Semaine 44

  • Hayé Sarah
Editorial
Sereinement…

Lorsque le monde tremble, que les peuples et les nations s’affrontent, lorsque les idées qu’on tenait pour acquises sont remises en cause de manière radicale, parfois un sentiment de lassitude émerge. Il est vrai que le peuple juif a traversé bien des tourmentes, qu’il a été le témoin, et aussi la victime, de bien des bouleversements et, pour cette raison, un tel sentiment peut être explicable. Pourtant, chacun sait qu’il est bien vain et que, au-delà des futiles agitations, il faut poursuivre son chemin.
Lorsque le paysan laboure sa terre, il jette parfois un regard inquiet vers les nuages qui assombrissent le ciel. Parfois aussi, il ne sait pas quel caprice des hommes il devra affronter. Cependant, avec entêtement, il trace son sillon. L’observateur le regardant à son travail pensera peut-être que cet homme est inconscient des dangers qui le menacent ou que sa sérénité n’est qu’apparente. Il commettrait ainsi une erreur. Le laboureur sait que sa réussite finale ne dépend que de lui et il poursuit son chemin. Il ne s’arrêtera qu’à la fin de son travail, aussi long qu’il soit, autant de patience qu’il demande. D’où tire-t-il cette force insurmontable ? Comment ne se laisse-t-il pas arrêter par les multiples obstacles? Parce qu’il sait où il va et comprend le sens de ses actions. N’est-ce pas ainsi que le monde avance ?
De la même manière, le peuple juif, en cette encore si jeune année 5771, poursuit son chemin. Les menaces peuvent paraître nombreuses, d’ordre matériel ou spirituel, il n’en continue pas moins son œuvre de Torah et de Mitsvot. Son sillon est droit et sa terre fertile. Il sait qu’il fera lever les plus belles moissons. Il sait aussi qu’elles seront le fruit de son effort constant. Et cela ne le désespère pas. Bien au contraire, il assume l’enjeu et tout ce qu’il implique. C’est avec une sérénité profonde qu’il persévère car il est conscient que, de son obstination, dépend aussi l’avenir.
Décidément, le peuple juif est bien cet éternel optimiste qui comprend qu’être conscient de ce que l’on fait, et y croire, est la clé de bien des merveilles: un peuple qui croit dans ses rêves et assiste toujours à leur réalisation.
Etincelles de Machiah
La Techouva des Tsadikim

“Machia’h viendra pour que les Tsadikim (les Justes) fassent Techouva” affirme le Zohar (III, 153b) Quand on sait que le terme « Tsadik » désigne précisément celui qui n’a commis aucune faute et, par conséquent, n’a pas besoin de Techouva, de repentir, cette phrase pose question. Aussi, il nous est proposé une signification plus profonde.
Lorsque Machia’h viendra, la révélation Divine sera d’une intensité incomparable. Pour D.ieu, défini comme “Tsadik du monde” (Rachi sur Béréchit 18 :28), cette révélation constituera une forme de Techouva car Il aura retenu cette lumière pendant toute la durée de l’exil.
(d’après Or Hatorah, Vayikra p.235) H.N.
Vivre avec la Paracha
‘Hayé Sarah

Comme nous l’avons noté, les deux Parachiot précédentes Lé’h Le’ha et Vayéra sont entièrement consacrées à la vie et aux événements concernant Avraham. Bien que la saga d’Avraham continue au long de cette Paracha, il semble qu’elle soit entièrement concentrée sur le fait de « fermer le rideau » sur sa vie. Nous le voyons en effet enterrer sa femme, préparer la succession de son fils et finalement mourir.
Par ailleurs, elle ne se concentre pas non plus sur le successeur d’Avraham, Its’hak son fils. Bien qu’une grande partie de la Paracha évoque les préparatifs des fiançailles de Rivkah et Its’hak, les propres actions d’Its’hak ni même ses paroles ne sont relatées. Où se trouve donc le point central de cette Paracha ?
Comme nous l’avons déjà vu, la clé pour la compréhension du contenu et du point central se trouve dans son nom. Puisque ‘Hayé Sarah signifie « la vie de Sarah », il s’ensuit que Sarah en est le sujet, le principal protagoniste, l’héroïne.
A première vue, cela paraît déroutant pour le moins qu’on puisse dire. La vie de Sarah s’est achevée dans la Paracha précédente et celle-là dans sa totalité semble mettre l’accent sur les conséquences de sa mort : Avraham doit organiser son enterrement, il lui faut trouver une épouse pour son fils qui succédera à Sarah en tant que matriarche et il se remarie avec Hagar pour remplacer Sarah. Finalement, la Paracha s’achève en rappelant la généalogie d’Ichmaël que Sarah avait renvoyé.
Mais en réalité, tous ces épisodes servent à démontrer comment la vie de Sarah ne s’est pas achevée avec sa mort. Et bien au contraire, l’influence des valeurs et des idéaux, pour lesquels elle s’est battue durant toute sa vie, joue un rôle crucial à la fois dans le développement du Peuple Juif et la dissémination progressive de la conscience de D.ieu dans le monde.
Avraham en était, sans aucun doute, le pionnier. Mais pour pouvoir répandre le message de monothéisme, de moralité et de justice dans un monde idolâtre, immoral et injuste, il lui fallait incessamment ne voir que son grand potentiel et délibérément fermer les yeux devant ses imperfections. Avraham personnifiait le ‘Hessed, l’attribut premier définissant la relation de D.ieu avec le monde : donner sans cesse et sans discrimination, accepter tout le monde d’un même amour, et voir tous les hommes dans ce qu’ils pouvaient avoir de bon, quels qu’ils soient dans le présent.
Sarah participa à la grande entreprise d’Avraham, l’aidant à répandre son message parmi les femmes du monde avec le même œil bienveillant. Mais lors de la naissance d’Its’hak et avec la nouvelle responsabilité qui leur était confiée d’élever un enfant qui aurait la force morale et la vision pour continuer leur mission divine, elle réalisa que cet universalisme devait être tempéré par un particularisme clairvoyant. Avraham pouvait continuer à tout accepter inconditionnellement tant que seuls lui et sa femme étaient concernés par leur entourage. Mais une fois que cette mission devait être transmise à une famille, voire à tout un peuple, il fallait s’assurer que ce message le serait dans une pureté, une force et une direction sans compromis.
Plus encore, Sarah prit conscience du fait que sans cesse devrait être rappelé son rôle à la famille d’Avraham, parce qu’ils allaient être impliqués de façon éternelle, et qu’ils ne devraient jamais s’écarter de leur destinée. Chargés d’exécuter le message divin, ils devraient être pénétrés de leur rôle. Les professeurs peuvent- et devraient toujours- apprendre de leurs élèves, mais pour pouvoir les éduquer avec succès, ils doivent être conscients qu’ils en sont les mentors. Le nom même de Sarah signifie « souveraineté » et elle entreprit d’éduquer sa famille dans le sens d’une noblesse morale cruciale dans le projet de sa carrière divine.
Les événements relatés dans la Paracha illustrent la façon dont son influence fut perpétuée après sa mort.
La Caverne de Ma’hpélah est le site où sont enterrés Adam et ‘Hava les géniteurs de l’espèce humaine. En tant que telle, elle appartenait à l’origine à toute l’humanité. En l’acquérant, Avraham exprimait l’intention divine que la mission donnée originellement à toute l’humanité soit attribuée au Peuple Juif naissant et qu’en acceptant cette tâche, ils prenaient le rôle de mentors. Les propriétaires Hittites de la caverne acceptèrent de la vendre à Avraham et reconnurent son rôle.
Les fiançailles de Rivkah et Its’hak engendrèrent une discussion entre Avraham et son fidèle serviteur Eliézer dans laquelle Avraham affirma clairement que les critères de Sarah devraient s’appliquer non seulement à l’humanité en général mais également aux proches. Avraham décida de choisir pour Its’hak une fiancée parmi les membres de sa propre famille, par peur d’influences négatives, et rejeta la proposition d’Eliézer qui proposait sa propre fille pour fiancée à Its’hak. Malgré la loyauté et les actions extraordinaires de son serviteur, Avraham considéra qu’il ne répondait pas aux critères attendus.
Plus tard, après qu’Avraham eut épousé Hagar, il écarte à nouveau tous ses enfants pour maintenir la fidélité du message du Peuple Juif.
Et finalement, quand Avraham meurt, nous assistons à la façon dont Ichmaël lui-même est entièrement absorbé par le message de Sarah. Il comprend maintenant qu’il lui appartient de laisser la première place à son frère Its’hak, lui permettant de conduire la procession mortuaire. Et la Paracha s’achève en nous disant que le succès futur d’Ichmaël dépendra de la façon dont il continuera dans cette attitude.
Le particularisme de Sarah constitua donc la nouvelle étape dans le processus de création du Peuple Juif. Avraham avait initié le processus en faisant revivre le monothéisme, Sarah assura la continuation de ce processus en définissant les paramètres des relations entre les descendants d’Avraham et le monde.
La leçon que nous offre cette Paracha est que l’universalisme doit aller de pair avec le particularisme. Nous sommes tous des Avraham chargés de répandre la Divinité au monde entier et en tant que tels nous devons toujours aspirer à considérer l’humanité sous la meilleure lumière possible et chaque individu comme un enfant précieux de D.ieu qui mérite notre amour inconditionnel, et le meilleur, à la fois matériellement et spirituellement. Mais en même temps, nous sommes aussi tous des Sarah, chérissant l’intégrité de ceux qui portent le message divin et très conscients du fait que D.ieu nous a confié Sa mission.
Le Coin de la Halacha
Peut-on inclure des demandes personnelles dans le texte de la prière ?

La prière – toute prière – se compose essentiellement de trois étapes :
- La louange de D.ieu et la reconnaissance de Ses bontés et de Ses capacités.
- Les requêtes personnelles et communautaires.
- Les remerciements.
La prière a été composée par les Sages au fil des générations afin de permettre à tout Juif d’accomplir le commandement de « servir D.ieu » en priant comme il convient.
En règle générale, on ne doit ni ajouter ni enlever dans le texte de la première et la troisième étape. Par contre il est possible d’ajouter des demandes personnelles à l’intérieur d’une bénédiction particulière, par exemple de prier pour la santé d’un malade dans la bénédiction de « Refaenou » « Guéris-nous ».
Celui qui a des problèmes d’argent le mentionnera dans la bénédiction « Bare’h Alénou » (« Bénis pour nous cette année »). Dans la bénédiction « Chomeah Tefila » (« Qui écoute la prière de Son peuple d’Israël »), il est possible d’inclure toutes les requêtes. Cependant, pour les besoins d’un individu, il n’est pas recommandé de s’attarder dans cette prière de « Chomeah Tefila », on le fera plutôt dans le dernier paragraphe de la Amida : « Elokaï Netsore… » (« Oh mon D.ieu empêche ma langue de dire du mal… »).
Rabbi Yossef Yts’hak de Loubavitch écrit : « Il convient de penser dans la bénédiction de « Bare’h Alénou » à demander du blé pour les Matsot de Pessa’h ainsi qu’un Ethrog pour Souccot et du vin pour le Kiddouch de Chabbat. Alors certainement les « récoltes » matérielles seront pour le bien ! »

F. L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh)
De Recit de la Semaine
Une rencontre fatidique

Le 23 septembre 2009, l’Assemblée Générale des Nations Unies écoutait, sans sourciller, les Présidents iranien et libyen prétendre que la Shoah n’avait jamais existé et appeler à la destruction de l’état juif. Le lendemain, le Président Binyamin Netanyahu brandissait le plan original des camps d’extermination d’Auschwitz-Birkenau signé de la main de Himmler.
« Ceci aussi serait un mensonge ?... Au nom du peuple juif et des hommes de bonne volonté, je vous demande : n’avez-vous pas honte ? A peine soixante ans après la fin de la Shoah, vous légitimez un homme qui dénie le meurtre de six millions de Juifs et qui désire effacer Israël de la carte ? Quel mépris de la Charte des Nations Unies ! »
Après cet impressionnant discours, B. Netanyahu s’adressa aux journalistes et, faisant fi de la langue de bois, raconta un souvenir personnel, une entrevue que lui avait accordée le Rabbi de Loubavitch le soir de Sim’hat Torah en 1984 : « Souvenez-vous, avait prédit le Rabbi, vous allez aux Nations Unies, une assemblée qui est fondée sur le mensonge et l’obscurité ! Souvenez-vous que dans une pièce plongée dans l’obscurité, même la lumière d’une petite bougie sera vue de loin. Votre mission est d’allumer une bougie pour la vérité et le peuple juif ! »
- Et c’est ce que j’ai fait aujourd’hui devant l’Assemblée des Nations Unies ! conclut B. Netanyahu.
Par la suite, devant la conférence des présidents des grandes organisations juives, il raconta comment il avait été mis en contact avec le Rabbi.
En 1984, alors qu’il venait de prendre ses fonctions comme ambassadeur d’Israël aux Nations Unies, on avait frappé à sa porte :
- Ce jeune homme désire vous parler. Il prétend qu’il vous connait.
Entra alors un ‘Hassid, avec barbe et chapeau noir.
- Tu me reconnais ? Bibi, je suis Chmarya !
Vous ne le savez peut-être pas mais Chmarya était né dans un Kibbutz du Hachomère Hatsaïr où le judaïsme n’avait pas de place. Il avait été un de mes très, très bons soldats quand j’avais été son commandant. Je ne l’avais plus revu depuis quelques années.
Chmarya n’avait reçu absolument aucune éducation juive, n’était jamais entré dans une synagogue, n’avait jamais observé Chabbat ou Yom Kippour. C’était un homme intelligent au physique athlétique et qui avait immédiatement été intégré dans l’unité d’élite « Sayéret Matkal » des services secrets israéliens.
Après le service militaire, il s’était installé aux Etats-Unis et avait servi au Consulat Israélien de Boston ainsi que dans la compagnie aérienne El Al.
Puis il désira continuer aux Etats-Unis. Pour cela, il avait besoin d’un visa étudiant et s’inscrivit donc à l’Université hébraïque de Boston.
A la même époque, Rav ‘Haïm Prus et son épouse Ne’hama s’étaient eux aussi installés à Boston en tant qu’émissaires du Rabbi. L’Université hébraïque avait justement décidé d’offrir à ses étudiants un cursus d’études juives de haut niveau. Le docteur Grad qui en était le directeur connaissait le mouvement Loubavitch pour avoir été aidé par ses représentants à Detroit et avoir par la suite reçu du Rabbi une bénédiction dont il avait eu bien besoin : il se proposa immédiatement pour aider le jeune couple. Mais il fut pour le moins étonné quand Rav Prus demanda qu’il accrédite la création d’un cours de Tanya : il pensait qu’on lui demanderait seulement de présenter les émissaires du Rabbi à la communauté. Cependant il accepta volontiers.
C’est ainsi qu’à la rentrée universitaire, un cours de philosophie juive fut mis en place, avec un examen à la clé. Bien que le sujet ait pu paraître curieux, il se révéla un succès : pratiquement le quart des étudiants s’inscrivit. La direction de l’université en fut très surprise mais les étudiants étaient passionnés au point de s’inscrire pour un second trimestre.
Tandis qu’il enseignait, Rav Prus avait remarqué au fond de l’amphithéâtre un jeune étudiant israélien qui n’était absolument pas intéressé par ce qu’exposait ce rabbin barbu.
Mais le moment de l’examen approchait. Le jeune Israélien réalisa qu’il ne le passerait pas ; or il en avait absolument besoin pour obtenir son visa ! Il prit donc contact avec le rabbin et lui expliqua son problème tout en s’attendant à être reçu très froidement pour son manque d’assiduité. Il fut très surpris quand le rabbin lui proposa une alternative : qu’il écrive sur n’importe quel sujet du Tanya.
Le Tanya est écrit en hébreu donc Chmarya s’imagina que ce serait pour lui un jeu d’enfant puisque c’était sa langue maternelle. Rav Prus lui laissa son numéro de téléphone personnel « au cas où… ». Durant les semaines suivantes, ils se téléphonèrent plusieurs fois, juste pour discuter du Tanya. Progressivement les questions devinrent plus personnelles, Rav Prus invita Chmarya pour Chabbat et, lentement, celui-ci évolua dans sa vie personnelle, se rapprochant de la pratique du judaïsme : deux ans plus tard, Chmarya entrait dans une Yechiva et s’appliqua dans ses études juives comme il l’avait fait à l’armée : il s’impliqua entièrement, reçut (outre son visa) son diplôme rabbinique et devint un ‘Hassid dévoué du Rabbi.
Durant l’été 1984, Netanyahu fut nommé ambassadeur d’Israël aux Nations Unies.
Connaissant les liens entre Chmarya et son ancien commandant, Rav Prus et son frère Israël lui assignèrent une mission : le persuader de se rendre avec le personnel de l’ambassade chez le Rabbi le soir de Sim’hat Torah.
Chmarya accepta.
La nuit de Sim’hat Torah, Binyamin Netanyahu arriva au 770. L’immense synagogue était pleine à craquer, personne ne prêta attention au jeune ambassadeur qui, comme les autres, se faufila, enjamba des bancs, se glissa sous les tables, se poussa, se laissa emporter par la foule, s’agrippa aux poteaux pour finalement arriver exactement devant l’estrade où le Rabbi dansait avec son beau-frère, tout en signifiant aux ‘Hassidim d’un geste de la main qu’il fallait augmenter le chant et la joie.
« Je les ai vus tous les deux, âgés d’environ quatre-vingts ans, qui serraient contre eux le rouleau de la Torah et… j’ai ressenti la force des générations, la puissance de notre tradition, de notre foi, de notre peuple… »
Un moment unique, où un ‘Hassid et un ambassadeur partagent le même enthousiasme, la même ferveur.
Sim’hat Torah avec le Rabbi…

Rav Yossef Zaklos – www.chabad.org
traduit par Feiga Lubecki