Le verset Toledot 27, 4 dit : «afin que mon âme te bénisse avant ma mort». Its'hak, par ces mots, envoie Esav, l'impie de ses deux fils jumeaux, chasser du gibier pour son compte(1) et lui préparer un bon repas, en échange d'une bénédiction particulière(2).

La lecture de ce verset soulève une question évidente : Its'hak ne savait-il pas, n'avait-il pas conscience qu'Esav était un mauvais fils, un grand impie ? Pourquoi exprimait-il donc, avec tant d'insistance, le désir de le bénir(3) ? Comment Esav pouvait-il mériter une bénédiction de la bouche d'Its'hak(4) ?

Si l'on observe la vie d'Its'hak, on peut remarquer une situation qui se reproduit à plusieurs reprises. Its'hak se consacra à creuser des puits, afin qu'en jaillissent des eaux vives(5). En fait, son action avait une dimension morale. Il creusait au fond de la terre, multipliait les efforts jusqu'à ce que l'eau apparaisse(6).

Certains endroits semblaient, à l'époque, vides de toute sainteté, de toute spiritualité(7). Its'hak y creusait, en profondeur et il mettait en évidence les parcelles de sainteté qui étaient enfouies en la partie la plus grossière de la terre(8).

C'est précisément pour cette raison qu'Its'hak était à ce point déterminé à bénir Esav l'impie. Il savait parfaitement qui était son fils(9). Malgré cela, ou peut-être même à cause de cela, il avait fait le choix de le combler de bénédictions. Il entendait, de cette façon, établir clairement qu'en creusant profondément le sol, en fournissant les efforts qui conviennent, il est possible de découvrir des eaux pures également chez Esav, de le relier à la sainteté et à D.ieu (10).

L'enseignement qui en découle est bien clair. Chaque Juif, qui qu'il soit, est réellement, au profond de lui, solidement attaché à la Divinité et à la sainteté. Même celui qui, en apparence, est très éloigné du service de D.ieu doit aussi en être rapproché. Quand on le rencontre, il faut creuser, infatigablement, sans se décourager, jusqu'à ce que le jet de son âme apparaisse à l'évidence. Dès lors, il réintègrera la voie de nos Pères(11).

(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 15, page 191)

 Notes :
(1) Nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, expliquent qu'Esav était adroit au point de pouvoir décocher une flèche qui tuait le gibier comme l'aurait fait un couteau de Che'hita. En effet, Its'hak respectait déjà les lois de la Cacherout.
(2) Qu'au final, il accorda à Yaakov, lequel s'était travesti et avait pris l'apparence d'Esav. Its'hak, pour sa part, pensait effectivement donner cette bénédiction à Esav.
(3) Bien plus, cette bénédiction était accordée par Its'hak avant sa mort et elle était donc, en quelque sorte, une passation de pouvoir. Its'hak, qui n'ignorait pas le comportement d'Esav, pouvait-il envisager sérieusement qu'il soit son successeur ?
(4) Ainsi, même en dehors de toute considération de succession, il est clair qu'Esav ne méritait pas la bénédiction d'Its'hak.
(5) Comme on l'indiquait dans le premier extrait de cette Paracha. A plusieurs reprises, Its'hak fut conduit, de nouveau, à creuser les puits qui avaient été rebouchés par les Philistins.
(6) C'est, en effet, la rigueur qui permet de mettre en évidence les éléments cachés. Ce fut un aspect fondamental de la mission confiée à Its'hak, ici-bas.
(7) Laquelle est symbolisée par l'eau.
(8) C'est la dimension ésotérique du forage de ces puits. De façon générale, chaque objet matériel porte en lui une parcelle de sainteté et, quand un Juif l'utilise d'une manière conforme à la Volonté de D.ieu, cette parcelle est libérée et elle peut réintégrer sa source, dans le domaine de la sainteté. Toutefois, certaines parcelles sont enfouies si profondément dans la matière du monde qu'il devient impossible de déceler leur présence. Its'hak, avec toute la puissance que lui conférait l'Attribut de rigueur, s'employa à apporter l'élévation précisément à ces parcelles-là.
(9) Il fit donc le choix délibéré de lui accorder cette bénédiction. Esav tenta de l'abuser, de lui faire croire qu'il était un homme pieux, en adoptant, en sa présence, un zèle particulier dans la pratique des Mitsvot, mais il ne parvint pas à ses fins. En outre, Its'hak décela, en l'attitude d'Esav, une rigueur, Guevoura, mise à la disposition des forces du mal. Il pensa donc que, muni de sa bénédiction, Esav parviendrait à se libérer de cette emprise du mal et à réintégrer le domaine de la sainteté.
(10) Ceci peut être lié à ce qui a été expliqué dans le premier extrait. Il n'y a pas lieu d'avoir une approche de rigueur, dans sa relation avec son prochain, car chacun possède le bien, au fond de lui et il suffit uniquement de le révéler.
(11) Ceci peut être rapproché de l'affirmation du Rambam, à la fin de son Michné Torah, selon laquelle : «la Torah a donné l'assurance qu'à la fin de leur exil, les enfants d'Israël parviendraient à la Techouva et seraient immédiatement délivrés».