Semaine 42

  • Souccot
Editorial

Aux sources de la joie

Ces jours que la tradition dénomme “redoutables” se sont achevés dans la joie. C’est, en effet, une pure allégresse qui a salué la fin de Yom Kippour et qui ne fait que grandir jusqu’à ce qu’arrivent les célébrations de Souccot et leur point culminant, Sim’hat Torah. Le bonheur qui s’exprime ainsi pose parfois question en ces temps troublés: d’où le peuple juif tire la force de la réjouissance? Voici que les moments les plus solennels, les plus austères aussi, de l’année se sont à peine conclus que la joie surgit avec une puissance indépassable!

La réponse à cette interrogation qui traverse le tumulte des siècles tient peut-être dans la Soucca, cette humble cabane couverte de branchage qui est notre demeure pendant la semaine de fête. Chaque année, lorsqu’elle s’élève, elle interpelle le monde des hommes avec la même tranquille assurance. Elle se dresse comme un témoignage. Cette simple cabane, si fragile, qu’un souffle de vent pourrait abattre, a traversé le temps, suivi le peuple juif sur tous les continents, survécu à toutes les épreuves. Fidèle, elle se tient là sans que, semble-t-il, rien ne puisse jamais l’en empêcher. D’autres civilisations, orgueilleuses et puissantes ont, elles aussi, construit des édifices. Ceux-là étaient grands et solides, faits pour durer aussi longtemps que l’éternité. Mais les années sont passées et ont eu raison de leurs ambitions. Leur splendeur s’est éteinte et, avec elle, jusqu’au souvenir de leurs bâtisseurs, réduits à quelques lignes des livres d’histoire.
La Soucca est toujours parmi nous, abri qui ne devrait résister à rien et pourtant survit à tout. Elle est le signe d’un secret et c’est lui qui lui donne cette force : la confiance en D.ieu. De fait, un tel abri ne vaut que pour ce qu’il représente. Et c’est justement une telle confiance, absolue, sans limite, qui est la source de la joie du temps. Après la “solennité” de Roch Hachana et de Yom Kippour, voici venu le temps du pardon divin. Notre confiance en Lui nous l’assure et notre cœur sait en ressentir cette joie unique. Il nous revient de la vivre intensément, nos Sages ne disent-ils pas qu’elle brise les barrières ?

Etincelles de Machiah

L’importance de rire

Les Psaumes (126:2) annoncent, parlant de la venue de Machia’h: “Alors notre bouche se remplira de rire”. Si une telle phrase dépeint bien la joie qui caractérisera le nouveau temps, elle n’en pose pas moins question.
En effet, la venue de Machia’h entraînera une intense révélation de Lumière Divine, inconnue jusque-là dans l’univers. Dès lors quelle importance peut avoir le rire?
Le mot “rire” en hébreu est composé des lettres qui donnent une valeur numérique de 414. C’est également la valeur numérique du terme qui désigne la Lumière Infinie de D.ieu. Cela nous permet ainsi de comprendre que ce “rire” aura un sens profond: la révélation du plaisir de D.ieu.
(d’après Likouteï Torah, Bamidbar 19d)

Vivre avec la Paracha

Intuition

La pierre angulaire d’un mariage réussi est l’empressement de chaque partenaire à accomplir la volonté de l’autre. Si l’un des deux exprime un désir, l’autre fera tout ce qui lui est possible pour donner satisfaction à son conjoint.
Un plus grand amour encore est exprimé quand chacun des partenaires aspire également à accomplir les désirs implicites (non exprimés) de l’autre. Pour le conjoint réellement dévoué, il ne fait aucune différence si le désir a été prononcé à haute voix ou s’il l’a deviné: il investira les mêmes efforts pour apporter satisfaction à son conjoint.
Et en dernier lieu, dans certains mariages, l’allusion la plus discrète n’est même pas nécessaire. Le lien unissant le mari et son épouse est si profond que chacun sait intuitivement ce que l’autre veut de lui ou d’elle. En fait quand les deux personnes éprouvent mutuellement de tels sentiments, la joie la plus grande qu’ils puissent ressentir est d’avoir su deviner et satisfaire le désir de l’autre.

Trois degrés de commandements

Le mois de Tichri est un mois rempli de Mitsvot, d’opportunités pour accomplir la volonté divine. Pendant trente jours, la pensée et l’emploi du temps de chaque Juif sont remplis de prière, de retour à D.ieu, de jeûnes, de danses, de construction de la Soucca, d’acquisition du Loulav , de l’Etrog ou d’un bouquet de Hochaanot et de dizaines d’autres Mitsvot, coutumes et observances.

Ces préceptes de Tichri tombent dans trois catégories générales. Se distinguent tout d’abord les “préceptes bibliques”, commandements statués explicitement dans la Torah. Ils incluent les Mitsvot comme celle de faire résonner le Chofar, jeûner à Yom Kippour ou manger dans la Soucca. Il existe aussi un nombre de “préceptes rabbiniques”, des observances instituées par les Prophètes et les Sages investis d’une telle autorité par la Torah. L’on peut citer en exemple le service des cinq prières qui se tient à Yom Kippour et l’utilisation des “Quatre espèces” tous les jours de Souccot (à l’exclusion du premier jour où la Mitsva est alors un précepte de la Torah).
Enfin le mois de Tichri comprend de nombreux “Minhagim” ou coutumes, comme celles de manger une pomme trempée dans le miel, le premier soir de Roch Hachanah ou faire les Kapparot à l’aube du jour qui précède Yom Kippour. Les Minhagim ne sont pas ordonnés par la loi biblique ou rabbinique mais par la force de la coutume: nous les avons nous-mêmes initiés pour embellir le service de notre Créateur.

L’apogée du mois de Tichri, le point où notre célébration des fêtes de D.ieu atteint le summum de la joie, se vit à Sim’hat Torah pendant les Hakafot, lorsque nous prenons dans nos bras les rouleaux de la Torah pour danser avec eux autour du pupitre dans la synagogue. Ce qui est extrêmement surprenant c’est que ces Hakafot ne sont ni une injonction biblique, ni un précepte rabbinique mais simplement une coutume!
Car c’est par notre observance des coutumes que nous exprimons la profondeur de notre amour pour D.ieu. Le commandement biblique peut être comparé aux désirs exprimés expressément par deux personnes liées par le mariage. Les observances rabbiniques que D.ieu ne nous a pas ordonnées directement mais qui constituent aussi l’expression de la volonté divine* ressemblent aux requêtes implicites entre deux époux. Mais les Minhagim représentent ces domaines dans lesquels nous sentons intuitivement comment nous pouvons apporter à D.ieu du plaisir et c’est alors que s’exprime notre joie la plus grande.

*Avant d’accomplir une Mitsva rabbinique, nous récitons une bénédiction qui commence par les mots: “Béni sois-Tu l’Eternel…Qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous a enjoint de …” Car puisque D.ieu nous a commandé d’accomplir les Mitsvot instituées par les Sages, ce sont des commandements divins; la seule différence entre les Mitsvot bibliques et les Mitsvot rabbiniques est que les premières expriment plus explicitement la volonté de D.ieu. Ainsi, accomplir un commandement rabbinique est une preuve de plus grand engagement car nous exprimons alors une dévotion égale pour ces désirs divins que D.ieu ne nous a pas exprimés ouvertement.

La marchandise de Michaël

Lors d’une réunion tenue à Sim’hat Torah, le Baal Chem Tov raconta l’histoire suivante à ses disciples: le matin de Sim’hat Torah, tout le monde dort un peu tard à cause des Hakafot et des festivités du soir précédent. Néanmoins, les anges célestes ne disent pas “Le’hayim” à Sim’hat Torah si bien que le matin suivant ils se lèvent à l’heure normale pour l’office.
Mais les anges se retrouvèrent avec rien à faire, comme l’exprime le Talmud: “quand les étoiles du matin chantent ensemble, les étoiles célestes répondent, “les anges ne peuvent chanter les louanges de D.ieu dans le ciel avant qu’Israël ne chante Ses louanges sur terre”. Ainsi décidèrent-ils de faire un peu de “ménage” dans le jardin d’Eden.
Ils le trouvèrent jonché d’objets étranges: des chaussures déchirées, des talons cassés… Les anges étaient accoutumés à trouver des Tsitsit, des Tefilines et des objets similaires mais jamais ils n’avaient rencontré ce type d’objets. Ils décidèrent de demander à l’ange Michael, l’avocat suprême du peuple Juif, s’il savait d’où tout cela provenait.
“ Oui, répondit Michael, c’est ma marchandise. Ce sont les restes des hakafot de la nuit dernière au cours desquelles les Juifs ont dansé avec la Torah ”. Michaël se mit à compter et empiler les chaussures déchirées selon les communautés : tant et tant de Kraminkeh, tant et tant de Mezeritch etc.
“Matat, chantonna Michaël se référant au plus prestigieux des anges de la cour céleste, fait des couronnes pour D.ieu à partir des prières d’Israël. Aujourd’hui, je fabriquerai une couronne encore plus glorieuse pour D.ieu, à partir de ces chaussures déchirées”.

Le Coin de la Halacha

Que fait-on à Souccot ?

“Dans des Souccot, vous habiterez durant sept jours... afin que vos générations sachent que c'est dans des Souccot que J'ai fait habiter les enfants d'Israël lorsque Je les ai fait sortir du pays d'Egypte ”.
Chaque Juif prend ses repas dans une Souccah, une cabane recouverte de branchages, depuis vendredi soir 10 octobre 2003 jusqu'à Chémini Atséret inclus, c'est-à-dire samedi après-midi 18 octobre. On essaiera d'habituer les petits garçons à prendre aussi leurs repas dans la Soucca. Les femmes ne sont pas astreintes à ce commandement. Il est recommandé d'avoir des invités dans la Soucca.
Avant d'y manger du pain ou du gâteau, ou d'y boire du vin, on dira la bénédiction adéquate suivie de la bénédiction: “Barou'h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Léchève Bassoucca”. “Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde Qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné de résider dans la Soucca”.
Vendredi soir 10 octobre, après avoir mis quelques pièces à la Tsédaka (charité), à Paris avant 18 h 52, les femmes mariées allument au moins deux bougies (les jeunes filles et les petites filles allument une bougie) avec les bénédictions suivantes:
1) Barou'h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chèl Chabbat Vechel Yom Tov. “Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, roi du monde Qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné d’allumer les lumières de Chabbat et de la fête”.
2) Barou'h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè'h Haolam Chéhé'héyanou Vékiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé. “Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, roi du monde Qui nous as fait vivre et exister et parvenir à cette époque”.
Samedi soir 11 octobre (à Paris après 19 h 57) elles allument les bougies avec les bénédictions suivantes :
1) Barou'h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chèl Yom Tov.
2) Barou'h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè'h Haolam Chéhé'héyanou Vékiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé.
A partir de dimanche matin 12 octobre et jusqu'au vendredi 17 octobre inclus, on fait chaque jour la bénédiction sur les “quatre espèces” (cédrat, branche de palmier, feuilles de myrte et feuilles de saule) :
1) “Barou'h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Al Netilat Loulav”. “Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, roi du monde Qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné de prendre le Loulav ”.
La première fois, on ajoute: 2) “Barou'h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè'h Haolam Chéhé'héyanou Vékiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé”. “Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, roi du monde Qui nous as fait vivre et exister et parvenir à cette époque”.
Tous les soirs de Souccot, on organise, si possible dans la rue, une fête joyeuse, Sim'hat Beth Hachoéva.

F. L.

De Recit de la Semaine

Bravo la cabane !

Déporté en Sibérie comme des millions d’autres innocents (Juifs en majorité), Reb Na’hman Rosman fit dans un camp la connaissance de Reb Acher Sossenkin, un ‘Hassid qui lui enseigna la Torah et la pratique des commandements.

Un jour, Reb Acher m’expliqua que chez nous, les Juifs, il existe une très jolie fête qui s’appelle Souccot. On construit une cabane qu’on recouvre de branchages et dans laquelle on habite durant huit jours. Je décidai donc de construire une Soucca quoi qu’il arrive.
Après beaucoup d’efforts, je parvins à trouver et à acheminer des planches et des branchages. Reb Acher me prévint que je risquais vraiment ma vie mais rien ne pouvait me faire changer de décision. C’est ainsi qu’à l’approche de la fête, j’avais réussi à construire ma Soucca, cachère à 100%!
Reb Acher était émerveillé et cependant, il ne cessa de m’avertir que, dès que les gardiens s’en apercevraient, ils réagiraient avec violence. Effectivement, les gardiens arrivèrent, aperçurent la cabane et, sans dire un mot, me forcèrent à monter dans leur voiture et m’amenèrent chez le commandant du camp.
Celui-ci me demanda, d’un ton très sévère, pourquoi j’avais construit cette cabane. “Camarade commandant, répondis-je, le temps risque de changer d’un moment à l’autre. Bientôt, la pluie et la neige tomberont sans s’arrêter. Ces planches qui étaient abandonnées risquent de devenir humides et de pourrir, ce qui représente une grande perte d’argent pour le camp. C’est pourquoi j’ai pris ces planches et je les ai accrochées l’une à l’autre et je les ai recouvertes de branches d’arbre pour les protéger ”.
(A cette époque, comme j’étais déjà un ancien prisonnier, je n’étais plus soumis aux travaux forcés les plus durs comme Reb Acher mais j’étais employé aux écritures). “Je me suis senti responsable de ces planches, du fait que j’étais en charge de la réserve de bois. Et c’est pourquoi j’ai pris l’initiative de protéger le matériel du camp!”
Stupéfait, le commandant ne cacha pas son admiration. Son visage exprimait maintenant une satisfaction évidente et il ordonna aux gardiens de me ramener à ma baraque sans me faire de mal.
Le lendemain matin, comme d’habitude, les gardiens réveillèrent sans ménagement les prisonniers pour procéder à l’appel. Debout, en rangs, nous attendions que le commandant énumère tous les noms et nous donne ses instructions pour la journée. Soudain le commandant appela un des soldats et lui chuchota quelques mots à l’oreille. Le soldat se dirigea vers moi et me plaça à côté du commandant. Tous les prisonniers me regardèrent avec pitié: j’allais certainement être lourdement condamné pour avoir construit une Soucca, un objet religieux juif, alors que je purgeais ma peine en Sibérie.
Le commandant scruta tous les prisonniers puis déclara à voix haute: “Vous devez tous prendre exemple sur ce prisonnier si dévoué à la cause de la Révolution! Il mérite toute notre considération tant il prend soin des biens de notre camp. Il n’a épargné aucun effort, malgré sa fatigue, et, de sa propre initiative, il a construit une cabane pour protéger les planches en bois. Vous devez tous agir comme lui ! ”
Et, avec une tape amicale sur mon épaule, il me fit signe de rejoindre ma place…

A sa sortie des camps du Goulag, Reb Na’hman avait complètement adopté la pratique traditionnelle des Mitsvot et, quand je l’ai rencontré à Tachkent, il faisait partie du groupe des ‘Hassidim.

Mena’hem Margoline
traduit par Feiga Lubecki