Semaine 12

  • Vayikra
Editorial
Le goût du bonheur

Notre société présente certains côtés qui ont de quoi surprendre. Voici, en effet, que, dans le monde occidental, les hommes ont atteint un degré de prospérité dont nos ancêtres n’auraient probablement même pas rêvé, créant un espace dont le plus grand confort semble être la seule préoccupation et la seule recherche. Certes, au cœur de cet océan de richesse, les îlots de détresse en paraissent encore plus insupportables. Cependant, il est clair que, d’un point de vue global, notre vie a pris un tour que nos prédécesseurs auraient été bien en peine de connaître.
Certains diront sans doute que nous sommes encore loin d’une abondance sans limite, que, pour la plupart, nous restons incapables d’assouvir tous nos désirs dès qu’ils se présentent et que chacun connaît ces petites misères au quotidien qui rendent parfois la vie si difficile. De fait, comme dans un lieu parfaitement silencieux, le bruit le plus faible paraît être un vacarme assourdissant, ainsi la difficulté mineure semble considérable à celui qui n’en a plus l’habitude.
C’est ainsi que, la matérialité finit par dominer les esprits de toute son orgueilleuse puissance. Et cette domination s’impose avec tant d’assurance que tout autre souci est conduit à céder la place. La recherche ne connaît plus alors qu’un seul chemin : la multiplication des biens de ce monde, de tous ces objets éphémères avec lesquels on essaie de donner du sens à une existence que, finalement, ils ne font qu’encombrer.
Vient enfin un temps où, conscient de ce d’un manque sans savoir toujours l’identifier, on se prend à penser que, si les progrès matériels sont évidemment appréciables, ils ne peuvent constituer la réponse ultime. Voici qu’on souhaite retrouver, au-delà des apparences et du vertige de l’insignifiance des jours qui passent, le goût du bonheur. Celui-ci doit être réel et profond, capable de chasser, devant son avancée, tous les miasmes du désespoir. Il doit être ouvert à tous, refuser toutes les formes de l’exclusion, unir les hommes et révéler le meilleur d’eux-mêmes. Il est celui de l’âme, du lien avec le spirituel, avec D.ieu. Pour nous, il est celui de la fidélité au judaïsme. Un autre monde? Sans doute, mais il est à portée de chacun.
Etincelles de Machiah
Un Machia’h dans lequel tout le monde croira

Un seigneur non-Juif interrogea, un jour, un ‘Hassid : “Que feras-tu si ton Machia’h arrive et que je ne crois pas en lui ?”
Le ‘Hassid répondit sans hésiter : “Si vous ne croyez pas en lui, je n’y croirai pas non plus !”
Dans cette anecdote, une idée essentielle apparaît : la venue de Machia’h retirera tous les doutes qui peuvent exister et tout homme aura pleine conscience du nouveau temps qui aura commencé.
(d’après la tradition ‘hassidique)
Vivre avec la Paracha
Vayikra : des excuses sincères

La plupart d'entre nous avons déjà subi certaines attaques, légères ou plus graves, de la part d'un autre individu. Parfois nous en ressentons de la colère. Parfois encore nous trouvons en nous-mêmes les ressources pour nous élever au-dessus de notre douleur et sommes capables d'accepter et de pardonner.
Mais, malheureusement, la plupart d'entre nous avons également été de l'autre côté de la barrière. Nous n'avons pas été les victimes mais les incitateurs de certaines formes de mauvais traitements. Quand nous prenons conscience, avec un certain sens de culpabilité, que nous avons effectivement fait du mal à autrui, quelles émotions ressentons-nous alors ? Peut-être éprouvons-nous de la honte, d'abord, mais trop souvent, cette honte glisse doucement en un sentiment de complaisance. Le monde continue à tourner, notre vie reprend son cours normal et nous laissons notre ami soigner sa blessure et son amertume dans le ressentiment. Lequel de nous deux a alors certains progrès à accomplir ?

"Si quelqu'un vient à commettre un péché et outrepasser ses droits envers D.ieu et qu'il est malhonnête vis-à-vis de son ami à propos d'une promesse, d'un prêt ou d'un vol, ou s'il a lésé son camarade, ou s'il a trouvé un objet perdu mais le nie, et qu'il commet un faux serment à propos de l'une de ces circonstances, il devra rembourser le capital et son cinquième ; il le donnera à celui auquel cela appartient le jour où il admet sa culpabilité".

A propos des mots "auquel cela appartient", Rachi commente: "à celui à qui appartient l'argent". Il semble que l'interprétation de Rachi soit une évidence et une redondance. A qui devrions-nous supposer que l'argent soit rendu, si ce n'est au propriétaire originel? Mais c'est précisément cela la question que souhaite soulever Rachi sur le verset. Pourquoi le verset trouve-t-il nécessaire d'ajouter les mots "auquel cela appartient"?
On pourrait arguer que le cinquième additionnel est une amende imposée au voleur pour le punir de sa transgression et que donc, le droit n'impose pas que cela soit payé à la victime. Il se pourrait qu'il doive l'acquitter à la Cour ou peut- être en faire don à la charité. C'est donc pour mettre l'emphase sur le fait que la victime doit en être le bénéficiaire que le verset souligne "auquel cela appartient".
Ce verset apparemment simple soulève un thème sous-jacent très profond dans les relations humaines. La mystique juive avance un concept selon lequel lorsqu'un être humain subit un dommage ou un préjudice de la part d'un alter ego, il ne doit pas ressentir de colère car cela a été décrété d'En Haut. Même si l'agresseur avait choisi de ne pas s'en prendre à lui, D.ieu aurait pu trouver un autre moyen de lui faire subir cette expérience négative.
Mais selon cette ligne de pensée, un voleur pourrait s'absoudre du devoir de faire son amendement auprès de la victime du vol. Il pourrait facilement arguer que le vol ne pose un problème qu'entre lui et D.ieu. Son raisonnement pourrait être le suivant: "J'ai pleine confiance en la justice divine; mon problème ne se pose qu'entre D.ieu et moi seul. La perte qu'a subie cette personne ne fait pas particulièrement vibrer mes cordes sensibles, car après tout, D.ieu a décrété que cela devait lui arriver. Je ne suis concerné que par la brèche dans ma relation avec D.ieu. J'ai violé Son commandement et ai utilisé Son nom en vain. C'est pourquoi je prendrai sur moi pénitence et supplications pour restaurer notre relation. Je vais scrupuleusement respecter mes obligations bibliques pour réparer la perte et même payer la pénalité. Mais le mal qui a été infligé à mon proche n'est pas mon problème. Je ne me sens aucune responsabilité d'investir de grands efforts pour restaurer sa confiance perdue; il n'est rien pour moi".

Une vue tellement retorse des relations humaines reflète bien évidemment une grande déficience également dans les relations entre l'homme et D.ieu. Si nos relations humaines n'avaient pour seul but que de plaire à D.ieu, cela serait la marque d'un égocentrisme fondamental: nous voulons nous sentir bien et nous justifier, nous ne sommes pas à l'aise avec le sentiment déstabilisant d'être en tort et donc nous nous sentons obligés de faire amende honorable. Notre acceptation du commandement Divin d'apaiser notre camarade vient essentiellement de notre propre besoin de justification personnelle.

Cependant, une relation vraie avec D.ieu implique que l'on soit complètement pénétré de compassion et de sensibilité divines. Nous sommes délicats avec les sentiments de nos prochains pas tant pour remplir nos propres obligations mais mus par un sincère intérêt des besoins d'autrui. Lorsque je découvre ou que je regrette le tort que j'ai causé à mon ami, ma seule préoccupation doit être de soigner sa douleur et d'alléger son fardeau. Mon obligation, et ma faillite vis-à-vis de D.ieu sont secondaires. Ce qui est essentiel pour moi c'est que la perte subie par mon ami et sa tranquillité d'esprit soient restaurées. Non seulement je veux rendre ce qui a été volé mais je veux même ajouter une somme supplémentaire pour la détresse émotionnelle que j'ai causée et pour tout profit éventuel qui aurait pu être perdu durant le temps où l'argent était en ma possession.
Les commandements qui gèrent les relations humaines, comme celles qui concernent la calomnie, l'honnêteté dans les affaires, les obligations de charité, tombent dans la catégorie des "Michpatim" ou lois basées sur la logique. Bien qu'elles aillent dans le sens de la raison humaine, nous sommes néanmoins tenus de les accomplir dans un esprit de Kabbalat Ol (acceptation de l'autorité divine). D.ieu est conscient de la tendance trop humaine à rationaliser et justifier nos transgressions. C'est pourquoi la Torah institue-t-elle un code de conduite qui n'est pas sujet aux règles de la raison humaine, pour empêcher l'individu de se disculper quand cela lui convient. Et pourtant il est loin de l'intention divine que nous remplissions nos obligations à l'égard de nos prochains poussés par le seul sens du devoir vis-à-vis de D.ieu et d'oublier la dimension humaine. L'expression ultime du Kabbalat Ol apparaît quand il prend racine dans tous les niveaux de la personnalité.

Une personne proche de D.ieu s'interdit les commérages et la médisance; elle est scrupuleuse dans ses affaires commerciales et évite absolument de s'emparer de quelque chose qui ne lui appartient pas. Mais quelle est sa motivation ?
Se soucie-t-elle tant des sentiments et des besoins de ses prochains ou essaie-t-elle de gagner des points au Ciel? L'intention des michpatim est de modeler le caractère humain et de guider l'homme à devenir plus humain, plus sensible et plus aimant. Nous nous soumettons à la volonté Divine pour pouvoir transcender notre propre nature égoïste et devenir alors des individus vraiment imprégnés de Divinité et d'amour.
Le Coin de la Halacha
Que fait-on à Pourim ?

Cette année, Pourim tombe le vendredi 25 mars 2005.
Jeudi 24 mars 2005, on jeûne de 5h10 jusqu’à 19h51. Avant l'office de « Min'ha », l'après-midi, on donne trois pièces de cinquante centimes d’euro à la « Tsédaka » (charité) en souvenir de l'offrande des trois demi-sicles pour la construction et l'entretien du Temple. Dans la « Amida », on rajoute la prière « Anénou ».
Jeudi 24 mars, après la prière du soir, on écoute attentivement chaque mot de la Méguila, le rouleau d’Esther.
Pourim, les enfants se déguisent dans l'esprit de la fête, en évitant de se déguiser en « méchant ».
Vendredi matin 25 mars, ou éventuellement plus tard dans la journée :
(1) on écoute à nouveau chaque mot de la lecture de la « Méguila ».
(2) ce n’est qu’après avoir écouté la « Méguila » qu’on peut procéder aux autres Mitsvot de Pourim : on offre au moins deux mets comestibles à un ami, en passant par un intermédiaire : un homme à un homme, et une femme à une femme : ce sont les « Michloa'h Manot » ;
(3) on donne au moins une pièce à deux pauvres pour leur permettre de célébrer la fête, c'est: « Matanot Laévyonim ».
(4) vendredi (avant « Hatsot » environ 12 h 58, heure de Paris) midi, on se réunit pour prendre part au festin de Pourim dans la joie.

F. L.
De Recit de la Semaine
Pourim en Alaska

Après avoir été admis dans l’Armée de l’air américaine, comme aumônier, Rav Israël Haber informa le Pentagone qu’il n’acceptait sa mutation en Alaska que si on y construisait un Mikvé, un bain rituel.

Quand on m’informa que les ingénieurs de ma base Elmendorf Air Force Base Alaska avaient rassemblé tous les matériaux nécessaires pour la construction du Mikvé, je téléphonai à Rav Gershon Grossbaum, émissaire du Rabbi à St-Paul (Minnesota), afin qu’il en supervise les travaux. Il accepta de venir dès que j’en aurais reçu la permission. Comme on était juste deux semaines avant Pourim, je demandai à mon supérieur si Rav Grossbaum pouvait venir pour la fête à laquelle sa présence ajouterait un reflet particulier.
« Avec plaisir ! » répondit-il.
C’est ainsi que quelques jours plus tard, je me rendis avec mon épouse Miriam à l’aéroport international d’Anchorage pour accueillir Rav Grossbaum. Je lui expliquai qu’il rencontrerait le colonel Brame le lendemain matin.
Bien qu’ils se soient parlé plusieurs fois au téléphone, le colonel Brame ne savait pas du tout à quoi ressemblait un rabbin. Par ailleurs, pour amoindrir le choc, je devais initier Rav Grossbaum quant au protocole à observer dans une base militaire : il devait enlever son chapeau en entrant dans une pièce, il pouvait garder sa Kippa et remettrait son chapeau en sortant.
« Pas de problème, Capitaine Haber ! » sourit Grossbaum en esquissant un salut militaire.
Le lendemain, tandis que nous entrions dans le bâtiment, Rav Grossbaum salua les soldats en portant la main à son chapeau qu’il garda cependant sur la tête. Les gens nous regardaient avec curiosité. Ils n’avaient sans doute jamais vu un rabbin ‘hassidique. Rav Grossbaum était aussi incongru dans cette base qu’un ours polaire dans un hôtel de Miami…
Quand j’ouvris la porte du bureau du colonel, j’eus un choc. Le colonel s’était levé et précipité vers Rav Grossbaum qu’il accueillit chaleureusement : depuis six mois, ce colonel protestant avait discuté au téléphone avec ce rabbin Loubavitch à propos de la construction du Mikvé et maintenant ils se saluaient avec affection comme s’ils se connaissaient depuis des années.
Un major et un sergent du corps d’ingénieurs observaient avec curiosité cette réunion inhabituelle. Derrière eux se trouvaient collés au mur des croquis du futur Mikvé. Ils expliquèrent en langage technique les détails du plan. Au bout d’un moment, Rav Grossbaum prit la parole et, portant toujours son chapeau sur la tête, dit : « Avec votre permission, j’aimerais proposer quelques modifications… » Il prit du papier millimétré et se lança dans des explications techniques que je ne pouvais pas suivre. Je notai que le colonel Brame était impressionné. Tandis que Rav Grossbaum continuait ce qui ressemblait à une thèse de doctorat sur la construction du Mikvé, le colonel jetait des regards désapprobateurs sur le major et le sergent qui avaient fait tant d’erreurs. La discussion reprenait et les croquis furent corrigés.
Le colonel Brame me prit à part : « Capitaine ! Je voudrais vous dire quelque chose à propos de votre rabbin : lui, il ressemble vraiment à un rabbin ! »
Aux yeux du colonel Brame, Rav Grossbaum ne pouvait avoir tort. Il congédia l’équipe d’ingénieurs et déclara : « Monsieur le rabbin ! Vous et moi nous allons construire ensemble ce Mikvé ! »
Ce n’est certainement pas une coïncidence si les travaux commencèrent dans le mois d’Adar, un mois joyeux pour le peuple juif. Voici l’article qui parut à ce sujet dans le « Anchorage Times » la veille de Pourim :

« Aujourd’hui, les Juifs observent le jeûne d’Esther qui sera suivi, ce soir, par la fête de Pourim dont les offices religieux seront célébrés dans l’oratoire n°1 de la base militaire d’Elmendorf. Rav Israël Haber dirigera les offices ce soir et demain matin, pour ce jour de fête quand les Juifs donnent la charité, s’offrent mutuellement des cadeaux de nourriture et participent à un joyeux festin. La fête de Pourim célèbre la victoire des Juifs sur le roi Assuérus qui avait ordonné de tuer tous les Juifs de son royaume. Rav Haber précise que c’est un moment très joyeux, où l’amitié entre Juifs est grande et où on donne de la charité. Pourim est adoré par les enfants qui ont la permission d’interrompre la lecture de la Méguila (le rouleau d’Esther) avec des instruments bruyants chaque fois qu’est mentionné le nom d’Haman, le pire ennemi des Juifs.
En Alaska, pour diriger les offices de Pourim et de Chabbat à Forth Wainwright à Fairbanks, se trouve Rav Gershon Grossbaum, un ‘hassid de Loubavitch. Il retournera la semaine prochaine à Anchorage pour diriger les travaux de construction d’un bain rituel appelé Mikvé, qui sera situé dans l’oratoire n°2. Ce sera le premier Mikvé construit en Alaska ! »

Effectivement le lendemain de Pourim, Rav Grossbaum était de retour à Anchorage, alors que les travaux avançaient au pas de charge pour terminer le Mikvé. Quel spectacle que de le voir - toujours coiffé de son chapeau noir - diriger les plombiers, électriciens, charpentiers, poseurs de ciment et peintres à chaque étape du projet ! Et quelle surprise sur leurs visages quand ces artisans découvraient que leur patron sur cette base militaire était un Loubavitch barbu, sorti tout droit du Minnesota !

Rav Israël Haber
« A Rabbi’s Northern aventure »
traduit par Feiga Lubecki