Samedi, 12 février 2022

  • Tetsavé
Editorial

 Là où la joie n’est pas un rêve

Voici que le double mois d’Adar que nous connaissons cette année commence à dérouler devant nous ses merveilles. Une telle introduction pour ce qui n’est, somme toute, qu’un début de mois, comme il en existe bien d’autres ? Justement, il faut apprendre à regarder les choses autrement, sans doute plus profondément, car les jours que nous vivons à présent sont différents : ils appartiennent à la période d’Adar et cela change tout. Observons tout d’abord que c’est bien de soixante jours qu’il s’agit puisqu’après Adar I viendra Adar II et que, si le premier nous propose un avant-goût des réjouissances de Pourim, la fête proprement dite interviendra dans le second. C’est dire que la joie pénètre ce long ensemble, en transfigurant chacune des secondes qui le constituent.

Certes, la joie est un impératif constant. On le sait, dans la vision juive, le véritable service de D.ieu ne s’exprime qu’en elle. C’est dire qu’elle est essentielle, indispensable. Pourtant, peut-on être enclin à se dire, malgré son caractère primordial, comment la ressentir avec sincérité ? La vie est naturellement faite d’épisodes positifs et d’autres qui le sont moins. Si, pour les premiers, la joie va généralement de soi, pour les seconds, a-t-elle encore une place ? Il existe cependant une idée que l’homme ne doit jamais abandonner : il est une créature infime au regard de l’univers, et a fortiori de D.ieu, pourtant il a la capacité, par chacun de ses actes libres, de se lier à son Créateur. Malgré tout ce qui Le sépare de Ses créatures, il suffit que celles-ci empruntent le pont qu’Il a Lui-même établi dans la Torah pour trouver le passage. La perspective est vertigineuse. Pouvoir faire un tel choix, accessible à chacun, est un si immense privilège qu’en prendre pleinement conscience est un motif infini de joie. Qui que l’on soit, quelles que soient les circonstances alentour, le chemin est clair et la joie y est pure.

C’est ce sentiment que la période d’Adar éveille en chacun. Bien loin de la joie passagère ou artificielle qui n’est qu’oubli, elle nous introduit en un temps de joie pérenne car fondée sur la réalité telle qu’elle est et sur la conscience qu’on en retire. Au cœur du monde, toutes les limites disparaissent et, entraînés par la joie du temps et celle du cœur, nous ressentons avec une telle puissance les forces de la vie que plus rien ne peut y faire obstacle. Pour de bon, pour le Bien.

Etincelles de Machiah

 Le troisième jour

Le prophète Osée (6:2) annonce : « Il nous fera revivre après deux jours, le troisième jour il nous redressera et nous vivrons en Sa Présence. »

Les Sages interprètent l’expression « deux jours » comme se rapportant à « ce monde » et au « monde futur ». Quant au « troisième jour », il désigne le « monde de la résurrection » qui suivra la venue de Machia’h.

Chacun de ces degrés correspond à un mode de service de D.ieu. « Ce monde » représente l’œuvre spirituelle accomplie par ceux qui exercent une activité profane et mènent leur vie conformément à la Torah. Le « monde futur » représente ceux qui se consacrent exclusivement à l’étude de la Torah. Le « monde de la résurrection » correspond au niveau le plus élevé du service de D.ieu ; il combine les deux précédents. C’est un niveau auquel l’âme et le corps participent avec un égal enthousiasme. C’est le but ultime de la création que la venue de Machia’h concrétisera.

(d’après les Iguerot Kodech du Rabbi, vol. IV, p. 462)

Vivre avec la Paracha

 Tetsavé

D.ieu demande à Moché d’obtenir de la part des Enfants d’Israël de l’huile d’olive pure afin de nourrir la « flamme éternelle » de la Menorah qu’Aharon allume chaque jour, « depuis le soir jusqu’au matin ».

Les habits sacerdotaux portés par les Cohanim (Prêtres), lorsqu’ils servent dans le Sanctuaire, font l’objet d’une description. Tous les Cohanim portent :

  • le Ketonet, une longue tunique de lin, 2) les Mi’hnassayim, des pantalons de lin, 3) le Mitsnéfèt ou Migbat : un turban de lin, 4) l’Avnèt, une longue ceinture nouée au-dessus de la taille.

En outre, le Cohen Gadol (Grand Prêtre) porte : 5) le Ephod : un habit, semblable à un tablier, fait de laines teintes en bleu, rouge et violet, avec des fils de lin et d’or, 6) le ‘Hochène : un pectoral contenant douze pierres précieuses sur lesquelles sont inscrits les noms des douze tribus d’Israël, 7) le Méil : un manteau de laine bleue, bordé de clochettes d’or et de grenades décoratives, 8) le Tsits, une plaque d’or, portée sur le front, sur laquelle est écrite l’inscription « sanctifié pour D.ieu ».

La Paracha Tetsavé comporte également les instructions détaillées concernant les sept jours d’initiation à la prêtrise d’Aharon et de ses quatre fils : Nadav, Avihou, Elazar et Itamar, et la fabrication de l’autel d’or sur lequel étaient brûlés les Ketorèt (encens).

Liés à la taille

« Ils attacheront le ‘Hochène par ses anneaux aux anneaux du Ephod… pour que le ‘Hochène ne se sépare pas du Ephod. » (Chemot 28 : 28)

Le ‘Hochène (« pectoral ») et le Ephod (« tablier ») étaient deux des huit vêtements particuliers que portait le Cohen Gadol. Le ‘Hochène était un tissu carré sur lequel étaient placées douze pierres précieuses, chacune portant l’inscription du nom de l’une des douze tribus. Le Cohen Gadol le portait sur la poitrine, sur le cœur. Le Ephod était « un vêtement ressemblant à un tablier… porté dans le dos, depuis le côté inverse au cœur, sous les coudes, jusqu’aux chevilles, avec une ceinture qui s’attachait sur le devant. »

Deux anneaux d’or cousus sur la ceinture du Ephod étaient alignés à deux anneaux d’or cousus aux coins inférieurs du ‘Hochène. Les anneaux du ‘Hochène et les anneaux du Ephod étaient liés ensemble avec des rubans de laine bleue. Il est essentiel, insiste la Torah, que les deux restent solidement noués tout le temps que le Cohen porte les habits sacerdotaux. En fait, l’injonction selon laquelle « le ‘Hochène ne se sépare pas du Ephod » est comptée comme l’un des 613 commandements de la Torah !

C’est dans ces détails qu’on peut tirer un enseignement applicable à chacun de nous. Il ne faut pas qu’il y ait de différence entre les aspects « supérieurs » et les aspects « inférieurs » de la vie ou entre les éléments intérieurs et ceux qui sont derrière. Il est vrai que l’être humain est à la fois constitué de moments spirituels sublimes ainsi que de préoccupations banales, comme pourvoir à nos besoins matériels. Mais les deux doivent être solidement noués à la taille. Le supérieur doit imprégner l’inférieur et l’extérieur ne doit jamais perdre de vue sa source profonde et son essence.

La couche superficielle

« Fabrique un autel pour y faire brûler les encens ; fais- le en bois de cèdre… et recouvre-le d’or… » (Chemot 30 :1-3)

Tous les ustensiles dans le Sanctuaire requerraient une immersion, à l’exception de l’Autel d’Or et de l’Autel de cuivre… parce qu’ils étaient plaqués. (Talmud ‘Haguiga 26 b)

Durant les trois fêtes de pèlerinage, Pessa’h, Chavouot et Soukot, quand toute la communauté d’Israël se rendait au Saint Temple de Jérusalem, les ustensiles du Temple étaient exposés au contact de nombreux individus, y compris de certains qui n’étaient peut-être pas très versés dans les lois complexes de la pureté rituelle. Ainsi, après chaque fête, les ustensiles étaient immergés dans un Mikvé pour les purifier de toute éventuelle contamination par un visiteur qui aurait pu les rendre rituellement impurs.

La loi énonce que « les ustensiles de bois, qui ne sont utilisés que dans un lieu fixe, ne sont pas susceptibles d’être contaminés ». Les deux autels du Tabernacle, l’ « Autel d’or », placé à l’intérieur, et l’ « Autel de cuivre » placé à l’extérieur, utilisés exclusivement dans leur lieu fixe, étaient faits de bois et plaqués d’or et de cuivre.

L’Autel de cuivre n’exista que dans le « Tabernacle », le sanctuaire portatif, construit dans le désert et prédécesseur du Temple de Jérusalem. Dans le Saint Temple, l’autel extérieur était construit en pierre.

La loi citée ci-dessus implique donc que les autels n’avaient pas besoin d’être immergés après les fêtes puisqu’ils étaient « plaqués ». Bien qu’en temps normal, un ustensile en métal aurait pu devenir impur, dans de telles circonstances, puisque le métal de ces autels n’était qu’un placage, il était « annulé » (Batèl) par rapport au corps en bois et ils étaient donc à l’abri de la contamination.

Le corps et l’âme

Les lois de la Torah ont toujours plus qu’une seule signification. La Torah, tout comme l’être humain qu’elle vient instruire et éclairer, consiste en un « corps » et une « âme ». Chaque loi, chaque histoire ou chaque parole de la Torah possède également une plus profonde dimension spirituelle. Chaque détail technique dans la loi évoque également le monde intérieur de l’âme humaine.

Le Tabernacle est plus qu’un édifice matériel dédié au service de D.ieu. C’est également un modèle sur lequel nous nous référons pour construire notre propre vie, en en faisant un « sanctuaire » qui abrite et exprime le Divin.

En enjoignant aux Enfants d’Israël de construire le Tabernacle, D.ieu dit à Moché : « Ils Me feront un Sanctuaire et Je résiderai parmi eux ». Nos Sages soulignent que le mot hébreu Beto’ham, « parmi eux », signifie littéralement « en chacun d’entre eux ». C’est la raison pour laquelle la Torah décrit les différents composants et ustensiles du Sanctuaire avec tant de détails, chacun exprimant l’une des facultés et des attributs de l’être humain.

Un sacrifice incorruptible

Et c’est là que réside le sens plus profond de la loi désignant l’immunité des autels à l’impureté.

Les autres ustensiles du sanctuaire « humain », représentant les différentes facultés intellectuelles et émotionnelles, peuvent parfois être touchés par des influences négatives. En revanche, les « autels » de l’âme, les aptitudes de l’âme à la dévotion altruiste et au sacrifice pour son Créateur ne risquent aucune contamination.

Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi l’exprime ainsi dans le Tanya : dans la majorité des cas, le Juif, même le plus déficient et pécheur, sacrifiera sa vie et souffrira les tortures les plus pénibles plutôt que de renier le D.ieu unique… comme s’il lui était absolument impossible de Le nier… Cela tient au fait que l’essence divine est implantée dans chaque faculté de l’âme de ‘Ho’hma, qui est au-delà de tout savoir compréhensible ou intelligible.

La profondeur de l’âme n’est pas toujours visible ou facilement accessible.

L’éclat de la vie matérielle ou, au contraire, le désespoir de la pauvreté et de la difficulté peuvent obscurcir l’engagement profond de l’âme à D.ieu. Mais ces freins, qu’ils soient de « cuivre » ou d’ « or » ne sont que de simples placages sur l’autel de l’âme, des placages qui sont « annulés » devant la source intarissable de sacrifice.

Le Coin de la Halacha

 Comment mieux se concentrer dans sa prière ?

C’est une question fréquemment posée, surtout une fois qu’on s’est habitué à prononcer les mots et qu’on les répète chaque jour, plusieurs fois par jour. Voici quelques conseils répétés au fil des années à diverses personnes :

1) Il convient de se préparer à la prière ; on ne peut pas se mettre à prier si on est encore préoccupé par les soucis quotidiens (le travail, les multiples activités de la journée etc.). On se prépare à la prière comme à une rencontre avec une personnalité importante : à qui va-t-on s’adresser ? Que voulons-nous demander ? On vérifie qu’on est habillé correctement et qu’on se trouve dans un endroit propre. Bien entendu, on éliminera toute source de distraction (téléphone etc.). L’idéal serait d’étudier la Torah - même quelques lignes - avant de commencer à prier.

2) Il est préférable de prier en lisant les mots dans un livre de prières et non en les prononçant par-cœur. Cela permet de mieux réfléchir au sens des mots. De plus, selon la Kabbala, les lettres hébraïques ont un sens sacré qui affecte celui qui les lit.

3) Même si on s’efforce de bien prier et que néanmoins, l’attention se relâche, il faut réaliser que chaque Juif possède deux âmes : l’âme divine prie tandis que l’âme animale envoie des pensées différentes pour la vaincre. Il ne sert à rien de se battre contre des pensées et de s’attrister de la situation. On réalisera plutôt que c’est la preuve que la prière est importante et mérite toute l’attention.

4) S’il est difficile de se concentrer sur toute la prière, on s’efforcera au moins de privilégier certains passages qu’on considérera avec davantage d’attention (le Chema, la première bénédiction de la Amida etc.).

(d’après Rav Moché Gruzman – Si’hat Hachavoua N° 1830)

Le Recit de la Semaine

 Ma prière au Ohel du Rabbi a sauvé la vie de mon mari

Nous habitons à Elad, dans le centre d’Israël.

Mon mari s’est rendu à New York pour son travail au mois d’Elloul 5780 (septembre 2020) et était supposé rentrer en Israël deux jours avant Yom Kippour.

Alors qu’il se trouvait là-bas, nous avons appris qu’il ne se sentait pas bien, en fait qu’il avait contracté le terrible virus Covid-19, très actif aux États-Unis. On l’amena en urgence à l’hôpital où il fut endormi et placé sous respirateur artificiel. La situation était très grave, catastrophique.

Seule et angoissée, je passais les fêtes de Tichri avec nos enfants en Israël. Une semaine après Souccot, on me téléphona depuis New York : je devais venir de toute urgence au chevet de mon mari car il n’y avait plus aucun espoir de voir son sort s’améliorer : les médecins prédirent que c’était une question d’heures, de trois jours tout au plus ! De fait, il avait pratiquement ressuscité à un moment donné mais la maladie combinée à son diabète l’avait rattrapé et il était mourant.

Inutile de décrire mon affolement !

Je ne possédais pas de visa pour entrer aux États-Unis mais plusieurs personnalités haut placées s’impliquèrent et firent jouer leurs relations pour me procurer le précieux sésame. C’est ainsi que je me retrouvai la seule passagère d’un avion qui reliait Tel-Aviv à New York, un avion complètement vide !

Quand j’arrivai, un jeudi, les médecins déclarèrent sèchement qu’il était évident pour eux que, d’ici Chabbat, « tout serait terminé » : c’est ainsi qu’ils s’exprimèrent sans ménagement.

Quant à moi je décidai de ne pas abandonner. Il est vrai que mon mari est « d’obédience lituanienne » donc peu intéressé par la relation de Rabbi à ‘Hassidim mais moi, je suis issue d’une famille apparentée à la ‘Hassidout de Tsanz. Le dimanche, je demandai à ce qu’on me conduise au Ohel du Rabbi de Loubavitch au cimetière Montefiore à Queens. J’y allai avec la ferme intention de déchirer toutes les barrières qui pouvaient se trouver dans les cieux. Là, je priais quatre heures d’affilée. Silencieusement je m’adressai pour ainsi dire au Rabbi : « Mon mari est « lituanien » et il n’a pas encore achevé sa mission sur terre puisqu’il n’a jamais étudié le Tanya ». Prise d’une inspiration soudaine, je promis au nom de mon mari (qui gisait à l’hôpital sur son lit de mort) que, s’il survivait, il étudierait le Tanya écrit par Rabbi Chnéour Zalman. J’ai aussi promis que je reviendrai pour remercier le Rabbi dès qu’il y aurait un changement positif.

Le lendemain, lundi, le docteur annonça qu’il y avait peut-être une petite amélioration. Soudain, mon mari ouvrit les yeux. D’abord je crus que c’était ses derniers moments. Je me mis à lui parler et je compris immédiatement que ma prière n’avait pas été vaine.

Le mardi, je retournai au Ohel pour remercier le Rabbi. Quand je retournai dans la tente à l’accueil, il y avait une vidéo sur un grand écran : dans un Farbrenguen (réunion ‘hassidique), le Rabbi déclarait : « Par le mérite de la spiritualité, les décrets seront révoqués ». Pour moi, c’était comme une promesse évidente que des miracles se produiraient.

Je n’ai pas besoin de m’étendre sur la situation dans les hôpitaux de New York au plus fort de l’épidémie de Covid-19 et je ne veux pas entrer dans des polémiques. Tout ce que je sais, c’est que le fait qu’il ait pu sortir vivant de ce lieu et de cette épreuve est en soi un miracle. Cependant, il était encore sous surveillance médicale constante.

Un mois plus tard, je suis retournée en Israël tandis qu’un de mes beaux-frères prit ma place au chevet de mon mari. Je me joignis aussi à un groupe d’amis qui se rendait en Ukraine pour prier près des tombeaux des Rebbeim, y compris celui du Baal Chem Tov.

Le dimanche soir, veille du 19 Kislev, mon mari se réveilla pour la première fois. Cela faisait plus de 70 jours qu’il avait été anesthésié et placé sous respirateur : il se réveilla le jour de la libération de Rabbi Chnéour Zalman, auteur du Tanya : pour nous, ce fut doublement la fête de la libération !

Il sortit de l’hôpital un mois plus tard, exactement le 24 Tévet, jour anniversaire du décès de Rabbi Chnéour Zalman. Il put retourner en Israël sous surveillance médicale.

Depuis, il a tenu la promesse que j’avais exprimée au Ohel du Rabbi : il étudie le Tanya en profondeur et participe aux cours de Tanya dans la communauté Loubavitch d’Elad.

Mme Tzvika Gottesman

COLlive

Traduit par Feiga Lubecki