Semaine 45

  • Vayéra
Editorial
Vers l’harmonie

La société des hommes connaît la violence comme elle l’a peu connue depuis que la civilisation a mis en œuvre les moyens de la réguler et lui donner une expression constructive. Il a été dit souvent que ces explosions sont un mode d’expression d’une certaine désespérance sociale et cette explication, même si elle ne peut être que partielle, contient aussi sa vérité. Pourtant, comment ne pas voir qu’il y a ici comme la marque d’une perte d’équilibre ? La révolte du désespoir vient aussi de cette perception défaillante qui fait oublier que, sans cadre de référence, l’homme ne peut savoir où situer son action ni même comment conduire sa vie.
C’est que cette notion d’équilibre est essentielle. D’une certaine manière, elle est la clé de l’ensemble de la création. De fait, tout en laissant à l’homme la marge nécessaire pour y agir, D.ieu créa l’univers « dans sa totalité et sa plénitude ». C’est dire que l’harmonie y est, pour ainsi dire, naturelle. Mais l’homme est une créature différente de toutes les autres. Tandis que toutes celles qui peuplent ce monde ne peuvent agir à l’encontre de leur nature, sauf circonstance particulière, l’homme peut décider de changer de chemin. Rien ne peut limiter ses choix, sauf sa seule et libre décision. C’est là, tout à la fois, la grandeur de l’homme et la source de sa faiblesse. D.ieu lui a donné ce terrible et merveilleux cadeau : la liberté. Et celle-ci est si grande qu’elle peut construire et parachever l’univers, inscrivant l’homme dans un plan qui va bien au-delà de lui, ou elle peut en détruire l’harmonie essentielle.
Et si tout ne dépendait que de la recherche, justement, de cette harmonie et de son renforcement ? Harmonie des hommes dans ce monde, harmonie des hommes dans la nature que leur mode de vie défie chaque jour davantage, harmonie des créatures avec leur Créateur : tout cela ne procède-t-il pas finalement de la même idée ? Certes, l’homme est libre et rien ne peut venir contraindre ou limiter cette prérogative éternelle. Mais sa liberté ne se justifie que par la conscience qu’il y met et la violence exercée sur autrui, le monde, la nature n’est que la marque de son absence.
Pourtant, l’homme est aussi cet être doté du pouvoir merveilleux de penser son rôle, de réfléchir à ses actes et de modifier ce qui doit l’être. Nous vivons un temps de violence ? Raison de plus pour que chacun y restaure son harmonie propre par son attachement personnel à D.ieu et à Ses commandements. C’est la sérénité de tous, pour toujours, qui est en jeu : le temps de Machia’h.
Etincelles de Machiah
Les demandes des Sages de la génération

Plus la génération est tardive et spirituellement basse, plus haute est la lumière divine qui se revêt dans les ordonnances des Sages de la génération.

C’est en effet justement par le respect de ces ordonnances que l’on parvient à toutes les révélations du temps de Machia’h.
(d’après Likoutei Si’hot vol. IV, p. 1089)
Vivre avec la Paracha
Vayéra : le sacrifice d’Its’hak

Le sacrifice d’Its’hak, ou « Akédah » est un épisode essentiel de la Torah. Pour cela, pratiquement tous les commentateurs et exégètes de la Torah se demandent ce qui différencie la Akédah de tous les exemples innombrables de martyr humain et de sacrifice de soi. Car le «sacrifice d’Its’hak» est devenu le symbole de l’absolu dans la dévotion du Juif pour D.ieu. Nous l’évoquons chaque matin avant nos prières et même à Roch Hachana en faisant retentir la corne de bélier (souvenir du bélier qui fut sacrifié à la place d’Its’hak).
Il est évident que l’épreuve suprême dans la foi d’une personne concerne sa volonté de sacrifier son existence même pour elle. Mais qu’y avait-il de si particulier à propos du sacrifice auquel s’apprêtait Avraham ? Des centaines de milliers de Juifs n’auraient-ils pas donné leur vie plutôt que de renoncer à leur alliance avec le Tout Puissant ? Plus encore, Avraham, quant à lui, était préparé à sacrifier son fils, mais dans les milliers de Akédot de notre histoire, des Juifs renoncèrent à leur vie et à celle de leur famille entière. Et contrairement à Avraham, D.ieu ne leur avait pas parlé directement en leur demandant ce sacrifice. Néanmoins, comme l’écrit Avravanel, dans son commentaire sur Beréchit, c’est le sacrifice d’Its’hak «qui est à tout jamais sur nos lèvres dans nos prières…»
La même question peut se poser à propos d’Avraham lui-même. La Akédah était la neuvième et ultime «épreuve» dans la vie d’Avraham. Dans sa première épreuve pour tester sa foi, Avraham avait été jeté dans une fournaise car il avait refusé d’idolâtrer l’empereur de sa ville natale Our Kasdim, avant même que D.ieu ne Se soit révélé à lui et l’ait choisi. Ce précoce acte de sacrifice de soi semble, par certains aspects, encore plus grand que les suivants. Un homme, de son propre chef, vient à reconnaître la vérité et se dévoue à la disséminer à tel point qu’il est même prêt à mourir pour cela.
Et pourtant, c’est le Sacrifice d’Its’hak qui est considéré comme l’épreuve la plus difficile de la foi d’Avraham. Le Talmud demande : «Pourquoi D.ieu, en ordonnant à Avraham la Akédah, dit : «S’il te plaît, prends ton fils» ? Le Talmud répond : «D.ieu dit à Avraham, Je t’ai envoyé beaucoup d’épreuves et tu les as surmontées toutes. Maintenant, Je t’en prie, résiste à cette épreuve pour Moi, de peur qu’ils ne viennent dire que les premières étaient insignifiantes» ( Sanhédrin 89b).
A nouveau, pourquoi ? Quand bien même la Akédah était l’épreuve la plus difficile, pourquoi les autres auraient-elles été insignifiantes sans elle?
La grandeur d’Avraham fut d’être le pionnier du sacrifice de soi. Et le premier exemple du véritable don de soi dans toute l’histoire fut justement le Sacrifice d’Its’hak. Car le sacrifice de soi n’est pas la même chose que le sacrifice de sa vie.
L’histoire humaine renferme de nombreux chapitres de sacrifices héroïques. Chaque génération et chaque société ont eu leurs martyrs, des individus qui ont donné leur vie au nom de leur foi, de leur patrie ou pour virtuellement chaque cause sous le soleil. Ils l’ont fait pour quantité de raisons. Pour certains, c’était un acte de désespoir, leur vie ne méritait pas d’être vécue sans atteindre un certain dessein. D’autres croyaient en une récompense future, ils échangeaient donc les bienfaits temporels contre un gain spirituel éternel. Enfin pour certains, leur cause avait plus de sens que leur vie.
Dans tous ces cas, le martyr sacrifie sa vie mais non son moi. En fait, il sacrifie sa vie physique par amour pour son moi. C’est un acte égoïste. «Egoïste» dans le sens le plus positif et le plus altruiste du monde : voila un individu qui réussit à dépasser la définition étroite et matérialiste du «moi» qui domine notre monde matériel, mais cela reste égoïste.
Avraham était un homme investi d’une mission. Une mission pour laquelle il sacrifia tout, une mission plus importante pour lui que sa propre vie.
Pendant de nombreuses années, il avait souffert du fait que sa mission n’aurait pas d’héritier, que son travail qui consistait à apporter à un monde païen les croyances et l’éthique du monothéisme s’achèverait avec sa disparition. Et puis vint la promesse Divine : miraculeusement, à l’âge de cent ans, il aurait un fils d’où émergerait le peuple d’Israël. «Tu lui donneras pour nom Its’hak, dit D.ieu, et J’établirai Mon alliance avec lui, une alliance éternelle et avec ses descendants après lui».
Et puis, D.ieu lui dit de tout détruire.
Quand Avraham lia Its’hak sur l’autel, il ne s’agissait pas de servir une cause ou de répondre à un appel. En fait, cela allait à l’encontre de tout ce en quoi il croyait et enseignait, de tout ce à quoi il avait sacrifié sa vie, de tout ce que D.ieu Lui-même lui avait dit. Il ne voyait aucune raison, aucun but à son acte. Chaque membre de son être se récriait contre ce geste, son être matériel, son être spirituel, son moi transcendant, altruiste. Mais il l’accomplit. Pourquoi ? Parce que D.ieu le lui avait ordonné.
Avraham fut le pionnier du sacrifice de soi. Avant Avraham, le moi était un territoire inviolable. L’homme pouvait illuminer les priorités du moi, il pouvait même l’élargir et le sublimer mais il ne pouvait le supplanter. Créature de libre-arbitre, l’homme voit chacun de ses actes jaillir de l’intérieur de lui-même ; chacun de ses actes a une motivation (consciente ou non) et chacun une raison, bonne pour sa propre existence. Comment donc pourrait-il donc être enclin à annihiler son propre moi ? L’instinct de préservation et de bienfait pour soi-même est la source et l’objectif de chacun des penchants et des désirs humains, l’homme ne peut pas plus les transcender que de se hisser plus haut en se tirant ses propres cheveux.
Et pourtant Avraham commit l’impossible. Il sacrifia le moi par amour pour quelque chose qui dépassait les limites extrêmes de son identité. S’il ne l’avait pas fait, personne d’autre, avant ou après lui, n’aurait pu agir ainsi, sans être mû par son propre moi. Mais quand Avraham lia Its’hak sur l’autel, la voix céleste proclama : «Maintenant, Je sais que la volonté de D.ieu dépasse même tes instincts essentiels. Maintenant Je sais que tous tes actes, y compris ceux qui pourraient apparaître comme incités par ton moi sont, par essence, motivés par le désir de servir ton Créateur. Maintenant Je sais que toute ta vie a été d’une substance vraie et altruiste».
Ainsi lorsque nous parlons de la Akédah, nous parlons également de ceux qui empruntèrent le chemin que cet acte absolu avait frayé, des milliers d’hommes qui moururent pour la croyance d’Avraham, des millions qui vécurent pour elle. Leurs sacrifices, grands et insignifiants, extraordinaires et quotidiens, peuvent apparemment paraître issus de leurs croyances et aspirations personnelles : courants ou extraordinaires mais seulement l’expression de l’identité de leur âme. Mais la Akédah révèle qu’ils sont bien plus que cela.
Car Avraham léga à ses descendants l’essence du Judaïsme : au cœur de chaque être réside non le moi mais l’engagement pour son Créateur. Et en dernier ressort, chacun de nos choix, chacun de nos actes est une expression de cette «étincelle de Divinité» qui est en nous.
Le Coin de la Halacha
Quels sont les usages liés à la circoncision ?

La veille de la circoncision, le père de l’enfant reste éveillé toute la nuit et étudie la Torah afin de protéger le bébé.
On amène des enfants près du berceau du bébé : ils réciteront à son chevet le “Chema Israël” ainsi que les douze versets et paroles de nos Sages que doit apprendre par cœur chaque enfant juif.
On accorde le privilège de tenir l’enfant pendant la circoncision à une personne respectée, mais pas deux fois dans la même famille.
Lors du repas qui suit la cérémonie, le père de l’enfant récite un Maamar (discours ‘hassidique) à propos de la Brit Mila.
On inscrit l’enfant à l’école juive le jour de la circoncision en versant une contribution à l’école ou la Yechiva. De même, on lui achète une lettre dans le Séfer Torah des enfants (se renseigner auprès du Beth Loubavitch).
Le prénom juif du petit garçon n’est révélé qu’après la Brit Mila. (Pour une fille, le père annonce son prénom lorsqu’il est appelé à la Torah - le lundi, jeudi ou Chabbat suivant la naissance).
On souhaite aux parents de mériter d’élever leur enfant (garçon ou fille) “LeTorah, Le‘Houpa Ou LeMaassim Tovim” (pour l’étude de la Torah, le mariage et les bonnes actions).
Dans de nombreuses communautés, la mère allume une bougie supplémentaire chaque vendredi après-midi pour “éclairer le Mazal” de l’enfant.
Avant même que l’enfant ne parle, on prononce pour lui les bénédictions sur la nourriture et les prières courantes. On lui fait aussi mettre chaque jour une pièce à la Tsedaka.

F. L. (d’après Rav Yossef Kolodny)
De Recit de la Semaine
Pour qui priez-vous ?

Ce professeur juif était un conférencier réputé mais surtout dévoué corps et âme au Rabbi de Loubavitch. Il avait mérité d’entrer plusieurs fois en audience privée chez le Rabbi puis avait pris l’habitude de se rendre souvent auprès de son tombeau au Ohel, dans le cimetière Montefiore de Queens.
Il y a deux ans, il se rendit à New York pour une conférence. On lui envoya un taxi pour le chercher à l’aéroport puis pour l’y ramener. Il s’arrangea avec le chauffeur pour faire un détour par le cimetière, juste pour quelques minutes afin de pouvoir se recueillir au Ohel. Le chauffeur posa quelques questions : de fait, lui aussi était juif, sa femme également – de cela il était certain - même s’ils n’avaient jamais reçu la moindre éducation religieuse. Il se montra intéressé par l’idée d’aller prier près du Ohel, demanda au professeur de lui prendre un ticket pour réserver son tour ; en entendant qu’on pouvait s’y rendre sans rendez-vous, 24 heures sur 24, et gratuitement ! il décida d’accompagner le professeur. Celui-ci lui prêta une Kippa et tous deux entrèrent au cimetière.
A peine étaient-ils entrés que le chauffeur de taxi éclata en sanglots. Il pleurait comme un enfant, sans pouvoir se contrôler. Étonné, le professeur se concentra néanmoins sur sa prière et ses Psaumes et, quand il eut fini, tous deux se dirigèrent vers la voiture.
- Que se passe-t-il ? demanda doucement le professeur.
- Mon chien !… répliqua le chauffeur entre deux sanglots. Mon chien Freddy va subir une opération demain !
Il essuyait ses yeux et se remit à pleurer de façon incontrôlable.
- Votre… Votre chien ? s’étonna le professeur qui se retenait de sourire. Vous priez avec tant de ferveur pour votre chien ?
- Oui, je sais, vous ne pouvez pas comprendre, dit l’homme tout en engageant son véhicule sur l’autoroute menant à l’aéroport. Voyez-vous, ma femme et moi, nous ne pouvons pas avoir d’enfants. C’est pourquoi nous avons adopté un chien. Un chien si magnifique, si gentil ! Mais cette semaine, il a subi une attaque cérébrale et le vétérinaire affirme qu’il n’a qu’une chance sur mille de s’en remettre – et ceci seulement grâce à une opération compliquée et dangereuse. Ma femme et moi, nous sommes fous à l’idée de cette maladie et c’est pourquoi j’ai prié votre Rabbi, pour le succès de l’opération.
Le professeur tenta de se montrer compréhensif et de partager la peine du chauffeur. Cependant il commit un impair en suggérant d’acheter un nouveau chien si jamais… Le chauffeur sanglota encore davantage en entendant cela, au point qu’il dut arrêter le véhicule quelques minutes avant de reprendre la route.
Quand ils arrivèrent à l’aéroport, le professeur s’excusa encore une fois pour n’avoir pas su trouver les mots nécessaires : «Je vous en prie, faites-moi connaître le résultat de l’opération ! Voici mon numéro de téléphone, vous pouvez m’appeler en PCV !» C’est ainsi qu’ils se séparèrent.
Le temps passa et tout semblait oublié mais…
Un an plus tard, le professeur reçut un appel en PCV de New York. Comme il n’attendait pas d’appel particulier, il refusa la communication, mais la personne insista tant et si bien qu’à la cinquième tentative, le professeur accepta de payer la communication.
C’était le chauffeur de taxi.
- Hello, Professeur, comment allez-vous ?
- D.ieu merci, mon ami ! Cela fait si longtemps ! Dites-moi, comment s’est passé l’opération de votre chien ?
- D.ieu merci ! Un vrai miracle ! Les vétérinaires qui se sont occupés de lui n’en croyaient pas leurs yeux : de fait, notre Freddy se porte maintenant le mieux possible, sans aucune séquelle ! Vous ne pouvez pas vous imaginer combien je vous suis reconnaissant, à vous et au Rabbi !
- Eh bien ! En voilà une bonne nouvelle ! Je suis très heureux pour vous ! Mais pourquoi avez-vous attendu un an pour m’appeler ?
- De fait… J’avais remarqué que vous ne pouviez pas comprendre grand chose à notre chagrin pour notre chien et je ne voulais pas vous faire perdre de l’argent avec cette histoire.
- Pas du tout ! Je suis d’ailleurs très content de vous savoir soulagé. Mais, dites-moi, si vous ne m’avez pas appelé alors, pourquoi m’appelez-vous maintenant ?
- Ah ! Justement ! Voilà ! Quand Freddy s’est rétabli, ma femme et moi avons été si heureux que nous nous sommes rendus ensemble au Ohel pour remercier le Rabbi. Là-bas, nous avons demandé aux ‘Hassidim présents ce que nous pouvions faire pour montrer notre gratitude au Rabbi. Ils nous ont gentiment expliqué que, de son vivant, le Rabbi demandait à chacun d’accomplir les Mitsvot et ils nous ont donc suggéré de nous engager l’un et l’autre à prendre sur nous une Mitsva. J’ai donc promis de mettre les Téfilines chaque jour et mon épouse a décidé d’apprendre et de pratiquer les lois de la pureté familiale. La femme d’un ‘Hassid s’est même déplacée chez nous pour tout lui expliquer.
Et, après tout cela, ma femme est tombée enceinte et c’est pour cela que je vous appelle, Professeur ! Aujourd’hui, nous célébrons la Brit Mila, la circoncision de notre fils ! Merci à vous ! Merci au Rabbi !

Rav Tuvia Bolton
www.ohrtmimim.org
traduit par Feiga Lubecki