Samedi, 20 mai 2023

  • Bamidbar
Editorial

 La Torah dans notre vie

Partout dans le monde, nous venons de célébrer Lag Baomer, et avec toute la grandeur et la liesse que la joie de Rabbi Chimon Bar Yo’haï demande. Voici à présent que nous nous dirigeons, avec un enthousiasme accru vers la fête de Chavouot et le Don de la Torah. Il y a ici matière à réflexion car une idée unique courre d’un événement à l’autre malgré les siècles d’écart historique. Dans les deux cas, au-delà des différences de contexte, c’est notre rapport avec la Torah qui est ainsi relevé et renforcé. Pour Lag Baomer, c’est de son sens profond qu’il s’agit tel qu’il fut notamment révélé par le Zohar. Pour Chavouot, c’est l’ensemble de la Sagesse Divine qui nous fut donné. C’est pourquoi, dans une telle période, il importe de définir, une fois de plus, ce qu’est la Torah et pourquoi elle nous est si précieuse que nous ne pouvons pas envisager de nous séparer d’elle ne serait-ce qu’un court instant.

On l’a dit : elle est Sagesse Divine. Pourtant, il faut se garder des expressions coutumières qui finissent par ne plus évoquer les idées qu’elles sont censées représenter. Ainsi, quand on utilise le mot « sagesse », cela renvoie facilement à l’intelligence humaine, changeante, instable, apte à s’enrichir parce que toujours imparfaite, et qui ne constitue jamais une essence unique avec son détenteur mais simplement une qualité parmi les autres. Or, il est clair que lorsqu’on lui adjoint le terme « Divine », c’est bien autre chose que l’on veut signifier. En effet, D.ieu n’acquiert pas des connaissances ; comme le déclare Maïmonide, « Il est la science, le savant et l’objet de la connaissance. » C’est dire qu’Il connaît tout en Se connaissant Lui-même car Il est la totalité de l’existant. Penser ainsi une Sagesse infinie est largement impossible à une créature, fut-elle humaine. Pourtant, D.ieu nous fait don de cette Sagesse au travers de la Torah.

Plus encore, enseigne la mystique juive, Il s’est « habillé » à l’intérieur des lettres de la Torah et nous l’a donnée. C’est dire que celle-ci, dont on comprend ainsi le respect dont elle est entourée, n’est pas un texte comme les autres, même essentiel. C’est d’abord le véhicule de notre union avec la Divinité. Ce n’est pas anodin si nos Sages soulignent que celui qui étudie la Torah, « D.ieu s’assoie et étudie avec lui. » Aussi bouleversante soit cette image, elle nous indique une voie : celle de l’authentique attachement à D.ieu. La Torah va, une nouvelle fois, nous être donnée dès la semaine prochaine. Prenons conscience du privilège que cela incarne et saisissons le temps de nous y préparer.

Etincelles de Machiah

 Elie l’annonciateur

Les prophètes ont annoncé que la venue de Machia’h sera précédée de celle du prophète Elie. C’est ainsi que nous lisons (Malachie 3:23) : « Voici que Je vous envoie Elie le prophète avant que vienne le jour de D.ieu grand et redoutable ». Une question se pose : quel est le rapport particulier entre Elie et cet événement ? Pourquoi est-ce précisément lui qui a été chargé de ce rôle d’annonciateur ?

On sait que le prophète Elie, selon le texte biblique, lorsque vint le moment de sa mort, quitta ce monde avec son corps. Les commentateurs expliquent ce prodige : Elie s’était tant spiritualisé au cours de sa vie physique que son corps pouvait entrer avec lui dans le domaine du spirituel. C’est précisément là le lien avec le temps de Machia’h. Dans cette nouvelle époque, le monde sera parvenu au plus haut de la spiritualisation et du raffinement au point que (Isaïe 40 :5) « toute chair verra que la bouche de D.ieu a parlé ». C’est ce niveau infini qu’Elie incarnait déjà en son temps.

(d’après Likouteï Si’hot, vol. II, p.610)

Vivre avec la Paracha

 Bamidbar

Dans le désert du Sinaï, D.ieu demande que soit établi le recensement des douze tribus d’Israël. Moché compte 603 550 hommes en âge d’être enrôlés (de 20 à 60 ans) ; la tribu de Lévi au nombre de 22 300 hommes, d’un mois et plus, est comptée séparément. Les Lévites doivent servir dans le Sanctuaire, à la place des premiers-nés, dont le nombre était à peu près semblable au leur, qui avaient été disqualifiés par leur participation au Veau d’Or. Les 273 premiers-nés qu’un Lévite ne put remplacer durent payer une « rançon de cinq chékèl » pour se racheter.

Quand le peuple levait le camp, les trois clans de Lévites démontaient et transportaient le Sanctuaire et le réassemblaient au centre du prochain campement. Puis ils érigeaient autour leurs propres tentes. Les Cohanim qui transportaient les ustensiles du Sanctuaire (l’Arche, la Menorah etc.) dans les couvertures conçues à cet effet sur leurs épaules, campaient au Sud ; les Gerchonim, en charge des tapisseries et des couvertures du toit, à l’ouest ; et les familles de Merari qui transportaient murs, panneaux et piliers, au nord. Devant l’entrée du Sanctuaire, du côté est, étaient disposées les tentes de Moché, Aharon et des fils d’Aharon.

Au-delà du cercle des Lévites, campaient les douze tribus, en quatre groupes de trois tribus chacun. A l’est, était Yehouda (74 600 membres), Issa’har (54 400) et Zevouloun (57 400). Au sud, il y avait Réouven (46 500), Chimon (59 300) et Gad (45 650). A l’ouest, se trouvaient Ephraïm (40 500), Ménaché (32 200) et Binyamin (35 400). Enfin au nord, étaient installés Dan (62 700), Achèr (41 500) et Naphtali (53 400). Cette disposition était également conservée pendant qu’ils voyageaient. Chaque tribu avait son propre Nassi (prince ou leader) et son propre drapeau, portant la couleur et l’emblème de la tribu.

Retracer son ascendance jusqu’au Don de la Torah

Le commencement du quatrième livre de la Torah, Bamidbar, décrit le recensement du Peuple juif dans le désert. Moché fut enjoint de rassembler le peuple entier et de le recenser par famille.

La Torah résume ainsi le projet :

« Ils assemblèrent la congrégation entière le premier jour du second mois et vérifièrent leur lignée parentale, selon les maisons paternelles, gardant le compte des noms…

Le Midrach explique la juxtaposition du passage de la fin du livre (précédent), Vayikra, qui statue : « Voici les commandements que D.ieu ordonna à Moché au Mont Sinaï pour les Enfants d’Israël », avec l’ouverture du livre de Bamidbar, qui évoque la généalogie juive, en ces termes :

Les nations du monde se plaignirent du fait que D.ieu avait choisi le Peuple juif pour lui donner la Torah au Mont Sinaï. La réponse que leur adressa D.ieu stipulait que le Peuple juif le méritait réellement car ils pouvaient retracer leur lignée, contrairement aux autres nations. »

C’est la raison pour laquelle après que le verset ait mentionné que la Torah fut donnée au Peuple juif, au mont Sinaï, à la fin du livre de Vayikra, le texte continue par un récit concernant sa généalogie, cela afin de justifier pourquoi la Torah lui fut donnée à lui et non aux autres nations.

Les commentateurs se demandent si les autres nations ne pouvaient, elles-aussi, faire leur généalogie. En fait, les descendants d’Ichmaël et d’Essav peuvent même remonter jusqu’à Avraham et Its’hak. Qu’y avait-il donc de particulier à propos de l’ascendance du Peuple juif ?

L’une des explications proposées s’appuie sur une traduction alternative des mots : « et ils vérifièrent leur lignée parentale » (en hébreu : « Vayityaldou Al Michpé’hotam »). La traduction littérale de ces mots donne en quelque sorte : « ils se considérèrent comme des enfants en comparaison de leurs ancêtres ».

En d’autres termes, les adultes et les gens mûrs eux-mêmes se comparent toujours à leurs parents et à leurs ancêtres. Cela n’est certainement pas semblable aux sociétés qui préfèrent se considérer comme plus sophistiquées que leurs parents et leurs grands-parents « vieux jeu ».

Perspective séculaire et perspective juive sur les séniors

Dans l’état d’esprit séculaire, c’est une évidence d’affirmer que nous sommes beaucoup plus avancés et sophistiqués que nos ancêtres.

En revanche, la société juive de cette époque se considérait humblement comme des petits enfants par rapport à ses ancêtres. Et c’est précisément ce trait d’humilité qui lui permit de mériter de recevoir la Torah.

Quand on demande à quelqu’un de se soumettre à une autorité extérieure, il est sûr que cela requiert qu’il soit réceptif à ses dictats. Et c’est justement ces traits d’humilité et de réceptivité qui s’exprimèrent puissamment au Sinaï, lorsque la nation répondit à l’unisson : « Naassé Vénichma », « nous ferons et nous comprendrons ».

Mais il n’y avait rien de surprenant à ce qu’ils exhibent une telle humilité. Quiconque avait été témoin des expériences extraordinaires de la sortie d’Égypte et de ses suites ne pouvait que se soumettre et accepter humblement la Torah ! C’est comme si D.ieu « leur avait tordu leur bras » avec amour, pour qu’ils acceptent la Torah. Ils n’avaient, pour ainsi dire, aucune autre alternative.

Mais pour que cette acceptation puisse être transmise aux générations futures, qui, elles, n’avaient pas été exposées à la Révélation sinaïtique, un lien extrêmement puissant avec les générations antérieures s’imposait. Si la nouvelle génération allait se considérer comme plus sophistiquée et pionnière et regarder ses anciens, non avec crainte et révérence, mais avec mépris et dérision, ils ne pourraient jamais se rabaisser suffisamment pour accepter inconditionnellement la Torah qu’ils avaient reçue de leurs parents et de leurs grands-parents.

L’envers de la médaille

La même expression : « Vayityaldou Al Michpé’hotam » que nous avons traduite par : « ils se considérèrent comme des enfants en comparaison de leurs ancêtres » peut également être rendue, dans un sens radicalement opposé, par : « leurs enfants dominèrent leurs familles (les anciens) ».

Cette traduction reflète un phénomène moderne, prévu il y a des milliers d’années par le prophète Malakhi selon lequel un jour viendrait, avant la venue du Machia’h, où le cœur des parents serait remis d’aplomb par les enfants.

Un phénomène nouveau

En ces jours, où les parents et les grands-parents eux-mêmes n’ont pas de mémoire consciente de l’expérience du Sinaï, même dans sa forme transmise, parce que le lien avec la tradition a été rompu, souvent à cause de circonstances qu’ils ne contrôlaient pas, les enfants recherchent miraculeusement et découvrent le trésor du mont Sinaï et inspirent leurs anciens avec la beauté du Judaïsme.

Ce phénomène nouveau associé au respect pour nos ancêtres constitue ce qui nous prépare à la fête de Chavouot qui approche, l’anniversaire du Don de la Torah sur le Mont Sinaï, il y a plus de trois mille trois cents ans.

Il convient donc de célébrer ce double phénomène : les parents emmenant leurs enfants et les enfants conduisant leurs parents pour écouter la lecture de la Torah et le récit de la Révélation du mont Sinaï, lors de la fête de Chavouot qui s’approche.

Ce double phénomène, celui de l’influence des parents sur leurs enfants et des enfants sur leurs parents, préparera également la Rédemption future, lorsque l’expérience du mont Sinaï s’étendra sur le monde entier et pour l’éternité.

Le Coin de la Halacha

 Que fait-on à l’approche du mois de Sivan ?

Chabbat Bamidbar, le 20 mai, on bénit le mois de Sivan qui commence le lendemain, dimanche 21 mai 2023. Contrairement aux autres mois, on récite néanmoins la prière de Av Hara’hamim en souvenir des Juifs morts au cours des générations pour la sanctification du Nom de D.ieu. En effet, de nombreux pogromes ont émaillé cette période printanière, en particulier à l’époque des croisades (11ème et 12ème siècles) mais aussi en 1648 (avec les Cosaques de Bogdan Chmielnitski en Russie et Ukraine).

Durant les douze premiers jours du mois de Sivan, (donc depuis dimanche 21 mai jusqu’au jeudi 1er juin 2023 inclus) on ne récite pas la prière de Ta’hanoun (supplications) en souvenir de la joie de la préparation du Don de la Torah (Yemé Hagbala) puis des jours de compensation (Tachloumine) après la fête, pendant lesquels on pouvait encore s’acquitter des différents sacrifices.

Jeudi 25 mai, veille de Chavouot, on se coupe les cheveux (qu’on n’a pas pu couper pendant la période triste du Omer).

On prépare des repas de fête pour jeudi soir, vendredi et Chabbat ainsi qu’une collation lactée pour vendredi midi, après l’office du matin : on veillera (comme toute l’année d’ailleurs) à ne consommer que des laitages à base de lait chamour, c’est-à-dire trait sous la surveillance d’un Juif et donc porteur d’un tampon rabbinique reconnu.

On procède au Erouv Tavchiline.

Qu’est-ce que Erouv Tavchiline ?

On n’a pas le droit, un jour de fête juive, de préparer de la nourriture pour le soir suivant ou le lendemain. Cependant, lorsqu’un jour de fête tombe le vendredi, on prépare avant la fête un aliment cuit au four et un aliment cuit à l’eau, pour montrer qu’on a pensé, avant la fête, à préparer Chabbat.

Cette année, jeudi 25 mai 2023, on procédera au Erouv Tavchiline : on prépare une Matsa ou un pain ainsi qu’un mets cuit (viande, poisson ou œuf). On récitera la bénédiction :

Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Al Mitsvat Erouv. (« Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi de l’univers, Qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné le commandement du Erouv »).

Puis on les mettra soigneusement de côté et on les consommera pendant un des repas de Chabbat.

Grâce à cet Erouv, tous les membres de la famille (et les invités) pourront cuire, porter, allumer les bougies et, en général, procéder vendredi à tous les préparatifs pour Chabbat.

Même si on a tout préparé et cuit avant la fête, il sera nécessaire de procéder au Erouv Tavchiline afin de pouvoir, vendredi après-midi 26 mai, poser les plats sur la plaque de Chabbat et allumer les bougies de Chabbat et du deuxième jour de fête - à partir de la bougie de 24 heures allumée la veille.

Le Recit de la Semaine

 Le carnaval de Rio

Je suis née en Ukraine. Quand la Seconde Guerre mondiale arriva dans notre région en 1941, notre famille réussit à grand peine à s’enfuir jusqu’à Samarkand, en Ouzbékistan. La vie n’y était pas facile mais au moins, nous avons échappé aux Nazis. A la fin de la guerre, nous nous sommes enfuis à nouveau, cette fois pour en finir avec les brimades et les déportations du régime soviétique. Nous avons traversé plus ou moins clandestinement la Pologne, l’Allemagne et la France. Avant de pouvoir entrer aux Etats-Unis, nous avons dû séjourner dix-huit mois à Cuba. C’est là que nous avons appris le décès à l’âge de 69 ans de Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, le précédent Rabbi de Loubavitch en janvier 1950. Pour mon père, Rav Tséma’h Gourevitch, ce fut terrible : il avait pourtant supporté bien des malheurs dans sa vie mais cela, il ne pouvait l’accepter. Pendant une semaine, il fut incapable de manger ou de dormir. Finalement, nous sommes arrivés aux Etats-Unis en mars 1950 : j’avais douze ans.

Six ans plus tard, je me suis fiancée. Mon futur mari, Yaakov, était originaire du Brésil et, comme la vie y était difficile pour un Juif pratiquant, il espérait faire venir ses parents à New York. Nous sommes allés demander au Rabbi sa bénédiction. Je m’en souviens comme si c’était hier. En face du bureau du Rabbi, il y avait deux chaises pour les visiteurs. Nous nous tenions derrière ces deux chaises puisque nous n’avions pas l’intention de nous asseoir devant le Rabbi. Il nous bénit à l’approche de notre mariage puis nous annonça qu’il aimerait nous voir devenir ses émissaires au Brésil. J’ai failli m’évanouir. Je me suis cramponnée au dossier de la chaise devant moi mais je n’ai rien dit. Nous étions passés par tant d’épreuves pour arriver enfin aux Etats-Unis et vivre auprès du Rabbi mais maintenant, il nous demandait de continuer à voyager !

- Ne vous inquiétez pas, nous rassura le Rabbi qui avait remarqué que j’étais subitement devenue toute pâle, ce sera bien pour vous !

J’acceptai sa décision sans la comprendre et me sentais terriblement inquiète. Nous avons payé les billets pour le Brésil avec l’argent que nous avons reçu pour notre mariage. Le Rabbi avait suggéré que nous observions plusieurs villes avant de décider où nous installer. Nous sommes d’abord partis à Rio de Janeiro où vivaient quelques familles pratiquantes.

Nous sommes arrivés en plein carnaval et je constatai avec effroi ce déclenchement de sauvagerie et de débauche dans les rues. Seule dans ma chambre d’hôtel, dans un pays si étranger et si étrange, je me demandai ce qui m’attendait : je ne connais personne, je ne parle pas la langue, je ne suis pas du tout préparée pour cela ! Qu’ai-je à offrir à ce pays ? Peu après, nous avons ouvert une école juive dans notre maison. Mon mari s’était rendu dans différents quartiers pour rassembler des enfants juifs auxquels il enseignait les bases de la Torah tandis que je leur préparais des repas chauds. Ce n’était pas simple pour moi car j’étais loin de savoir cuisiner : enfant, j’avais toujours préféré étudier pour rattraper le retard accumulé lors de nos « voyages » et lire tout ce qui concernait la Torah. Avant que je m’embarque pour le Brésil, ma mère s’était inquiétée : comment peux-tu partir pour le Brésil alors que tu ne sais même pas cuire un œuf ? J’avais répliqué que j’emportai avec moi un livre de recettes. Le problème était que la plupart des ingrédients nécessaires pour ces recettes étaient inconnus à Rio… Jusqu’à aujourd’hui, ce livre est resté en bon état car je ne l’ai presque pas utilisé…

Nous ne pouvions acheter ni pain cachère, ni lait ni viande. Mon mari procédait à l’abattage rituel des poulets dans notre cour, je les déplumais et les cachérisais dans l’eau et le gros sel. J’appris à cuire notre pain trois fois par semaine. Quant au lait cachère surveillé, il avait déjà tourné avant d’arriver chez nous. Comme nous réservions le poulet pour Chabbat, nous suivions un régime végétarien dans la semaine.

Les premières années, je voulais retourner auprès du Rabbi. Par la suite, nous nous sommes installés à Sao Paulo et le Rabbi instruisit mon mari d’y bâtir « une petite Jérusalem ». Tout y était si difficile que cela semblait impossible. Mon mari était le premier rabbin au Brésil qui soit effectivement né dans ce pays ; il parlait portugais et les gens l’aimaient beaucoup. Il donnait des cours de Torah à des étudiants d’université et, quand des couples s’adressaient à lui pour officier à leurs mariages – bien qu’ils soient éloignés de toute pratique religieuse et soient même parfois des communistes convaincus – il les encourageait à suivre les lois de pureté familiale. Grâce à ce premier contact, nombre d’enfants de ces couples devinrent pratiquants ainsi que les familles qu’ils fondèrent par la suite. Certains hésitaient à envoyer leurs enfants étudier dans notre école mais mon mari leur expliquait qu’on pouvait être pratiquant tout en poursuivant de grandes carrières. Aujourd’hui, nombre de docteurs et ingénieurs brésiliens sont des anciens élèves de notre école qui continuent de pratiquer les Mitsvot et d’étudier régulièrement la Torah ; et nombre d’entre eux sont devenus eux-mêmes rabbins et émissaires du Rabbi de Loubavitch.

Ce n’est qu’environ une dizaine d’années plus tard que j’ai fini par accepter que le Brésil était vraiment l’endroit qui nous convenait. Maintenant, je peux regarder derrière moi et constater l’énorme impact que nous avons eu sur les gens autour de nous. Cela semblait impossible à l’époque mais nous avions une mission et nous nous y sommes consacrés : D.ieu a fait le reste. Quand vous apportez le judaïsme à d’autres Juifs, c’est une telle satisfaction, pour eux et pour vous…

Et pour cela, je ne pourrais jamais assez remercier le Rabbi qui a cru en nous et nous a donné les forces pour réussir.

Rabbanit Sheina Begun – L’Chaim N° 1767

Traduite par Feiga Lubecki