Semaine 26

  • Kora’h
Editorial
Dire le 3 Tamouz

C’est toujours avec un sentiment particulier que l’on retrouve le 3 Tamouz. Dire l’importance et la solennité de cette date n’est plus aujourd’hui nécessaire. Jour anniversaire du départ de ce monde du Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, de celui que tant d’hommes et de femmes continuent d’appeler « le Rabbi », il incarne d’emblée une immense élévation que chacun ne peut que ressentir. Car ce jour apporte à tous un ressourcement et un approfondissement irremplaçables.
Chacun le sait, un jour de Hilloula, de départ de ce monde d’un de nos maîtres, ne constitue pas une fin. Ce jour est celui où tous les actes accomplis par le Tsaddik au cours de sa vie ici-bas prennent un nouveau sens. Leur parachèvement ne vaut plus alors simple conclusion mais bien ouverture. C’est précisément ce qu’incarne le 3 Tamouz. Il marque l’élévation de l’œuvre du Rabbi à un niveau infiniment supérieur et, chaque année, reproduit cette élévation de manière infinie. Pourtant, il faut se garder de commettre une grave erreur. On pourrait imaginer que cette élévation, du fait même de sa portée, ne nous concerne pas, que nous sommes cantonnés à notre situation du fait de nos insuffisances. Le 3 Tamouz nous rappelle qu’il n’en est rien. Au contraire, tel le berger fidèle qui n’abandonne jamais son troupeau, le Rabbi ne laisse personne en arrière. S’il n’est plus physiquement présent parmi nous, sa présence spirituelle ne fait que s’intensifier chaque année davantage. Lorsque revient le 3 Tamouz, il entraîne ainsi, dans sa propre élévation, tous ceux qui veulent s’y associer.
Aussi, le 3 Tamouz que nous vivons cette semaine ne peut être vu comme un jour de commémoration parmi tous les autres. Malgré l’importance du souvenir, il ne se limite pas à en être une des manifestations. Il est un jour propice, au sens le plus fort du terme. Et ce caractère imprègne ses vingt-quatre heures, éclaire la semaine qui le contient. Il donne, à chacun qui veut s’en saisir, un pouvoir infini de progrès. Pour cela, et en suivant ce chemin, il est, si nous le voulons, la porte qui ouvre sur l’accomplissement ultime : la venue de Machia’h.
Etincelles de Machiah
Prendre le sens du temps

Plus nous approchons de la Délivrance, plus chaque instant devient incroyablement précieux. En effet, puisque le nouveau temps tant attendu se rapproche, il nous faut nous hâter et nous préparer à la venue de Machia’h avec le plus grand empressement. Pour cela, chaque instant doit être utilisé de la manière la plus complète et à sa pleine mesure.

(D’après les Iguerot Kodech du Rabbi de Loubavitch, vol. XIII, p. 50)
Vivre avec la Paracha
Deux femmes

L’histoire dramatique d’un défi sérieux lancé à Moché se lit dans la Paracha de cette semaine. Kora’h, le cousin de Moché fomenta une révolte contre Moché et Aharon, dans le but de supplanter Aharon dans son rôle de Grand Prêtre. En fait, Kora’h était un homme très érudit et un membre de la très respectée tribu de Lévi. Qu’est-ce qui put donc l’inciter à une attitude si insensée ?
Kora’h avait un nombre d’adeptes parmi lesquels figurait On fils de Pélèth. A la dernière minute, ce dernier abandonna la faction de Kora’h et fut ainsi sauvé du sort terrible réservé aux autres membres. Qu’est-ce qui le sauva ?
Selon nos Sages, dans les deux cas, ce fut une femme qui, derrière la scène, fut responsable du sort de son mari.
L’épouse de Kora’h était une femme ambitieuse, à l’esprit politicien. Elle ressentait que son mari, indéniablement un homme de grand savoir et de talent, avait été écrasé. Elle souligna devant son mari que Moché avait choisi les postes de choix pour son frère Aharon et lui-même. Kora’h avait également été ignoré pour les autres rôles importants. Elle transmit à son époux son immense ressentiment. Il devint alors le chef de la rébellion qui s’acheva de façon désastreuse pour lui et ses adeptes, comme nous le narre la Paracha.
Et qu’en fut-il de On fils de Péleth ? Il avait commencé par être un adepte de Kora’h mais sa femme comprit qu’il s’engageait dans un chemin erroné. Le Midrach relate qu’elle était déterminée à l’empêcher de se joindre au groupe de Kora’h. Elle discuta avec son mari et le convainquit qu’il ne gagnerait rien à se rebeller. Elle réussit également à empêcher les autres membres rebelles de forcer son époux à s’unir à eux. Elle sauva ainsi son mari et toute sa famille de la destruction.
Ces faits nous montrent une dimension de la féminité : sa force de persuasion. L’histoire d’Adam et ‘Hava et bien d’autres incidents réitèrent ce thème dans la Torah.
Dans une société ouverte comme la nôtre où il faut convaincre d’emprunter le juste chemin plutôt que simplement le désigner, la force de la femme est particulièrement importante. Elle représente une approche de la vie différente de celle qui a dominé dans de nombreuses époques de notre histoire. En tant que telle, elle est extrêmement significative pour les hommes comme pour les femmes : au lieu d’une assertion de l’autorité, il s’agit d’une douce persuasion.
Un autre aspect de la féminité est encore plus profond. Il est question de voir clair à travers les apparences fallacieuses et de découvrir la voie qui est celle de la vérité et du bien.
C’est là un autre thème qu’expriment les récits de la Torah à propos de Sarah, Miriam et bien d’autres femmes. Nos Sages nous disent, à propos de la génération des Juifs esclaves en Egypte, qu’alors que les hommes étaient tombés dans un désespoir tel qu’il ne pourrait les conduire qu’à la destruction, les femmes, quant à elles, gardaient l’espoir et la foi et c’est pourquoi elles réussirent à préserver l’existence de Peuple Juif. C’est par leur mérite que les Juifs furent sauvés.
Pourquoi les femmes possèdent-elles cette sensibilité supplémentaire ? «Une mesure de sagesse additionnelle a été donnée aux femmes» dit le Talmud. C’est un don divin. Les femmes possèdent également une force spirituelle particulière. Le Rabbi n’a eu de cesse de répéter que tout comme à l’époque de la sortie d’Egypte, c’est par le mérite des femmes juives de nos jours que viendra le Machia’h. C’est là la plus haute dimension de la féminité juive !

La voie du ciel
Le Talmud nous enjoint de ne donner de publicité et d’importance qu’aux bons et d’ignorer les impies. Ne citez pas leur nom !
La source de cette injonction se lit dans le Livre des Proverbes rédigé par le Roi Chlomo : «La mention du juste apportera la bénédiction et le nom de l’impie pourrira» (Proverbes 10:7). A la lumière de ce verset la Talmud statue qu’ «il est interdit de nommer son enfant d’après une personne impie».
Cela nous conduit à poser une question : pourquoi donc la Paracha de cette semaine s’appelle-t-elle «Kora’h», du nom de celui qui conduisit une mutinerie contre Moché et Aharon ? Pourquoi une des sections de la Torah porte-t-elle le nom d’un pécheur qui ne se repentit pas, d’une personne dont l’existence même mit tellement le Peuple en danger que D.ieu le fit avaler par la terre pour qu’ «il descende dans l’abîme» ?
Le dicton dit que «la route de l’enfer est pavée de bonnes intentions». Kora’h, le seul homme dont il est dit qu’il gagna vivant un lieu désagréable, était également poussé par des désirs et des motivations positifs. Comme nous le rapporte la Torah, Kora’h était motivé par une aspiration sainte et spirituelle : le désir de devenir Cohen Gadol (Grand Prêtre), le plus haut niveau qu’une personne puisse atteindre dans le service de D.ieu.
Comment savons-nous qu’il s’agissait d’un désir positif ? Tout d’abord parce que nos Sages nous disent que dans le monde parfait de Machia’h, chacun d’entre nous atteindra le même niveau d’intimité avec D.ieu que celui auquel aspirait Kora’h. D’autre part, nous connaissons une autre personne qui, comme Kora’h, reçut un décret divin lui interdisant d’être Cohen Gadol mais qui était également poussée par un désir insatiable de le devenir. Qui était-ce ? Moché lui-même.
Voici Moché s’adressant à Kora’h : «Nous n’avons qu’un D.ieu, une Torah, une loi, un Cohen Gadol et un Sanctuaire. Et pourtant, tu désires la Haute Prêtrise. Moi aussi je la désire !» (Midrach Tan’houma, cité par Rachi sur Devarim 16 :10)
«Moi aussi je la désire !» Moché se moque-t-il ? Joue-t-il l’avocat du diable ? Ou avons-nous l’occasion de jeter un coup d’œil dans l’âme de Moché, une âme animée par un désir consumant de quelque chose de si exalté et divin hors d’atteinte de Moché lui-même, une âme qui trouve son aspiration la plus profonde frustrée par un commandement divin lui barrant le chemin : «Arrête. Non. Pas encore».
Kora’h comme Moché désiraient l’interdit. En Kora’h, ce désir apporta la destruction sur lui-même et ses adeptes. En Moché, le même désir nourrit une vie de grandeur.
Le chemin de l’enfer est pavé de désirs saints. Comme la route du ciel. La différence est subtile mais cruciale : c’est la différence entre agir selon un désir saint contraire au commandement de D.ieu et nourrir ce désir, lui résister, vivre une vie passionnément vouée à sa poursuite et en même temps se refrénant de toute action interdite par l’objet du désir.
C’est la raison pour laquelle, explique le Rabbi, cette section de la Torah s’appelle Kora’h. La Torah nous dit ici qu’il existe deux Kora’h : Kora’h, l’être humain et Kora’h la section de la Torah. Ou si vous voulez, le corps de Kora’h et l’esprit de Kora’h. Kora’h, l’être humain qui traverse la ligne séparant le bien du mal, la ligne définie par les commandements de D.ieu, doit être rejetée. Kora’h, la section de la Torah, l’aspiration sainte à démolir les barricades que D.ieu a construites pour retenir l’empressement de notre âme vers le ciel, notre âme qui y aspire, qui y tend mais n’ose pas violer la volonté divine, ce Kora’h là doit être imité.


Histoires supplément 3 Tamouz

Rubrique : Entretien avec…
Rav Binyamin Klein, secrétaire du Rabbi
Traduit par Sonia Abrahami et Feiga Lubecki
«Kfar Chabad»

«J’ai été le secrétaire du Rabbi durant près de trente-six ans, mais tout ce que vous savez sur le Rabbi ne représente qu’une petite idée de ce qu’il est réellement. Nous avons entendu de très belles histoires et assisté à des moments très forts, mais ce n’est pas ainsi que s’exprime réellement la personnalité du Rabbi. Tout ce que l’on dira sur lui ne le rendra pas plus grand, bien au contraire, cela limite sa grandeur. Toutefois, tout ce que l’on dit sur lui est authentique.»

Voici quelques histoires exceptionnelles dont Rav Binyamin Klein a été témoin.


Les secrets
Lorsque le Rabbi m’a proposé de travailler au secrétariat, il m’a dirigé vers le Rav ‘Hadakov, responsable principal, qui devait m’expliquer ce que l’on attendait de moi.
Il me signala qu’en tant que secrétaire, je serais nécessairement le témoin de certains événements et que j’entendrais les diverses réponses du Rabbi aux problèmes qui lui étaient soumis. Une condition s’imposait : «Ne rien divulguer autour de moi».
Les gens racontaient au Rabbi leur histoires les plus intimes, touchant parfois des questions fatidiques. Cette injonction, de ne rien laisser transpirer de tous ces secrets contenus dans le bureau du Rabbi, a été respectée durant trente-six ans. Aujourd’hui, je ressens qu’il est temps de lever le voile sur quelques anecdotes, malgré toutes les difficultés que cela implique.


«Vous ne le connaissez pas»
Lorsque j’étais étudiant à la Yechiva au 770, je me suis rendu avec un autre étudiant en mission dans les pays d’Amérique du Sud. En Uruguay, nous avons rencontré un Juif qui avait étudié à la Sorbonne avec le Rabbi (à Paris). Il était assis dans la synagogue près de l’oratoire réservé aux femmes. Nous nous sommes présentés à lui en tant que jeunes Loubavitch. Il nous a demandé si nous connaissions le Rabbi. Je lui répondis que nous voyions le Rabbi à chaque prière, tous les jours.
«Vous voyez le Rabbi, c’est un fait, mais vous ne le connaissez pas. J’ai étudié avec lui à la Sorbonne durant deux ans et je n’ai jamais pu le connaître : il se cachait de nous».


Le Rabbi et les étudiants de la Yechiva
A l’époque où j’étudiais à la Yechiva au 770, un lien très fort unissait le Rabbi et les étudiants. Il n’y avait alors pas beaucoup d’étudiants et le Rabbi connaissait chacun individuellement.
Lorsqu’il arrivait tôt le matin au 770, il se rendait à l’entrée de la grande salle d’étude et observait les jeunes gens présents. Le dernier jeudi de chaque mois, la direction de la Yechiva, les conseillers et les recteurs s’entretenaient avec le Rabbi. Celui-ci tenait en effet un compte-rendu précis de la présence et de l’étude des élèves quotidiennement et était très impliqué dans la vie de la Yechiva.
Les jeunes étudiants de la Yechiva sont les enfants du Rabbi : un père désire que ses enfants se conduisent comme il faut… J’insiste lorsque je dis que c’était la chose la plus importante pour le Rabbi : avoir beaucoup de satisfaction des élèves de la Yechiva.


Une crainte mêlée de proximité
Il est difficile de décrire ma relation avec le Rabbi. Il y a toujours eu une certaine distance, liée à un profond respect. Dans les relations humaines, on sait que l’habitude s’installe lorsque l’on côtoie régulièrement une personne et l’enthousiasme des premiers jours peut alors disparaître. Mais le Rabbi n’a jamais laissé ses secrétaires sombrer dans la routine.
J’entrais dans le bureau du Rabbi tous les jours. Je n’ai jamais omis de frapper à sa porte et d’attendre son autorisation pour entrer.
Le Rabbi consacrait beaucoup de temps à sa correspondance, il lisait tout son courrier puis y répondait. De temps à autre, il me parlait et continuait à répondre aux différentes lettres. Les gens nous donnaient les lettres du secrétariat, nous entrions rapidement les déposer sur un endroit précis de sa table de travail et prenions le courrier à envoyer. Le Rabbi nous remerciait à chaque fois que nous faisions quelque chose pour lui et nous disait toujours : «Si cela ne vous dérange pas…»
Il m’appelait en général par mon nom de famille «Klein», mais durant l’hiver 5738 - 1977, alors que nous étions jour et nuit dans sa chambre, il m’appelait par mon prénom «Binyamin».
Dans une certaine mesure, le Rabbi était très proche de nous. Il demandait régulièrement des nouvelles des familles de ses secrétaires, particulièrement lors des fêtes familiales.


Tout ce que le Rabbi a dit s’est toujours accompli !
Le Rabbi répondait aux diverses questions sur les marges de chaque lettre. J’étais celui qui transmettait, oralement ou par écrit, la réponse aux personnes concernées. D’après mon expérience longue de plusieurs dizaines d’années, je sais que jamais le Rabbi n’a jamais dit quelque chose qui ne se soit pas réalisé, à un moment ou à un autre.
Lors de la distribution du dollar qui avait lieu le dimanche matin, je me plaçais auprès de lui.
Un jour, une femme lui demanda une bénédiction pour avoir des enfants.
Ce à quoi le Rabbi répondit :
«Très prochainement !»
Avec courage, elle dit au Rabbi : «Que signifie très prochainement ?»
Le Rabbi la considéra en souriant :
«Il faut au moins neuf mois !»
Effectivement, un petit garçon naquit neuf mois plus tard !

* * *

Un de mes amis, vivant en Angleterre et avec qui j’ai étudié à la Yechiva en Israël, me demanda un jour de lui obtenir une entrevue avec le Rabbi.
Il avait en effet une fille qui, après onze ans de mariage, n’avait toujours pas d’enfant. À l’époque, il n’y avait plus d’entretien privé, je lui ai ainsi conseillé de venir un dimanche lors de la distribution du dollar.
Il expliqua le problème au Rabbi et lui demanda une bénédiction afin que sa fille ait un enfant. Le Rabbi lui répondit : «Pourquoi un seul enfant ?» Il lui donna trois dollars. On apprit par la suite qu’elle avait eu des triplés…


Le Rabbi le dirigea vers son oncle
Un homme d’affaires juif se retrouva dans une situation financière désastreuse. Il avait perdu tout son argent et était désemparé. Il n’avait jamais vu le Rabbi auparavant, mais se présenta devant lui un dimanche, lors du dollar.
Tandis qu’il demanda une bénédiction, le Rabbi lui conseilla de se rendre chez son oncle et de lui demander de l’aide.
L’oncle de cet homme non plus, n’avait jamais vu le Rabbi. L’homme fut particulièrement étonné : d’où le Rabbi connaissait-il son oncle ? D’autre part, son contact avec son oncle n’était pas des plus chaleureux… Mais après tout, il avait réellement besoin d’argent ! A sa grande surprise, l’oncle le reçut avec beaucoup de gentillesse et lui prêta la somme nécessaire pour remonter son entreprise. Peu de temps après, il put même le rembourser et éponger toutes ses dettes.

* * *

Une histoire presque similaire se produisit avec le directeur d’une Yechiva non ‘hassidique en Israël, qui vint aux Etats-Unis pour collecter de l’argent pour son institution qui se trouvait dans une condition financière très délicate. Au bout de trois mois, la situation ne s’étant guère améliorée, il s’apprêta à retourner en Israël, lorsqu’il rencontra un de ses amis Loubavitch, qui lui conseilla de se rendre auprès du Rabbi afin de recevoir sa bénédiction. Il prit donc un rendez-vous en urgence pour une audience privée.
Lorsqu’il exposa au Rabbi la situation financière de sa Yechiva, le Rabbi lui demanda quand il comptait rentrer en Israël. Ce devait être le lendemain… Le Rabbi lui conseilla de faire escale à Toronto au Canada. L’homme était interloqué : cela faisait déjà trois mois qu’il parcourait le continent nord-américain sans succès, et il n’avait par ailleurs pas de quoi payer un billet d’avion!
Cependant, son ami l’encouragea à refaire le voyage et lui proposa même de payer la somme nécessaire au changement d’itinéraire.
Dans l’avion pour Toronto, le directeur rencontra un jeune Juif avec qui il sympathisa ; il lui fit même part de ses soucis. Le jeune garçon fut touché par ses problèmes et lui proposa de rencontrer son patron, qui dirigeait une grande compagnie d’assurance. Même s’il n’était pas dans ses habitudes de donner de grandes sommes à la charité, il organisa la rencontre entre les deux hommes. Le directeur de la Yechiva présenta son institution et en dressa le bilan financier.
«De quelle somme avez-vous besoin ?» questionna le patron. Le déficit s’élevait à 22.000 dollars. Sur ce, le directeur de la compagnie sortit son chéquier et rédigea un chèque du montant en question.
S’agissait-il là d’une plaisanterie ? Après cinq minutes de discussion et sans connaître la personne, offrir une telle somme !? Le donateur expliqua la raison de son geste :
«Cette nuit, j’ai rêvé de mon père (de mémoire bénie). Il me disait : «Tu dois faire quelque chose pour moi, donne de l’argent à la charité !»
J’ai promis à mon père d’accomplir sa volonté… Vous voilà, demandant une aide de 22.000 dollars, or cela fait aujourd’hui vingt-deux ans que mon père a quitté ce monde ! J’ai alors immédiatement compris que je devais vous aider».


Comment le Rabbi savait-il ?
J’ai souvent eu l’occasion d’avoir pour invité un médecin israélien spécialiste en gynécologie, lorsqu’il était de passage aux Etats-Unis. Il me raconta que nombre de ses patientes écrivaient régulièrement au Rabbi, qui leur prodiguait, d’après lui, des conseils médicaux judicieux, dignes des plus grands experts.
Ce gynécologue pensait en fait que le Rabbi était entouré de médecins spécialistes qui répondaient aux questions médicales soulevées dans les différentes lettres qu’il recevait du monde entier, le Rabbi ne faisant que transmettre les réponses.
Je lui répondis en lui racontant l’épisode suivant :
«Il y a quelques semaines de cela, une de vos patientes m’appela un vendredi matin. Elle revenait d’une consultation avec vous. Vous lui aviez conseillé de subir une césarienne en urgence, car il s’agissait d’une question de vie ou de mort et que toute attente pouvait aggraver la situation, D-ieu préserve. Chabbat n’allait pas tarder à entrer en Israël et il fallait prendre impérativement une décision.
Je l’ai laissé en attente quelques minutes, essayant de joindre le Rabbi au plus vite ; il me dit de lui transmettre d’attendre jusqu’à la fin du Chabbat. Après Chabbat, on apprit qu’elle avait accouché normalement. J’ai dévoilé le nom de la malade au médecin, qui se souvenait clairement de cet événement. Je lui dis : «Vous comprenez sans doute que, lorsque je me suis rendu au bureau du Rabbi vendredi, il n’y avait ni médecin, ni assemblée médicale auprès de lui ! Le médecin stupéfait voulut savoir comment le Rabbi savait répondre à chaque cas. Je lui répondis : «Parce que c’est le Rabbi !»

* * *

Un Rav qui n’était pas d’obédience hassidique se rendit chez le Rabbi pour recevoir sa bénédiction. Le Rabbi lui demanda d’essayer d’influencer les Juifs de sa ville à acheter de la viande cachère. Le Rav s’exclama alors: «A quoi cela sert-il d’acheter de la viande cachère, sachant que les ustensiles de cuisine chez ces familles ne sont pas cachers !» Le Rabbi lui répondit : «Il faut absolument rompre un tant soit peu avec la psychologie des gens qui se méprennent, pensant que la nourriture cachère n’est pas bonne ; lorsqu’ils mangeront de la viande cachère et se rendront compte qu’elle a bon goût, ils accepteront de manger vraiment cachère et l’on pourra donc plus facilement les inciter à cachériser leur cuisine».


L’organisation de la journée du Rabbi
Les journées du Rabbi étaient consacrées à la communauté. Les dernières années, il arrivait au 770 à dix heures du matin et restait dans son bureau jusqu’à une ou deux heures du matin.
Dans les années précédentes, il arrivait un peu plus tard vers onze heures, car il restait au bureau jusque très tard la nuit, lors des soirées où il accordait des audiences privées. Certaines personnes restaient de longues heures en entretien.
De plus, des centaines de lettres parvenaient au Rabbi chaque jour : personne d’autre que lui n’ouvrait ces courriers et il veillait à répondre à chacun personnellement. Lorsqu’il rentrait chez lui au petit matin, il prenait avec lui du travail à finir ; il ramenait le lendemain au 770 le courrier auquel il avait répondu.
Le Rabbi précédent disait de lui qu’il ne dormait jamais à quatre heures du matin : ou bien il n’avait pas encore dormi, ou bien il était déjà levé. Je ne sais pas combien d’heures par nuit le Rabbi dormait.
En revanche, après l’événement de Sim’hat Torah 1977 où il eut une crise cardiaque, il était tout le temps dans son bureau, et nous étions vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec lui, là je puis vous dire qu’il n’a jamais dormi longtemps. Avant de s’assoupir, il organisait déjà son planning pour plus tard.
S’il dormait à 22 heures, il se levait vers 23h 30 puis continuait à travailler. Lorsqu’il était fatigué, il se reposait un petit moment, mais il n’a jamais dormi plus de quelques heures à la suite.


Une patience sans limites
Il y a une qualité particulière que le Rabbi nous enseigna : la patience.
La patience du Rabbi envers chacun était exceptionnelle. Des milliers de personnes venaient le voir pour recevoir un dollar. Le Rabbi ne coupa jamais la parole à qui que ce soit, il attendait toujours que son interlocuteur conclut ses propos, et donnait ensuite son avis.
Certaines personnes se répétaient plusieurs fois, pensant que le Rabbi ne les avait pas comprises. Le Rabbi les écoutait avec attention. Le temps du Rabbi était précieux, mais il était attentif avec tout le monde, et n’a jamais renvoyé qui que ce soit de son bureau.
A l’époque où il recevait en entretien privé, une dame prit son tour tard dans la nuit.
Elle laissa passer de nombreuses personnes avant elle, voulant être la dernière à être reçue. Elle parla avec le Rabbi, et il semblait qu’elle ne voulait pas finir. Il était très tard, et le Rabbi n’avait d’autre choix que de l’écouter.
Nous sommes rentrés, et lui avons dit qu’il se faisait vraiment tard. Le Rabbi devait rentrer chez lui, mais elle continua de discuter, même après la fin de l’entretien. Le Rabbi se leva et continua à lui parler tout en prenant son manteau. Il se préparait à sortir, mais elle poursuivait la conversation tout en marchant, jusqu’à ce que le Rabbi sorte du 770.
L’histoire ne s’arrête pas là : lorsque le Rabbi arriva chez lui, il appela le secrétariat et demanda que deux jeunes gens l’accompagnent chez elle en taxi, prenant les frais de déplacement à sa charge…
Le Coin de la Halacha
Coutumes liées au jour de la Hilloula du Rabbi 3 Tamouz (cette année jeudi 29 juin 2006)

Le Rabbi avait fixé un certain nombre de coutumes à respecter à l’occasion de la Hilloula du Rabbi précédent. Ce sont ces mêmes coutumes qui ont été reprises pour le 3 Tamouz. En voici quelques-unes :
• On allumera une bougie de 24 heures depuis mercredi soir 28 juin.
• Pendant chacune des trois prières du jour, on allumera cinq bougies devant l’officiant.
• Le matin, on donnera de la Tsedaka (charité), au nom de chacun des membres de sa famille, pour une institution du Rabbi.
• On consacrera un moment dans la journée pour parler du Rabbi et de sa grande Ahavat Israël (amour du prochain) à sa famille et son entourage.
• On étudiera les chapitres de Michnayot correspondant aux lettres qui constituent le nom du Rabbi.
• On étudiera les enseignements du Rabbi.
• On rédigera un «Pan», «Pidyon Néfech», une lettre de demande de bénédictions, en y précisant son prénom et le prénom de sa mère, qui sera lue sur le Ohel du Rabbi.
N° de fax du Ohel : (00 1718) 723 44 44
N° de fax du Beth Loubavitch : 01 45 26 24 37
Adresse du Ohel : 226-20 Francis Lewis Blvd – Cambria Heights, New York 11411
E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
De Recit de la Semaine
Le Rabbi et le «Missouri»

J’ai travaillé pour la Marine Américaine de janvier 1943 à juin 1945. Un amiral à la retraite nous avait rendu visite au City College et nous avait annoncé que la Marine avait désespérément besoin d’ingénieurs. On construisait le bateau de guerre « Missouri » – celui sur lequel le Général Marc Arthur devait, par la suite, accepter la reddition des Japonais en 1945 – ainsi qu’un bateau plus petit, le « Idaho ».
On m’accorda donc mon diplôme plus rapidement en raison des circonstances géopolitiques et je commençai à travailler dans le bâtiment 3 sur Flushing Avenue, au coin de Vanderbilt. C’est un bâtiment géant qui existe encore. Pour ce projet, plus de 77.000 personnes avaient été engagées ; notre section comptait environ cinquante ingénieurs et ouvriers spécialisés, dont la moitié étaient juifs. Je mentionne cela parce qu’à l’époque, c’était un des détails auxquels les non-Juifs étaient particulièrement sensibles : ils recherchaient toujours qui était Juif.
En 1943, New York était bien différente de ce qu’elle est maintenant. Dans le Bronx par exemple, un Irlandais du nom de Joe Mac Williams, un grand antisémite, dirigeait une organisation appelée : «Le Front Chrétien». La moitié des policiers de New York étaient d’origine irlandaise et nombre d’entre eux appartenaient à ce Front Chrétien. Ils rendaient la vie amère aux Juifs du Bronx. Dans le quartier de Ridgewood à Brooklyn, les immigrés d’origine allemande s’étaient, eux, organisés dans le «Bund» et – avant leur dissolution – ils paradaient la nuit sur Brunswick Avenue, arborant des uniformes hitlériens.
J’avais un camarade avec lequel j’avais étudié à l’école pendant cinq ans (trois ans dans le secondaire et deux ans au City College). Il était issu d’une bonne famille, fortunée. J’étais assis à côté de lui en classe un vendredi de juin 1940 quand le professeur entra en classe. Il avait une tête d’enterrement : il nous annonça qu’il venait d’entendre à la radio que la France s’était rendue à Hitler. Je me sentis défaillir. Mais mon camarade se tourna vers moi et, les yeux brillants de haine, me dit : «Toi, tu es le prochain sur la liste !» J’étais tellement stupéfait par ce que je venais de comprendre que je ne pus dire un mot : nous avions passé cinq ans ensemble à l’école et je ne m’étais pas douté de ses opinions antisémites !
Je raconte cela pour vous faire comprendre l’ambiance qui régnait alors. Aujourd’hui, c’est complètement différent…
A l’époque, quand vous étiez dans une pièce avec cinquante personnes, chacun savait qui était Juif et qui ne l’était pas. Même si les gens étaient très occupés par l’effort de guerre et que cela avait un peu atténué l’antisémitisme ambiant, celui-ci était encore bien présent à New York.
Notre section était séparée par une barrière en bois de celle de l’électricité ; cette dernière comptait environ trois cents hommes assis devant des tables. On m’expliqua qu’ils développaient des diagrammes pour les bateaux, en particulier pour le « Missouri ». Vous n’avez aucune idée du nombre et de la complexité des installations électriques dans un bateau.
Je jetai un coup d’œil à ces trois cents hommes vêtus d’une chemise blanche car c’est ainsi qu’on s’habillait à l’époque. Et au milieu d’eux, il y avait un homme avec une barbe noire, un chapeau noir et un costume noir.
Je demandai à mon voisin : «Qui est-ce ?»
Il me répondit : «C’est un rabbin mais il est aussi ingénieur en électricité, diplômé de la Sorbonne». Je regardai encore une fois et me dis : «Incroyable ! Cet homme est vraiment extraordinaire ! Si je me retrouvais avec ces trois cents personnes, je ne pourrais pas porter une barbe et me sentir à l’aise ! Mais lui, il travaille aussi sereinement que s’il était à la synagogue avec ses correligionnaires !»
Je me dirigeai vers lui et me présentai. Il me dit qu’il s’appelait Schneersohn mais il ne précisa pas qu’il était le gendre du Rabbi de Loubavitch et je ne le lui demandai pas. D’ailleurs je pense que personne ne le savait.
Il parlait tranquillement : c’était un gentleman, avec des yeux bleus extraordinairement intelligents. C’était un homme parfaitement maître de lui et discret. Il ne se souciait pas de ce que les autres pensaient de lui. Ce qu’il avait lui suffisait et il possédait apparemment une grande force intérieure. Ce fut pour moi comme une révélation, de voir quelqu’un d’aussi serein dans un environnement aussi hostile.
Le vendredi, il partait tôt pour le Chabbat. Le samedi et les jours de fête juives, il ne venait pas. Il était le seul à bénéficier d’une telle tolérance !
Je me rendis au travail plusieurs fois le dimanche pour voir des gens et je le voyais tout seul dans ce vaste atelier, aussi grand qu’une rue ! Je suppose qu’il venait le dimanche parce qu’il ne travaillait pas Chabbat. Je peux vous dire qu’il lui fallait certainement beaucoup de courage pour cela : d’énormes rats couraient dans tous les sens. Mais lui, il était assis tout seul, dessinant le schéma des câbles électriques du bateau. Vous m’auriez donné un million de dollars, je n’aurais pas accepté de travailler ici seul le dimanche !
Je ne le voyais pas souvent parce qu’il ne se rendait jamais à la cafétéria : il n’y avait rien de cachère. Je ne lui ai peut-être parlé que trois fois mais, comme je l’ai dit, c’est sa sérénité qui m’a le plus impressionné. Comprenez-moi : s’il avait été parfaitement à l’aise en compagnie de trois cents hommes portant la barbe, cela aurait été normal. Mais au milieu de ces trois cents non-Juifs, dont certains étaient certainement antisémites, le voir aussi serein était vraiment impressionnant.
Plus tard, quand j’ai lu dans le journal qu’il avait été nommé Rabbi, je n’en fus pas surpris parce que j’avais vu combien il était brillant et comment il savait gérer son énorme potentiel intérieur. Il aurait pu continuer à travailler comme ingénieur, il en avait les capacités, il connaissait les mathématiques bien mieux que la plupart d’entre nous. Bien sûr, il était ingénieur mais ce n’était pas sa vie, il n’en faisait pas sa priorité. Sa vie, c’était d’être Rabbi et non ingénieur. Il avait des hobbies et le fait d’être ingénieur en était un, mais il était Rabbi dans l’âme.
Parfois il était ingénieur mais le Rabbi a toujours été un Rabbi.

Milton (Moshe Leib) Fechter
Interviewé par Rav Eliezer Zaklikofsky – chabad.org
traduit par Feiga Lubecki