Semaine 22

  • Be’houkotaï
Editorial
Autour de la lumière

Il existe des dates qui laissent le sentiment fort, après
qu’on les a traversées, que rien ne sera plus jamais
pareil. C’est ainsi que Lag Baomer est vécu, en fin de
semaine, avec une intensité que l’écoulement du temps
ne parvient pas à affaiblir. Et cette journée laisse en
chacun une impression ineffaçable.
Certes, ce jour est celui où, dans toutes les communautés,
on célèbre la Hilloula de Rabbi Chimon Bar Yo’haï,
jour de son départ de ce monde, cette occasion de se
lier avec l’un des plus grands sages de la tradition juive.
Il est aussi celui où, comme chaque année, les enfants
sortent jouer dans les bois, souvenir d’un temps où ils
devaient se cacher dans les forêts pour étudier la Torah,
interdite par l’occupant romain. Chacun de ces points
revêt une importance indéniable. Cependant, si Lag
Baomer marque son temps, c’est d’abord parce qu’il
projette une lumière que nul ne peut ignorer.
En effet, la tradition rapporte que Rabbi Chimon Bar
Yo’haï fut l’auteur du Zohar et cette phrase seule suffit à
dire que c’est toute une sagesse ou, mieux encore,
toute l’essence de la Sagesse qui est ici soulignée.
L’oeuvre de Rabbi Chimon fut de révéler cette Sagesse
dans le monde, d’y projeter sa lumière afin que celui-ci
ne soit plus jamais obscur. Et l’univers en fut, pour toujours,
transformé. Car cet accomplissement ne se limite
pas à sa génération. Une telle lumière est faite pour
grandir et, si elle fut d’abord réservée à une petite
minorité de sages et d’érudits, elle devint au fil des
siècles, au travers des enseignements de Rabbi Its’hak
Louria et du Baal Chem Tov, l’apanage de tous. Est-ce la
raison qui fait de Lag Baomer une journée si attendue
par tous? Sans doute. Les hommes, par nature, se rassemblent
autour de la lumière.
Etincelles de Machiah
Deux perfections

Il existe deux manières de révélation de la Lumière Divine dans le monde:
- la descente de la Lumière ici-bas: le monde ne change pas vraiment mais la lumière
vient, malgré tout, y apparaître;
- l’élévation du monde: le monde s’élève tant qu’il devient le digne réceptacle de la
Lumière.
Lorsque le Machia’h viendra, les deux mouvements coexisteront amenant la perfection
de la Lumière comme celle de son réceptacle.
(d’après Likouteï Torah, Parchat Réé, p.26a) H.N.
Vivre avec la Paracha
Le travail, source de subsistance

La Sidra de Be’houkotaï (Vayikra
26 : 3- 2 : 34) s’ouvre avec la
promesse de D. ieu d’ une
prospérité matérielle accordée à
celui qui adhère à Ses commandements:
“si tu vas selon Mes
statuts et gardes Mes commandements
et les accomplis, Je te
donnerai la pluie en son temps
et la terre donnera ses produits
et les arbr es des cha mps
fourniront leurs fruits...” et elle
continue en énumérant les multi
ples bénédictions qu i
couleront lorsque nous accomplirons
le plan Divin pour la vie
sur terre.
De nom br eux com mentateu r s
s’ i nter rogent sur l’emphase
portée sur la récompense
mat é r iel le pour l’observ a n ce
des mitsvot. Des récompenses
spi r ituel les attr i bu é es à l’âme
une fois qu’elle est libérée des
contra i ntes et des limites du
corps ne renverraient-elles pas
pl us ad é quatement à une vie
basée sur la volonté de D.ieu?
Le Rabbi approche cette problématique
sous un angle législatif.
Si nous utilisons la loi de la Torah
comme critère, quelles sont les
“obl igations” de D. ieu à notre
égard lorsque nous accomplissons
la tâche qu’Il nous enjoint?
Y a-t-il une base légale à nos
prières quotidiennes pour la vie
physique, la santé et la subsistance?
Afin de définir les obligations
légales de D.ieu à notre encontre,
il nous faut d’abord définir
notre relation légale avec Lui. En
fait, il existe trois modèles de
ce tte relation: l’esclave, l’employé
et le partenaire.
Auquel de ces modèles notre vie
se conforme-t-elle? Cela dépend
entièrement de nous. Le Talmud
( Meg u i lah 12b) décla r e: “à la
manière dont l’hom me se
mesure, il est mesuré”. D. ieu
nous laisse définir notre vision
de la vie et notre relation avec
Lui et c’est réciproquement qu’Il
se lie alors à nous.
Certains tendent à se considérer
comme les esclaves d’un maître n’ai pas été consulté quand les lois gérant la
v ie ont été for mu l é es. Tout ceci m’a été
imposé, comme les Ethiques de nos Pères le
formulent: “contre ta volonté tu es né, contre
ta volonté tu mourras”. Mon maître est tout
puissant, je n’ai qu’à accomplir Ses commandements.”
D’autres adoptent l’attitude moins passive de
l’employé. “J’ai un travail à accomplir et j’y
investirai tous mes efforts. D.ieu n’a-t-Il pas
promis de récompenser mon labeur? Il est
vrai que nos Sages ont établi qu’il n’y a pas de
récompense dans ce monde, mais il est certain
que les récompenses du monde futur feront
plus que de simplement rétribuer mes
efforts présents.” C’est la vison qu’offre Rabbi
Tarfon dans ses paroles qui concluent le second
chapitre des Ethiques de nos Sages.
Enfin d’autres considèrent la vie comme un
partenariat. Eux aussi sont esclaves dans la
mesure où ils reconnaissent la domination
absolue de D.ieu sur leur vie; ils sont également
des employés dans le sens où ils sont
conscients qu’Il a défini leur tâche dans la vie
et a promis de les récompenser pour leurs
eff orts. Mais ils croient éga lement que
l’homme a été pourvu de l’aptitude à faire de
sa vie un partenariat avec D.ieu. Comme associés
de D.ieu, ils développent leur personnalité
et leur monde en accord avec la volonté
divine, non parce qu’ils le doivent, pas simplement
pour «faire leur travail» mais comme
une entreprise personnelle. La vie est une
aventure qu’ils partagent avec D. ieu, une
aventure conçue et rendue possible par Lui
mais nourrie par leurs propres initiatives et
ambitions.
L’analyse de la Torah
Com ment la Torah ana lyse- t- el le ces troi s
mo d è les de la relation entre l’hom me et
D.ieu?
A première vue, il semblerait que quelle que
soit la manière dont nous définissons notre
relation avec D.ieu, notre labeur pour Lui ne
L’oblige en aucune façon vis-à-vis de nous, en
tous les cas pas dans nos besoins et désirs
matériels.
Mais un regard plus précis révèle une série de
lois commandées par D.ieu dans la Torah et
qui L’obl igera ient à pou rvoir à nos besoi ns
quotid iens dans les trois cas, que nous
définissions nos relations avec Lui comme
celles d’un esclave, d’un employé ou d’un
partenaire.
L’esclave: “le maître a le devoir de rendre son
esclave ou sa servante hébreux égaux à luimême
dans l’alimentation, les vêtements et le
logis. “Tu ne peux manger du pain raffiné et le
faire manger du pain brut, boire du vin vieux et
le faire boire du vin nouveau, dormir dans des
fibres douces et le faire dormir sur la paille...
Ainsi a-t-il été dit que celui qui acquiert un
esclave acquiert un maître” (Michné Torah-
Kidouchin 20a).
Dans Bamidbar 23:24-25, nous lisons: “quand
tu pénètres dans le vignoble de ton prochain
(comme employé) tu peux manger des raisins
à satiété... Quand tu pénètres dans le champ
de ton prochain, tu peux ramasser des graines
avec tes mains...” Nos Sages expliquent ces
ver sets ainsi: «aux trav a i l leurs employés
pour récolter les produits de la terre qui n’a
pas encore atteint son état final... l’employeur
doit permettre de manger du produit qu’ils travaillent”.
Cela est indépendant du salaire dû
par l’employeur au terme de l’engagement.
Le partenaire: une loi concernant le partenariat
correspond à notre relation avec le Tout
Puissant: “si une personne donne des oeufs à
un fermier pour que ses poules les couvent et
qu’il élève les poulets, avec la condition que le
prof it soit divisé entre eux, el le est auss i
obligée de lui payer les frais d’élevage et de
nourriture” ( Michné Torah). Ne confier cette
tâche que pour la promesse du partage serait
une violation de l’interdiction de la pratique de
l ’usu r e. Ainsi qua nd D. ieu nous don ne un
monde à développer et à perfection ner
comme un partenariat, la loi de la Torah Le
ma ndate éga lement pour pou rvoir à nos
dépenses quotidiennes engagées par ce travail.
Ainsi lorsque nous nous adressons à D.ieu
par la prière, nous pouvons le faire, confiants
que quel que soit le niveau que nous avons
atteint dans notre identification de notre mission
sur terre, que ce soit celle de l’engagement
d’un partenaire, ou seulement la responsabilité
d’un employé ou encore la résignation
d’un esclave, Il pourvoira certainement à nos
besoins et nous bénira par la santé, la subsistance
et la tranquillité.
Le Coin de la Halacha
Que fait-on d’un objet trouvé?

La Torah (Exode 23:4) recommande de ne pas dédaigner
un objet abandonné mais de s’ e f fo rcer d’en
retrouver le propriétaire.
S’il est possible que l’objet ait été posé intentionnellement
ou s’il est préférable de laisser l’objet car son propriétaire
se doute qu’il risque de se trouver là, on ne le
ramassera pas.
S’il s’agit d’argent, de documents importants ou d’objets
de valeur, on les remettra à la police. Pour d’autres
objets, on annoncera la trouvaille par affiches dans les
endroits fréquentés (synagogues, épiceries etc…). On
rendra l’objet à celui qui prouvera qu’il en est le propriétaire
car il aura donné des signes distinctifs que lui
seul peut connaître.
On fournira beaucoup d’efforts pour rendre un objet
trouvé à son propriétaire mais on n’est pas obligé de
perdre de l’argent pour cela. Si on publie une annonce
dans un journal, on pourra par la suite demander au
propriétaire le remboursement des frais engagés.
On demandera à un Rav comment considérer un
objet trouvé si le propriétaire est introuvable.
F. L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh)
De Recit de la Semaine
Votez "guimel"

Il est bien connu que le mouvement Loubavitch
ne se mêle pas de politique et n’a jamais exigé de
poste ministériel ou autre. Cependant en 1989, le
Rabbi a fait une entorse à ce principe - et une seule
fois – en demandant à ses ‘Hassidim en Israël d’aider
par tous les moyens à la réussite de la liste
“Guimel”, celle représentant la mouvance orthodoxe
‘hassidique. Les ‘Hassidim ont déployé tous
leurs efforts, comme des soldats dévoués. Dans
toutes les occasions, ils ont encouragé avec courtoi
sie leurs compatr io tes à vo ter “Gu i mel ” .
Effectivement cette liste rencontra un succès qui
étonna tous les observateurs.
Quand un ‘Hassid demandait à un autre Juif de
voter “Guimel”, il expliquait que telle était la volonté
du Rabbi et que celui qui agissait comme le Rabbi le
demandait méritait certainement toutes les bénédictions.
Nombreux sont les ‘Hassidim qui, de leur
propre initiative, envoyèrent une lettre au Rabbi en
mentionnant les noms de toutes les personnes qui
s’étaient effectivement engagées à voter “Guimel”.
Voici ce qui arriva à ce propos à Reb Yekoutiel Lippé
de Jérusalem. Comme vous allez le comprendre,
nous ne pouvons pas dévoiler le nom de famille de
cet homme, comme il nous l’a demandé:
“Je suis né, j’ai étudié et j’ai passé toute ma vie à
Jérusalem, dans le quartier de Mea Shearim. Mes
pa r ents m’ont donné une éducation ortho doxe.
D’ailleurs je fais partie du cercle très fermé des partisans
de “Toldot Aharone” qui considèrent que la
création de l’état d’Israël était contraire à la volonté
de D.ieu et qu’il ne faut pas s’y associer. Nombre
d’entre nous n’ont pas de carte d’identité ou de
passeport, ne votent pas, ref usa nt même les
diverses allocations auxquelles ils pourraient prétendre
etc... J’ai maintenant cinquante ans: je n’ai
jamais quitté Jérusalem et j’espère ne jamais la
quitter.
Je me suis marié à 18 ans mais à notre grande
douleur, nous n’avons pas eu d’enfant. Nous avons
consulté les plus grands spécialistes – et pour
cela, nous avons emprunté des sommes colossales
à de nombreuses caisses de bienfaisance –
mais rien n’y faisait. Les examens et les traitements
se multipliaient et les déceptions également.
Je finis par accepter le pronostic du premier
médecin que nous avions consulté: seule la prière
pourrait être efficace! Bien sûr, nous avions déjà
prié, de tout notre coeur mais cette fois nous avons
décidé de nous rendre tous les soirs devant le
Kotel, le Mur Occidental, et d’y réciter tout le livre
de Tehilim (Psaumes). Nous l’avons fait pendant
quatre ans, dans la pluie, la neige, le vent, la chaleur
et le froid. Puis nous avons baissé les bras,
comme résignés. Après 14 ans de mariage, nous
n’ av ions pl us aucun espoir mais nous avons
décou vert que nous pou v ions pa r ler d’au tr e
chose...
Un soir d’octobre 1989, on frappa à la porte.
C ‘ é ta it deux jeu nes ga r ç ons de Yech i v a, des
Loubavitch. Ils ont demandé la permission d’entrer
et nous ont expliqué que le Rabbi avait demandé de
voter “Guimel”. J’ai éclaté de rire en précisant que
j’adhérais à “Toldot Aharone” et que tout cela ne
m’intéressait pas. Ils ont insisté: ils respectaient
mon opinion mais il s’agissait, dirent-ils, de l’honneur
du Baal Chem Tov, fondateur du ‘Hassidisme
etc... En constatant la fermeté de mes opinions, ils
ont pris congé poliment non sans nous laisser des
prospectus et ont frappé à la porte d’au tr es
“clients” potentiels.
Après leur départ, ma femme a lu attentivement
leurs papiers et me fit remarquer que celui qui
voterait comme le Rabbi l’avait demandé mériterait
de grandes bénédictions.
J’étais furieux: pour moi, il n’était pas question de
voter et d’ailleurs je n’avais même pas de carte
d’identité alors que ma femme en possédait une.
La tension monta dans notre foyer: ma femme me
suppliait de tenter encore notre chance! De guerre
lasse, j’acceptai.
E l le téléphona au centre Loubav itch le pl us
proche. De mon côté, je ne pouvais vraiment pas
entr epr endre les déma rches pour établir ce tte
fameuse carte: c’était trop contraire à mes principes!
Qu’à cela ne tienne, les Loubavitch le firent
pour moi et envoyèrent une lettre au Rabbi en mentionnant
mon nom et celui de mon épouse. La veille
des élections, je n’arrivai pas à dormir tant j’étais
effrayé à l’idée de la “faute” que j’allais commettre.
Les Loubavitch, compréhensifs, m’envoyèrent une
voiture discrète et m’accompagnèrent dans cette
épreuve difficile, jusqu’au bureau de vote. D.ieu
merci, aucun de mes voisins ne se rendit compte
de ma “trahison”!
Et nous avons attendu la suite... Le miracle ne
venait pas... Je m’en voulais déjà d’avoir agi contre
mes principes.
Un jour, près du Kotel, j’aperçus un stand de
T é f i l i nes tenu par un Loubav itch. Je l’aborda i,
furieux: “Pourquoi avez-vous menti? Vous avez promis
que ceux qui voteraient “Guimel” mériteraient
toutes les bénédictions et je n’ai toujours pas d’enfant!”
Interloqué, le jeune homme me fit remarquer:
“Si vous avez des réclamations, adressez-vous au
Rabbi lui-même!”
J’ai parlé à mon épouse. Elle remarqua: “Il a raison!
Ecris!”
Ecrire au Rabbi de Loubav itch? Encore une
épreuve! Mais au bout d’un an et demi d’attente
déçue, je m’y résignai. J’écrivais donc au Rabbi que
malgré mes principes, j’avais non seulement voté
mais voté “Guimel” – pour mériter sa bénédiction
et avoir enfin un enfant. Trois semaines plus tard, je
trouvai dans ma boîte aux lettres une lettre du
Rabbi. Il écrivait qu’il mentionnerait ma demande
sur le tombeau du Rabbi précédent. Mais après la
signature, il y avait une note: “A propos de ce qu’il
écrit en ce qui concerne une promesse etc... Je
n’en connais pas la source, mais grande est la
confiance dans les Sages pour faire descendre la
bénédiction de D.ieu dans les sujets qu’il a mentionnés”.
De fait le Rabbi voulait dire que même s’il n’avait
jamais rien promis, le fait que j’ai voté “Guimel” uniquement
parce qu’il l’avait demandé, me faisait
mériter d’obtenir ce que je désirais tant.
Terrassée par l’émotion, ma femme n’arrêtait pas
de pleurer. Et mes yeux aussi étaient humides...
Trois semaines plus tard, elle m’annonça qu’elle
était enceinte.
“A près dix-sept ans de ma r iage, el le mit au
monde notre seul et unique fils, que D.ieu le bénisse
pour qu’il grandisse en bonne santé et nous
donne toutes satisfactions!”
Arié Samit
Kfar Chabad
Traduit par Feiga Lubecki