Samedi, 21 janvier 2023

  • Vaéra
Editorial

 La vie est toujours plus forte

La question des retraites agite sans doute légitimement le pays : quand pourra-t-on enfin en jouir, quel montant nous sera-t-il alors versé mensuellement, quelles seront les conditions de ce départ qui est souvent présenté à la fois comme un couperet fatal et l’accès à un repos/bonheur mérité. Il est clair que ce qui doit ici nous interroger n’est pas la ou les réformes projetées mais bien l’idée même de retraite. En effet, que révèle d’elle-même une société dont l’idéal ultime est celui-là ? Et qu’est-ce que l’homme pour qui l’idée de « retraite » est la conclusion naturelle et attendue d’une vie de travail ? Peut-être est-ce l’occasion de se poser, dans ce cadre, les bonnes et éternelles questions, de se demander « pourquoi » plutôt que, comme à l’accoutumée, uniquement « comment » ?

C’est que, derrière le mot « retraite », se cache un concept nettement moins sympathique, celui de retrait. Tout se passe comme si l’on voulait dire que la personne concernée, à l’âge fixé, doit être mise en retrait, en d’autres termes retirée, du circuit social. Tout est fait comme pour nous donner à comprendre qu’elle n’a plus rien à apporter au collectif, que son activité ne fait plus sens. Est-ce bien là la conception que la pensée et la vie juives nous proposent ? En fait, nous est-il enseigné, la vie de l’homme est un tout. Elle comporte un certain nombre d’années, décidé par D.ieu, nécessaires pour que la mission affectée à l’individu en question puisse être menée à son terme. Il s’agit tout d’abord de cette mission d’étude de la Torah et d’accomplissement de ses commandements qui incombe à chaque Juif. Mais cela ne s’arrête pas là car la vie juive ne peut se réduire à cette partie minime du jour consacrée aux activités spécifiquement « religieuses ». Cela implique aussi ces multiples actes de la vie quotidienne qui ne font pas l’objet de rites mais qui sont l’expression de notre rapport au monde. Eux aussi doivent être intégrés au service Divin. Ainsi l’homme suit son chemin et, tant qu’il vit dans ce monde, il poursuit son œuvre.

Dans cette vision, la « retraite » prend un autre sens, plus riche et plus exigeant. Il ne s’agit plus de retrait mais de renaissance, pas d’une sorte de disparition sociale mais d’une implication nouvelle dans ce qui est l’essentiel des choses. Au-delà des décisions matérielles de gestion et des choix opérés, à nous de mettre en avant cette vision majeure : la vie continue et elle n’attend jamais. 

Etincelles de Machiah

 Le soleil et la lune

Le texte de la Torah (Gen. 38 : 28-30) nous annonce la naissance de Péretz et Zara’h, fils de Yéhouda. A leur propos les commentateurs relèvent que Zara’h est comparable au soleil tandis que Péretz l’est à la lune. Quel est le sens de cette parabole ?

Le soleil représente le mode de service de D.ieu des Justes. En effet, ceux-ci ne connaissent ni changement ni chute. Comme le soleil qui éclaire de façon constante, ils sont d’une perfection immuable. A l’inverse, la lune symbolise le service de D.ieu des Baalei Techouva, ceux qui ont commis des fautes et sont revenus à D.ieu. Ils ont ainsi connu la chute et redécouvert la plénitude, comme la lune qui décroit pour revenir à la perfection.

Cette idée explique pourquoi c’est de Péretz, ancêtre de la dynastie du roi David, que descendra le Machia’h. Car un des apports essentiels de ce dernier sera justement de donner accès à la Techouva aux Justes puisque celle-ci est toujours d’une grandeur et d’une puissance inégalables !

(D’après Likoutei Si’hot vol. XXX  –
Parachat Vayéchev II)

Vivre avec la Paracha

 Vaéra

D.ieu se révèle à Moché et lui promet de sortir les Enfants d’Israël d’Égypte, de les délivrer de leur esclavage, de les sauver et d’en faire Son peuple élu au Mont Sinaï. Il les conduira ensuite vers la terre qu’Il a promise aux Patriarches en héritage éternel.

Moché et Aharon se présentent à de multiples reprises pour demander au Pharaon, au nom de D.ieu : « Laisse partir Mon peuple pour qu’ils Me servent dans le désert ». Pharaon refuse. Le bâton d’Aharon se transforme en serpent, redevient bâton et avale les bâtons magiques des sorciers égyptiens. D.ieu envoie alors une série de plaies contre les Égyptiens.

Les eaux du Nil se transforment en sang, des armées de grenouilles envahissent la terre, la vermine infecte tous les hommes et les animaux. Des hordes de bêtes sauvages déferlent sur les villes, la peste tue les animaux domestiques, des ulcères douloureux affectent les Égyptiens. Pour la septième plaie, D.ieu combine le feu et la glace qui descendent sur terre en une grêle dévastatrice. Et pourtant « le cœur de Pharaon s’endurcit et il ne libère pas les Enfants d’Israël.

Le sermon d’une grenouille

« D.ieu dit à Moché : viens chez Pharaon et dis-lui : ‘Ainsi parle D.ieu : laisse partir Mon peuple pour qu’ils puissent Me servir. Mais si tu refuses de [les] laisser partir, voici, Je frapperai toutes tes frontières avec des grenouilles’. » (Chemot 7 :26-27)

« Sans [la plaie des] grenouilles, comment D.ieu aurait-Il puni les Egyptiens ? » (Le Midrach)

Ce dernier commentaire paraît bien étrange, voire hérétique ! Il semble impliquer que sans la plaie des grenouilles, Pharaon n’aurait pas été vaincu. Mais n’existe-t-il pas de « nombreux agents pour D.ieu » ? Sa force d’action n’est-elle pas vaste et diversifiée ? Et n’y eut-il pas neuf autres plaies toutes aussi, sinon plus, efficaces pour faire plier Pharaon ?

Les trois fantoches

Dans la tradition biblique et de façon générale, nous rencontrons trois idéologies professées par trois personnalités célèbres, chacune s’en prenant à D.ieu, de façon erronée et différente.

Ces individus (non cités chronologiquement) sont : Bilaam, Pharaon et San’hériv.

Bilaam était un homme compliqué. Croyant, il l’était. Après tout, c’était un prophète. Et quel prophète un tant soit peu sensé aurait nié l’existence du D.ieu dont il prétendait parler ? Plutôt que croire simplement de façon abstraite ou théorique, il comprenait bien, et plus tard réapprendrait, le fait que D.ieu est extrêmement intéressé et impliqué dans les affaires du monde. Nous savons cela de sa propre affirmation naïve : « Même si Balak me donne sa maison pleine d’argent et d’or, je ne peux transgresser la parole de l’Eternel, mon D.ieu, rien faire de petit ou de grand… » (Bamidbar 22 :18)

Mais son système de croyance était nuancé et complexe. Bien qu’il crût en l’existence de D.ieu, il avait un problème avec le principe de l’unité.

A l’autre extrême, se situe Sennachérib, l’athée qui reniait l’existence d’un Etre Suprême, allant jusqu’à assurer de maudire D.ieu. Son incroyance prit la forme d’un athéisme actif. Sa religion était l’impiété et il avait à cœur de mener un combat actif et passionné pour démolir la foi dans le Créateur.

Ainsi, à la fois Bilaam et San’hériv partageaient-ils un territoire commun : tous deux étaient également gênés par la notion de D.ieu et tout particulièrement comme un Etre qui supervise le monde. Pourtant, ils différaient dans la manière de régler leurs frustrations respectives : Bilaam se résignait à contre-cœur à la domination de D.ieu alors que San’hériv passa sa vie entière en campagne contre Lui.

Pharaon, néanmoins, s’engagea sur un nouveau terrain.

C’est le tout premier déiste de la Bible, croyant que quand bien même D.ieu existe, Il n’a rien à faire avec l’administration du monde. La maintenance de l’univers est l’affaire des hommes.

En d’autres termes, selon l’opinion de Pharaon, la question de l’existence de D.ieu n’était que théorique et sans rapport avec la vie pratique. C’était un sujet intéressant à discuter dans les grands débats intellectuels mais n’avait rien à voir avec la rue, les lieux de distraction et encore moins avec la politique gouvernementale.

Sa philosophie apparaît très clairement dès les premiers mots qu’il adresse à Moché : « Qui est ce D.ieu dont je devrais tenir compte de la voix et renvoyer Israël ? », ce que l’on peut comprendre comme signifiant : « depuis quand D.ieu s’implique-t-Il dans ce qui se passe en bas ? »

La conception du monde de Pharaon devient encore plus évidente si l’on se reporte aux paroles de Moché à propos de D.ieu : « Si tu ne laisses pas partir Mon peuple, voici, Je lancerai contre toi, et contre tes serviteurs, et contre ton peuple, et dans tes maisons, un mélange de bêtes sauvages… de sorte que tu sauras que Je suis D.ieu au sein de la terre. »

Il semble que Pharaon eût besoin d’être convaincu que D.ieu régnait non seulement dans les cieux mais également « au sein de la terre ».

Ainsi, pour résumer, nous avons Bilaam le (confus) théiste, Pharaon le (cela ne change rien pour moi) déiste et San’hériv le (furieux) athée ou anti-théiste.

S’il fallait juger ces hommes et leurs philosophies, lesquels représenteraient-ils la plus grande menace pour l’institution de la foi ?

De façon inattendue, c’est certainement Pharaon.

En effet, dans les propos de Bilaam et de Sennachérib, nous entendons le Nom de D.ieu. Il est vrai que dans la bouche de Sennachérib, il résonne avec force, voire férocité. Mais il est présent. Des arguments du théiste comme de ceux de l’athée, ressort le fait qu’ils considèrent Son existence qu’ils craignent tous deux.

Si l’on parle à Pharaon, l’on peut ignorer qu’il existe un D.ieu. Il n’en parle même pas.

Et c’est alors qu’interviennent les grenouilles.

Les animaux peuvent être classés en trois groupes : ceux dont l’humanité bénéficie, ceux qui font du mal aux hommes et ceux qui n’ont aucun impact.

Les chiens procurent le compagnonnage et la sécurité. Nous les aimons. Ils sont des créatures de D.ieu, ce qui a un sens pour nous.

Les serpents venimeux peuvent provoquer la mort.

Et puis les grenouilles semblent ne remplir aucune fonction, ne donnent aucune indication sur la fonction que leur a attribuée le Créateur. La grenouille, lorsqu’on l’observe, tout comme Pharaon, ne dit rien de son Créateur.

C’est la raison pour laquelle D.ieu les choisit comme punition contre Pharaon. Comme pour dire : même cette créature étrange a un but dans ce monde. Toute création est nécessaire et a un sens. Le Créateur de notre monde est Celui Qui le dirige. Et dans Son grand ensemble qu’est le monde, le croassement même d’une grenouille est une louange qu’elle Lui adresse.

Le contraire de l’amour, de la beauté et de la vie n’est pas la haine, la laideur et la mort mais l’indifférence.

Le Coin de la Halacha

 En quoi consiste l’interdiction de lier et délier le Chabbat ?

Il est interdit, Chabbat, de former des nœuds solides, difficiles à délier. Tout nœud « professionnel » est interdit, comme par exemple, ceux que savent faire les marins afin d’attacher solidement leurs bateaux ou les nœuds des Tsitsit que l’on n’a pas l’intention de défaire. De même : si les nœuds des Tsitsits deviennent lâches, on n’aura pas le droit de les resserrer.

Il est permis de faire un nœud de cravate, même si on n’a pas l’intention de le défaire pendant Chabbat.

Si quelques points de couture se défont pendant Chabbat, on ne pourra pas les « rattraper » et les resserrer solidement avec un nœud pendant Chabbat.

On évite de faire des doubles nœuds en laçant les chaussures par exemple car ils sont trop solides.

(d’après « Assadère Lisseoudata »)

Le Recit de la Semaine

 Le livre de ‘Hitat qui sauve

Suite à une opération assez grave des intestins, j’ai passé 22 jours à l’hôpital sans manger et sans boire, relié à toutes sortes de tuyaux pour me nourrir de façon artificielle. Et la guérison se faisait attendre…

Au 22ème jour, mon cousin Daniel Pinto qui est Loubavitch (et qui dirige l’Association 100% Lahayal pour aider les soldats de Tsahal) à Natanya est venu me rendre visite. C’était la veille de l’allumage de la première bougie de ‘Hanouccah. En bon ‘Hassid, il m’a offert en cadeau un ‘Hitat, un gros livre qui contient le ‘Houmach (les 5 livres de la Torah), les Téhilim (Psaumes) et le Tanya (le livre de base de la ‘Hassidout). Ce ‘Hitat était incorporé dans une boîte de Tsedaka. Par curiosité, j’ai sorti le livre de la boîte et j’ai remarqué que, bien qu’il soit neuf, une page était pliée. Et quand je l’ai ouvert, je suis tombé justement sur cette page abîmée. Je relevais machinalement la page pour la mettre à l’endroit et j’ai lu les mots : « Et vous le mangerez dans un endroit saint « (Vayikra - Lévitique 10 : 13). Etonné, j’ai remarqué devant mon cousin : « C’est un bon présage pour moi qui n’ai rien mangé depuis plus de trois semaines ! ».

Loubavitch dans l’âme, Daniel ne s’arrêta pas là et continua : « Tu devrais faire vérifier tes Téfilines ! ». J’ai essayé de parler d’autre chose mais il a insisté. De guerre lasse, j’ai accepté mais en signalant que je préférais les faire vérifier par mon Rav, Rav Hazan de Ramot. Il accepta : « Par qui tu veux, mais immédiatement ! ». J’appelle donc le Rav qui ne répond pas mais, tel que je le connais, je sais qu’il me rappellera. Daniel est rassuré.

Sur ce, je ressens subitement les premiers symptômes du fonctionnement des intestins. Effectivement, je rassure Daniel : « Ta visite m’a porté chance, je me sens déjà beaucoup mieux ! ». Le lendemain, je recommence à manger presque normalement !

La phrase du ‘Hitat était réellement un bon présage.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là : le lendemain, Rav Hazan est venu me rendre visite et a pris mes Téfilines pour les vérifier dans son bureau avec les instruments adéquats.

Il me téléphona plus tard, d’une voix assez grave. Inquiet, je compris qu’il y avait un problème et lui demandai si mes Téfilines étaient bien cachères. Avec précaution, il m’annonça la triste nouvelle : Non ! Et il ajouta : le problème, c’est qu’en plus, ce n’était pas des Téfilines de Rachi mais de Rabbénou Tam ! ».

J’étais effondré ! Moi je n’avais jamais pensé mettre les Téfilines de Rabbénou Tam – ce qui est considéré comme une mesure supplémentaire de sainteté. Je voulais simplement, comme tout bon Juif, mettre les Téfilines de Rachi, obligatoires !

« Toutes ces années, vous avez pensé mettre les Téfilines de Rachi alors qu’en fait, c’était des Téfilines de Rabbenou Tam – et ceci est considéré comme une Bra’ha Levatala, une bénédiction pour rien ! ».

J’étais abasourdi, j’allais pleurer tant le choc était dur : cela signifiait que, de fait, toutes ces années, c’était comme si je n’avais pas mis les Téfilines ! Rav Hazan comprenait ma peine, mon énorme déception ! Il promit de m’apporter au plus vite des Téfilines de Rachi et de réparer ceux de Rabbénou Tam.

Après toutes ces années, grâce à l’insistance de mon cher cousin Daniel, j’ai enfin pu réciter la bénédiction comme il convient sur des Téfilines cachères, des Téfilines de Rachi !

Oui, je suis maintenant convaincu de l’immense bienfait de posséder un livre de ‘Hitat et je remercie le Rabbi qui nous encourage à faire vérifier régulièrement les Téfilines et Mezouzot, avec leurs parchemins qui risquent de s’abîmer ou d’être mal insérés dans leurs boîtiers.

C’est certainement grâce à cette visite que je me sens maintenant beaucoup mieux et que je peux recommencer à manger normalement. Merci Rabbi ! Merci Daniel !

Arié Dahan – Hassidout.org