Samedi, 27 décembre 2014

  • Vayigach
Editorial

 D’année en année : la victoire

Le peuple juif est souvent dénommé “peuple du Livre”. C’est là un noble titre qu’il a certes mérité tout au long de son histoire tumultueuse dont les méandres ne l’empêchèrent jamais de rester attaché aux textes porteurs de son éternelle sagesse. Il est vrai que, sans les livres qui ont modelé sa conscience et son rapport au monde, il perdrait une partie de son âme. Ses ennemis ne s’y sont d’ailleurs jamais trompés qui, lorsqu’ils ont voulu l’atteindre ou mettre sa survie en péril, ont commencé par s’en prendre justement à ses livres, les détruisant, les confisquant ou interdisant leur étude.

Chacun pensait que des actes de ce type appartenaient à une histoire révolue. Chacun voulait croire qu’en nos siècles, plus personne n’oserait porter la main sur cette richesse commune et inestimable que des livres transmis avec amour, génération après génération, contiennent. Pourtant, il y a une vingtaine d’années, l’impensable se produisit. Certains s’autorisèrent à détourner des éléments de ce trésor, prélevant dans la bibliothèque du Rabbi des ouvrages dont la rareté faisait le caractère précieux afin de les vendre et d’en tirer un bénéfice personnel. Le fait qu’ainsi ils privaient la communauté d’une immense lumière ne les préoccupait guère.

L’enjeu était grave et, dès que le larcin fut découvert, tout fut entrepris pour que les livres retournent à leur lieu naturel, la bibliothèque, et qu’ils puissent servir ainsi à tous. Après des semaines, des mois d’effort, le 5 Tévet fut le jour de la victoire. Ce jour-là, chacun sut que le danger était écarté, que la sagesse ne serait jamais confisquée au bénéfice d’un individu, qu’elle resterait l’apanage de tous.

Il n’est guère étonnant que la joie qui éclata alors fut sans limites. Elle déborda avec d’autant plus d’éclat que l’étude connut ainsi une vigueur renouvelée accompagnée par la diffusion de textes nouveaux et, pour chacun et à la demande du Rabbi, l’achat de nouveaux livres. Depuis lors, le 5 Tévet est célébré d’année en année. Il est porteur de toute la puissance de notre temps qui sait affronter l’obscurité spirituelle la plus profonde… et la vaincre.

Etincelles de Machiah

 La Divinité par évidence

Quand Machia’h viendra, chacun connaîtra et ressentira la Divinité comme une évidence. En revanche, le monde ne sera ressenti que comme un élément lointain, secondaire.

Chacun sera au degré de Adam, le premier homme, avant qu’il ne commette la faute de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Dans cette période, il était totalement lié à D.ieu et ne ressentait en rien l’existence de la matière. Il mangeait, buvait et satisfaisait tous ses besoins physiques cependant cela ne comportait aucun désir matériel.

 (D’après Séfer Hamaamarim Kountressim I p.134) 

Vivre avec la Paracha

 Vayigach

Imaginez ce qu’ils durent ressentir. Il y avait vingt-deux ans, ils avaient vendu leur frère comme esclave. Ce dernier les avait suppliés d’avoir pitié mais ils avaient fait la sourde oreille à ces supplications. Et les voilà se tenant devant lui. Ils devaient ressentir plus que de la honte et de la gêne. Le frère qu’ils avaient vendu était maintenant l’homme le plus puissant du monde et leur avenir était entre ses mains.

Mais Yossef, le frère vendu comme esclave, fit tout ce qu’il put pour les rassurer et leur affirma qu’il ne leur gardait pas rancune : «Ne soyez pas désespérés et ne vous reprochez pas de m’avoir vendu ici… Vous serez proches de moi… et je subviendrai à vos besoins».

Yossef ne «tendait pas l’autre joue», mais il raisonnait pour ses frères : «Ce n’est pas vous qui m’avez vendu mais D.ieu». «Il m’a envoyé au-devant de vous… pour préparer la délivrance».

Yossef comprenait que ses frères ne pouvaient avoir agi de façon indépendante. Tout, même l’envol d’une feuille dans le vent, est contrôlé par la Providence Divine. Il était sûr que cela était d’autant plus vrai à propos d’individus destinés à perpétuer l’héritage d’Avraham. Yossef comprenait ainsi que ses frères avaient été les agents de D.ieu et avaient exécuté Sa volonté. D.ieu avait voulu qu’il soit envoyé en Egypte et ses frères n’avaient rien fait d’autre que d’accomplir l’ordre divin.

Toutefois, l’on pourrait s’interroger : il est vrai que l’intention ultime, que Yossef soit envoyé en Egypte, appartenait à D.ieu. Mais l’homme dispose du libre-arbitre. Personne ne força les frères à vendre Yossef comme esclave. Il est évident que s’ils ne l’avaient pas fait, D.ieu aurait trouvé un autre moyen de l’envoyer en Egypte. Aussi, bien que Yossef ne dût pas les blâmer pour l’avoir vendu, il ne devait pas les en récompenser. Ils avaient fait le mauvais choix, agissant cruellement et de façon répréhensible. Pourquoi donc les traita-t-il si gentiment ?

Pour répondre à la première partie de la question, il nous faut ici comprendre un peu mieux ce qu’est la nature de la Providence Divine. En affirmant que tout arrive par la Providence Divine, nous n’impliquons pas qu’il nous suffit alors de sourire et de supporter. Mais il nous faut être profondément heureux parce que tout ce que D.ieu fait, Il le fait pour le bien. D.ieu est le Bien ultime. Il est impossible qu’Il désire accomplir quelque chose qui ne soit pas pour le bien. Dès lors, la personne doit se sentir en confiance et en sécurité, consciente qu’elle est conduite sur un chemin qui la mènera aux plus grands bienfaits possibles.

Yossef l’avait compris. Il avait réalisé que tout ce qui lui était arrivé depuis le moment de sa vente était une expression de la Bonté divine. Et en ce qui le concernait, la révélation en avait été évidente. Il avait accédé à une position d’autorité et de puissance d’une façon telle que cela ne pouvait émaner que d’une faveur divine.

Cependant, cela ne constitue qu’une partie de la réponse. Cela explique la part de D.ieu dans l’équation mais non celle de l’homme. Dans le cas de Yossef, il avait été maltraité par ses frères. De la même façon, chacun d’entre nous a connu des situations où il sait avoir été maltraité ou bafoué. S’il est vrai qu’il ne faut pas en être affecté ou vindicatif, pourquoi récompenser le mal par le bien ?

La réponse à cette question exige que l’on regarde sous la surface. Il nous faut essayer de voir la Main divine dans les événements qui nous arrivent mais aussi l’âme divine de ceux qui sont les agents de ces événements. Chacun est, à la base, bon. Dans les tréfonds de son être, réside une étincelle divine. Sa vie est constituée par une série de tentatives pour faire émerger à la surface ce potentiel divin. Il est vrai que parfois, il fait des erreurs. Mais Yossef et ceux qui perpétuent son héritage ne doivent pas se focaliser sur ces aspects négatifs. Au contraire, ils doivent être conscients du potentiel inhérent chez autrui même s’il est caché et qu’il exige beaucoup d’efforts pour le révéler.

Perspectives

La Paracha relate que Yaacov fut pris de peur quand il fut sur le point de quitter la terre d’Israël et de descendre en Egypte. D.ieu le rassura, lui promettant que son corps et, par la suite, tous ses descendants seraient ramenés en Terre Sainte. Yaacov savait ce que signifiait quitter la Terre Sainte et il n’était pas prêt à le faire, à moins de recevoir la promesse de D.ieu que ses descendants ne resteraient pas éternellement en exil.

Il y a un objectif à la descente en exil, car durant l’exil, on accomplit beaucoup de choses, à la fois pour soi-même et pour le monde en général. Cependant, cette situation ne peut être envisagée que de façon temporaire. Le Juif doit réaliser que sa place véritable est en terre d’Israël tel qu’elle existera à l’ère de Machia’h. C’est ce que nous espérons tous et c’est le but qui doit diriger notre vie.

Il ne faut donc jamais se sentir chez soi en exil. Même si nous habitons une maison confortable, que nous avons des amis et pouvons assurer notre subsistance, ce n’est pas là le but de notre vie et nous ne devons pas en ressentir de véritable satisfaction. Il nous faut plutôt voir le futur et regarder vers l’Ere où «le monde sera rempli de la connaissance de D.ieu comme les eaux couvrent le lit de l’océan».

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que le jeûne du 10 Tévet (cette année jeudi 1er janvier 2015) ?

En ce jour commença le siège de la ville sainte de Jérusalem par l’armée babylonienne, sous les ordres de Nabuchodonosor en 3336 (425 ans avant le début de l’ère commune).

A cause de sa gravité – puisqu’il marque le début de la destruction et de l’exil – il ne peut être repoussé à une date ultérieure (comme les jeûnes du 17 Tamouz et du 9 Av) ou avancé à une date précédente (comme le jeûne d’Esther). C’est le seul jeûne qui peut tomber un vendredi - donc veille de Chabbat. Du fait de sa gravité, il aura d’ailleurs une place de choix quand les jours de jeûne seront transformés en jours de joie (avec la venue de Machia’h).

Le but du jeûne est que même le corps physique ressente «la diminution de la graisse et du sang». On ne mange pas et on ne boit pas. On ne se rince pas la bouche. Mais on peut se laver sans restriction.

Les enfants qui n’ont pas encore atteint l’âge de la Bar ou Bat Mitsvah (les filles dès 12 ans et les garçons dès 13 ans) ne jeûnent pas. Les personnes fragiles, les femmes enceintes ou qui viennent d’accoucher ou qui allaitent ne jeûnent pas. Même ceux qui ont la permission de manger s’abstiendront de manger des friandises.

Le jeûne commence à l’aube, jeudi 1er janvier 2015 (7h 01 heure de Paris) et se termine à la tombée de la nuit (17h 49 heure de Paris).

Dans la prière du matin, on récite les Seli’hot spéciales de ce jour après le Ta’hanoun ainsi que « le grand Avinou Malkénou ». Puis on lit dans la Torah le passage Vaya’hel (Chemot - Exode 32 : 11 jusqu’à 34 : 1). Seul celui qui a jeûné peut être appelé à la Torah.

Durant la prière de Min’ha (l’après-midi), on lit dans le rouleau de la Torah le chapitre Vaya’hel. Dans la Amida, on ajoute le passage Anénou («Réponds-nous, Éternel au jour de notre jeûne car nous sommes dans une grande peine…»).

On récite le Ta’hanoun et «le grand Avinou Malkénou».

Comme tous les jours de jeûne, on procédera à un examen de conscience approfondi et on évitera de se mettre en colère. On augmentera les dons à la Tsedaka (charité). Rabbi Chnéour Zalman explique qu’un jour de jeûne est aussi un jour de bienveillance divine. Comme ce jeûne du 10 Tévet est particulièrement important, on comprend que la Techouva (retour à D.ieu) procurée par ce jeûne est aussi d’un niveau plus élevé.

Dans de nombreuses communautés, ce jeûne est associé au souvenir des martyrs de la Shoah.

F.L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh)

Le Recit de la Semaine

 Le trésor dans le jardin

Vous connaissez sans doute l’histoire de ce Juif de Cracovie qui rêve d’un trésor enfoui près d’un des ponts de Varsovie. Il se met en route, dépense beaucoup d’argent, se renseigne sur tous les ponts de Varsovie et, une fois arrivé, se met à creuser : un gendarme qui le regarde creuser s’inquiète : «Que faites-vous ici ?». Il répond qu’il a rêvé qu’il s’y trouvait un trésor ; le gendarme éclate de rire : «Et moi j’ai rêvé qu’il y avait un trésor enfoui dans le jardin d’un Juif de Cracovie !». L’homme comprend ce signe du Ciel, retourne chez lui, creuse dans son jardin et y découvre effectivement un trésor…

C’est un peu mon histoire. J’ai cherché très loin le trésor qui, de fait, était enfoui chez moi, en moi plus précisément, un trésor bien plus précieux que tout ce qu’on peut imaginer. Oui, c’est moi, Shlomo Lewis.

J’ai été élevé comme un Juif laïc. J’ai reçu une excellente éducation, j’ai fréquenté les meilleures écoles et universités. Mais, contrairement à certains de mes camarades, je ne suis devenu ni docteur, ni avocat, ni comptable. Etudiant dans les années 60, j’ai adopté les valeurs et les idéaux d’amour, de paix et de tolérance même pour les conduites les plus extrêmes. J’estimai qu’il y avait davantage dans la vie que la frénésie de consommation. Je cherchai à changer le monde.

Je me suis donc intéressé à la politique, pensant que c’était sans doute la façon la plus efficace de faire de ce monde un endroit meilleur.

En même temps, je réalisai qu’il devait exister quelque part de la spiritualité. Mais ce ne pouvait pas être la religion. La religion impliquait trop de lois et d’interdictions. Je n’avais pas compris que ce cadre était nécessaire pour devenir plus accompli.

Après avoir vécu plus de quinze ans dans le sud de l’Angleterre, je perdis mon travail et retournai vivre à Manchester, près de mes parents qui vieillissaient. Broughton Park – là où j’habitais – comptait une importante communauté juive orthodoxe mais je ne me sentais rien de commun avec ces gens : je les soupçonnai d’ailleurs de me mépriser.

Le temps passait et rien n’allait plus pour moi, je perdis encore une fois mon travail et me sentais craquer de partout !

Puis arriva ‘Hanouccah 2011. On était en fin d’après-midi et je rentrai à pied à la maison après un énième rendez-vous chez un médecin pour soigner ma dépression. Pour une raison que je ne peux expliquer rationnellement, je pris un autre chemin que d’habitude, tout à fait opposé à ma direction et c’est ainsi que j’arrivai devant ce que je sais maintenant être la Yechiva Loubavitch.

«Excusez-moi, Monsieur, vous êtes juif ?» me demanda une voix jeune.

Surpris, je me retournai et aperçus deux jeunes gens portant un chapeau noir et un costume, l’uniforme des Juifs pratiquants.

Ils se présentèrent, étudiaient à la Yechiva juste ici et me rappelèrent qu’on était ‘Hanouccah ; ils m’offrirent un beignet tout frais et une boîte contenant une Ménorah, des bougies et un prospectus pour que j’allume les bougies chez moi.

‘Hanouccah ! Pour moi, cela faisait des siècles que je n’avais pas entendu ce mot ! Ils m’invitèrent à venir étudier avec eux à la Yechiva et je trouvai leurs explications des textes sacrés extrêmement intéressantes. Au fond de moi, je décidai de revenir et je suis effectivement revenu souvent : pour étudier, pour les écouter étudier, pour observer leurs façons d’agir, pour chanter et danser avec eux.

J’avais toujours été intéressé par la spiritualité. J’avais même acheté des livres de Kabbala sans les comprendre vraiment. En étudiant le Tanya, je comprenais mieux le sens du judaïsme et de toutes ces lois qui m’avaient toujours semblé si pesantes ! Petit à petit, l’accomplissement des Mitsvots de base prenait tout son sens et coulait de source.

Mais surtout, j’avais été fasciné par leur dévouement pour les autres, leur foi, leur chaleur communicative, leur dévotion aux directives du Rabbi ; j’avais entendu parler du Rabbi de Loubavitch mais sans trop de détails : maintenant que j’étudiais en profondeur ses enseignements, j’appréciais et reconnaissais quelle personnalité remarquable et quelle personne sainte il avait été pour inspirer un tel enthousiasme et un tel dévouement chez ses partisans.

En réfléchissant honnêtement et sincèrement, je mesure combien ma vie a changé depuis ce ‘Hanouccah et cette rencontre impromptue avec ces deux jeunes étudiants de Yechiva. Par de nombreux actes – mettre les Téfilines chaque jour, allumer les bougies de Chabbat, fixer une Mezouzah à ma porte et aller à la synagogue Chabbat – j’ai trouvé le trésor que je cherchai depuis tant d’années : et il se trouvait dans mon propre jardin, dans les profondeurs de mon âme juive !

Shlomo Lewis – www.chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki