Semaine 9

  • Vayakhel
Editorial
Une conscience éternelle

Certains s’interrogent, avec des intentions et des soucis divers, sur l’étonnante vie maintenue du peuple juif. Voici, en effet, un peuple qui, contrairement à tant d’autres plus puissants que lui, a traversé les millénaires avec le souvenir de sa naissance, de ses actions et la claire conscience d’un chemin et d’un but éternels. Voici un peuple qui a su, au cours des âges, refuser l’oubli de soi et persévérer, parmi les hommes, au cœur de la cité, et en dépit de toutes les difficultés ou de toutes les menaces, la vive lumière de son âme.
Certes, aujourd’hui, les temps semblent plus faciles. Aujourd’hui, aucune contrainte ne vient peser sur ceux qui veulent vivre leur identité avec l’ouverture et la tolérance que seule donne la fidélité à soi-même. En notre époque, comme dans les générations passées, le peuple juif sait voir son chemin et sait reconnaître les forces de la dilution qui voudraient le voir disparaître. Aussi, malgré les bouleversements de la modernité, la question reste posée : d’où vient cette puissance inébranlable ?
Pour chacun, la réponse est claire. Le peuple juif est né avec la sortie d’Egypte, il a pris conscience de lui-même au pied du mont Sinaï et, de génération en génération, ses guides spirituels lui ont indiqué la voie à suivre. Depuis Moïse, ils ne l’ont jamais abandonné. Sans toutes ses habitudes et dans toutes les circonstances, jusqu’à notre temps où la mondialisation souligne encore davantage la nécessité de l’unité et de la solidarité entre tous, ils se sont adressés à chacun et ont éclairé la route au-devant de nous. Ils continuent de le faire.
Cette conscience éternelle est, à la fois, un privilège et une responsabilité. Elle est un privilège car elle donne à voir toute chose avec un regard plus profond, plus serein et qui porte plus loin. Elle est une responsabilité car elle implique l’action. Que vaut, en effet, la conscience quand elle ne transforme pas tout ce qu’elle touche et, en premier lieu, soi-même ?
Peut-être est-ce l’enjeu de notre époque ? Avancer sur la route qu’ouvre devant nous, conduits par les enseignements de nos Maîtres : plus qu’un programme un monde de vie. Pour un avenir de lumière.
Etincelles de Machiah
D.ieu sera Un

Parlant du temps de Machia’h, le prophète (Zacharie 14 :9) annonce : “En ce jour, D.ieu sera Un et Son Nom sera Un”. Il convient de préciser ce qu’une telle idée apporte à la grandeur de la nouvelle ère.
En fait, aujourd’hui, l’unité de D.ieu et son Omniprésence ne sont pas manifestes. Ainsi l’univers peut sembler être une entité indépendante de la Divinité et autonome par rapport à Elle. En revanche, lorsque le Machia’h viendra, chacun verra que l’univers s’efface devant la Lumière Divine qui le pénètre et le fait vivre constamment. A ce moment, la réalité profonde du concept d’Unité Divine apparaîtra à tous.
(d’après Torah Or, Vaéra, p. 55c) H.N.
Vivre avec la Paracha
Vayakhel : Communauté et individualité

Pour le lecteur non averti, les noms des 54 Parachiot semblent dus au simple fait qu’il s’agit en général du premier mot distinctif qui apparaît dans la Paracha. Néanmoins, la ‘Hassidout explique que celui qui voit chaque événement et chaque phénomène comme spécifiquement déterminés par la Providence Divine rejette le concept de «hasard». Bien plus, ajoute le Rabbi, le nom tel qu’il s’exprime en Langue Sainte constitue son âme et son essence. Le mot Torah signifie «enseignement», ce qui implique qu’il n’existe rien dans la Torah qui ne vienne pas nous instruire, et ainsi en va-t-il du nom de la Paracha.
Vayakhel signifie «assemblée» et «communauté» alors que Pekoudé connote le particularisme et l’individualité. Il s’en trouve donc que ces deux Parachyot, parfois lues ensemble, parfois séparément, comme cette année, expriment le conflit, l’interaction et parfois le paradoxe de ces deux composantes de l’âme humaine : a) notre désir et notre besoin de nous lier dans une identité commune et b) notre besoin et notre désir d’identité distincte des autres et unique.
Mais le plus étonnant n’est pas que ces deux Parachyot ont une importance égale dans la Torah, ni qu’elles sont proches l’une de l’autre, pas plus que le fait que ces deux concepts opposés soient souvent fusionnés en une lecture unique : «Vayakhel -Pekoudé». Ce qui est le plus étonnant est que leurs noms semblent avoir été interchangés.
Si nous observons le contenu de chaque Paracha, nous découvrons que celui de Vayakhel aurait dû recevoir le nom de Pekoudé et que Pekoudé semble plus approprié pour Vayakhel .
Dans Vayakhel, seul le début de la Paracha, qui évoque la réunion du peuple à laquelle procéda Moché, semble correspondre à son nom. Le reste de la Paracha est rempli des détails de la construction du Michkan, chaque détail étant précisément décrit.
Pekoudé signifie «compte» et la Paracha commence ainsi : «Voici les comptes du Michkan…». La racine du mot Pekoudé est Pakod qui signifie «compter, se rappeler et désigner», tous ces termes exprimant une compartimentation. Et s’il est vrai que cette Paracha comprend également des détails concernant la construction du Michkan, une majeure partie en est consacrée à l’assemblement du Michkan : la façon dont les éléments divers s’imbriquent les uns dans les autres, et la façon dont la Présence Divine vint résider dans la structure achevée.
En d’autres termes, Vayakhel est consacrée à la nature particulière des parties du Sanctuaire et Pekoudé décrit leur combinaison pour former une structure plus grande, ce qui semble donc à l’opposé de ce qui était annoncé par leurs noms !

Cinq leçons
Première leçon : Nous avons besoin des deux. Le fait que la Torah contiennent deux Parachyot, appelées Vayakhel et Pekoudé, signifie que notre besoin de communauté et notre aspiration à l’individualité sont tous deux des composantes importantes et désirables de l’âme humaine.
Deuxième leçon : Si ces deux Parachyot ne devaient apparaître dans la Torah que séparées, cela signifierait qu’elles sont toutes deux nécessaires, chacune en son temps et en son lieu définis, qu’à certains moments il faut mettre l’accent sur l’idée de la communauté et qu’à d’autres, c’est l’affirmation de l’individualité qui prime. Nous ne saurions pas que les deux peuvent être jointes.
Le fait que ponctuellement, elles ne forment qu’une seule lecture prouve que nous pouvons, et donc devons, parvenir à la synthèse des deux : une communauté qui n’est pas une masse d’individus anonymes mais celle d’un ensemble d’individus, chacun contribuant avec sa personnalité et ses aptitudes au but commun dans un ensemble qui lui, sert de base, où chacun pourra s’exprimer au mieux de sa personne.
Troisième leçon : Nous devons également nourrir chacun des deux comme quelque chose qui a de la valeur en soi. Mais si ces deux Parachyot devaient apparaître toujours jointes, cela impliquerait que le seul objectif désirable est une sorte d’équilibre entre ces deux tendances contradictoires, équilibre qui pourrait nécessiter un compromis de l’une ou de l’autre. Peut-être que notre individualité n’aurait de valeur qu’au service du bien public ou peut-être que la seule fonction de la communauté serait de fournir un cadre pour le développement de l’individu.
Le fait que Vayakhel et Pekoudé apparaissent également dans la Torah comme deux lectures séparées nous enseigne que, outre l’objectif d’intégrer les deux, l’individualité et la communauté sont des objectifs adéquats par eux-mêmes. Le perfectionnement individuel possède une valeur indépendamment de la façon dont il fonctionne au sein du bien général et la création d’une communauté est aussi une fin en soi car elle représente une entité supérieure à la somme de ses composants individuels.
La quatrième leçon : Chacun consiste en l’autre. La Torah va plus loin. Elle nous dit que même lorsque la communauté et l’individualité sont considérés chacune comme un but désirable, elles peuvent former un troisième modèle, une communauté d’individus (Vayakhel-Pekoudé) où les deux aspects sont inexorablement liés l’un à l’autre.
C’est la leçon que l’on peut tirer du fait que chacune de ces Parachyot exprime le contenu de l’autre. La communauté la plus accomplie est comprise d’individus qui peuvent exprimer au mieux leur individualité propre. Et l’individu peut actualiser au mieux ses qualités uniques quand il est membre d’une communauté.
La cinquième leçon : des individus imparfaits forment une communauté parfaite. Mais qui vient d’abord ?
La logique dicterait que le développement individuel (Pekoudé) précède la construction d’une communauté (Vayakhel) : il faut commencer par les différentes parties puis les assembler pour former un tout plus grand.
Cependant, la Torah place Vayakhel avant Pekoudé pour nous apprendre qu’en réalité, c’est tout le contraire qui est vrai. Notre tout premier objectif doit être de rassembler les gens, quel que soit leur niveau personnel. Le perfectionnement individuel suivra, alimenté par l’amour et le sens de la camaraderie que nous nous témoignerons les uns aux autres.
Le Coin de la Halacha
Quelles sont les coutumes de l’anniversaire ?

Le jour de l’anniversaire – selon le calendrier hébraïque – est celui où le «Mazal», la chance augmente. Il convient de le célébrer de la façon suivante :
1) On s’efforcera d’être appelé à la Torah le Chabbat qui précède l’anniversaire et – le cas échéant – le jour même.
2) On augmentera le don à la Tsedaka (charité) avant la prière de Cha’harit (le matin) et de Min’ha (l’après-midi). Si l’anniversaire tombe un Chabbat ou Yom Tov (jour de fête juive), on remettra l’argent à la Tsedaka la veille et – encore mieux – le lendemain.
3) On augmentera la ferveur dans la prière, on réfléchira à la grandeur de D.ieu et on récitera si possible les cinq livres de Tehilim (Psaumes) ou au moins un des livres.
4) On étudiera au moins un verset du Psaume correspondant à son nouvel âge.
5) On rajoutera dans l’étude de la Torah – écrite et orale, ainsi que la ‘Hassidout – en plus de ce qu’on étudie habituellement.
6) On étudiera un Maamar, discours ‘hassidique et on le récitera devant ses amis et connaissances, le jour de son anniversaire ou à une autre occasion, si possible lors du troisième repas de Chabbat après-midi.
7) On influencera de façon courtoise et amicale d’autres Juifs à étudier davantage la Torah et à accomplir plus de Mitsvot.
8) On s’isolera et on réfléchira à sa conduite passée et on réparera ce qui demande une amélioration ; on prendra de bonnes résolutions pour l’année à venir.
9) On décidera d’une bonne action ou d’un embellissement d’une Mitsva particulière, chacun selon son niveau, comme à Roch Hachana.
10) On organisera une fête joyeuse avec sa famille et ses amis pour remercier D.ieu et si possible, on mangera un fruit nouveau, de façon à pouvoir prononcer la bénédiction de «Chéhé’héyanou» (…Qui nous a fait vivre).

F. L. (d’après les Si’hot du Rabbi)
De Recit de la Semaine
L’horloge du “Hozé” de Lublin

Parmi les objets que Rabbi Yossef reçut en héritage à la mort de son père, le “’Hozé” (“le Voyant”) de Lublin, se trouvait une horloge.
Quand Rabbi Yossef rentra chez lui, à Tulchin, après les sept jours de deuil, il dut passer trois nuits dans une auberge car une pluie torrentielle avait inondé la région. Quand il voulut partir, l’aubergiste (appelons-le Zev) lui présenta la note : Rabbi Yossef ne pouvait pas payer. Il proposa à Zev de choisir un objet parmi ses biens. Celui-ci réfléchit et choisit l’horloge.
Zev la mit à l’heure, l’accrocha dans une chambre et, au début, apprécia son joyeux carillon qui sonnait fidèlement chaque heure. Puis le temps passa et ni lui ni sa femme n’y prêtèrent plus attention.

* * *

Des années plus tard, un ‘Hassid passa la nuit dans l’auberge, justement dans la chambre où était suspendue l’horloge.
Cette nuit-là, bien que Zev fût épuisé, il ne put trouver le sommeil: de la chambre du ‘Hassid, on entendait chanter et même danser, et ceci, particulièrement quand le carillon se mettait en branle. Zev décida que, le lendemain, il demanderait au ‘Hassid la raison de son exubérance et, content de son idée, il parvint à s’endormir.
Au matin, comme s’il avait lu dans les pensées de Zev, le ‘Hassid, frais et dispos comme s’il avait dormi toute la nuit, interpella Zev:
- “Vous vous demandez sûrement pourquoi j’étais si joyeux cette nuit mais moi je me demande comment il se fait que cette horloge soit en votre possession!”
Zev ne comprenait pas le lien entre les deux faits mais il raconta au ‘Hassid comment il avait acquis cette horloge.
“Je vois que vous ne comprenez pas quelle bonne affaire vous avez faite”, dit le ‘Hassid. Cette horloge a appartenu à mon Rabbi, le ‘Hozé de Lublin ! Dès que j’ai entendu le carillon, je l’ai reconnue!”
“Une horloge est une horloge” murmura Zev.
“Mais pas du tout! Je vais vous expliquer ce qu’est une horloge”, dit le ‘Hassid. Les gens pensent qu’une horloge ne sert qu’à leur indiquer quand se lever, quand manger et quand dormir. C’est aberrant! Les gens ont vécu des milliers d’années sans montre. Un animal n’a pas besoin d’une montre pour savoir quand s’adonner à ces activités futiles!”
“C’est vrai” reconnut Zev, dont la curiosité avait été éveillée.
“Une horloge rappelle aux gens qu’il existe une création qui est le temps dans ce bas monde. Quand D.ieu créa le monde, Il créa le temps. Les aiguilles qui indiquent les heures et les minutes nous rappellent à chaque instant que D.ieu donne la vie au monde entier et nourrit chaque créature”.
“Une montre ! Vraiment un objet magnifique!” s’enthousiasma Zev.
“Mais ce n’est pas tout”, continua le ‘Hassid. “La montre nous rappelle aussi que le temps passe et que nous devons y prêter attention. Tout objet perdu peut être retrouvé mais pas le temps: on ne peut jamais le récupérer. Quand le carillon sonne, c’est pour nous faire remarquer qu’une heure est encore passée: l’avons-nous utilisée pleinement, correctement?”
“Oh non ! Quand je pense à toutes les heures que j’ai perdues!” se lamenta Zev.
“Ne vous en faites pas”, dit le ‘Hassid d’un ton encourageant. “Savez-vous qu’en hébreu, le mot qui signifie “année” (“Chana”) peut aussi se traduire par ‘tour’ ? Imaginez quelqu’un qui marche avec insouciance le long d’une route dangereuse jusqu’à ce qu’il arrive devant un précipice. Là, soudain, il réalise où il se trouve et il tourne les talons pour revenir sur ses pas. Le simple fait de tourner, ou si vous voulez, de changer de direction avant même qu’il ne se soit effectivement dirigé dans le bon chemin, l’a sauvé du danger. En une heure, en un tour dans la bonne direction, chacun peut changer le cours de sa vie!”
“Je n’avais jamais vu les choses ainsi!” s’exclama Zev.
“Maintenant je vais vous dire quel est le véritable secret de cette horloge, l’horloge de mon Rabbi. Cette horloge est exceptionnellement exacte et parfaite, car en plus de toutes les vertus propres à chaque montre, elle possède un carillon particulièrement joyeux. Chaque fois qu’il se met en branle, c’est pour annoncer une bonne nouvelle, comme pour nous dire qu’une heure supplémentaire de l’exil est déjà passée et donc qu’on s’est approché d’une heure supplémentaire de l’époque de Machia’h.
“Alors, Reb Zev, dit le ‘Hassid, comprenez-vous pourquoi j’étais si joyeux la nuit dernière? J’ai entendu le carillon, je l’ai reconnu et je l’ai fêté avec enthousiasme!”

Traduit par Feiga Lubecki