A propos du verset « Et Its’hak sortit pour méditer dans le champ, vers le soir » (Beréchit 23 : 63), nos Sages expliquent que c’est alors qu’il institua la prière de l’après-midi (Min’ha). Il s’agit d’une prière unique. La prière du matin (Cha’harit) vient presque facilement. Une fois que l’on s’est levé, le matin, et que l’on a été gratifié du don de la continuation de la vie, il est naturel de vouloir remercier D.ieu. De plus, la journée n’a pas encore commencé et l’on a le temps de rassembler ses esprits, les diriger vers Lui et ainsi élargir son horizon.

La prière du soir (Arvit) n’engage pas non plus un grand dérangement. Le jour s’achève. Souvent l’homme ressent le besoin de prendre du recul et à nouveau de réfléchir, de passer en revue sa journée et d’apprécier les leçons spirituelles qu’il a pu en tirer.

Mais la prière de l’après-midi est différente. Chaque entreprise et chaque occupation ont des moments frénétiques où les gens sont sous pression et tellement occupés à travailler, acheter et vendre qu’il n’y a aucune place pour la méditation, quelle qu’elle soit. Souvent, c’est précisément au beau milieu de ces activités trépidantes que l’on est obligé de prier Min’ha. Quelles que soient les pressions, il faut s’arrêter, prendre du recul et prier.

Nos Sages nous enseignent : « une personne doit faire très attention à la prière de l’après-midi parce qu’Eliahou n’a eu de réponse que l’après-midi ». Ce qui est ici impliqué est que lorsque D.ieu voit un homme faire l’effort de prier, alors que son emploi du temps a des exigences urgentes, Il acquiesce et répond à ses prières.

Les mots hébreux de cet enseignement contiennent également une allusion qui souligne l’effet positif de ces prières. Zahir que l’on traduit par « faire attention » dénote également le fait de « briller ». Ces prières permettent à l’âme de faire jaillir son éclat. L’essence spirituelle de la personne, le cœur Divin de son âme, s’exprime et surmonte sa nature matérialiste et ses préoccupations mondaines.

Expliquons : l’essence de l’âme, comme l’essence de D.ieu, ne peut être décrite comme « sainte ». Car la sainteté implique la limite et l’exclusion. Or rien n’est plus loin de la vérité. D.ieu n’est ni spirituel ni matériel et Il imprègne, de la même manière, le spirituel et le matériel. Il ne peut être appréhendé par l’extase la plus élevée, la plus sublime, pas plus que les activités les plus dépravées ne peuvent se couper de Lui.

Quand l’individu reflète-t-il l’aspect essentiel de la Divinité ? Quand il opère une fusion, dans sa vie, entre le matériel et le spirituel ; quand, au sein d’une activité concrète productive, il s’arrête et prie, se consacrant au spirituel. Une telle attitude permet à l’essence de son âme, son véritable potentiel Divin, de rayonner. 

Perspectives

Nos Sages tirent une leçon supplémentaire du verset que nous avons cité, statuant que Its’hak, comme son père Avraham et son fils Yaakov, pria sur le futur emplacement du Temple. Mais il est significatif de remarquer que le terme utilisé en référence au site du Temple est ici : un champ.

Les commentateurs remarquent : Où ailleurs le Temple est-il désigné par le terme « champ » ? Lors de sa destruction, comme il est écrit : « Tsion sera cultivé comme un champ ».

Dans la même veine, nos Sages comparent le processus de l’exil à celui de semailles. Comme l’affirme le prophète : « Je sèmerai (Israël) jusqu’à Moi, dans la terre ». Quand il est récolté, le produit qui pousse des graines excède, de façon immense, la quantité initialement semée.

Il est vrai que pour que la semence puisse pousser, il faut, au préalable, que l’enveloppe de la graine se décompose totalement. Ce n’est qu’alors que son cœur fleurit en une plante luxuriante. 

De la même façon, la destruction du Temple et l’exil de notre peuple ont pour but de déchirer toute la superficialité et permettre au Peuple Juif de s’épanouir, en s’accomplissant, avec la venue de Machia’h. Ce n’est pas un processus indolore mais il conduit au bien ultime.

On y trouve aussi une allusion dans l’histoire des prières de Its’hak. La Torah relate qu’après avoir prié, Its’hak « vit des chameaux arriver ». Les lettres hébraïques du mot gamal, « chameau », ont la même racine que le mot gmoul, « récompense ». Its’hak vit que la destruction du Temple et l’exil étaient des étapes dans le processus qui nous conduirait à la récompense ultime, la venue de Machia’h.