Samedi, 19 mars 2016

  • Vayikra
Editorial

 Le sens d’une histoire

On observe souvent à quel point le peuple juif a une longue mémoire. Il n’est sans doute pas exagéré de dire qu’il s’est également construit au fil des siècles à travers elle. En d’autres termes, nous avons conscience d’où nous venons, c’est aussi pour cette raison que nous savons où nous allons. Il existe pourtant certains points de cette mémoire qui font l’objet d’un impératif à la fois rituel et moral. C’est en particulier vrai pour le souvenir d’Amalek. Un cas rare : il est donné commandement de nous souvenir constamment de ce qu’il nous a fait, de sa volonté de nous détruire, d’éveiller toujours en nous le rappel de ses actes afin que jamais nous ne cessions de le haïr. C’est une «guerre éternelle» dit le texte. Force est cependant de constater que cet affrontement paraît bien ancien et, même si les descendants spirituels et intellectuels d’Amalek ont traversé l’histoire, tentant, une génération après l’autre, d’attenter à notre vie, sa filiation matérielle s’est largement perdue. Cette semaine, nous lisons encore dans nos synagogues le récit de ses forfaits avec l’admonestation de ne jamais l’oublier. Pourquoi une telle insistance ?

C’est qu’il existe plusieurs types d’Amalek. Le premier d’entre eux, on l’a dit, est historique et il nous arrive hélas d’avoir toujours à l’affronter. Mais il en existe un autre, plus subtil et plus intérieur. C’est celui qui, comme son archétype matériel, entreprend de nous détourner sur le chemin. C’est celui qui, faute de pouvoir nous vaincre en dépit de toutes ses tentatives, aspire à simplement refroidir notre enthousiasme. Il veut nous dire que le monde est trop vieux et que nous nous usons à vouloir le porter à un niveau plus digne de la création Divine. Il nous susurre que les valeurs dont nous sommes porteurs sont trop anciennes et, surtout, trop exigeantes pour un temps plus enclin à la facilité. Il veut nous convaincre de renoncer. Alors que sur les champs de bataille matériels, il est toujours acculé à la défaite, dans la lutte spirituelle, il espère l’emporter. Chacun – homme, femme ou enfant – est maître de son combat personnel.

De fait, quel sens aurait une vie sans but ni objet, dépourvue de cet élan qui permet les grandes choses ? Alors, il faut se souvenir. Et, par ce souvenir, nous condamnons toutes les tentatives d’Amalek à l’échec. Car l’histoire avance dans une direction fixée par D.ieu et menée par les hommes. Ni recommencement, ni abandon, elle est celle d’une réalisation millénaire : la venue du Machia’h.

Etincelles de Machiah

 Le troisième jour

Le prophète Osée (6:2) annonce : «Il nous fera revivre après deux jours, le troisième jour il nous redressera et nous vivrons en Sa Présence.»

Les Sages interprètent l’expression «deux jours» comme se rapportant à «ce monde» et au «monde futur». Quant au « troisième jour », il désigne le «monde de la résurrection» qui suivra la venue de Machia’h.

Chacun de ces degrés correspond à un mode de service de D.ieu. «Ce monde» représente l’œuvre spirituelle accomplie par ceux qui exercent une activité profane et mènent leur vie conformément à la Torah. Le «monde futur» représente ceux qui se consacrent exclusivement à l’étude de la Torah. Le «monde de la résurrection» correspond au niveau le plus élevé du service de D.ieu ; il combine les deux précédents. C’est un niveau auquel l’âme et le corps participent avec un égal enthousiasme. C’est le but ultime de la création que la venue de Machia’h concrétisera.

(d’après les Iguerot Kodech du Rabbi, vol. IV, p. 462) 

Vivre avec la Paracha

 Vayikra

Résumé

D.ieu appelle Moché depuis la Tente d’Assignation et lui communique les lois des korbanot, offrandes animales et alimentaires apportées dans la Sanctuaire.

L’éternité du Temple

Le livre de Vayikra traite principalement des offrandes apportées en guise de sacrifices, à la fois dans le Michkan (le Sanctuaire du désert) et le Beth Hamikdach (le Temple de Jérusalem).

La Torah est éternelle. Ses lois et mêmes ses histoires peuvent apporter à chaque Juif de chaque génération des directives applicables dans leur vie quotidienne. Cela s’applique également aux lois concernant les sacrifices et aux autres aspects du Beth Hamikdach.

Le commandement «Et ils Me feront un sanctuaire» requérant que les Juifs construisent le Beth Hamikdach a un but précis, comme l’indique la suite du verset : «et Je résiderai parmi eux», c’est-à-dire dans chaque Juif en particulier.

C’est la raison pour laquelle, même si le Beth Hamikdach a été détruit à cause de nos fautes, chaque Juif doit conduire son foyer comme «un Sanctuaire en miniature». En infusant sa conduite de sainteté, il apporte le pardon pour les péchés du passé et rend sa maison ouverte à la Présence de D.ieu. Cela apportera les bénédictions divines au moment adéquat.

D.ieu désire le cœur

Comme nous l’avons mentionné, l’un des aspects essentiels du service du Beth Hamikdach était constitué des sacrifices. Chaque jour commençait et s’achevait par le sacrifice journalier, apporté avant tous les autres, le matin, et après tous les autres, avant la tombée de la nuit.

L’une des leçons que l’on peut en tirer est que D.ieu ne demande pas nécessairement au Juif de Lui donner toutes ses ressources. Car ce sacrifice journalier ne consistait qu’en un mouton et une petite quantité d’huile, de vin et de sel. Plus encore, c’était un sacrifice communautaire, acheté avec les fonds auquel chacun contribuait, une fois par an, par une toute petite somme. Et pourtant, ce montant minimum ouvrait la porte aux bénédictions divines pour tout ce dont avait besoin le Peuple juif.

Car D.ieu ne demande pas qu’on Lui donne toutes nos possessions. Ce qu’Il demande réellement, néanmoins, est que ces dons soient faits avec tout notre cœur. Ce qui compte n’est pas la quantité de ce que l’on donne en énergie, en argent ou par d’autres moyens mais la manière dont on donne.

Un don se fait de tout son cœur, quand bien même (et quelle qu’en soit la raison), la somme n’est pas importante. Le sacrifice journalier ne contenait qu’une petite partie de chaque catégorie du règne animal : un mouton, du règne végétal : un petit peu d’huile et de vin et de la matière inanimée : du sel. Mais le faire de tout cœur, avec joie et vitalité, répond à l’intention divine et attire vers nous Son influence positive.

Donner le ton

Ce sacrifice était apporté deux fois par jour, une fois tôt le matin et une fois avant la nuit, et pourtant on s’y réfère comme au korban tamid : «le sacrifice continuel». Cela implique que les sacrifices apportés durant la journée étaient influencés par ce premier don. En fait, c’est pour cette raison-même qu’on l’offrait avant tous les autres.

Cela nous enseigne également la conduite à tenir dans un foyer juif. Au fil de la journée, différents facteurs, concernant l’âme ou le corps, entrent en jeu dans l’environnement de la maison. Le trait commun qu’ils partagent est que la lumière divine ne leur est pas directement évidente. Car même les préoccupations spirituelles s’accomplissent en fonction de l’intellect humain, limité. Cela risque, parfois, d’éloigner la personne du droit chemin et de la conduire à l’opposé de la volonté divine.

C’est pour cela que, au tout commencement du jour, l’individu prend un engagement total et absolu à l’égard de D.ieu en déclarant : « modé ani…» «Je te remercie Toi, Roi vivant et éternel…». Dès qu’il se réveille, il remercie D.ieu de lui avoir rendu son âme. Il se réfère à D.ieu comme au «Roi», impliquant ainsi que, comme il convient à l’égard d’un roi mortel, il s’engage à se dévouer de tout son cœur, au prix même de sa propre vie.

Se tourner vers la Techouvah

Le Midrach dit que le sacrifice journalier apportait le pardon pour certains péchés commis avant de l’offrir. Car D.ieu donne à chaque personne qui commet une transgression l’opportunité de corriger sa conduite. Tout au long de la vie, chacun se trouve confronté à des difficultés, à des défis à relever et il est possible que l’on n’arrive pas surmonter certains obstacles. Mais quand on renouvelle son engagement à D.ieu et que l’on proclame de tout cœur : «Je Te remercie, Roi vivant et éternel…», cela rectifie et apporte le pardon pour l’erreur passée.

Depuis Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi, la ‘Hassidout nous apporte de profondes explications sur la Techouvah. Quand un Juif trébuche dans son service divin, à D.ieu ne plaise, il ne doit pas désespérer ou s’attrister. Bien au contraire, il doit renforcer son engagement, essayer de corriger ses défaillances et compenser ce qu’il n’a pas réussi à accomplir, espérant que D.ieu acceptera sa Techouvah.

La phrase : «Je Te remercie, Roi vivant et éternel…» comporte cet engagement à la Techouvah. Elle implique que l’on grave, par le remerciement et l’engagement de son esprit et de son cœur, la ferme résolution que son «sang et sa graisse», c’est-à-dire son énergie et sa satisfaction, seront dirigés vers la seule sainteté.

Quand nous avons pris cet engagement, D.ieu pardonne nos erreurs passées et nous accorde Ses bénédictions, apportant la satisfaction de nos besoins et de ceux de notre famille, dans les aspects matériels et spirituels.

Ce parallèle spirituel avec l’offrande quotidienne conduira à la bénédiction ultime et essentielle : Machia’h viendra et reconstruira le Beth Hamikdach. Il nous sortira de notre exil intérieur personnel et de notre exil dans le monde en général, pour nous mener vers notre Terre Sainte. Et nous verrons alors de nos yeux, le sacrifice journalier offert dans le Beth Hamikdach. Que cela ait lieu rapidement, de nos jours.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que Chabbat Za’hor ?

Le Chabbat 19 mars, avant la fête de Pourim, on sort deux Sifré Torah (rouleaux de la Torah). Dans le premier, on lit la Paracha de la semaine (en l’occurrence la Paracha Vayikra) ; dans le second, on lit le passage (Devarim – Deutéronome 25 : 17 à 19) nous enjoignant de nous souvenir d’Amalek. Amalek fut la première peuplade qui eut l’audace d’attaquer les Juifs qui sortaient miraculeusement d’Égypte. Il est devenu le prototype de tous les ennemis du peuple juif à travers les générations.

Chaque Juif a l’obligation d’écouter la lecture de ce passage de la Torah. Le lecteur doit avoir la pensée d’acquitter tous les fidèles qui l’écoutent à la synagogue. Selon certaines opinions, les femmes y sont astreintes également.

C’est une Mitsva de se souvenir de ce que nous a fait Amalek et de ne pas l’oublier.

Que fait-on à Pourim (cette année mercredi soir 23 et jeudi 24 mars 2016) ?

Mercredi 23 mars, c’est le jeûne d’Esther qui débute à 5h11 (horaire de Paris) et s’achève à 19h47. Dans l’après-midi, avant la prière de Min’ha, on donne trois pièces de Ma’hatsit Hachékel (50 centimes) à la Tsedaka ; on ajoute le passage Anénou dans la Amida. Le soir, si possible avant de manger, on écoute attentivement la lecture de la Méguila. On n’est pas quitte avec une lecture entendue par téléphone, magnétophone, Internet ou à travers un poste de radio.

Jeudi 24 mars, dans la journée, on écoute encore une fois la lecture de la Méguila. Quand le ‘Hazane (lecteur) prononce les bénédictions, on pense à se rendre quitte également des autres Mitsvot du jour.

Michloa’h Manot : On distribue à au moins une personne deux mets comestibles cachères, si possible en passant par un intermédiaire.

Matanot Laévionim : On distribue à au moins deux pauvres une pièce (ou un billet ou plusieurs billets…).

Michté : dans l’après-midi, on prend un bon repas, le festin de Pourim.

Les enfants se déguisent dans l’esprit de la fête. Les adultes mettent les vêtements de Chabbat pour écouter la Méguila.

On ajoute le passage «Veal Hanissim» dans la Amida et le Birkat Hamazone.

(d’après Cheva’h Hamoadim)

Le Recit de la Semaine

 Pourim en prison ?

Ce Chalia’h (émissaire) du Rabbi ne cessait de répandre le message de la Torah autour de lui, encourageant chacun et chacune à mieux connaître l’héritage de la Torah, à pratiquer ses Mitsvot et à apprécier le fait d’être juif. Ses efforts étaient couronnés de succès et il avait toutes les raisons de continuer son œuvre avec enthousiasme. Mais – car il y a souvent des mais – une personne lui causait des problèmes et cherchait à freiner son enthousiasme et ses initiatives : un homme aisé et influent qui dédaignait tout ce qui s’appelle ‘Hassid car il avait étudié dans une Yechiva opposée à la voie de la ‘Hassidout.

Ce qui était un comble, c’est que cet homme était né grâce à la bénédiction du Rabbi : en effet, ses parents avaient attendu des années avant de le mettre au monde. Sa mère ne parvenait pas à mener ses grossesses à terme, malgré la supervision des plus grands spécialistes. Le rabbin de leur communauté qui était non seulement rabbin mais aussi ‘Hassid, leur avait conseillé de demander une bénédiction au Rabbi. N’ayant plus rien à perdre, le couple s’était rendu à New York et, lors d’une Ye’hidout (entretien privé), le Rabbi avait conseillé à ces visiteurs d’être particulièrement attentifs aux lois de la Pureté familiale ; il leur avait promis la naissance d’un garçon qu’ils appelleraient Yossef Its’hak, du nom du Rabbi précédent.

Effectivement, Yossef Its’hak naquit un an plus tard ; il grandit et connut la réussite professionnelle. Cependant, non seulement il ne manifestait aucune gratitude envers le Rabbi mais, malheureusement, l’éducation qu’il reçut dans certaines Yechivot lui firent dédaigner et décrier tout ce qui était associé avec le mouvement Loubavitch – et donc le Chalia’h de sa ville.

Soudain, sans aucun signe précurseur, ce Yossef Its’hak fut le sujet d’une amère controverse. Calomnié, il fut arrêté et jeté en prison. Sur ses papiers officiels, il n’était pas nommé Yossef Its’hak mais avait d’autres prénoms, plus en vogue, qu’il utilisait pour ses affaires. C’est pourquoi la communauté juive ne fut pas informée de son arrestation comme il était de coutume dans cet état américain. Ceci aurait permis à la communauté de le faire libérer sous caution en se portant garante de sa prochaine comparution. Mais, traité comme un criminel, l’homme fut pratiquement dans l’incapacité d’accélérer le processus de défense.

Par ailleurs, les responsables de la communauté craignaient la mauvaise publicité que risquait de leur causer cette affaire compliquée qui sentait le souffre.

La veille de Pourim, le Chalia’h apprit ce qui s’était passé. Il se présenta à la porte de la prison en demandant la permission d’entrer pour lire la Méguila au prisonnier. La loi interdisait toute visite au détenu tant que la procédure n’avait pas atteint son terme. Cependant, comme le Chalia’h avait développé des relations amicales avec le gardien en chef, on lui permit exceptionnellement d’entrer pour effectuer cet acte religieux (lire la Méguila) mais pas de parler avec le détenu : «Vous avez le droit de lire votre texte sacré puisque cela fait partie des droits de tout prisonnier puis vous partirez sans échanger un mot ! D’accord ?».

Le Chalia’h accepta la condition mais précisa que certaines parties de la Méguila devaient être répétées par la personne qui écoute. Le gardien accepta.

C’est ainsi que le Chalia’h entra dans la prison et arpenta le long couloir qui menait aux cellules. Quand Yossef Its’hak, brisé par ces quelques jours de solitude et de détention, aperçut le Chalia’h auquel il avait auparavant causé tant de tracas, il fut à la fois atterré (en pensant à sa conduite passée) et heureux de voir un autre Juif qui, de plus, se souciait de lui voir accomplir la Mitsva importante de la lecture de la Méguila. Heureusement pour lui, il n’avait pas le droit de parler à son visiteur, ce qui lui évita un embarras certain. Le Chalia’h lut la Méguila pendant environ une demi-heure jusqu’à la fin puis, après la dernière phrase, continua du même souffle et avec la même intonation caractéristique de la Méguila :

- Avez-vous besoin de parler à quelqu’un ? Connaissez-vous quelqu’un dont le témoignage pourrait vous aider ?

Yossef Its’hak était un homme avisé et il comprenait vite certaines choses ! Il répondit sur le même ton, comme s’il répétait le texte sacré :

- Parlez à Yankel et demandez-lui… Et aussi à Moché qui peut expliquer. Mon avocat est Morde’haï de la synagogue Chochanat Yaakov. Dites à ma femme que j’espère sortir bientôt d’ici et que je suis innocent…

Sans sourciller, le Chalia’h replia sa Méguila et sortit, sans un regard supplémentaire, sans avoir apparemment échangé même une phrase avec le détenu.

Immédiatement, il contacta les personnes que Yossef Its’hak lui avait indiquées, ce qui permit de faire avancer le dossier et, finalement, de prouver l’innocence de l’accusé.

Depuis ce Pourim mémorable, Yossef Its’hak a bien changé ! Il est devenu un des plus ardents supporters du mouvement Loubavitch de sa ville et ne cesse d’admirer l’amour inconditionnel de chaque Juif qui anime chaque Chalia’h. «Un amour qui profite même à celui qui, par le passé, avait mis des bâtons dans les roues à chaque initiative du Rabbi, un tel amour, répétait-il, vous êtes sûr de le trouver chez Loubavitch !».

Traduit par Feiga Lubecki