Samedi, 29 octobre 2022

  • Noa’h
Editorial

 « Hakhel » – le rassemblement

La fin de la période des fêtes laisse toujours un goût complexe. Satisfaction des multiples devoirs accomplis, joie d’avoir vécu des moments précieux, frémissement du retour au quotidien, tout cela s’y mêle, et chacun de ces sentiments apporte une dimension particulière à notre expérience. C’est que nous voici revenus au déluge du monde et, entraînés par le flux des choses, nous pourrions en oublier tout ce que nous venons de vivre. Certes, l’année qui commence est porteuse d’une puissance rare. A la suite de celle de la « Chemita », elle est celle du « Hakhel – rassemblement ». Et même si ce terme fait référence à une cérémonie qui se déroulait dans le Temple de Jérusalem, où le roi lisait des passages de la Torah devant le peuple assemblé, qui ne peut donc avoir lieu aujourd’hui, sa portée spirituelle reste intacte. En d’autres termes, cette nouvelle année possède bien un potentiel dont chacun peut se saisir. Pourtant, les choses de la vie font que, peu à peu, cette réalité peut devenir comme moins perceptible. Que faire ?

Refuser de regarder le monde en face ou choisir délibérément de se complaire dans l’illusion, il ne saurait en être question. Ce n’est pas là la manière de la pensée juive. Au contraire, l’enjeu est de prendre pleinement conscience de ce qu’est notre vécu et, le sachant, de lui donner sens ou, si l’on veut, de le faire profondément vivre. La question reste cependant posée : d’où prendre une telle force, quasi surnaturelle, pour résister à toutes les pressions extérieures ? C’est alors que résonne l’enseignement du Baal Chem Tov : contre les eaux tumultueuses, la meilleure protection, et sans doute la seule, est constituée des mots de la prière et de l’étude. Ils sont à la fois le soutien de celui qui s’y engage et son rempart. Par eux, tout est comme transfiguré et ce qui apparaissait un péril devient une opportunité.

A présent nous le savons : le monde d’après les fêtes de Tichri est différent de celui que nous avons connu avant. Et il le sera d’autant plus que nous-mêmes incarnerons cette évolution/révolution. A nous d’agit pour en faire ce lieu de délice et de sérénité que nous souhaitons tous. La puissance est en nous.

Etincelles de Machiah

 « D.ieu sera Un et Son Nom sera Un »

Le prophète Zacharie (14:9) enseigne au sujet du temps de Machia’h : « En ce jour, D.ieu sera Un et Son Nom sera Un ». Il est clair que l’unité de D.ieu est un fondement du judaïsme mais pourquoi lier la révélation de cette idée à la venue de Machia’h ?

C’est qu’en notre temps, l’unité divine n’apparaît pas à l’évidence. Le monde paraît constituer une existence autonome. Au contraire, dans le monde de Machia’h, l’unité du Créateur sera manifeste aux yeux de tous. Chacun verra que le monde est inexistant devant la lumière divine qui le fait vivre.

(d’après Torah Or, Vaéra p. 55c)

Vivre avec la Paracha

 Noa’h

Dans un monde consumé par la violence et la corruption, D.ieu s’adresse au seul homme juste et lui demande de construire une Tévah (« arche ») pour se protéger (ainsi que sa famille et des spécimens de chaque espèce animale) du déluge qu’Il va déverser sur la terre.

Après quarante jours et quarante nuits de pluie et cent cinquante jours d’accalmie, la Tévah se pose sur le Mont Ararat. Noa’h constate que la terre a complètement séché, (trois cent soixante-cinq jours après le début du Déluge) et il obéit à l’ordre de D.ieu de sortir de l’arche et de repeupler la terre.

Noa’h construit un autel et offre à D.ieu des sacrifices de gratitude et D.ieu jure de ne plus jamais détruire l’humanité. Il fait naître un arc-en-ciel comme signe de cette nouvelle alliance.

D.ieu donne également à Noa’h sept lois destinées à l’humanité entière.

No’ah, devenu vigneron, est ennivré par l’alcool. Deux de ses fils, Chem et Yaphèt sont bénis pour l’avoir recouvert dans sa nudité, le troisième ‘Ham est puni de lui avoir manqué de respect.

Les descendants de Noa’h défient le Créateur et construisent une tour, à Babel, pour affirmer leur invincibilité. D.ieu mêle alors tous leurs langages si bien que, faute de se comprendre, ils abandonnent leur projet et s’éparpillent sur la terre, se séparant en soixante-dix nations.

La fin de la Paracha Noa’h énonce la chronologie des dix générations séparant Noa’h d’Avram et le voyage de ce dernier depuis son lieu de naissance Our Kasdim, vers ‘Haran, sur le chemin de la terre de Canaan.

Les trois générations de Noa’h

« Noa’h était un juste et un homme parfait dans ses générations. » (Beréchit 6:9)

« Dans ses générations » mais dans d’autres générations, comme les générations d’Avraham, de Moché et de David, il n’a pas de valeur. (Zohar 1:60a)

Ce passage du Zohar implique que Noa’h n’avait rien en commun avec Avraham, Moché et David. La comparaison semble dépréciative mais le seul fait que le Zohar mesure la valeur de Noa’h par rapport à ces trois géants de l’histoire indique que certains éléments, dans la vie et l’œuvre de Noa’h, allaient, par la suite, faire partie intégrante de la vie et de l’œuvre du premier Juif (Avraham), du transmetteur de la Torah à l’humanité (Moché) et du premier roi d’Israël (David).

Avraham, Moché et David représentent trois jalons dans la réalisation de la mission de l’humanité. Avraham fut le premier à démontrer qu’un être humain seul pouvait affronter le monde entier et persévérer. Il était né dans un monde où la vérité du D.ieu Unique avait été oubliée et où tous adoraient des idoles de bois et de pierre. Seul, pourvu, en tout et pour tout, de son seul esprit pour le guider, il en arriva à prendre conscience que « le monde entier est dans l’erreur ». Seul, il défia la puissance des rois et les conventions de la société, quitte à sacrifier sa propre vie au nom de ses convictions. Il était appelé « Avraham l’Hébreu » parce que le monde entier se tenait d’un côté et lui de l’autre. (Ivri, « hébreu » signifie « de l’autre côté ».) Il engendra un nouveau type d’être humain, le Juif, qui ne reconnaît que D.ieu et Sa Vérité et défie les calculs du pouvoir et de l’histoire.

Mais dans la vie, il y a plus encore que de résister à un monde adverse. La Torah est « le plan », le projet de la création et notre mission dans la vie est d’établir le monde sur ses fondations divines. C’est ainsi que le Talmud statue que depuis le jour où le monde fut créé jusqu’au jour où la Torah fut donnée au Mont Sinaï, « le monde tremblait », son existence même restant nébuleuse et incertaine. Car la base de la création, sa charte, son système opératoire et sa raison d’être devaient encore être mis en place. Ce n’est que lorsque Moché communiqua la Loi divine régissant la réalité, dans un langage compréhensible à l’humanité, que les fondations de l’univers se solidifièrent.

Dans la génération de Moché, la relation de l’humanité avec le monde pénétra dans une nouvelle phase. Depuis Avraham, le monde était une force à laquelle on pouvait réussir à résister. A partir de Moché, c’était une dynamique qui devait être stabilisée, une ressource à utiliser. Avant la révélation du mont Sinaï, le monde présentait un défi à l’intégrité de l’homme. Après le don de la Torah, l’homme en était son pilier et son développeur.

La souveraineté Divine

La troisième étape constitue l’élévation de la création. La stabilité et le développement ne suffisent pas car le monde est fini et multiple. Même dans son état de « stabilité », sa perfection est limitée et son harmonie n’est qu’une trêve superficielle, déchirée de l’intérieur par des forces divergentes. Le but ultime n’est pas la civilisation de la terre mais sa sanctification. Le but ultime n’est pas la perfection de l’homme ni même la perfection universelle mais la perfection divine : un monde qui reflète l’infinie perfection de D.ieu, qui est complètement en paix avec lui-même et avec son Créateur.

Cela sera la réalisation du Machia’h qui « rendra le monde parfait comme le royaume de D.ieu, » proclamant une ère dans laquelle « il n’y aura ni faim ni guerre, ni jalousie ni rivalité… et la seule préoccupation du monde sera de connaître D.ieu. » Mais ce processus a été engagé par un ancêtre du Machia’h : le Roi David.

Le véritable sens du mot « roi » (Mélè’h) ne renvoie pas seulement à celui qui dirige et gouverne un peuple mais à celui qui imprègne la vie de ses sujets de la souveraineté de D.ieu. C’est la raison pour laquelle le Sauveur est appelé Mélè’h haMachia’h, « le roi oint », bien qu’un monde qui ne connaît « ni faim ni guerre, ni jalousie ni rivalité… » n’ait, de toute évidence, pas besoin d’être gouverné, au sens conventionnel, par une autorité qui maintient la paix et pourvoit aux besoins des nécessiteux. David, le premier et principal roi d’Israël inaugura l’ère de la « souveraineté », de l’introduction de la perfection divine dans la création. En fait, le terme « Machia’h » est utilisé de manière interchangeable pour à la fois David et le Sauveur final. D’ailleurs, ce dernier est appelé « Machia’h le fils de David », non seulement en référence à son ancêtre mais également pour impliquer qu’il complètera ce que le Roi David a amorcé.

Le précédent

Les accomplissements d’Avraham, de Moché et de David avaient leur précédent dans la vie de Noa’h.

Tout comme Avraham, Noa’h resta intègre dans une génération impie. A une époque où « la terre était remplie de violence » et où « toute chair corrompait son itinéraire sur terre, » Noa’h résista à ces influences et tenta même d’enjoindre sa génération à changer et à éviter la catastrophe. Selon les paroles de D.ieu à Noa’h : « Toi [seul] J’ai vu comme juste devant Moi dans cette génération. »

Tout comme Moché, Noa’h établit les fondations d’un monde nouveau, un monde plus stable que celui qui le précédait. En sortant de l’Arche, Noa’h reconstruisit le monde post diluvien et obtint la promesse de D.ieu qu’Il n’interromprait plus jamais l’œuvre de la nature.

Et finalement, Noa’h présida également sur un avant-goût de la perfection messianique. Son Arche, qui flotta une année entière sur les eaux du Déluge, était un monde dans lequel toutes les espèces, y compris celles qui sont naturellement des proies les unes pour les autres, résidèrent dans une parfaite harmonie. L’Arche de Noa’h était un précédent microcosmique du monde dans lequel « le loup sera tiendra aux côtés de l’agneau » et où les forces les plus antagonistes de la nature « ne se feront pas de mal ni ne détruiront… car le monde sera rempli de la connaissance de D.ieu comme les eaux couvrent la mer. »

Au-delà de Noa’h

Malgré tout, il n’en reste pas moins que Noa’h était un juste dans ses générations mais « n’a pas de valeur » quand il est jugé par rapport à ce qu’ont accompli Avraham, Moché et David.

Les péchés de la génération de Noa’h étaient la violence, le vol, la promiscuité interdite. Noa’h reconnaissait, comme quiconque l’aurait fait, l’auto-destruction d’une telle attitude et ne voulait en aucune mesure s’y conformer. Il reconnaissait également qu’un tel comportement mettait en péril la survie sur terre. Il fit tout ce qu’il put pour convaincre sa génération de la folie d’un tel comportement. Le monde qu’il établit en sortant de l’Arche était un monde plus stable parce que fondé sur les principes du respect : respect mutuel de la vie, de la propriété et de la famille, ce qui engendra la promesse de D.ieu.

Même l’harmonie messianique qui prévalait dans l’Arche était utilitaire : si le monde devait être reconstruit à neuf, il fallait que le loup et l’agneau apprennent à vivre ensemble.

En revanche, la confrontation d’Avraham avec le monde ne concernait pas la civilité mais l’idolâtrie opposée à la foi en un D.ieu unique.

Moché quant à lui stabilisa le monde avec la Torah, dans le but de servir D.ieu et réaliser Son projet dans la création.

Le Roi David introduisit (et le Machia’h suivra) une dimension surnaturelle d’harmonie et de perfection dans le monde pour révéler celles de son Créateur.

Noa’h fut leur précurseur et facilitateur, comme l’enfance est le précurseur et le facilitateur de la vie adulte. Mais un adulte qui reproduit les prouesses les plus impressionnantes de l’enfance s’attirera la condamnation et non la louange. Personne ne blâme un enfant de faire ce qu’il faut pour obtenir une récompense ou d’éviter un mauvais comportement par crainte de la punition. Mais le même comportement chez un adulte le stigmatise comme égoïste, petit et immature.

C’est pourquoi le Zohar parle au présent quand il dit : « mais dans les générations d’Avraham, Moché et David, il n’a pas de valeur. » Quand la Torah souligne que Noa’h était un juste dans sa génération, il ne s’agit pas d’amoindrir sa grandeur. Bien au contraire, à son époque, quand le monde était dans l’enfance spirituelle, ses accomplissements représentaient le potentiel humain ultime. La Torah vient plutôt nous expliquer qu’après les avancées d’Avraham, de Moché et du Roi David, nous ne devons pas considérer Noa’h comme notre modèle. Dans un monde qui a mûri au-delà de la moralité utilitaire de sa jeunesse, la justesse de Noa’h n’a pas de valeur.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que le « Chema » ?

Le « Chema » est une des prières centrales du judaïsme. Elle est, de fait, composée de trois paragraphes de la Torah : Deutéronome 6, 4-9 ; puis Deutéronome 11, 13-21 ; puis Nombres 15, 37-41. Ces trois paragraphes sont récités avec une grande concentration puisqu’ils exposent des principes essentiels : la croyance en l’Unité absolue de D.ieu qui amène à l’amour et à la crainte du Créateur ; le principe du libre choix et de la récompense (et de la punition) ; l’importance du rappel de la sortie d’Egypte.

Chacun, (homme, femme ou enfant) est tenu de réciter le Chema, une fois le matin et une fois le soir. On répétera également le Chema le soir avant de se coucher. Quand on entend l’assemblée des fidèles réciter le Chema, on le récitera en même temps, même si on n’est pas parvenu encore à ce passage de la prière afin de rester solidaire de la communauté. On récite également le Chema au chevet d’un mourant.

On fait très attention de bien articuler tous les mots du Chema afin qu’ils ne soient pas détournés de leur sens original.

Après la première phrase « Chema Israël, Ado-naï Elo-hénou Ado-naï E’had » (Ecoute Israël l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel est Un), on intercale la phrase « Barou’h Chem Kevod Mal’houto LeOlam Vaèd » (Béni soit le Nom de la Gloire de Sa royauté à tout jamais) qu’on prononce à voix basse car elle a été prononcée par des anges (sauf à Yom Kippour où nous « ressemblons à des anges » puisque nous ne mangeons pas).

On habituera les enfants, dès leur plus jeune âge, à réciter le « Chema ». On récite la première phrase en mettant la main droite sur les yeux afin de mieux se concentrer et, également, afin de réaliser que rien n’existe véritablement sans la Présence de D.ieu.

(d’après Rav Nissan Mangel)

Le Recit de la Semaine

 Où est D.ieu ?

Juste au moment où je sortais de la synagogue pour une pause dans mon étude de la Guemara (le Talmud), le Rabbi sortait de son bureau et se dirigeait vers sa voiture. Mais sur son chemin, se tenait un jeune homme, dont l’apparence extérieure était bien différente de celle des ‘Hassidim. Il devait avoir vingt-cinq ans. De grande taille, il portait une minuscule Kippa au sommet de ses boucles blondes qui descendaient jusque sur ses épaules.

Au début, il avait hésité, mais il s’était approché et avait parlé au Rabbi. Je n’ai entendu ni la question ni la réponse, mais j’ai vu le Rabbi pointer le doigt vers le ciel et faire un rond dans l’air avec son doigt. Le jeune homme semblait ne pas apprécier la réponse et dit encore quelques mots. Là, le Rabbi sourit et indiqua du doigt le cœur du jeune homme pendant sa réponse. La conversation s’arrêta là et le jeune homme, comme paralysé, regarda le Rabbi entrer dans sa voiture qui disparut rapidement.

Puis il reprit ses esprits et entra dans la synagogue. Je le suivis. Il s’assit sur un des bancs, mis sa tête entre ses mains et pleura pendant environ dix minutes. Puis il se reprit, lut quelques Psaumes dans un livre de prières, embrassa le rideau de l’Arche sainte et sortit. Je le suivis dans le métro et m’assis en face de lui. Au bout de quelques stations, je pris mon courage à deux mains : « Qu’est-ce que le Rabbi vous a dit ? »

- J’ai demandé au Rabbi où était D.ieu. Il a répondu : partout. J’ai insisté : « Je suis sérieux ! »

- Vous avez dit cela ?

- Enfin, je ne l’ai pas vraiment dit. Cela m’a échappé, si vous voulez. J’ai donc été surpris que le Rabbi me sourit. C’est alors qu’il a dit : « D.ieu est en vous, exactement là ». Et il a montré du doigt mon cœur.

J’ai alors réalisé que nous ne nous étions pas présentés l’un à l’autre. Il me tendit justement la main et me dit : « Je suis Dany, Dany Cohen ».

- Moi c’est Israël, Israël Lipkind. Donc vous êtes un Cohen.

- Exact. Un descendant d’Aharon, le Grand-Prêtre, qui aimait la paix et la poursuivait. Je viens de Long Beach, en Californie. Et je suis fiancé !

- Mazal Tov!

- Euh… Gardez vos félicitations, s’il vous plaît. Elle n’est pas juive.

Je repris mes félicitations et mon souffle également. Dany reprit son récit : « Au début, le fait qu’elle ne soit pas juive n’avait aucune importance pour moi. Le judaïsme ne tenait pas une grande place dans ma vie.  La réaction de mes parents me surprit. Ma mère pleurait jour et nuit. Mon père ne voulait plus me parler. Mais je n’en avais rien à faire.

Il y a quelques mois, nous sommes rentrés, Lisa et moi, dans une librairie juive. Le commerçant s’est approché de moi avec des espèces de boîtes de cuir reliées à des lanières et, avec un fort accent d’Europe, m’a demandé : « Chalom ! Voulez-vous mettre les Téfilines ? » Je ne savais pas trop ce que cela signifiait mais comment pouvais-je refuser quoi que ce soit à ce saint homme ? J’ai dit : d’accord et j’ai attendu ses instructions. Il a relevé ma manche gauche, a entouré mon bras avec ses lanières et m’a dit de répéter le Chema – ce dont je me souvenais depuis une colonie de vacances juive – et m’a dit de parler à D.ieu.

Cela m’a retourné. Bien que je fûs déjà entré plusieurs fois à la synagogue, je n’avais jamais compris qu’il s’agissait de parler à D.ieu. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être que je ne pensais pas qu’Il m’écouterait ou même qu’Il n’existait pas du tout.

L’homme déroula les lanières de mon bras et de ma tête. Il se tourna vers Lisa : « Alors, vous allez vous marier ? » J’ai dit : « Oui, bientôt ». Il a dit Mazal Tov. Je n’ai pas voulu lui faire de peine et je n’ai rien dit.

Cette nuit-là, je n’ai pas fermé l’œil. Le lendemain, je suis retourné dans la boutique. L’homme faisait réciter le Chema à un autre client. J’ai attendu mon tour puis j’ai mis à nouveau les Téfilines. Je lui ai ensuite posé des questions, il m’a répondu et nous avons commencé à étudier ensemble : j’ai plus appris avec lui en une heure que je n’avais appris de toute ma vie.

Mais ce n’était pas suffisant. Mon cerveau captait, mais je ne parvenais pas à traduire dans l’action. Quand je signalais au commerçant que j’allais me rendre à New York, il me dit que je devais aller voir le Rabbi de Loubavitch à Brooklyn. C’est ce que j’ai fait. C’était la première fois que je le voyais mais je savais que c’était lui. Je sentais que c’était le moment ou jamais de lui parler. Et je lui ai demandé où se trouvait D.ieu. Il a répondu : partout. Mais je n’étais pas satisfait, j’ai dit : je suis sérieux ! J’ai vraiment besoin de savoir. C’est personnel. Je n’en ai pas besoin pour écrire une thèse mais pour moi, c’est vital.

Et il a souri, comme s’il connaissait par avance ma réaction et qu’il espérait que je dise cela. C’est là qu’il a montré mon cœur du doigt et a ajouté : ici, D.ieu est en vous !

Des mots simples. N’importe qui aurait pu les prononcer. Mais le Rabbi en était sincèrement persuadé. Et parce qu’il y croyait, j’y ai cru moi aussi. Je me suis dit : « C’est sans doute cela, regarder dans les yeux de Moïse et obtenir un reflet de ma véritable personnalité dans ces yeux. Je me sentais comme une petite flamme qui danse et qui rejoint un feu bien plus grand.

A ce moment, le fossé n’exista plus. Mon cerveau avait rejoint mon cœur et j’ai pris la décision qui s’imposait… »

Yossi Marcus

traduit par Feiga Lubecki