Le verset Chemot 2, 13 dit que : «il(1) sortit, le second jour et voici que deux hommes hébreux(2) se querellaient. Il dit à l'impie(3) : Pourquoi frappes-tu ton prochain(4) ?». Rachi explique : «Même s'il ne le frappe pas, il est appelé impie dès lors qu'il lève la main sur lui».

En l'occurrence, Datan et Aviram se disputaient lorsque soudain, l'un d'entre eux leva la main, avec l'intention de frapper l'autre. Moché le réprimanda donc sévèrement et il le traita d'impie, ce qui peut effectivement paraître surprenant. Une simple mauvaise pensée, une intention de nuire en son coeur suffisent-elles pour être un impie, sans frapper, sans faire mal, uniquement en pensant, en ayant une mauvaise intention(5) ?

L'homme a été créé avec un seul et unique objectif, celui de servir son Créateur. L'ensemble de sa personnalité, son âme, son corps, ses membres, sont autant de réceptacles, de moyens à sa disposition pour mettre en pratique la mission qui lui est confiée, ici-bas. Bien plus, chaque membre est adapté à un aspect spécifique de cette mission, en fonction des particularités de chaque personne(6).

Ainsi, la main est le membre du corps qui permet le don et c'est dans ce but qu'elle a été créée (7). Lorsque quelqu'un lève sa main contre son prochain, dans l'intention de le faire souffrir, de lui causer du tort, il remet en cause la mission qui a été confiée à ce membre de son corps(8). De la sorte, il se révolte contre D.ieu, par ses mains et il les utilise à l'inverse de leur vocation(9).

C'est ainsi que la main qui est conçue pour donner devient une main qui se dresse pour aller à l'encontre de la Volonté de D.ieu. Celui qui se sert de sa main de cette façon est, à proprement parler, un impie(10).

Néanmoins, cette expression(11) peut également recevoir une interprétation positive. Ainsi, lever la main peut être le moyen de donner aux autres, avec puissance et abondance, sans aucun raisonnement préalable(12). En ce sens, lever la main sur son prochain signifie lui donner plus que ce qui lui revient, plus que ce dont il a besoin.

Celui qui agit de la sorte est effectivement un «impie», Racha, terme qui désigne aussi le succès, ainsi qu'il est dit(13) : «en tout ce qu'il fait, il réussit (Yarchya)». En levant la main très haut et en prodiguant largement le bien à son prochain, on peut effectivement obtenir un immense succès, au-delà de toutes les voies naturelles(14).

(Discours du Rabbi, Likouteï Si'hot, tome 31, page 1)

Notes :

(1) Moché.
(2) Datan et Aviram.
(3) Celui qui avait levé la main sur l'autre.
(4) Qui est ton prochain dans la méchanceté, qui est aussi impie que toi.
(5) Nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, disent, pourtant, que : «le juge ne peut se baser que sur ce qu'il voit de ses yeux», ce qui veut dire qu'il prend en compte, pour prononcer son verdict, uniquement les actions concrètes, mais non les pensées qui ont conduit à les faire, car celles-ci ne sont pas perceptibles par les sens.
(6) De sorte qu'une Mitsva faisant intervenir le cerveau ne peut pas être mise en pratique par le coeur. Et, chaque membre reçoit sa part de la mission globale confiée à l'homme, tout au long de son existence dans ce monde.
(7) Elle servira donc à donner de la Tsedaka, à prodiguer un bienfait à son prochain, qui est dans le besoin.
(8) Il le prive de la partie de la mission qui lui revient.
(9) Telle qu'elle a été fixée par D.ieu.
(10) Ce qui justifie le terme employé par Moché, notre maître.
(11) Le terme d'impie, Racha.
(12) Qui aurait pour effet de limiter ce que l'on donne.
(13) Chmouel 1, 14, 47.
(14) En lui prodiguant également ce qu'il ne mérite pas, on peut obtenir de D.ieu ce que l'on ne mérite pas soi-même.