Semaine 4

  • Vaéra
Editorial

Le peuple solitaire

Le peuple juif a une longue histoire et, sans doute, une mémoire également longue. Sous toutes les latitudes, il a traversé des temps de bonheur et, peut-être plus souvent, des temps de détresse, des temps de liberté et des temps d’oppression, des temps de lumière et des temps d’obscurité. Il a parfois rencontré, sur son chemin, des compagnons de route. Quelquefois, des amitiés se sont forgées, la confiance est née. Parfois même, le peuple juif a pu se croire arrivé sur des rivages paisibles. La conscience en repos, il a pensé pouvoir enfin éprouver la douce saveur des existences discrètes, de cette sorte de vie qu’aucun événement marquant ne vient troubler. Vivre tranquille et serein du soir au matin : ambition à la fois grande et petite. Etre comme tout le monde : l’ultime espoir de tous ceux qui ressentent profondément la fatigue de l’Histoire.
Quelle que soit la légitimité ou la pertinence d’un tel désir, force est de constater que bien rares sont les temps où il fut assouvi. Au contraire pourrait-on dire, à chaque fois qu’un tel petit bonheur paraît à portée, les événements font qu’il s’éloigne et devient vite, pour ainsi dire, presque inaccessible. Le peuple juif n’est pas un peuple comme les autres. Comment ne pas entendre constamment résonner à nos oreilles le verset biblique : «C’est un peuple qui réside solitaire et ne se confond pas avec les autres nations» ? Comment ne pas lui trouver une extraordinaire actualité quand les rues des capitales mondiales retentissent de cris qu’on croyait appartenir au passé, quand un véritable déferlement de haine se cache sous les habits empruntés à un discours politique d’où la raison aurait disparu ? Dans ces rues et ces avenues si familières, voici qu’à présent, on peut se sentir décidément bien seul…
Si c’est de «solitude» qu’il s’agit, il faut reconnaître qu’elle ne manque pas d’une certaine grandeur. Les amis d’hier peuvent avoir cessé de nous comprendre et les traditionnels donneurs de leçons avoir repris du service, conscience de commande en bandoulière, mais qu’à cela ne tienne : le peuple «qui réside solitaire» a repris sa place dans l’Histoire. Il assume totalement son destin : celui de porteur de lumière, de témoin de sagesse et d’acteur d’une morale qui transcende les aires et les ères sociales. Le rôle est certes exigeant. Il est cependant très précieux, autant pour le peuple juif lui-même que pour tous les hommes. Quand la rue gronde et que son aspect n’est plus reconnaissable, il est temps de nous retrouver. Fidèles à nous-mêmes, conscients du poids de nos actes, persévérants dans nos accomplissements, et, finalement, éternellement liés à D.ieu par Sa Torah et Ses commandements, nous poursuivons notre chemin. Afin que monte enfin la lumière : l’ère messianique est à notre porte.

Etincelles de Machiah

L’envoyé de la Délivrance
Lorsque D.ieu voulut envoyer Moïse libérer les Hébreux d’Egypte, celui-ci supplia (Ex. 4 : 13) : «De grâce, envoie quelqu’un d’autre». Relevant ce verset, nos Sages indiquent que cette demande de Moïse avait un sens précis. Il voulait ainsi que l’envoyé chargé de la libération du peuple juif soit le Machia’h lui-même.
Quand le moment en fut venu, D.ieu envoya cependant bien Moïse et non le Machia’h. Mais, plus profondément, il est dit que «le premier libérateur (d’Egypte) sera le dernier libérateur (de notre exil)». Il en ressort donc que Moïse et Machia’h ne sont pas deux hommes totalement différents. Moïse est aussi l’envoyé de notre Délivrance majeure.
(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – Chabbat Parachat ‘Hayé Sarah 5752) H.N.

Vivre avec la Paracha

Vaéra : La perception et la puissance

Un idéal de base, dans la réflexion contemporaine, est non seulement les droits de l’individu mais aussi sa puissance. Si vous êtes réellement concerné par un problème, alors, par un processus démocratique, la force d’un groupe de pression, l’implication des médias pour soulever l’intérêt du public ou toucher l’opinion, vous pouvez agir. Dans un certain sens, chacun peut changer le monde.
En termes spirituels, il s’agit là d’une idée juive ancestrale. Il y a plus de huit siècles, Maïmonide écrivait que chaque individu doit se considérer en équilibre entre le bien et le mal. Cela signifie, poursuit-il, qu’un seul geste peut changer la balance pour soi-même et pour le monde entier. Un bon acte, commente le Rabbi, une bonne pensée peuvent faire pencher le fléau de la balance du bon côté et apporter la guérison au monde entier.
Cela signifie donc que chaque individu joue un rôle éminemment important. Sa perception de la vie peut être un facteur crucial, non seulement pour son bien-être personnel mais pour celui du monde en tant qu’entité.
Notre perception de la vie est en fait un thème central dans notre Paracha qui évoque les plaies que D.ieu envoya contre l’Egypte.

Quel en était le but ?
Une des réponses que l’on donne indique qu’elles devaient forcer les Egyptiens et tout particulièrement le Pharaon, à laisser partir le Peuple Juif, libre. Elles peuvent aussi être considérées comme une punition pour la cruauté avec laquelle ils agirent envers leurs esclaves juifs. Mais si nous observons avec attention le texte de la Torah, nous voyons qu’il ne s’agissait pas simplement de faire une démonstration de force ou d’occasionner de la douleur. Le but en était plus subtil.
D.ieu explique que le but des miracles d’Egypte était que «l’Egypte sache que Je suis D.ieu».
Quand le Pharaon rencontra pour la première fois Moché, qui lui demandait la liberté pour les Juifs, il répondit : «Qui est ce D.ieu que je devrais écouter en libérant les Juifs ?» Cela signifie donc que le but des plaies était de faire en sorte que le Pharaon reconnaisse D.ieu. Ce n’est qu’alors qu’il pourrait permettre la sortie d’Egypte.
Mais en fait, cela non plus, n’est pas le but ultime des plaies. D.ieu en donne une autre explication à Moché : «Les plaies sont survenues pour que le Peuple Juif transmette à ses enfants et à ses petits-enfants ce qui s’est passé et que eux «sachent que Je suis D.ieu».
Le dessein des plaies était de changer notre perception de la vie pour que, à travers les générations, nous reconnaissions D.ieu et le sens de Ses enseignements. Pour l’antique Pharaon, les plaies avaient pour sens qu’en fin de compte, il obéirait à D.ieu et laisserait partir le Peuple Juif. Pour nous, elles signifient que nous reconnaissons la puissance de D.ieu dans notre vie et faisons donc la démarche juste, celle qui apportera au monde le bien et la guérison.

La liberté en cinq dimensions
Nos Sages évoquent les relations proches qui unissent les individus et l’histoire du Peuple Juif décrite dans la Torah. Les grands événements de l’esclavage égyptien et l’Exode relatés dans la Paracha peuvent avoir lieu dans le monde personnel de chaque individu vivant aujourd’hui.
Un exemple nous en est aussi fourni par le récit des plaies. Lorsque nous lisons la Haggadah, à Pessa’h, nous en chantons la liste, versant une goutte de vin à l’évocation de chacune d’entre elles. Et puis la Haggadah rappelle une discussion à leur propos entre deux Sages anciens : Rabbi Eliézer et Rabbi Akiva.
Rabbi Eliézer affirme que chaque plaie consistait en fait en quatre plaies. Rabbi Akiva, quant à lui, avance qu’il ne s’agissait pas de quatre mais de cinq plaies. Assis à la table du Séder, lisant dans la Haggadah tâchée de vin, nous nous hâtons vers la consommation de la Matsa, des herbes amères et du repas. Mais que viennent nous dire aujourd’hui ces deux Sages anciens ?
C’est à ce point que nous pouvons découvrir quelque chose à propos du processus de quitter l’Egypte, à notre niveau personnel, intérieur.
La fonction des Plaies dans l’histoire était de briser la force néfaste de l’Egypte et du Pharaon, le tyran qui avait asservi le Peuple Juif. Dans notre intériorité, l’équivalent des plaies consiste en la tentative de briser notre propre situation de servitude. Qui ou qu’est-ce qui nous asservit ? Nos propres désirs négatifs, notre propre égocentrisme.
Et dans cet esclavage intérieur existent quatre niveaux, selon Rabbi Eliézer ou cinq, selon Rabbi Akiva. En le comprenant, nous sommes mieux à même d’appliquer le principe des plaies pour libérer notre moi intérieur.
Le premier niveau se rencontre lorsque le penchant négatif a tellement de force à l’intérieur de nous qu’il peut nous obliger à faire quelque chose de répréhensible. Il s’agit d’un niveau simple et courant, celui de la vie quotidienne dans lequel on lutte pour garder le contrôle de son comportement.
Le second niveau, plus subtil, d’esclavage est celui où on fait ce qui est bien. Mais on est constamment préoccupé par ce que les autres vont penser de soi. On est pris au piège dans sa propre idée de la société.
Le troisième niveau est encore plus délicat. L’individu éprouve un profond sentiment de liberté et se tient bien au-dessus des opinions de ses alter egos. Cependant, il reste limité par son propre intellect et sa compréhension. Il reste froid, sans passion. Les enseignements du Judaïsme demandent de nous, au contraire, une aptitude à dépasser cette limite : «tu aimeras D.ieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force». Il est des situations qui demandent quelque chose de plus que cette froide rationalité.
Le quatrième niveau est celui où l’homme peut dépasser la compréhension. Il agit dans le sacrifice de soi. En ce qui concerne Rabbi Eliézer, c’est là le niveau le plus élevé que l’on peut atteindre.
Mais Rabbi Akiva y voit encore un problème. L’on peut encore être rattrapé par la conscience que l’on a de se sacrifier : «Je me sacrifie ! Ne suis-je pas extraordinaire ?» Pour Rabbi Akiva, le cinquième niveau de liberté est celui que l’on atteint lorsqu’on s’est complètement libéré de soi-même.
On peut alors totalement se dévouer au service de D.ieu, apportant en fin de compte, la Rédemption, pas seulement à soi-même mais au monde entier.

Le Coin de la Halacha

Quelles Mitsvot pouvons-nous accomplir pour augmenter la sécurité du peuple juif en Israël ?

Le Rabbi de Loubavitch a indiqué plusieurs Mitsvot qui avaient la particularité d’agir comme un bouclier pour le peuple juif :
- mettre les Téfilines chaque jour de la semaine, avec la bénédiction appropriée et en récitant le «Chema Israël» ;
- acquérir – pour un prix symbolique – une lettre dans un Séfer Torah et augmenter ainsi l’unité du peuple juif grâce à la Torah ;
- poser des Mezouzot (parchemins spéciaux, certifiés cachères par un scribe confirmé) aux portes de son logement : la Mezouzah protège le Juif quand il se trouve à la maison mais aussi quand il sort ;
- chaque femme mariée allumera au moins deux bougies le vendredi après-midi, à l’heure indiquée dans le calendrier juif, avec la bénédiction :
«Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Chabbat Kodèch».
Chaque jeune fille et petite fille, dès l’âge de trois ans, allumera une bougie, avec la bénédiction.
- ajouter chaque jour des pièces à la Tsédaka (charité) et, en général, augmenter les actes de bienfaisance ;
- augmenter le temps et la qualité d’étude de la Torah ;
- augmenter le temps et la qualité de la prière et de la récitation des «Tehilim», en particulier les Psaumes 1-20-22-69-83-121-142 et 150.

F. L.

De Recit de la Semaine

Torah à bord

C’était la nuit avant Roch Hachana.
Mon fils Mendel était heureux mais un peu nerveux.
Il devait prendre l’avion de Melbourne à Adélaïde – une heure de vol – afin d’aider Rav Yossi Engel pour les fêtes. C’était la première fois qu’il se rendait à Adélaïde et il devait prendre avec lui un Séfer Torah, un rouleau de la Torah : «Maman, me demanda-t-il, que faire si l’équipage refuse que je prenne le Séfer Torah avec moi dans l’avion ? J’ai entendu qu’on prenait des mesures très strictes de sécurité dernièrement. Je ne voudrais pas qu’il soit envoyé en soute !»
Je tentai de le rassurer. Je lui rappelai qu’une fois, son père avait emporté un Séfer Torah en Tasmanie et le non-Juif assis à côté de lui dans l’avion en avait été si impressionné qu’il avait proposé de l’emmener en voiture n’importe où dès l’atterrissage !
«Oui, Maman, mais cela, c’était il y a bien longtemps ! Avant les détournements et les mesures de sécurité renforcées !»
Il n’y avait pas grand chose à ajouter donc je lui souhaitai un grand succès et lui rappelai qu’il agissait en tant qu’émissaire du Rabbi, qu’il avait donc toutes les bénédictions avec lui.
Le lendemain après-midi, alors que je me débattais dans la cuisine avec les préparatifs de la fête, Mendel me téléphona, tout excité.
-Tu ne croiras pas ce qui m’est arrivé ! Tandis que je marchais dans l’aéroport, de nombreuses personnes sont venues spontanément embrasser le Séfer Torah en me souhaitant «Chana Tova» ! Quand je suis arrivé au comptoir d’embarquement de Qantas, par contre, l’hôtesse m’a demandé de placer le Séfer Torah dans la soute. J’ai refusé, expliqué que c’était un objet sacré, un objet de culte qui doit être traité avec respect. Elle hésita et partit en référer à ses supérieurs.
Pour ma part, je ne pouvais rien faire de plus, le reste était entre les mains de D.ieu. Puis elle m’appela : «Allez dans ce couloir, telle porte. Quelqu’un désire vous parler !»
Je me demandais ce qui m’attendait. De fait, un homme en uniforme de pilote était là, qui regarda le Séfer Torah et m’adressa un grand sourire en me tendant la main : «Chana Tova ! Je m’appelle Morde’haï ! Allons-nous placer le Séfer Torah dans le cockpit à côté de mon Talit et de mes Téfilines ?»
Morde’haï n’est autre que le capitaine Mark DiVeroli, probablement le seul pilote en Australie qui voyage toujours avec son Talit et ses Téfilines. C’était, comme «par hasard», justement lui qui allait piloter l’avion de mon fils !
Il lui raconta aussi que, d’habitude, il reste dans le cockpit avant le vol mais qu’inexplicablement, cette fois, il avait marché dans la galerie et qu’il avait incidemment entendu les stewards discuter de ce jeune Juif qui désirait emporter un «grand objet sacré» dans l’avion : «Si j’étais resté dans l’avion, je n’aurais pas eu connaissance de ton problème et je n’aurais pas pu l’aider !»
Après un premier moment de surprise, Mendel déclara qu’il préférait garder le Séfer Torah avec lui durant le vol. Morde’haï accepta et s’arrangea pour qu’il dispose d’un siège libre à côté de lui pour l’y déposer. A l’arrivée, le pilote informa mon Mendel qu’il retournait à Melbourne le jour-même et réciterait les prières de Roch Hachana dans le Beth ‘Habad, la synagogue de Rav Motty Liberow.
Pour conclure la conversation avec mon fils, je remarquai : «D.ieu a sa façon à Lui de nous envoyer des petits mots gentils pour nous faire savoir qu’Il est toujours avec nous !»
Je téléphonai ensuite à Mme Liberow pour lui raconter ce qui s’était passé. Imaginez la surprise du pilote (à chacun son tour !) quand Rav Liberow raconta cette histoire devant la communauté réunie à Roch Hachana en désignant Morde’haï comme le héros du récit !
A son retour, Mendel resta en contact avec Morde’haï le pilote. Avant ‘Hanouccah, il lui demanda s’il désirait mettre une Ménorah sur sa voiture. Morde’haï accepta volontiers. «Au fait, j’ai déjà participé à la campagne de ‘Hanouccah du Rabbi, raconta-t-il. J’habitais à Adélaïde, pour une petite compagnie d’aviation commerciale. J’avais toujours rêvé de travailler pour une grande compagnie comme Qantas mais je n’avais même pas réussi à obtenir un rendez-vous d’embauche !
Il y a vingt ans, un étudiant de Yechiva est venu à Adélaïde pour un allumage public. Il avait besoin d’aide. J’avais mes mercredis de libres et je me portai volontaire, bien que je ne connaisssaia rien du Rabbi et de ‘Habad. Or justement ce mercredi, mon patron avait lui aussi besoin de moi.
- Je ne peux pas, je me suis déjà engagé pour mercredi.
- Si vous ne venez pas mercredi, menaça-t-il, ne prenez pas non plus la peine de venir jeudi !
J’aidais le jeune étudiant mercredi à installer la Ménorah. Jeudi je me présentai au travail mais mon patron me renvoya.
Je n’étais évidemment pas ravi de perdre mon travail mais, puisque j’étais libre, j’appelai le jeune étudiant et proposai de continuer à l’aider. Il était vraiment désolé que j’ai perdu mon travail et me demanda mon prénom hébraïque ainsi que celui de ma mère. Il envoya un fax au Rabbi en demandant que je retrouve du travail. Un peu plus tard, il m’annonça : «Ne vous inquiétez pas, vous avez reçu une bénédiction du Rabbi. Tout s’arrangera !»
Peu de temps après, je reçus un coup de téléphone complètement inattendu : la compagnie Qantas m’invitait pour une interview d’embauche. Grâce au Rabbi, j’ai ainsi obtenu le travail dont j’avais toujours rêvé !»

Mina Gordon
N’Shei Chabad Newsletter – L’Chaim
traduit par Feiga Lubecki