Un congrès d’éternité
C’est un de ces événements authentiques mais réguliers, et leur régularité même fait qu’on finit par en oublier toute la grandeur. C’est le congrès des délégués Loubavitch dans le monde entier, ceux que l’on désigne par le beau titre de « Chlou’him », et il a lieu cette semaine à New York. Si on fait un peu d’histoire, on se rend compte de la réalité d’une évolution suscitée et soutenue par le Rabbi, et de sa rapidité.
De fait, lorsque, à sa demande, les premiers congrès internationaux de ce type furent organisés, ils semblèrent déjà importants et stimulants, tant par le nombre que par la qualité des participants et des intervenants. Aujourd’hui, ce nombre a été multiplié par dix et c’est ainsi plusieurs milliers de délégués qui se réunissent pour quelques jours de réflexion commune et de ressourcement. Sans doute est-il nécessaire de rappeler, car le temps fait son œuvre, que tout cela commence dès le temps du précédent Rabbi mais prend une ampleur nouvelle avec le Rabbi. Les délégués commencent à devenir une réalité habituelle d’abord aux Etats-Unis, et l’Europe ne reste pas longtemps étrangère au mouvement qui se dessine ainsi, en particulier la France.
C’est à un véritable bouleversement des certitudes et des habitudes acquises que, dans tous les pays, ces hommes ont présidé. C’était, de façon générale, des années où les communautés juives cherchaient leur voie, où les jeunes adultes s’interrogeaient sur la nature des temps qui allaient suivre, et voici que des jeunes gens arrivaient avec un message à la fois antique et nouveau : le judaïsme est éternel et il est porteur d’un enseignement applicable en notre temps, bien plus, indispensable pour l’époque. Certains n’y virent que le dernier sursaut d’une vision dépassée. Les années se sont écoulées et elles ont montré qu’il n’en était rien. C’était en fait les premiers actes d’une vie revisitée, qui ne demandait qu’à s’exprimer avec éclat.
A présent, nous en sommes tous pleinement conscients : le congrès des délégués Loubavitch n’est pas un rendez-vous anodin. Il porte en lui une puissance que rien ne saurait limiter : celles d’hommes et de femmes portées par une conviction immortelle. Puissions-nous parvenir rapidement à la réalisation ultime attendue de leurs efforts : la venue de Machia’h.
La plus grande pitié
La grande pitié que l’on éprouve pour le Peuple juif, du fait qu’il est toujours en exil, est bien supérieure à toute pitié que l’on puisse concevoir. C’est pourquoi nous demandons à D.ieu : « Dans Ta grande miséricorde, aie pitié de nous ».
Du point de vue de « Ta grande miséricorde », du point de vue de D.ieu Qui sait la vraie dimension de la pitié, il n’existe pas la moindre explication à la longueur de l’exil !
(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch –
Chabbat Parchat Vayigach 5746)
Toledot
Au bout de vingt ans, les prières de Yits’hak et de Rivkah pour avoir un enfant sont exaucées. Devant les difficultés de Rivkah, D.ieu lui annonce : « Deux nations sont en ton giron » et la plus jeune prévaudra.
Essav naît le premier, suivi de Yaakov qui le tient par le talon.
Essav devient un « chasseur rusé, un homme des champs » alors que Yaakov est celui qui réside « dans les tentes de l’étude ».
Its'hak préfère Essav et Rivkah est plus proche de Yaakov.
Essav, épuisé et affamé après une partie de chasse, vend son droit d’aînesse à Yaakov en échange d’un plat de lentilles rouges.
A Grar, terre des Philistins, Yits’hak présente Rivkah comme sa sœur, de peur d’être tué par quelqu’un qui convoiterait sa beauté. Il cultive la terre et creuse une série de puits. Les deux premiers suscitent des affrontements avec les Philistins mais l’on finit par jouir tranquillement des eaux du troisième.
Essav épouse deux femmes ‘Hitites.
Yits’hak vieillit et devient aveugle. Il désire alors bénir Essav, avant de mourir. Profitant de l’absence d’Essav, parti chasser, Rivkah revêt Yaakov des habits de son frère, prépare le plat qu’Essav destinait à Yits’hak et envoie Yaakov le lui offrir. Yaakov reçoit alors les bénédictions de son père pour « la rosée du Ciel et le gras de la terre » ainsi que celle de la domination sur son frère. A son retour, Essav découvre la supercherie et Yits’hak le bénit alors pour pouvoir survivre par son glaive et prendre la suprématie lorsque son jeune frère faiblira.
Yaakov s’enfuit de ‘Haran pour échapper à la colère d’Essav et trouver une épouse dans la famille du frère de sa mère, Laban.
Essav épouse une troisième femme, Ma’halat, la fille d’Ichmaël.
Essav, le « transformateur »
Notre Paracha décrit Yaakov comme « un homme pur, résidant dans les tentes » et Essav comme « un homme qui sait chasser, un homme des champs ». Cela signifie que Yaakov représente la bonté, la simplicité et la pureté, résidant dans les tentes de l’étude de la Torah, alors qu’Essav représente le mal. C’est un chasseur, un homme de combat et de conquête. Et pourtant, la Torah ajoute une note d’ambigüité qui a défié les érudits depuis des milliers d’années : leur père, Its’hak, affichait ouvertement sa préférence pour Essav.
Si Yaakov représente le bien et Essav le mal, comment se pouvait-il que le grand Patriarche Yits’hak préfèrait Essav ?
L’on retrouve la même ambigüité dans les enseignements de nos Sages. Ils nous relatent qu’alors qu’Essav n’était qu’un fœtus dans le giron de sa mère, il luttait pour en sortir chaque fois qu’elle s’approchait d’un temple idolâtre. Plus loin, ils ajoutent qu’avant même leur naissance, les jumeaux se battaient pour deux mondes : le monde futur, choix de Yaakov, et ce monde ici-bas qui avait toute l’attention d’Essav. Et pourtant, le Zohar explique que lorsque la Torah dit : « et les garçons grandirent », cela signifie qu’en termes spirituels, l’ascendant spirituel de leur grand-père Avraham commença à se manifester et, en fait, qu’Avraham lui-même, toujours vivant alors, exerçait une influence active dans leur éducation.
Essav était-il mauvais depuis sa plus jeune vie embryonnaire ? Comment est-ce possible ? Il est sûr que tout un chacun possède le libre arbitre. Et s’il était réellement mauvais, qu’en est-il de son évolution spirituelle, de l’éducation que lui donnait son grand-père Avraham et du fait que son père Yits’hak le préférait à son frère Yaakov ?
Le Rabbi, qui cherche toujours en tout une perspective positive, propose l’explication suivante. La véritable différence entre Yaakov et Essav réside dans le fait que Yaakov aspirait à développer davantage le bien alors que le souci d’Essav était de transformer le mal en bien. Essav était ce type d’homme qui combat le mal sous toutes ses formes et, idéalement, le transforme. Il possédait cette qualité même avant sa naissance. Encore dans le giron de sa mère, il tentait de sortir lorsqu’elle passait devant un temple idolâtre parce qu’il voulait le transformer en bien. De la même façon, avant sa naissance, il luttait pour révéler le bien dans ce monde alors que Yaakov sentait que le véritable bien ne serait réellement révélé que dans le monde futur. C’est la raison de ce combat dans le giron de leur mère.
Et puis, quand ils étaient jeunes, Yaakov resta dans une tente à étudier la Torah alors qu’Essav devint un chasseur, un homme des champs, parce qu’il voulait conquérir la négativité de « l’extérieur » et la transformer en bien.
C’est une voie extrêmement recommandable et son père la considérait comme supérieure à celle de Yaakov. Cependant, malheureusement, bien qu’Essav eût commencé de manière positive son cheminement dans la vie, il succomba au mal : au lieu de le transformer en bien, il en fut envahi et devint lui-même mauvais. En conséquence, sa transformation ultime du mal en bien dut passer par son frère Yaakov. Et en même temps, Yaakov, lui-même, fut celui qui allait opérer cette transformation, ce que nous verrons dans la Paracha de la semaine prochaine.
Les cheminements de Yaakov et d’Essav font tous deux partie de la Torah et ont tous deux une signification pour nous aujourd’hui. Dans notre service divin personnel. Et dans notre implication dans la société, nous devons être à la fois ceux qui résident « dans les tentes de la Torah », n’ayant de cesse de nous élever spirituellement, et « des hommes des champs » qui cherchent ce qui est apparemment négatif et en révèlent le bien profond : plus haut encore que le monde futur spirituel, un monde concret, ici-bas, de bien absolu.
Essav et ses femmes
Le mariage est un moment essentiel dans la vie. Cela s’applique à n’importe quel être humain dans le monde. Pour le Peuple juif, le mariage est un élément primordial pour la construction de notre identité. Toledot nous relate le premier mariage mixte qui désespéra les parents du conjoint juif. Et en même temps, nous tirons des enseignements sur la dimension extraordinairement positive d’un mariage.
Cette semaine, nous avons vu que la Torah nous peint Yaakov comme un homme spirituel et Essav comme un homme violent. Il était attendu que ce serait Essav qui ferait un mariage à l’extérieur des siens. La Torah relate que lorsqu’il eut atteint quarante ans, il épousa deux femmes de la tribu cananéenne des Hittites. Les épouses non « Avrahamiques » d’Essav causèrent « l’amertume dans l’esprit de Yits’hak et de Rivkah ». Les Sages commentent qu’elles continuaient à servir des idoles, leur offrant des encens. Rachi explique que c’est l’odeur de ces encens qui provoqua la cécité de Yits’hak.
Plus tard, nous lisons que Rikvah fait part à son mari de ses craintes que leur fils Yaakov finisse lui aussi par se marier avec une Hittite, à l’instar d’Essav. Il n’y avait pas d’autres femmes dans la proximité. C’est l’une des raisons pour lesquelles Yaakov fut renvoyé de chez lui, vers le nord-est, pour trouver une femme de la famille de Rivkah, ce que nous verrons dans la Paracha de la semaine prochaine.
Un point étonnant tient au fait que l’une des épouses Hittites d’Essav est appelée « Yehoudit ». Cela semble être un nom juif et en fait, le Talmud affirme que : « celui qui renie l’idolâtrie est appelé Yehoudi ». Rachi explique qu’en réalité, elle possédait un nom différent mais qu’Essav l’appelait « Yehoudit » pour faire croire à son père qu’elle avait réellement adopté le service du D.ieu Unique.
Ces événements se produisirent il y a plus de trois mille ans et pourtant ils ont une résonance familière, aujourd’hui même. Il est aussi intéressant de noter qu’Essav prit une troisième épouse qui était tout à fait différente. C’était la fille d’Ichmaël et donc la petite-fille d’Avraham. Son nom était Ma‘halat, ce qui signifie « le pardon » et Rachi de commenter que nous apprenons d’elle que le marié et la mariée sont pardonnés de tous leurs péchés, le jour de leur mariage.
Le Rabbi commente que la Torah nous fait ainsi allusion au fait que les propres actions de Ma‘halât reflètent cette idée. C’était une personne véritablement raffinée et spirituelle. Pourquoi donc Essav l’avait-il épousée ? D’une part, très certainement parce qu’il voulait paraître bon aux yeux de son père. Mais par ailleurs, commente le Rabbi, Essav possédait lui-aussi une étincelle de bien, ce qui explique pourquoi son père l’aimait. Et viendra le moment où au cours de l’histoire cette étincelle de bien chez Essav et chez ses descendants sera révélée.
Qu’est-ce que l’hospitalité ?
Recevoir des invités dans sa maison, leur donner à manger et pallier à leurs besoins est une forme de Guemilout ‘Hassadim, de bienfaisance qui est caractéristique du Peuple juif. « C’est un trait de caractère inné, instillé par Avraham notre patriarche dans sa descendance, comme on le voit dans la description biblique de l’épisode des anges venus chez lui dans le désert : il donnait à manger et à boire aux voyageurs et les raccompagnait » (Rambam - Maïmonide).
Cette Mitsva s’applique également envers les voyageurs riches qui sont, à ce moment, considérés comme pauvres puisqu’ils ne disposent provisoirement pas d’un toit.
Guemilout ‘Hassadim – comme la visite aux malades, l’aide aux jeunes mariées et le dérangement impliqué par les invités – est considérée comme n’ayant pas de limite fixe. Cependant, les Sages ont fixé une limite financière : on ne doit pas dépenser plus que 20 % de ses revenus pour la Tsedaka (charité).
On reçoit les invités avec le sourire, on leur propose de se reposer de la fatigue du voyage ; puis on leur propose à manger et à boire. Et on enseigne aux enfants à s’impliquer eux aussi dans cette grande Mitsva.
Quand l’invité repart, c’est une grande Mitsva de l’accompagner, au moins sur une distance de quatre amot (quelques mètres) en guise de protection. S’il ne connaît pas le chemin, on l’accompagne autant que nécessaire.
Il n’y a pas de Mitsva d’inviter quelqu’un qui est susceptible d’abîmer ou de voler les biens ou, pire encore, de nuire aux habitants de la maison, en particulier aux enfants. En cas de doute, on adoptera la conduite préconisée par nos Sages : « Surveille-le comme s’il était un voleur mais respecte-le comme s’il était un érudit ».
(d’après Rav Yossef S. Ginsburgh – Si’hat Hachavoua N° 1976)
Aider les victimes
En ma qualité de Chalia’h (émissaire du Rabbi) chargé d’aider les victimes de guerre et d’attentats, je me rends chaque semaine à l’hôpital pour rendre visite aux soldats blessés qui sont soignés et, dans la mesure du possible, réhabilités. Un jour, alors que je déambulais dans les couloirs, une dame m’aborda :
- Excusez-moi, vous êtes Loubavitch ?
- Oui !
- Pouvez-vous passer voir mon fils ? Il a été grièvement blessé à Gaza. Son tank a explosé et depuis, il est inconscient. Les médecins ignorent quand il va se réveiller et surtout s’il va se réveiller et dans quel état ! Paralysé ? Incapable de parler ? Nous sommes très inquiets et cela nous réconforterait si vous pouviez réciter une petite prière à son chevet…
- Ce serait avec plaisir, répondis-je, mais seuls les membres de la famille sont autorisés dans ce service. Demandez d’abord aux infirmières si elles me le permettent.
Une fois la permission spéciale accordée, je suivis la dame dans la chambre de son fils. Le frère de ce soldat était lui aussi présent et il se tint respectueusement quand j’entrai et que je récitai la prière de Mi Chébéra’h avec quelques chapitres de Tehilim (Psaumes).
- Le Rabbi de Loubavitch a souvent répété que, dans de telles occasions, il est recommandé de vérifier les Téfilines du blessé car cela lui assure un mérite spécial. Si vous me confiez les Téfilines de votre fils, je les apporterai à un Sofer (scribe) qui pourra déterminer s’ils sont encore cachères.
La mère secoua la tête, attristée :
- J’aurais bien voulu ! Il tenait tellement à ses Téfilines ! Il les mettait chaque jour et les emportait partout. Ce qui signifie qu’il les avait aussi avec lui dans le tank qui a été pulvérisé ; ses Téfilines ont été brûlés et sont absolument hors d’usage !
- Quelle tristesse ! Il en est certainement inconsciemment tourmenté. Mais rassurez-vous ! Justement ce matin, quelqu’un m’a offert une paire de Téfilines que je suis chargé de remettre à un soldat blessé qui s’engagerait à les mettre chaque jour dès que son état le lui permettrait. Je vais les donner à votre fils, c’est évident qu’il a besoin d’une nouvelle paire !
- Quelle merveilleuse providence divine, c’est incroyable ! s’exclama le frère du soldat. A vrai dire, je m’inquiétais de sa réaction quand il se réveillerait et apprendrait que ses Téfilines sont inutilisables ! Cela lui fera tant de peine ! Il sera sûrement très heureux de savoir qu’une nouvelle paire l’attend !
Je sortis le sac de Téfilines flambant neufs de mon attaché-case et les tendis au frère :
- Gardez-lui ces Téfilines pour le moment et, avec l’aide de D.ieu, il sera très prochainement en état de les mettre tout seul !
Tandis que je parlais, le jeune soldat ouvrit les yeux et sourit ! Oui, un vrai sourire ! Il esquissa même un geste du bras comme pour prendre lui-même les Téfilines !
Docteurs et infirmières se précipitèrent dans la chambre après avoir entendu le signal de ce réveil inopiné : ils ne pouvaient croire que ce soldat en si mauvais état s’était réveillé et, de plus, avait souri et tenté de lever le bras !
Mais moi, je savais que sa Nechama (son âme) avait écouté toute notre conversation ! Quand il avait entendu qu’il possédait maintenant de nouveaux Téfilines, cela lui avait causé une telle joie qu’il avait été capable de trouver la force de se réveiller après tant de semaines passées dans le coma.
D.ieu merci, il s’est remis de façon spectaculaire, à la surprise générale de sa famille et du corps médical qui l’a accompagné avec tant de dévouement comme seul notre peuple d’Israël en est capable. Ce soldat peut maintenant marcher, parler, sourire, prier et, évidemment, mettre les Téfilines !
Rav Mena’hem Kutner - COLlive
Traduit par Feiga Lubecki