Semaine 6

  • Téroumah
Editorial
Enfin la joie !

Place à la joie ! C’est ainsi qu’on a sincèrement envie de commencer un éditorial au début du mois d’Adar. Certes, on objectera que la période est loin d’être autant à l’allégresse qu’on pourrait le souhaiter, que l’on attend encore le grand souffle d’air qui balaiera les nuages amoncelés. Cependant, la présence d’Adar change ici quelque chose de profond. C’est un vent nouveau qui se lève. Il faut ne pas refuser sa puissance.
Comment oublier, en effet, que ce mois est celui où tout “fut transformé” ? Il est ce mois que nos ennemis, dans l’exil babylonien, rêvaient comme celui où les Juifs disparaîtraient, celui où Haman avait comploté l’extermination de notre peuple, où tout était prêt pour la mise en œuvre du projet. Il est ce mois devenu symbole de la victoire du peuple juif, confiant en la bénédiction divine, sur ses oppresseurs et tous ceux qui, de génération en génération, entreprennent de le détruire.
Il n’est, de ce fait, guère étonnant que, dans la conscience juive, seul le bonheur le marque. Pourtant, voici que l’on en est à parler de Pourim et de l’histoire de la victoire sur Haman alors que la fête est encore loin ? Cette année présentant la caractéristique d’avoir treize mois et le mois de plus étant précisément celui qui commence, Adar I, faut-il d’ores et déjà laisser place à la réjouissance ? C’est justement cet élément particulier qui fait le prix de cette année. Deux mois d’Adar, cela ne signifie pas un mois supplémentaire d’attente avant la joie de Pourim mais bien soixante jours d’une allégresse grandissante, soixante jours de joie au lieu des trente habituels.
La joie et l’espoir sont des choses étranges. Ils viennent même quand on ne s’y attend pas et changent notre vision des choses. Il suffit de laisser leur lumière entrer pour que les ombres se dissipent, chassées par un éclat invincible. Peut-être est-ce l’enjeu de la période ? Alors qu’un nouveau temps naît sous nos yeux, sachons y prendre notre part. La joie appartient à celui qui s’en saisit. Elle est bien souvent la clé des plus grandes avancées. Puisse-t-elle être celle, dès à présent, de la venue de Machia’h.
Etincelles de Machiah
La conscience du passé

Décrivant la venue de Machia’h, le prophète Jérémie (31: 8) annonce: “Ils (les hommes) viendront avec des pleurs et Je les conduirai avec des supplications”. Ce verset paraît bien austère alors même que le temps de Machia’h est celui de l’allégresse!
L’idée que le prophète veut ici souligner est cependant bien précise. Certes, en ce nouveau temps, la Divinité se révèlera à chacun, causant cette joie profonde que de nombreux textes décrivent. Cependant, chacun ressentira également à quel point le passé a été imparfait. Pour cette raison, les pleurs et les supplications auront leur place, du fait même de cette prise de conscience.
(d’après Torah Or, Vaéra, p.5d)
Vivre avec la Paracha
Teroumah: l'anatomie d'une résidence

"C'est tout ce dont il s'agit pour l'homme", écrit Rabbi Chnéour Zalman dans le Tanya, "c'est le but de sa création et de la création de tous les mondes, supérieurs et inférieurs: qu'il y ait pour D.ieu une résidence dans les mondes inférieurs" (en hébreu, Dirah Beta'htonim).
La première de ces "résidences" à être construite, et celle qui servit de prototype à tous les efforts ultérieurs pour faire pour D.ieu un foyer dans le monde matériel, fut le Michkan, le sanctuaire portable construit par les Enfants d'Israël dans le désert du Sinaï, après le Don de la Torah.
Cela explique la description inhabituellement détaillée qu’en fait la Torah du Michkan. Pas moins de 13 chapitres de Chemot sont remplis des détails de cette construction, depuis la dimension de chaque pilier jusqu'aux couleurs de chaque tapisserie.
Car si le but même de la création est d'incorporer ces poutres de soutien et ces socles de fondation, ces tapisseries et ces meubles, ces poteaux de cuivre et ces crochets d'argent, il est alors évident que chacun de ses détails est revêtu d'une importance suprême pour nous. C'est ici que réside le prototype du travail de notre vie pour faire de ce monde et de nos vies une résidence pour D.ieu.

Trois domaines
Le Midrach et les commentateurs bibliques, et tout particulièrement les penseurs cabalistes et 'hassidiques développent ce thème, décrivant le Michkan comme un modèle de l'homme, de l'univers physique ou de la création dans son entité.
Dans l'un des carnets manuscrits découvert après sa disparition, le Rabbi résume les commentaires de Rabénou Be'hayé, Rabbi Moché Isserles (le Ramah), Rabbi Yechayahou Horowitz (le Chaloh) et d'autres, sur ce sujet, démontrant comment les trois domaines primordiaux du Michkan sont mis en parallèle avec les divisions correspondantes dans la création, le temps et l'âme commune d'Israël.
Maïmonide décrit l'univers consistant en trois strates: la matière non raffinée (la terre et les créatures terrestres), la matière raffinée (les étoiles et les corps célestes) et les êtres entièrement spirituels (des entités qui sont "des formes seules, sans matière, comme les anges qui n'ont pas de corps physique mais des formes variées"). Etendant la division au règne du temps, nous avons six jours de travail (la matière non raffinée), le Chabbat (la matière raffinée) et "le Chabbat des Chabbat", Yom Kippour, dans lequel nous comptons les degrés d'une spiritualité entière. Parmi les âmes d'Israël, se trouvent les "Israélites" dont la vie est dévouée, dans l'ensemble, au travail de la vie matérielle: fermiers, marchands, soldats et hommes d'état, la tribu de Lévi dont le service dans le Saint Temple impliquait le raffinement et l'élévation du monde matériel et le Cohen Gadol (Grand Prêtre) qui personnifiait l'apogée de la spiritualité accessible à l'homme.
Dans le Michkan également, ces trois domaines sont représentés par :
1) la cour
2) la chambre extérieure du Sanctuaire (le "Saint") et,
3) le "Saint des Saints", la chambre intérieure derrière le "Voile" ou Paro'het.
La cour comprenait également les éléments les plus terrestres et "triviaux" du service du Temple: c'est ici que les Cohanim se lavaient les mains et les pieds pour se purifier de leur contact avec le monde matériel avant de commencer leur service ou de pénétrer réellement dans le Michkan; c'est ici que la graisse des Korbanot (sacrifices animaux) représentant l'excès de matérialité dans la vie de l'homme était brûlée sur l'Autel etc.
Le "Saint" dans lequel seuls les Cohanim pouvaient pénétrer était la scène d'éléments du service du Temple plus "raffinés": l'allumage de la Menorah, la combustion des encens et la disposition sur la Table du "Pain de présentation" mangé le Chabbat par les Cohanim.
Et enfin, le "Saint des Saints" qui abritait seulement l'Arche et dans lequel le Cohen Gadol ne pouvait pénétrer que Yom Kippour, représentait la plus grande transcendance du matériel dans le service du divin de l'homme.
Le Michkan incluait ces trois domaines parce que la tâche de faire une Résidence pour D.ieu dans les royaumes inférieurs embrassent tous ces domaines de la vie: le Juif sert D.ieu dans ses moments les plus élevés; nous Le servons également dans notre effort pour élever et raffiner notre monde; et nous aspirons enfin à Lui faire un "foyer" dans les activités les plus ordinaires de la vie quotidienne.

L'Autel et l'Arche
Lequel des nombreux composants du Michkan représente-t-il sa fonction essentielle? Selon Na'hamanide, l'essence de la "Résidence pour D.ieu" est son cœur spirituel. Aussi le grand commentateur écrit-il:
Le principal but du Sanctuaire est de servir de lieu de résidence pour la Présence Divine. Cela se réalise dans l'Arche, comme D.ieu dit à Moché: "Je communiquerai avec toi là-bas, te parlant d'au-dessus du Kaporet (la couverture de l'Arche)…" (commentaire de Na'hmanide sur Chemot 25, 1).
Par ailleurs, Maïmonide définit le Sanctuaire comme une maison pour D.ieu qui est destinée pour l'offrande des sacrifices… (Michné Torah, Lois du Saint Temple 1:1)
Maïmonide dit que l'Autel extérieur dans la cour est le point central du Sanctuaire, l'axe autour duquel tout tourne.
En d'autres termes, il existe deux façons de définir le concept d'un endroit et d'une structure matériels qui servent de "Résidence pour D.ieu":
a) un lieu où et par lequel D.ieu choisit de Se révéler à l'homme;
b) un lieu où et par lequel l'homme sert D.ieu.
Il est bien entendu que le Michkan était les deux à la fois. C'était un lieu d'où D.ieu parlait à Moché, où l'homme pouvait être le témoin de la Présence Divine; et c'était un lieu où l'homme s'offrait lui-même et les matériaux de sa vie à D.ieu. La question est de savoir laquelle de ces deux fonctions est la plus essentielle et laquelle sert et facilite l'autre.

L'homme de la mystique
et l'homme de la Hala'ha
Le Rabbi explique que les différentes perspectives exprimées par Na'hmanide et par Maïmonide reflètent les courants respectifs de la pensée toranique que représentent ces deux éminents Sages.
Pour Na'hmanide, un cabaliste et mystique réputé, le point central du Michkan réside dans son cœur spirituel. Le Saint des Saints, l'Autel contenant les Tables du Témoignage sur lesquelles la Torah s'exprime dans son expression la plus pure etc. sont là ce qui exprime l'essence de la Résidence Divine, un portail dans le monde matériel à travers lequel D.ieu envoie un rayon de Sa lumière infinie. Tout le reste ne fait que "préparer le terrain" à cette révélation, pour élever l'homme et son monde à un état de réceptivité de cette lumière.
Pour Maimonide, l'homme de Loi par excellence, l'essence du Michkan réside dans l'Autel, dans l'entreprise humaine pour offrir les éléments quotidiens, matériels de sa vie à D.ieu. Tout le reste est là pour permettre et aider le service matériel de l'homme de son Créateur.

La tente d'Assignation
"Ceux-ci et ceux-là sont les mots du D.ieu Vivant" déclare le Talmud à propos des discussions entre les Sages au sujet des interprétations de la Torah. La vue mystique exprimée par Na'hmanide et la perspective hala'hique de Maimonide font toutes deux partie intégrante de la "Résidence pour D.ieu" construite dans le désert du Sinaï et de la "Résidence pour D.ieu" que nous faisons chacun de notre vie.
Ici, chaque accomplissement humain n'est qu'un moyen de se faire réceptif à l'infini de D.ieu. Et en même temps, chaque révélation divine émanant d'En-Haut n'est qu'une force donnée à l'homme pour révéler la Divinité implicite dans le fini et la matérialité de son existence.
Le Coin de la Halacha
Teroumah

Comment et à qui dit-on “Bonjour” ?
Nos Sages accordent une importance particulière au fait de saluer autrui. De nos jours, la politesse exige qu’on se salue mais, disait le précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak, ceci est devenu une formalité froide au point que, parfois, au lieu de comprendre : “La paix sur vous”, on comprend plutôt: “Va-t-en et laisse-moi en paix!”…
Il convient de saluer toute personne même si on ne la connaît pas vraiment. Il est recommandé d’être le premier à saluer et de ne pas attendre que l’autre personne le fasse d’abord.
Celui qui ne répond pas au salut de l’autre est appelé voleur comme il est dit (Isaïe 3. 14) : “L’objet volé au pauvre se trouve dans vos maisons” c’est-à-dire: le pauvre ne possède rien, mais si on ne lui a même pas rendu son “bonjour”, c’est comme si l’avait volé (Rachi).
Avant la prière du matin, on évite de se saluer afin de “saluer” en premier lieu le Créateur. Cependant si l’autre personne risque de se vexer, on lui fera un signe discret avec une formule de politesse adaptée. De cette manière, on évitera de s’occuper d’autre chose avant la prière.
On évite de dire “bonjour” à une personne qui est dans les sept jours de deuil et on ne lui parle pas tant qu’elle n’a pas entamé la conversation.
En hébreu, on se salue avec le mot “Chalom”, paix. Il convient donc de saluer aussi bien la personne qu’on aime que celle qu’on apprécie moins et, de cette manière, on cherchera à établir vraiment une relation de paix. Pour cela, chacun s’efforcera d’effacer son orgueil et de reconnaître les qualités de l’autre.

F. L. (d’après Rav Yossef Guinzbourg)
De Recit de la Semaine
UN BON MARIEUR

Rav ‘Haïm Ouri Ottner était né à Lyzensk, en Pologne et était une des figures importantes de la ‘Hassidout de Belz. Il se maria avec la fille du Rav de la ville de Klavissov et s’installa à Notrov. Connu pour son érudition talmudique, il reçut l’ordination rabbinique de nombreux Rabbanim parmi lesquels le Rabbi d’Ostrowza.
Peu avant la seconde guerre mondiale, il s’installa avec sa famille à Londres. Lors des bombardements de la ville par l’armée allemande, sa demeure prit feu et tous les manuscrits qu’il avait rédigés furent perdus.
Puis il s’installa à New York où il devint le directeur de la Yechiva “ ‘Hafets ‘Haïm ”. Quand on lui proposa le poste de Rav dans une communauté de Los Angeles, il hésita et quelqu’un lui conseilla de prendre l’avis du Rabbi de Loubavitch.
C’est ainsi que commença une longue relation que nous raconte sa fille.
“Mon père n’était déjà plus très jeune et avait acquis une solide réputation tant dans l’action communautaire que dans l’érudition talmudique. Cependant, quand il sortit du bureau du Rabbi, il se sentit rajeuni, encouragé, comme rafraîchi. On voyait qu’il avait comme découvert un trésor. Il disait que s’il n’avait pas vu le Rabbi de Loubavitch de ses propres yeux, il n’aurait pu croire qu’à la tête de notre “génération orpheline” se tient un chef d’une telle envergure. Il décrivait les connaissances du Rabbi dans tous les domaines de l’étude juive mais aussi de la vie en général. “ Il ressemble en tous points au Rambam, à Maïmonide ! ” s’exclama mon père.
Le Rabbi conseilla à mon père d’accepter le poste à Los Angeles, ce qui réjouit la communauté orthodoxe de cette ville.
Quand ma mère remarqua combien mon père avait été impressionné par sa visite chez le Rabbi, elle demanda à se joindre à lui lors de sa prochaine entrevue.
A l’époque, mes parents avaient un gros problème qui leur causait beaucoup de peine. Mon petit frère ne s’intéressait plus vraiment à la Torah et aux Mitsvot. Ce fut un processus graduel, mais il en arriva au point de fréquenter des jeunes gens peu recommandables et même malheureusement une jeune fille non-juive qu’il ne voulait plus quitter…
Inutile de décrire le désarroi de mes parents qui n’osaient même pas parler de leur souci.
Quand ils entrèrent dans le bureau du Rabbi, ils tendirent au Rabbi un papier où étaient inscrits tous leurs enfants (sauf un !) avec leurs occupations, leurs études etc… A leur grand étonnement, le Rabbi leur demanda justement des nouvelles de ce fils qui les chagrinait tant. Ma mère, en larmes, soupira puis expliqua ce qui lui arrivait. Le Rabbi réfléchit un instant puis dit : “ Puisque son ‘Mazal’ (celle qui lui est destinée) se trouve en Terre Sainte, il serait judicieux de le persuader de se rendre en Israël et le bon D.ieu trouvera le moyen de lui faire rencontrer cette jeune fille”.
Dès leur retour à Los Angeles, mes parents proposèrent à mon frère de se rendre en Israël ; ils tentèrent de le persuader par tous les moyens, mais il n’était pas intéressé. Nous n’avions pas de famille proche là-bas et mon frère n’avait tout simplement aucune envie d’y aller.
La fois suivante, mes parents racontèrent au Rabbi que leurs efforts pour envoyer mon frère en Israël avaient échoué. Le Rabbi répondit alors : “Il n’y a pas le choix: Erets Israël devra aller vers lui!”
Ma mère, suffoquée, voulut demander une explication mais mon père qui avait déjà compris qu’on ne pose pas de questions sur ce que dit le Rabbi, lui fit signe de se taire.
Quelques semaines plus tard, ma mère entra dans le magasin de bijoux d’une de ses amies. Son amie n’était pas présente, mais il y avait là une nouvelle vendeuse qui aida ma mère à choisir ce qu’elle recherchait. Ma mère fut favorablement impressionnée par cette jeune fille et elle eut une longue conversation avec elle.
De retour à la maison, elle s’empressa de téléphoner à son amie, la propriétaire du magasin. Celle-ci lui expliqua que la jeune fille était une de ses nièces, qui habitait Tel-Aviv et qui passait trois semaines de vacances à Los Angeles. “ Il y a quelque temps, raconta-t-elle, ma belle-sœur m’a téléphoné de Tel-Aviv et m’a demandé si je pouvais héberger sa fille qui avait soudain eu l’envie de se rendre à Los Angeles où elle ne connaissait personne ! ”
Ma mère n’était pas du genre à perdre son temps. Elle passa encore certains coups de téléphone et, au bout de quelques semaines, nous avons pu célébrer les fiançailles de mon frère avec cette jeune fille venue tout droit de la Terre Sainte.
Maintenant mes parents pouvaient respirer, ils étaient débarrassés d’un grand poids.
Le “marieur” avait vu juste: “Il n’y avait pas le choix, Erets Israël avait dû aller chez lui”.
Cela fait déjà trente ans que mon frère est marié !
Traduit par Feiga Lubecki