Semaine 36

  • Ki Tetsé
Editorial
Le nouveau départ

Il existe différentes manières d’aborder la période qui commence. Chacun peut osciller ainsi entre l’optimisme serein et le pessimisme noir ou, en d’autres termes, entre le regain d’énergie et le regret de vacances perçues comme un temps de liberté évanoui. Il est vrai que l’époque participe des deux manières de voir. Qui n’a pas ressenti la parenthèse estivale comme un repos mérité? Qui ne l’a pas vécue avec l’intensité accordée au bonheur? Pourtant, la limiter à cette satisfaction-là, c’est, en quelque sorte, lui retirer son sens.
De fait, la période des vacances ne peut être, pour nous, que temporaire. Car sa nécessité n’est que celle de retrouver la force d’agir. Il est souvent dit que les vacances sont celles de l’âme autant que celles du corps et que, dans cette optique, le ressourcement spirituel, par l’étude et la pratique des commandements de D.ieu, doit accompagner le repos physique. Une telle vision implique qu’aujourd’hui, alors que l’activité de la cité reprend, nous sommes prêts à en vivre les vicissitudes. Plus encore, nous détenons les forces d’y vivre le judaïsme avec toute la grandeur qu’un tel programme requiert.
Tout se passe comme si les vacances n’avaient de signification que perçues comme une préparation à l’action. La tradition juive donne à l’homme le beau nom de “celui qui avance”. Il est vrai qu’il ne se comprend et ne s’assume que perpétuellement en mouvement, doté de cet élan créateur qui fait de lui l’esprit et le sens de l’univers. Le quotidien avait pu, durant l’année écoulée, éroder tout cela. A l’enthousiasme avait peu à peu succédé la routine. La vie paraissait comme dévorée par l’habitude. Voici que les vacances sont passées par là. Ce sont des yeux nouveaux qui regardent un monde neuf et nos gestes présentent cette acuité que seuls donnent les commencements prometteurs.
Il est, décidément, temps d’entreprendre de nouveau notre tâche. A présent, tout reprend sa place et nous tenons la nôtre. Acteurs de notre vie bien plus que spectateurs du monde, nos accomplissements de chaque jour le conduisent à son parachèvement attendu: la venue de Machia’h.

H. Nisenbaum
Etincelles de Machiah
La mission

Les lettres qui composent, en hébreu, le terme “Chalia’h” (émissaire) ont pour valeur numérique 338. Celles qui forment le mot “Machia’h” équivalent, de leur côté, à 348.
Cette similitude, ainsi que l’écart de 10 entre ces nombres, ne sont pas le fait du hasard. Il nous est enseigné que chaque Juif est “l’émissaire” de D.ieu. Il lui a été confié pour mission de réaliser, par son action, la “résidence de D.ieu” dans ce monde. Cet objectif sera pleinement atteint lorsque Machia’h viendra et que chacun verra la réalité des choses.
Dans cette idée de “mission” confiée, deux idées se retrouvent:
- le fait que D.ieu choisit Son émissaire, c’est-à-dire qu’il fait descendre une âme sur terre et lui donne les forces nécessaires à l’accomplissement de sa mission;
- le fait que l’homme utilise effectivement ses forces pour l’accomplir.
Lorsque le “Chalia’h” réalise ce qui est attendu de lui en utilisant les “dix forces” de son âme, il fait venir le Machia’h, but ultime de son effort.

(d’après Séfer HaSi’hot 5748, vol I, p.81) H.N.
Vivre avec la Paracha
le visage souillé

Et D ieu parla à Moché en disant: “ Faîtes-moi un bassin de cuivre, au socle de cuivre, pour les ablutions, et placez-le entre la tente d’Assignation et l’autel...Et Aaron et ses fils s’y laveront les mains et les pieds quand ils pénétreront dans la tente d’Assignation...ou quand ils s’approcheront de l’autel pour le service..” Exode 30:17-20

Chaque matin, tout individu doit laver son visage ,ses mains et ses pieds avant de prier (Michné Torah Lois de la prière, 4:1)


Depuis la destruction du Temple de Yerouchalayim, il y a plus de 1900 ans, D.ieu n’a pas communiqué avec les hommes dans une “Tente d’Assignation”, pas plus que les Cohanim ne Lui ont offert de sacrifices sur un autel. Et pourtant, le Temple et le service qu’on y accomplissait restent jusqu’à aujourd’hui le véhicule de notre relation avec D.ieu. Tout simplement, aujourd’hui, ils existent dans une forme plus spirituelle. Dans les mots de nos Sages: “ les prières quotidiennes ont été instituées à la place des offrandes quotidiennes”(Talmud Bra’hot 26a et b). “La table d’un individu est comparable à l’autel”(’Haguiguah 27a); “depuis le jour où le Temple a été détruit, D.ieu ne dispose que des quatre coudées de la Hala’hah ( c’est à dire les lieux où s’étudie la Torah dans Son monde)”(Bra’hot8a). Ainsi nous observons que nombre de lois qui gouvernent nos vies aujourd’hui dérivent des lois du Temple et de son service: les moments désignés pour la prière correspondent aux moments où l’on apportait les sacrifices quotidiens dans leTemple; à table, nous trempons le pain dans le sel parce que le sel faisait partie du contenu de chaque sacrifice offert sur l’autel etc...

Avant qu’un Cohen puisse accomplir son service dans le Temple ou entrer dans le Sanctuaire, il devait tout d’abord se purifier et se sanctifier en se lavant les mains et les pieds à une fontaine spécialement construite à cette intention. Car bien que la Torah nous instruise: “connais D.ieu dans toutes tes voies” et que “tous tes actes doivent être faits pour l’amour de D.ieu”, il nous faut tout de même faire la distinction entre le monde qui se trouve en dehors des murs du Temple et ce qui appartient exclusivement au domaine du Divin. Quand l’on pénètre le sanctuaire de D.ieu, on doit se débarrasser de la matérialité de la vie quotidienne, “ laver ses mains” de tout ce qui porte la teinte de l’intérêt personnel et de la matérialité.

C’est là le sens profond de la loi qui obligeait le Cohen à se laver les mains et les pieds avant de procéder au service de D.ieu. Dans sa représentation d’après le Temple, cette loi enseigne au Juif à “ se laver le visage, les mains et les pieds” avant la prière matinale pour se nettoyer et se purifier avant de procéder à la transition d’un être matériel dans un monde concret à une âme communiquant avec son Créateur.

Le travail manuel

“ Si tu manges le fruit du travail de tes mains”, proclame le Psalmiste, “tu es heureux et le bien te revient”. Les enseignements de la ‘Hassidout soulignent le sens profond de ce verset. Il s’agit, dans la poursuite de notre subsistance, de ne nous investir que dans les plus extérieures de nos facultés, laissant nos talents supérieurs libres de s’adonner exclusivement aux quêtes spirituelles.

Nos ancêtres ne vivaient que du labeur de leurs mains. Les Patriarches étaient bergers, et les Juifs qui s’installèrent en Terre Sainte étaient agriculteurs. Bon nombre des plus grands Sages du Talmud, dont les enseignements restent pour nous une source de vie et de sagesse , jusqu’à ce jour, étaient des travailleurs manuels: Rabbi Yo’hanan Hasandlar était un cordonnier, Rabbi Yehochoua, un forgeron, Shammaï, un maçon. Il y avait aussi des marchands, des vendeurs, tout cela parce que le commerce épargnait des pressions et des préoccupations qui le caractérisent aujourd’hui. Etudier et enseigner n’étaient pas des professions mais des vocations sacrées non souillées par des rémunérations matérielles. Gagner son pain quotidien était l’affaire des mains et des pieds et l’exercice mental le plus rudimentaire et non quelque chose dont dépendait l’ingénuité du cœur ou la dévotion de l’âme, réservées aux aspirations les plus élevées.
Ce monde n’existe plus. Aujourd’hui, non seulement nous investissons notre temps et notre énergie dans le but de subvenir à nos besoins matériels mais nous donnons à cette quête “nos capacités mentales les plus subtiles, nos passions les plus fortes, et notre plus puissante volonté”. Nos “ carrières” consument nos jours et nos nuits, nos esprits et nos cœurs, en fait notre identité tout entière.
Cela explique la différence entre les deux lois citées précédemment. La loi qui enjoint de se laver avant de prier dérive de la loi des Cohanim qui devaient se laver avant d’entrer dans le Sanctuaire ou d’accomplir un service dans le Temple. Mais alors que la Torah commande à Aharon et ses fils de laver leurs mains et leurs pieds, Maïmonide statue qu’avant les prières matinales, l’on doit se laver les mains, les pieds et le visage.

A l’époque du Temple, seuls “les mains et les pieds”, membres extérieurs de l’être humain étaient impliqués dans la quête matérielle; c’est pourquoi ils requerraient une purification et une sanctification avant d’être voués au service de D.ieu. Le “visage” de l’homme, son processus le plus élevé et son moi intérieur ne nécessitaient pas une telle purification car ils n’avaient pas été souillés.

Mais dans les générations ultérieures, la matérialité du monde commença à attaquer le soi intérieur. Aujourd’hui, l’effort pour communiquer avec D.ieu a aussi besoin de purifier nos visages des traces du matériel. Nos esprits et nos cœurs doivent être purgés des préjugés et des tentations qui les assaillent dans le cours de leur engagement dans les affaires du monde, de telle sorte que nous puissions communiquer avec l’essence et le but de la vie.
Le Coin de la Halacha
Le coin de la Hala'ha

Quelles sont les coutumes du mois d'Elloul ?

A partir du 1er jour de Roch 'Hodech Elloul (cette année jeudi 28 août 2003) on ajoute dans la prière du matin et de l'après-midi (Min'ha) le Psaume 27 jusqu'à 'Hochana Rabba (cette année le vendredi 17 octobre 2003) inclus.
Le Baal Chem Tov a instauré la coutume de dire chaque jour du mois d'Elloul 3 jusqu'à la veille de Kippour. Puis le jour de Kippour, on en dit 9 avant la prière de Kol Nidré, 9 avant de dormir, 9 après la prière de Moussaf et 9 à la fin de Kippour, de façon à terminer les 150 Psaumes.
A partir du 2ème jour de Roch 'Hodech Elloul, (cette année le vendredi 29 août 2003), on sonne chaque jour du Choffar, excepté Chabbat et la veille de Roch Hachana.
Durant tout le mois d'Elloul, “ le Roi est dans les champs ”, c'est-à-dire D.ieu est encore plus proche de chacun d'entre nous, et nous pouvons tout Lui demander. C'est pourquoi il est plus facile d'opérer un retour sincère à D.ieu en augmentant les dons à la Tsédaka (charité) et la ferveur dans la prière.
On a l'habitude de faire vérifier par un Sofer (Scribe) expérimenté les Mezouzot et les Téfilines. On écrit à ses amis et connaissances pour leur souhaiter d'être inscrits et scellés pour une bonne et douce année.
Samedi soir 20 septembre 2003, vers 1 heure 30, on dit les Seli'hot, prières pour demander le pardon. Puis à partir de lundi 22 septembre, on dit les Seli'hot avant la prière du matin.

F. L.
De Recit de la Semaine
De Jérusalem à Miami, de New York à Detroit

Juste avant la Guerre des Six Jours, en juin 1967, le Rabbi de Loubavitch avait lancé sa première campagne mondiale, encourageant tous les Juifs à mettre les Téfilines.
A l’époque, quelqu’un me demanda pourquoi le Rabbi avait choisi particulièrement cette Mitsva. Je posai donc la question au Rabbi quelque temps plus tard, quand je me rendis à Brooklyn. Il répondit : “ Il y a deux raisons à cela : la première, c’est que le traité talmudique – Roch Hachana déclare que dès qu’un Juif a mis au moins une fois dans sa vie les Téfilines, il entre dans une “ catégorie spirituelle ” bien supérieure ; d’autre part, lorsqu’un juif de Miami verra des photos de Juifs priant devant le Mur Occidental avec des Téfilines, il aura lui-même envie de mettre les Téfilines ”.
En 1974, un de mes anciens clients m’appela car son comptable désirait discuter certains points avec moi. Il me demanda de venir à Miami, ce que je fis quelques semaines plus tard.
Tôt le matin, l’associé de mon ancien client se rendit à mon hôtel pour m’emmener au rendez-vous. Il frappa à ma porte mais, comme je ne répondais pas, il entra et me vit en train de prier avec mon Talit (châle de prières) et mes Téfilines. Il s’excusa et sortit.
A l’heure dite, nous nous retrouvâmes pour un petit déjeuner d’affaires. Le comptable, qui était juif, me demanda pourquoi je ne mangeais rien : mon ancien client répondit à ma place, affirmant que je ne mangeais que cachère : “ D’ailleurs quand je suis entré dans sa chambre pour le rendez-vous, il priait avec le châle de prières et “ des trucs ” sur sa tête et son bras ”.
Le comptable demanda : “ Vous mettez les Téfilines ? ” Je répondis par l’affirmative et demandai à mon tour : “ Et vous ? ”
“ Je n’ai plus mis les Téfilines depuis ma Bar Mitsva, il y a cinquante ans ; mais récemment, j’ai vu une photo de Juifs priant devant le Mur Occidental avec les Téfilines et j’ai eu envie de les mettre moi-même ”.
Dès que la réunion fut terminée, il entra dans ma chambre et mit les Téfilines pour la seconde fois de sa vie…

* * *

L’année suivante, je retournai aux Etats-Unis, à Detroit, pour mes affaires. Dans la soirée, mon hôte avait invité plusieurs couples et, sans que j’en sois l’instigateur, la conversation tourna autour de la religion. L’un des hommes présents n’arrêtait pas de poser des questions sur les Téfilines : pourquoi ne peut-on pas les fabriquer ronds ? Qui a dit qu’ils devaient être noirs etc… Etonné, je lui dis : “ On dirait que vous vous intéressez beaucoup aux Téfilines ! ”
“ Oui, répondit-il, et pourtant cela fait vingt ans que je ne les ai pas mis ! ”
“ Mais vous devriez ! ”
“ Comprenez-moi : je possède une boulangerie et nous travaillons toute la nuit. Si vous voulez me mettre les Téfilines, venez dans ma boulangerie à six heures et demi : nous avons une pause à ce moment et je pourrai mettre les Téfilines ”.
Je ne pouvais refuser. Le lendemain, à six heures et demi, j’arrivai à la boulangerie. Dans un coin, au milieu des sacs de farine, il mit les Téfilines. Il savait exactement comment les mettre et quelle bénédiction prononcer. “ Puisque vous savez les mettre, vous pourriez les mettre facilement tous les jours ! ” remarquai-je.
Il répondit qu’il ne possédait pas de Téfilines et que ce n’était pas une dépense à laquelle il songeait en priorité. Cependant, si quelqu’un lui en offrait, il s’engageait à les mettre chaque jour. Je lui dis que je devais retourner dans six semaines à Detroit et je lui en apporterai.
Ce soir-là, je pris l’avion pour New York. Le lendemain matin, après la prière, j’écrivis une lettre au Rabbi pour lui demander des conseils pour mes affaires et je décrivis ma rencontre. Je terminais ma lettre en annonçant au Rabbi que je reprenais l’avion le soir même pour Londres : j’attendais ce Chabbat, depuis longtemps car, pour la première fois, tous mes enfants et petits-enfants seraient réunis à notre table.
Quand j’entrai dans la synagogue du Rabbi l’après-midi pour la prière de Min’ha, un des secrétaires m’annonça que le Rabbi avait déjà répondu à ma lettre.
Dans cette réponse, le Rabbi accordait sa bénédiction pour la poursuite de mes affaires, mais continuait : “ Pensez-vous qu’il soit correct qu’un Juif qui a mis hier les Téfilines pour la première fois depuis vingt ans doive attendre encore six semaines pour que vous lui achetiez des Téfilines et qu’il puisse refaire la Mitsva ? Vous devez lui acheter des Téfilines aujourd’hui-même et vous arranger pour qu’il les obtienne aujourd’hui à Detroit. Sinon, vous devez retourner vous-même à Detroit aujourd’hui pour qu’il puisse les mettre immédiatement. Vous devez agir ainsi même si cela signifie que vous ne pourrez pas passer Chabbat avec votre famille ! Et quand ce Juif verra combien il est important pour vous qu’il ne rate pas un seul jour le mérite de mettre les Téfilines, cette Mitsva aura une importance particulière pour lui ”.
Je ne peux décrire tous les obstacles que je rencontrai. Mais en quelques heures, je réussis à acheter des Téfilines avec leur sac en velours brodé, je les apportai à l’aéroport La Guardia, m’arrangeai avec la compagnie American Airlines pour les acheminer jusqu’à Detroit où mon ami accepta de les récupérer et de les transmettre au boulanger. Après avoir reçu confirmation que tout s’était bien passé, j’informai le Rabbi de cette heureuse conclusion et je pris l’avion pour passer un Chabbat inoubliable à Londres.
Par la suite, je rencontrai à nouveau le boulanger de Detroit. Il me dit que, depuis, il n’avait pas manqué de mettre les Téfilines un seul jour de la semaine – même lorsqu’il dut une fois marcher longtemps dans la neige avant le coucher du soleil un jour où sa voiture était tombée en panne : “ Du fait que vous vous êtes tant investi pour que je possède des Téfilines le jour – même, les Téfilines sont particulièrement importants pour moi ! ”

Rav Bentsion Rader
traduit par Feiga Lubecki