sa charge”, tu dois t’occuper exclusivement du service spirituel qui n’a de relation qu’à l’âme, et tu dois briser ton corps avec des jeûnes et des mortifications. C’est pourquoi il t’est dit: “tu dois l’aider”, c’est-à-dire purifier le corps, le raffiner mais non le briser.
La raison pour laquelle l’on doit faire du corps un partenaire à part entière dans le service divin est la suivante: même si un individu avait toutes les intentions adéquates associées à la pratique d’une Mitsva, mais qu’il ne l’accomplissait pas, non seulement aurait-il échoué dans son accomplissement mais il aurait même commis une transgression.
Mais si la Mitsva est accomplie alors que l’intention manque, que ce soit parce que la personne ignore la véritable intention qui doit l’accompagner ou parce que bien que la connaissant elle ne la ressent pas, certes, elle est tenue responsable pour son manque de dévotion mais elle a accompli le commandement.
C’est là le sens de “écoute tout ce que te dira de faire Sarah”, qui selon le Zohar se réfère au corps. Cela signifie que le but ultime de la vie matérielle réside dans le raffinement spirituel du corps physique.
De nos jours, l’aspect spirituel supérieur du corps est caché mais avec l’arrivée imminente de Machia’h, cela sera révélé. A tel point que dans le monde futur, l’âme trouvera sa nourriture spirituelle dans le corps.
(Likouteï Si’hot Vol. 1 p31-34)
Le Coin de la Halacha
Quand récite-t-on les Tehilim (Psaumes) ?Nos Sages ont dit : “ Moïse a donné au peuple juif les cinq livres de la Torah, et le roi David a donné au peuple juif les cinq livres des Psaumes ”. Par ailleurs, le roi David a dit devant D.ieu : “ Que les paroles de ma bouche soient agréées ” c’est-à-dire : “ Que les Juifs lisent mes paroles et s’en imprègnent et qu’ils reçoivent leur récompense comme s’ils avaient étudié des traités difficiles du Talmud (“Neguaïm” et “Ohalot”). (Selon une autre explication: les Psaumes guérissent ceux qui sont tâchés (“Neguaïm”) dans leur cœur et les purifient).
Rabbi Yechayaou Horowitz, dans son livre “Chné Lou’hot Habrit” écrit : “Que celui dont l’âme désire s’attacher à son Créateur, lise le livre des Psaumes!”
Le Baal Chem Tov écrit: “Grâce à la puissance des Psaumes, on peut annuler toutes les accusations”.
* * *
Le Baal Chem Tov a institué que chacun lise, après la prière, le Psaume correspondant à son âge. Par exemple, celui qui vient de fêter son treizième anniversaire lira, chaque jour de l’année, le Psaume 14 et ainsi de suite. Par ailleurs les ‘Hassidim ont la coutume de lire le Psaume correspondant à l’âge du Rabbi. On lit également les Psaumes correspondant à l’âge de ses enfants, en souhaitant que cela les aide à suivre le bon chemin et augmente leur “Mazal”, leur chance. Enfin, on lit les Psaumes correspondant à l’âge de certains malades ou de personnes qui ont besoin d’aide.
Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, le précédent Rabbi de Loubavitch, a institué qu’on lise avant la prière tous les Psaumes chaque dernier Chabbat du mois juif et que, chaque jour on lise, après la prière du matin, une partie des Psaumes de manière à les lire entièrement en un mois. Si on ne les a pas récités durant la journée, on les lira après minuit.
Chaque Roch ‘Hodech, on étudiera plus profondément un verset du Psaume correspondant à son âge.
Le Rabbi Tséma’h Tsédek a dit: “Si vous aviez conscience de la puissance des versets des Psaumes et de leur influence dans les sphères supérieures, vous les réciteriez toute la journée. Sachez que ces versets brisent toutes les barrières, s’élèvent sans être arrêtés et déposent devant le Maître du monde toutes les prières qui sont alors agrées”.
F. L. (d’après Rav Yossef Guinzbourg)
De Recit de la Semaine
UN MARIAGE SOUDAIN
Rabbi Chaoul Wahl fut le seul Juif de toute l’histoire qui devint non seulement ministre mais même roi de Pologne, en 1686, quand il fut nommé roi “de transition” en attendant la nomination d’un autre souverain.
Rabbi Chaoul avait un fils, Meïr, particulièrement vif et attachant. Quand il l’emmenait à la cour du roi, tous les courtisans se précipitaient pour entendre ses remarques brillantes et intelligentes.
Même le roi avait remarqué combien Meïr était doué et, en secret, décida d’en faire son gendre. Pour cela, il envoya une lettre au pape lui demandant une “permission” spéciale de faire épouser à sa fille un Juif qu’on se hâterait, bien entendu, de convertir à la foi chrétienne.
En apprenant par hasard la nouvelle, qui avait pourtant été gardée secrète, Rabbi Chaoul fut effondré : il se doutait bien qu’“exceptionnellement”, le pape serait trop heureux d’accepter la proposition. Il n’y avait plus qu’une solution pour échapper à ce danger: arranger au plus vite un mariage juif pour son fils. Mais quelle jeune fille accepterait-elle de se marier si vite, autant dire le jour-même ? C’est alors que Rabbi Chaoul eut une idée géniale : faire épouser à son fils une femme juive malade, sur le point de mourir de sorte qu’après sa mort, Meïr puisse épouser la jeune fille qui lui conviendrait vraiment.
En discutant avec des médecins juifs de Varsovie, Rabbi Chaoul découvrit ce qu’il recherchait : une femme d’âge mûr, atteinte d’une grave maladie et que les docteurs ne savaient plus comment soigner. La femme, mise au courant, accepta et, le jour même, le jeune Meïr, l’enfant prodige promis à un brillant avenir, épousa une femme déjà âgée et sur le point de mourir.
Quelques jours plus tard, le roi reçut la lettre tant attendue du pape. Comme prévu, celui-ci avait accordé une “permission” exceptionnelle, mais quand le roi fit venir Rabbi Chaoul pour lui exposer la bonne nouvelle, celui-ci expliqua qu’il regrettait de ne pouvoir accepter cette aubaine parce que son fils était déjà marié, comme le prouvait le document qu’il avait apporté.
* * *
Trois années plus tard, une femme inconnue frappa à la porte de Rabbi Chaoul : “Bonjour, je suis votre bru!”
Rabbi Chaoul resta cloué sur place de stupeur. Comment aurait-il pu imaginer que se tiendrait devant lui, trois ans plus tard, une femme que tous les médecins avaient condamnée ?
“Effectivement, les médecins ne peuvent expliquer le miracle de ma guérison, continua la femme, mais moi j’en connais la raison. Lorsque j’étais dans mon lit, agonisante, je n’avais plus aucun goût à la vie. Je n’avais aucune raison de combattre la maladie qui menaçait de m’emporter. Le fait de me marier avec votre fils m’a redonné courage et c’est ainsi que j’ai trouvé la force de me battre contre la fatalité”.
Rabbi Chaoul était atterré. Dans ses cauchemars les plus noirs, il n’aurait pu imaginer que son fils, la prunelle de ses yeux, un érudit aussi parfait, soit le mari d’une femme âgée que nul ne connaissait. Tout le but de ce mariage avait été d’éloigner la perspective d’un incident diplomatique grave, peut-être même d’un pogrome ; et voilà qu’un autre problème surgissait !
Cachant très mal ses sentiments, Rabbi Chaoul exposa très courtoisement à “sa belle-fille” qu’effectivement, selon la Torah, elle était l’épouse de son fils mais qu’il lui conseillait d’accepter le divorce, proposant même de la dédommager très correctement avec dix mille pièces d’or.
La femme qui était intelligente et de noble caractère, accepta.
On réunit rapidement, en secret, trois rabbins pour écrire l’acte de divorce. Juste avant la cérémonie, la femme demanda l’autorisation de parler quelques minutes à Meïr, son mari. Seule avec lui, elle lui-dit : “Ecoutez, je sais que les plus grands rabbins vont frapper à votre porte pour vous proposer leurs filles en mariage. Avant que nos chemins ne se séparent, je voudrais moi aussi, vous faire une proposition : épousez donc une jeune fille juive de bonne famille, pieuse, érudite et riche ! ”
“De qui s’agit-il ?” demanda Meïr, étonné.
“De moi-même! répondit-elle. Je suis riche puisque je posséderai dix mille pièces d’or et je viens d’une bonne famille puisque je suis la fille de Rabbi Pin’has, le beau-père du célèbre Rabbi Ramo de Cracovie”.
Meïr était stupéfait, mais elle continua : “Après la mort de mon père, je suis tombée très malade, au bord de la mort. Soudain, vous êtes apparu dans ma vie, comme un ange venu du ciel, et vous m’avez épousée selon la loi juive : c’est alors que je me suis sentie revivre, une sève nouvelle a coulé dans mes veines. Vous m’avez donné la vie, ne me la reprenez pas. Tout dépend de vous… ”
Ces derniers mots touchèrent Meïr au plus profond de son cœur. Après avoir réfléchi en silence quelques minutes, il retourna dans la pièce où se trouvaient les trois rabbins : non, il ne désirait plus divorcer : “ Cette femme est une orpheline, de bonne famille et je ne veux pas lui faire de peine. Je veux vivre avec elle et ensoleiller tous les jours de sa vie ! ”
Tous les arguments de son père et des rabbins n’y firent rien. Meïr resta ferme dans sa décision.
L’affaire arriva jusque sur le bureau du célèbre “Ramo”.
Rabbi Chaoul plaida: “Cette femme ne pourra sans doute plus avoir d’enfants ! Ce mariage était une erreur !”
Pensif, le “Ramo” décida finalement que, si Meïr tenait vraiment à ne pas divorcer, il pouvait vivre avec elle. “Quant à son âge, continua le “Ramo”, avec l’aide de D.ieu elle pourra avoir des enfants”.
Tout le monde se rangea à son opinion. Un an plus tard, la femme de Meïr mit au monde une fille qui s’appela Beïla. Par la suite, Beïla épousa le célèbre Rabbi Yona Temim, qui devait devenir le chef du tribunal rabbinique de Metz et Nicholsbourg et qui rédigea le livre “Kikayone Deyona”.