La Parchat 'Houkat présente, tout d'abord, la Mitsva de la vache rousse et elle dit, à son propos : «Voici le Décret de la Torah». La vache rousse est, en effet, le Décret de toute la Torah, la Mitsva que la rationalité humaine ne peut intégrer.

On peut, à ce propos, se poser la question suivante. La formulation : «voici le Décret de la Torah» semble indiquer que la vache rousse est le seul Décret de la Torah. Nous savons, pourtant, qu'il en existe d'autres. Rachi mentionne(1), notamment, l'interdiction de consommer du porc ou bien de porter du Chaatnez(2), qui sont aussi des Décrets.

Ceci conduit à s'interroger. Pourquoi est-ce uniquement la vache rousse qui est présentée comme un Décret ? Pourquoi est-il dit, à son propos, «voici le Décret de la Torah», comme si c'était le seul Décret de la Torah ?

L'explication est la suivante. Il existe, plus précisément, deux sortes de Décrets :
A) Il y a ceux que l'intellect peut saisir(3), mais l'on s'interroge, à leur propos, on se pose des questions et, au final, on doit convenir qu'elles sont difficiles à comprendre(4),
B) il y a aussi ceux qu'il est strictement impossible de comprendre, car ils transcendent totalement l'intellect.

La vache rousse est le seul Décret que l'intellect humain ne peut pas du tout comprendre(5). C'est le sens du mot : «voici», soulignant que c'est bien le seul Décret de la Torah. En effet, cette Mitsva est si haute que, pour elle, la rationalité n'a pas de sens, alors que d'autres Décrets peuvent être compris au moins partiellement, même si des questions subsistent encore, les concernant(6).

L'Admour Hazaken explique, dans son Likouteï Torah(7), que 'Hok, le Décret, est de la même étymologie que 'Hakika, la gravure. Et, la 'Hassidout précise qu'il existe deux formes de gravure, qui correspondent aux deux sortes de Décrets(8) :

A) On peut, tout d'abord, graver des lettres dans la pierre, de sorte qu'elles en soient partie intégrante, non pas surajoutées sur elle. Mais, celles-ci ressemblent à des lettres écrites. En effet, on pourrait emplir la pierre d'encre et, de cette façon, donner l'apparence de lettres écrites(9), qui cachent une partie de la pierre.
B) On peut aussi graver des lettres dans la pierre de part en part (10). Une telle gravure est beaucoup plus profonde que la précédente. Il est alors impossible d'emplir les lettres, au point de cacher la pierre.

Ces deux formes existent aussi chez les hommes qui mettent en pratique les Mitsvot, se répartissant en trois catégories, les Témoignages, les Décrets et les Jugements. En effet, la volonté d'un homme peut s'exprimer de deux façons :
A) Il y a, tout d'abord, la volonté pure. Un homme veut alors accomplir une certaine action, sans même savoir pourquoi il le veut(11). En effet, il est attiré par cette action, sans en comprendre la raison.
B) Il y a, aussi, la volonté qui reçoit une certaine raison(12). Un homme veut accomplir une certaine action et il en imagine la raison. Mais, cela veut dire uniquement que la volonté se revêt d'une raison, sans que celle-ci attire l'homme vers l'action.

Ce qui vient d'être exposé nous permettra de préciser la différence d'approche qui existe entre la pratique des Témoignages, celle des Décrets et celle des Jugements.

Pour ce qui est des Témoignages et des Jugements, qui ont également une raison, la Volonté de D.ieu n'apparaît pas aussi clairement. Parfois, la raison peut recouvrir la volonté. L'homme met en pratique la Mitsva également parce qu'il l'a comprend(13). Ceci peut être comparé aux lettres écrites, dont l'encre dissimule le papier.

Il n'en est pas de même, en revanche, pour les Décrets, en lesquels on voit uniquement la Volonté de D.ieu. Ceux-ci n'ont pas une raison que l'homme peut comprendre. La Mitsva est donc comparable à des lettres gravées, de part en part. Le lien est alors beaucoup plus fort, car il n'y a pas d'encre qui emplit les lettres pour les recouvrir, pas de raison qui cache la volonté(14).

Quand un Juif met en pratique la Mitsva par toutes les forces de son âme, dans le seul but de mettre en pratique la Volonté de D.ieu, il accomplit alors avec soumission non seulement les Décrets, mais aussi les Mitsvot que l'on peut comprendre(15). Sa soumission pénètre alors l'ensemble de sa personnalité.

Il découle un enseignement du verset : «Voici le Décret de la Torah». En effet, l'ensemble de la Torah, y compris les Mitsvot des Témoignages et des Jugements, celles qui ont une raison, doit être mis en pratique avec soumission, parce que telle est la Volonté du Saint béni soit-Il, que l'on ne peut pas remettre en cause.

(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 8, page 123)

Notes :
(1) Notamment dans son commentaire des versets Toledot 26, 5, Bechala'h 15, 26, A'hareï 18, 4 et Kedochim 19, 19.
(2) Un vêtement fait de laine et de lin mélangés.
(3) Au moins jusqu'à un certain point.
(4) Ainsi, la partie que l'on en saisit n'est pas suffisante pour que l'on puisse dire qu'on les a compris.
(5) En d'autres termes, la seconde catégorie ne compte que la Vache rousse, alors que la première catégorie regroupe tous les autres Décrets.
(6) On en trouvera des exemples dans le Likouteï Si'hot.
(7) Au début de la Parchat lioukat.
(8) Définis ci-dessus.
(9) Sur la pierre. Tout comme on peut écrire sur un parchemin, l'encre et le parchemin restant alors deux éléments distincts, on peut aussi écrire sur la pierre. Il faut, en ce cas, distinguer l'encre de la pierre.
(10) Comme c'était le cas pour les Tables de la Loi. De ce fait, nos Sages, dont la mémoire est une bénédic-tion, constatent que : «le Mêm final et le Same'h y tiennent par miracle», l'intérieur de la lettre ne reposant sur rien.
(11) Une telle volonté n'est pas sous-tendue par une justification rationnelle.
(12) Néanmoins, la volonté précède toujours la raison, qui n'est, en ce cas, qu'une justification a posteriori.
(13) Sa soumission est réduite.
(14) De sorte que la soumission doit nécessairement s'exprimer.
(15) En pareil cas, même motivé par sa compréhension intellectuelle, il agira uniquement par soumission.