Samedi, 15 mars 2014

  • Tsav
Editorial

 Pourim et nous

La joie de Pourim est une réalité et cette réalité est forte, tangible, inébranlable. Il se trouve que nous vivons des temps où de nouveaux Haman sont apparus et que, comme leur lointain ancêtre dans le Livre d’Esther, ils affirment qu’il existe «un peuple unique dispersé entre les peuples et ses manières de voir sont différentes de celles de tous.» Et, suggèrent-ils, il faudrait songer à s’en défaire. Peut-être ignorent-ils encore que l’histoire a déjà trouvé sa conclusion ? Peut-être veulent-ils ne pas savoir que celui qui, en son temps, entreprit ce combat inhumain, sans foi ni morale, en fut la première victime ? Peut-être préfèrent-ils oublier que les rues de Babylonie gardèrent longtemps le souvenir de la potence haute de vingt-cinq mètres préparée pour Mordé’haï le Juif et à laquelle Haman lui-même fut pendu avec ses fils, partisans dignes de lui ?

Décidément l’histoire donne parfois l’impression de bégayer. Voici qu’en une période que le calendrier fixe de pur bonheur, certains, qui n’ont rien appris et rien oublié, ont montré leur hideux visage et que se sont découverts ceux pour qui la haine n’est rien de pire qu’une option parmi d’autres. Il est toujours difficile à l’homme civilisé de réagir avec justesse à de tels assauts. Passé le sentiment d’incrédulité et de révolte, au-delà des condamnations attendues et toujours nécessaires, que faire ? Serions-nous donc désarmés, réduits à l’indignation rituelle ? Et si Pourim constituait une réponse ?

Car le jour que nous célébrons cette semaine est loin de se limiter à la simple évocation d’un héroïsme passé. Le Baal Chem Tov ne l’a-t-il pas enseigné : «Celui qui lit le Livre d’Esther au passé n’a pas accompli le commandement comme il convient» ? Cette fête est celle du temps présent. Elle nous parle de notre vie. Elle nous dit la dureté de l’exil et l’espoir toujours vivant. Elle nous dit le vrai visage de nos ennemis et la victoire éternelle. Et surtout, elle nous fait entendre l’allégresse qui monte comme une réponse à ceux qui voudraient nous voir sortir de l’Histoire. De fait, la joie est sans doute la réponse suprême. Elle brise les barrières, nous entraîne au-delà de nous-mêmes, nous emplit de cette force à laquelle rien ne saurait résister. Il faut la vivre, s’en imprégner dans et par Pourim pour tous les jours qui suivent. Par elle, voici qu’enfin le jour se lève.

Etincelles de Machiah

 Tout est entre nos mains

Le Tanya (chap. 37) enseigne : “Cet accomplissement ultime du temps de Machia’h et de la résurrection des morts, qui est la révélation de la Lumière Divine infinie dans ce monde, dépend de nos actions et de notre travail pendant tout le temps de l’exil”.

La période actuelle est celle des “talons de Machia’h”, au sens où elle précède immédiatement sa venue. Ainsi chacun doit ressentir cette idée constamment, dans son service de D.ieu quotidien. Lorsqu’on ressent profondément et sincèrement que l’effort que l’on fait, la Torah que l’on étudie hâtent la venue de la Délivrance et entraînent le monde à son parachèvement en faisant la “résidence de D.ieu ici-bas”, alors il est bien clair que l’on ne peut que redoubler d’enthousiasme afin de mener le processus à son terme aussi vite que possible

(d’après Likouteï Si’hot, vol. XXI, p.18) H.N.

Vivre avec la Paracha

 Tsav

Passant devant la synagogue d’un petit village, le Baal Chem Tov entendit un ‘hazan (chantre) s’exercer pour le service religieux de Yom Kippour. Enchanté par cette voix agréable, il écouta attentivement et l’entendit entamer les prières de confessions dans une mélodie gaie et joyeuse. Etonné d’un tel choix, le Baal Chem Tov envoya chercher le ‘hazan.

Ce dernier s’expliqua par une allégorie. Un roi répartit plusieurs tâches entre ses serviteurs. A certains, il confia de polir les joyaux du palais. A d’autres, il demanda de préparer un festin. Enfin à d’autres encore, il ordonna de nettoyer les étables. Mais ces derniers étaient également heureux de leur responsabilité. Il est vrai que le travail qui leur était attribué n’était pas le plus gratifiant mais ils servaient leur roi et rien ne pouvait les rendre plus heureux que cela.

Quand le Baal Chem Tov eut entendu cette explication, il demanda à ce ‘hazan de lire, cette année-là, les prières dans sa propre synagogue.

La Paracha de cette semaine commence avec le commandement d’enlever les cendres de l’autel. La nuit, les membres des animaux sacrifiés étaient offerts sur l’autel et au matin, les prêtres ramassaient les cendres et les emportaient dans un lieu particulier, à l’extérieur de Jérusalem.

Certains prêtres étaient désignés pour offrir les sacrifices animaux et d’autres pour brûler les encens. Enfin, les derniers étaient désignés pour nettoyer les cendres de l’autel.

Nos Sages précisent qu’il s’agissait là d’un service moindre, à tel point que pour l’accomplir, les Cohanim devaient se départir de leurs habits sacerdotaux et en porter de moins honorifiques. Et pourtant, ces Prêtres s’empressaient d’accomplir leur service. Ils servaient D.ieu dans le Temple. Peu importait ce que à quoi ils étaient désignés, l’essentiel était qu’ils servaient D.ieu et ils en étaient heureux.

A l’extérieur du Temple, la présence de D.ieu ne se révèle pas ouvertement. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas le même enthousiasme pour accomplir Son service. Mais cela vient du fait de notre manque de conscience. De Sa perspective, Il chérit notre service que nous soyons conscients de la puissance de ses effets spirituels ou non.

Et cela est vrai quel que soit le service qui nous est demandé. Rabbi Chalom DovBer (le cinquième Rabbi de Loubavitch) avait l’habitude de dire : «Même si D.ieu nous avait commandé de couper du bois - c’est-à-dire une activité qui ne paraît pas avoir de contenu spirituel - nous le ferions avec joie».

Le Baal Chem Tov communiqua ce concept dans son interprétation du verset des Psaumes : «J’ai placé D.ieu devant moi, tout le temps». «J’ai placé» se dit en hébreu chiviti dont la racine chavé signifie «égal». Quand D.ieu est tout le temps devant moi, tout m’est équivalent. Il n’existe aucune différence dans le chemin qui m’est donné pour Le servir, qu’il soit le plus raffiné ou le plus simple. Chaque action positive est un moyen de me lier à Lui. Chaque action positive me rapproche un peu plus de la venue de Machia’h.

Les perspectives futures

De tels concepts s’appliquent au Peuple Juif. Il n’existe aucun Juif meilleur qu’un autre. Chaque personne a été créée par D.ieu avec des potentiels et des défis différents. Nul ne peut mépriser l’autre moins doté que lui. Au contraire, le fait que l’autre continue à servir D.ieu malgré le fait qu’il paraisse posséder moins de potentiel le rend digne de respect et d’honneur.

D.ieu désire ces différents modes de service. Car Son intention est que chaque élément de ce monde, du plus éminent au plus simple, soit élevé. C’est ainsi que lorsque Machia’h viendra, aucun Juif ne sera laissé pour compte.

Amener le monde à son dessein ultime dépend de la contribution de chacun. Chaque individu joue un rôle que lui seul peut accomplir. Et par son apport personnel, il élève cette part du monde qui lui a été désignée. Nous pouvons alors observer la façon dont nos missions particulières sont imbriquées les unes dans les autres pour faire du monde, dans son entité, une résidence pour D.ieu.

*

La Paracha de cette semaine décrit, avec force détails, le service préparatoire pour l’inauguration du Sanctuaire. Il s’agissait d’un lieu très significatif puisque c’était la résidence de D.ieu. Tout ce qui est important n’arrive pas tout seul, a fortiori quand il est question de la demeure de D.ieu. C’est la raison pour laquelle, sept jours durant, Moché et les Juifs s’impliquèrent dans les préparatifs. Chaque jour, ils érigeaient le Sanctuaire. Aharon et ses fils revêtaient leurs habits sacerdotaux et Moché lui-même apportait les sacrifices. Et c’est ainsi qu’ils préparèrent le terrain pour la révélation de la Présence Divine.

Une question peut se poser : la révélation de la Présence Divine surpasse tout service qu’un homme peut accomplir. Ainsi, quelle valeur peuvent revêtir les sacrifices apportés par les Juifs ? Puisque tout dépend de l’initiative de D.ieu, quelle importance cet acte peut-il avoir ?

L’on peut répondre à ces interrogations en se penchant sur un récit extrait du Midrach. Nos Sages relatent que Rabbi ‘Hanina ben Dossa vit un jour une énorme pierre qu’il désira apporter au Temple. Le roc était trop lourd pour qu’il puisse le transporter lui-même et il était trop pauvre pour engager des travailleurs pour le faire. Alors qu’il était plongé dans ses pensées, réfléchissant comment faire, une vision lui apparut dans laquelle D.ieu lui disait : «pousse-le avec ton petit doigt». C’est ce qu’il fit et il vit alors des anges l’aider à porter la pierre au Temple.

Souvent, nous sommes, comme Rabbi ‘Hanina, hantés par l’énormité des défis auxquels nous sommes confrontés. Nous devons prendre conscience que ce que D.ieu demande de nous est de pousser avec notre petit doigt. Nous devons connaître le but recherché : aider à la construction d’un Temple. Et nous devons faire ce que nous pouvons. C’est ainsi que nous rencontrons un succès qui dépasse nos plus grandes espérances. D.ieu donne à nos efforts des bénédictions qui les renforcent au point de parvenir à bien davantage que ce que nous aurions pu accomplir tout seul.

Mais c’est à nous que revient de commencer. Ces bénédictions ne nous sont accordées que lorsque nous faisons quelque chose. Moché devait apporter des sacrifices. Rabbi ‘Hanina devait pousser la pierre avec son petit doigt et nous devons jouer notre rôle pour surmonter les défis qui nous font face. Et nous réalisons alors que nos actions sont bien plus puissantes que nous aurions pu l’imaginer. Elles créent un Temple, une résidence pour D.ieu, ici, dans notre monde.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que le ‘Hamets ?

Durant Pessa’h, on n’a le droit ni de posséder ni de consommer du ‘Hamets. Il faudra donc, avant le lundi 14 avril 2014, se débarrasser de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple : le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools, médicaments et produits d’hygiène. C’est pourquoi on a coutume avant Pessa’h de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc. afin d’éliminer toutes les miettes.

Pour éviter de posséder, même involontairement du ‘Hamets à Pessa’h, on remplira une procuration de vente, qu’on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le ‘Hamets à un non-Juif. Cette procuration de vente peut être apportée au rabbin ou lui être envoyée par courrier, fax ou Internet et devra lui parvenir au plus tard la veille de Pessa’h, cette année dimanche 13 avril 2014.

Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé tout son ménage pour dresser la liste de ce qu’on envisage de vendre.

Durant tout Pessa’h, on mettra de côté dans des placards fermés à clé tout le ‘Hamets et la vaisselle ‘Hamets que l’on n’utilisera pas durant Pessa’h mais qu’on pourra «récupérer» une heure après la fête qui se termine le mardi 22 avril 2014 à 21h 45 (horaires valables pour Paris et sa région).

Le Recit de la Semaine

 Jack le G.I.

Il s’appelait Yaakov et avait grandi avec ses frères et sœurs dans la communauté Loubavitch de New York. Sérieux dans ses études juives, Jack se posait néanmoins toutes sortes de questions et, au fur et à mesure que les années passaient, il s’enferma dans ses questions et finit par s’enfuir : non pas loin de ses questions mais loin de ses parents, loin de sa communauté, loin de la Torah et de ses obligations.

Pour couper tout lien avec son passé, il décida de s’enrôler dans l’armée américaine : pour cela, il changea son prénom hébraïque pour le prénom Jack, de façon à oublier de toutes les manières possibles son origine et son appartenance religieuse. Quand on lui demandait quelle était sa religion, il répondait sans hésiter : catholique. Plus rien dans sa façon d’agir ne pouvait laisser deviner qu’il avait une fois été un studieux élève de Yechiva. Comme ses camarades, il vivait avec les conflits internationaux du moment, s’exerçait au maniement des armes et était prêt à s’envoler pour toutes les missions périlleuses jugées utiles par son gouvernement. Le service militaire le maintenait occupé, ses questions ne le taraudaient plus, il avait bizarrement trouvé la sérénité dans ce nouvel environnement.

Après avoir achevé son entraînement, il fut envoyé pour se battre en Afghanistan. Pour qui, contre quoi, cela n’avait pas d’importance à ses yeux, il était un soldat américain et servait sa patrie, cela lui suffisait.

Mais un jour, alors qu’il était assis avec des centaines de ses camarades chrétiens dans la grande salle à manger de sa base, un prêtre ouvrit brusquement la porte, demanda le silence – ce qui lui fut accordé vu son statut d’aumônier, très respecté dans l’armée américaine. Il brandissait… un rouleau de parchemin largement ouvert et demanda : «Qui parmi vous sait ce que représente ce rouleau ?». Jack le reconnut immédiatement : c’était une Méguilat Esther, le rouleau de parchemin sur lequel est inscrite toute l’histoire de Pourim ! «Un soldat juif a reçu d’une organisation d’aide aux soldats juifs cet objet et il ignore à quoi il sert : quelqu’un ici pourrait-il l’aider ?», continua l’aumônier.

Mais Jack choisit de ne rien dire, de ne surtout pas se faire remarquer, de ne surtout pas avoir affaire au judaïsme alors qu’il se trouvait si bien, si loin…

Bien que le prêtre n’ait obtenu aucune réponse, il revint à la charge le lendemain : peut-être des soldats absents la veille reconnaîtraient cet étrange objet… Une fois de plus, Jack ne montra aucun intérêt particulier pour le rouleau exhibé par l’homme de religion.

La nuit suivante – qui se trouvait être la nuit de Pourim – le prêtre demanda encore une fois, d’un ton presque désespéré : «Personne ne sait de quoi il s’agit ? Un de nos soldats juifs l’a reçu pour la fête de Pourim de la part de l’Institut Aleph basé à Miami ; il est heureux de savoir qu’on pense à lui en cette période de fête mais il ne sait absolument pas se servir de cet objet de culte : personne pour l’aider ?».

Cette fois, Jack ne parvint plus à se contenir. Il se leva et s’approcha du prêtre : il se présenta comme ce qu’il était : un Juif qui avait reçu une solide éducation juive, qui appartenait au même mouvement que l’Institut Aleph, qui connaissait parfaitement l’histoire de la Méguilat Esther : il la raconta au soldat qui avait reçu cet «objet de culte» et proposa même de la lire pour lui, comme il savait très bien le faire. Il se souvenait aussi de quelques explications qu’il présenta à son nouvel ami : il en avait les larmes aux yeux.

Cette nuit-là, Jack put à peine fermer l’œil. Il avait ressenti que la Méguila lui était destinée à lui aussi et que, malgré l’éloignement – physique mais surtout spirituel – le Rabbi ne l’avait pas abandonné. Il avait reçu de l’institut Aleph créé par un Chalia’h (émissaire du Rabbi) une Méguila porteuse d’un message : «Révèle ce qui est si profondément caché en toi, libère enfin ton âme juive éternelle !»

Le lendemain, il écrivit une lettre à ses parents, pour la première fois depuis son départ de la maison : tout en décrivant ce qui était arrivé, il leur demandait de lui pardonner sa trop longue absence, son trop long silence et annonçait sa décision de revenir à sa famille et à une vie juive de Torah et Mitsvot.

Traduit par Feiga Lubecki