Samedi, 27 juillet 2019

  • Pin’has
Editorial

 Sur les chemins du monde

Nous vivons une période qui peut paraître difficile tant du point de vue historique – ne commémorons-nous pas la destruction du Temple et le début de l’exil ? – que dans l’actualité, qu’elle soit celle d’Israël ou de France. Et monte l’interrogation hélas trop fréquente dans la conscience juive : peut-on encore vivre avec ce sentiment de sérénité indispensable à tout homme dans toute société ? Peut-on toujours se sentir libre d’aller et de venir en paix ? Peut-on, où que l’on soit, avoir une confiance sans faille dans l’avenir ? Les réponses à de telles questions sont littéralement essentielles. Car elles déterminent ce que peut devenir le monde qui nous entoure et comment chacun d’entre nous y aura sa place.

Il est clair que nul ne sait de quoi sera fait l’avenir et que toutes les spéculations, aussi étayées soient-elles, ne portent pas bien loin. Il est également clair que, partout, toutes les dispositions doivent être prises afin de garantir la sécurité des biens et des personnes. Cependant, au cours de son histoire, le peuple juif a connu assez de vicissitudes pour que son expérience lui serve de guide. Il est ainsi conscient depuis bien longtemps que sa vie, au travers des siècles et en dépit de tout, repose sur des éléments qui dépassent largement ceux que l’observation humaine a coutume de relever. En d’autres termes, pour lui et pour son existence maintenue, les ressorts de l’action sont ailleurs. L’étonnante longévité du peuple juif, issu de l’antiquité reculée et si intensément présent dans la modernité, ne peut s’expliquer par le seul enchaînement logique et prévisible des choses. Une telle conception ne résiste du reste guère à l’analyse.

Comme dans bien des cas, c’est dans une plus profonde vision juive que la clé peut être trouvée. Le peuple juif n’est pas une entité créée par des accidents de l’histoire que d’autres accidents pourraient détruire, qu’à D.ieu ne plaise. Il est un peuple désigné pour accomplir une mission au cœur de l’univers pour toute l’humanité. Et celle-ci portera le monde à son accomplissement, y établissant la demeure Divine. Ses actes ne se limitent donc pas à leur apparence, ils ont toujours une portée autre. Nous savons ainsi toujours voir plus loin, avoir confiance, continuer la route, vivre pleinement. Dans ce monde oublieux, souvenons-nous : «Il ne dort ni ne sommeille, le Gardien d’Israël.»

Etincelles de Machiah

 Le prophète Elie

Le prophète Malachie annonce (3: 22) : « Je vous enverrai le prophète Elie avant que vienne le grand et terrible jour de D.ieu ». En d’autres termes, c’est Elie qui sera chargé de faire savoir que Machia’h arrive. Quel est donc le rapport particulier entre lui et cet événement ?

Il nous est rapporté que le prophète Elie raffina son corps à tel point que, lorsqu’il quitta ce monde, son corps s’éleva également dans le ciel dans une colonne de feu. Un tel état de spiritualisation parfaite est précisément caractéristique de la Délivrance car, en ce nouveau temps, l’aspect physique de l’homme aura atteint ce même degré de parachèvement. Aussi « toute chair verra que la bouche de D.ieu a parlé » (Isaïe 40 : 5). C’est cela qu’incarne, d’ores et déjà, le prophète Elie.

(d’après Likouteï Si’hot, vol. II, p. 160)

Vivre avec la Paracha

 Pin’has

Le petit-fils d’Aharon, Pin’has, est récompensé de son acte zélé qui l’a fait tuer le prince Zimri, de la tribu de Chimon, et la princesse de Midian avec laquelle il avait gravement fauté. D.ieu lui accorde une alliance de paix et la prêtrise.

Un recensement du peuple dénombre 601 730 hommes de vingt à soixante ans.

Moché reçoit les instructions concernant le partage de la terre entre les tribus et les familles d’Israël, sous forme de tirage au sort.

Les cinq filles de Tsélof’had demandent à Moché le droit d’hériter de la terre de leur père, mort sans laisser de fils. D.ieu accepte leur demande et l’incorpore dans les lois d’héritage.

Moché habilite Yehochoua pour lui succéder et mener le peuple vers la Terre d’Israël.

La Paracha se conclut avec une liste détaillée des offrandes quotidiennes et des offrandes additionnelles apportées le Chabbat, Roch ‘Hodech (le premier jour du mois) et lors des fêtes de Pessa’h, Chavouot, Roch Hachana, Yom Kippour, Souccot et Chemini Atsérèt.

L’Alliance de Paix

Dans notre Paracha, D.ieu dit à Moché que Pin’has, fils d’Eléazar, fils d’Aharon le Cohen, a agi pour l’amour de D.ieu et a sauvé d’innombrables vies en tuant Zimri.

Zimri cohabitait avec une Midianite et en le tuant, Pin’has a fait cesser une plaie qui avait tué 24 000 personnes. Pour cet acte, D.ieu le récompensa en en faisant un Cohen, un prêtre : « …Je lui donne Mon Alliance de Paix… »

Cela pose un certain nombre de questions.

Tout d’abord, selon la loi de la Torah, la prêtrise est héréditaire. Or Pin’has n’était pas né Cohen. Pourquoi D.ieu semble-Il donc passer outre Sa propre loi pour faire ce don à Pin’has ?

D’autre part, que signifie le fait que D.ieu ait donné à Pin’has l’Alliance de Paix ? Son acte n’apparaît pas très pacifique !

Enfin, dans ce passage, la lettre Vav du mot Chalom (« paix ») est coupée. En effet, dans son graphisme, elle apparaît comme deux lettres séparées : un Youd en haut et un petit Vav, en dessous. Qu’en apprend-on ?

Gagner la prêtrise

A priori, Pin’has aurait dû être un Cohen. Il était le fils d’Éléazar et le petit-fils d’Aharon, tous deux Cohanim. Cependant, lorsque D.ieu les avait désignés pour ce rôle, Il avait dit : « Tous vos descendants, à partir de maintenant, seront des Cohanim ». Pin’has était déjà né, c’est pourquoi il ne faisait pas partie de ceux qui recevaient ce don Divin. Cependant, D.ieu avait, à l’origine, l’intention de faire de Pin’has un Cohen mais Il voulait qu’il gagne ce privilège.

Comment cela se produisit-il ? Le Rambam définit un Cohen dans des termes spirituels : « Celui qui se dévoue à se tenir devant D.ieu pour diriger et pour servir et suit le droit chemin que D.ieu a créé, il est tout aussi sanctifié que le Saint des Saints (il est comparable au Grand Prêtre). D.ieu devient sa part et son héritage à tout jamais. »

En d’autres termes, quand nous nous consacrons à D.ieu, par des actes de sacrifice de soi, nous pouvons révéler le niveau de Cohen dans notre âme. Ce niveau est synonyme de Ye’hida, le niveau le plus élevé de notre âme.

Le Cohen, la Ye’hida, est également l’étincelle de Machia’h qui se trouve à l’intérieur de chacun d’entre nous.

L’acte de Pin’has constituait un sacrifice de sa personne, transcendant la logique et la sécurité personnelle. Il agit dans un dessein supérieur, dans le seul but de sanctifier le Nom de D.ieu. En révélant sa Ye’hida, il put pénétrer dans la tente, dûment gardée, et frapper de son épée Zimri et la femme midianite, mettant ainsi sa propre vie en danger. C’est pour cet acte de sacrifice de lui-même, agissant comme un Cohen, que, comme l’explique le Rambam, D.ieu le nomma Cohen, et pas seulement dans le nom mais également dans sa fonction.

Unis dans la paix

Le mot Ye’hida signifie « unique » ou « unie ». La Ye’hida est une partie essentielle de l’âme qui est unie et liée au Créateur. C’est l’union de l’humain avec le Divin. Chalom, « la paix » est le fait d’unir deux opposés. Quand nous révélons le niveau Ye’hida de notre âme, nous sommes capables d’unir et d’apporter la paix entre le monde matériel limité et les mondes spirituels infinis.

La lettre Vav, divisée dans le mot Chalom, illustre cette unité. La partie supérieure, le Youd, représente la Divinité et la spiritualité. Le petit Vav, en dessous, dont la valeur numérique est 6 (en hébreu, chaque lettre possède une valeur numérique), représente le monde qui fut créé durant les 6 jours de la Création. Le Youd et le Vav se trouvent réunis en une lettre unique.

Telle est l’implication de l’Alliance de Paix donnée à Pin’has. Il lui fut permis de se mouvoir librement entre les mondes spirituels et le monde matériel. Ainsi, les Pirké dé Rabbi Eliézer affirment que Pin’has est en fait le Prophète Elie, ce qui signifie qu’il est toujours vivant, même aujourd’hui.

Tout cela vient prouver que l’acte de Pin’has, bien qu’apparemment violent, était en réalité un acte de paix et d’unité.

Reconstruire le Temple de la Paix

La Paracha Pin’has tombe toujours au cours des « Trois Semaines », alors que nous portons le deuil de la destruction des premier et second Temples. Quel message Pin’has nous transmet-il durant ces Trois Semaines ? Et comment pouvons-nous reconstruire le Temple ? Nous reconstruisons le Temple en servant D.ieu au-delà de notre zone de confort et ainsi en révélant notre Ye’hida. Il s’agit de devenir un Cohen, pas seulement par le nom mais également par la fonction.

La destruction du Temple soulève une dernière question : pourquoi le Vav est-il divisé, brisé, comme le Temple ? De la même façon, pourquoi Pin’has dut-il agir avec agressivité et non « pacifiquement » ?

La réponse est que bien que nous soyons la dernière génération de l’exil et la première génération de la Rédemption, il se trouve que, malheureusement, le monde n’est pas encore parfait et que nous n’expérimenterons pas de manifestation de la paix avant la Révélation du Machia’h. Le Baal Hatourim explique que la valeur numérique du mot Chalom (376) est la même que celle de l’expression « Zéhou Machia’h », « Voilà le Machia’h ».

Que nous puissions le mériter maintenant.

Le Coin de la Halacha

 Quelques lois concernant le voyage

Dans la mesure du possible, on préférera voyager avec une compagnie juive sauf si la différence de prix est trop importante ou si les dates et heures ne conviennent pas. Bien entendu, on ne s’y efforcera qu’à condition que cette compagnie ne profane pas les lois du Chabbat. Ainsi, on ne voyagera pas immédiatement après Chabbat avec une compagnie juive qui aurait dû transgresser le Chabbat pour préparer l’avion…

Si on voyage vendredi, on devra s’assurer d’arriver à destination (et sortir de la gare et aéroport…) assez tôt pour pouvoir se préparer pour Chabbat.

Si l’aéroport est très éloigné de la ville, on récitera Tefilat Hadére’h (la prière du voyageur) dans la voiture (bus, car…) quand on sort de la ville, avant même d’arriver à l’aéroport. Sinon, on peut la réciter dans l’avion et, si possible, debout. Si on s’arrête une nuit en escale, on répétera Tefilat Hadére’h le lendemain. Rabbi Chnéour Zalman mentionne qu’on récite Tefilat Hadére’h tous les jours après la prière du matin pendant le séjour en dehors de son domicile – mais sans mentionner le Nom de D.ieu.

Quand on doit se laver les mains dans l’avion, on s’efforcera de le faire dans le coin cuisine. Sinon, on s’efforcera au moins d’essuyer les mains en-dehors de la salle d’eau.

On évitera de voyager un jour de jeûne (qui risque de durer plus longtemps), un soir de ‘Hanouccah (il est impossible d’allumer les bougies dans l’avion…).

Si on voyage de nuit, on récitera la prière du « Chema avant de dormir » - même si on n’a pas l’intention de dormir. Au lever du jour, on se lavera les mains rituellement puis on récitera les bénédictions du matin.

(d’après Moked Hahala’ha - Hitkachrout)

Le Recit de la Semaine

 Le téléphone rouge

Dans ma jeunesse, j’avais toujours été intriguée par les récits sur le « téléphone rouge ».

On racontait qu’il existait une ligne téléphonique très spéciale entre la Maison Blanche à Washington (le siège du gouvernement américain) et le Kremlin à Moscou, (siège du redoutable gouvernement soviétique). Cette ligne directe était supposée atténuer les éventuelles tensions entre les deux super puissances de l’époque et surtout éviter une guerre nucléaire accidentelle (si jamais un employé appuyait malencontreusement sur le mauvais bouton, celui qui actionnerait une bombe atomique – à D.ieu ne plaise). Donc un téléphone rouge permettait d’établir une liaison immédiate entre les deux hommes les plus puissants de la planète afin d’empêcher un désastre.

Il semble qu’il fut utilisé pour la première fois juste après le début de la Guerre des Six Jours en juin 1967 – alors que l’URSS était sur le point de décider ou non d’intervenir sur le champ de bataille au Proche Orient – ce qui aurait pu avoir des conséquences terribles.

Il y a quelques jours, j’ai eu le plaisir d’amener mes enfants visiter une salle très spéciale au 770 Eastern Parkway à Brooklyn, la synagogue du Rabbi. Il s’agit de la Salle des Communications, une pièce modeste par ses dimensions mais tapissée de combinés téléphoniques à cadrans – comme ceux que vous avez peut-être observés chez vos grands-parents… Le Rabbi avait une fois remarqué : « De cette pièce ne peuvent sortir que des bonnes choses… ». C’était vraiment le centre nerveux de tout le mouvement Loubavitch - le centre qui transmettait à des dizaines de villes de par le monde en direct les discours du Rabbi. Au début il n’y avait que 30 téléphones mais, par la suite, il y eut 420 lignes qui desservaient près de 600 endroits dans le monde. Grâce à elles, partout, les ‘Hassidim pouvaient écouter en direct les réunions dirigées par le Rabbi et profiter de ses paroles de Torah en « live ». Pour certains il était 21 heures comme à New York, pour d’autres, en Europe et Israël en particulier, il était plutôt trois heures du matin et, en Australie peut-être 9 heures du matin… mais tous ces téléphones répondaient présent dès qu’on annonçait que le Rabbi allait parler.

Rav Hackner, le responsable de cette pièce, se souvient : « C’était impressionnant ! Tous les boutons s’allumaient au fur et à mesure qu’on décrochait le combiné de l’autre côté du monde et avec ces lumières qui scintillaient l’une après l’autre, on pouvait croire que c’était ‘Hanouccah ! Une si petite pièce mais qui diffusait les messages du Rabbi partout dans le monde ! ».

Tant de téléphones tous semblables et pourtant… les yeux de mes enfants (et les miens) étaient fixés sur un curieux téléphone rouge qui dénotait parmi tous ces combinés noirs… De quoi s’agissait-il ? Une ligne directe vers quelque mystérieux correspondant plus important que les autres ? Y avait-il un code spécial à découvrir ?

A la fin de notre visite, notre guide nous expliqua enfin son utilité : à l’époque (non, nous ne parlons pas de la préhistoire mais seulement des années 60, 70…), pour se connecter à l’émetteur central, chaque centre Loubavitch devait appeler WLCC (World Lubavitch Communication Center) pour pouvoir écouter le Rabbi. Mais que se passait-il si, au milieu de la « conversation », la ligne s’interrompait à la suite d’une mauvaise manipulation ou d’un « bug » quelconque ? La ligne resterait occupée et il serait impossible de se reconnecter ! De nos jours, alors que chacun et même chaque enfant ou presque dispose d’un ou plusieurs téléphones, ce genre de situation est difficile à imaginer mais des jeunes gens particulièrement astucieux chez WLCC avaient eu une idée géniale : une ligne téléphonique resterait libre et c’était le téléphone rouge. Si jamais la communication s’interrompait, vous pouviez immédiatement joindre WLCC grâce à ce téléphone de secours et on activerait à nouveau votre ligne !

Ce fut pour moi une leçon extraordinaire : non, ce n’était vraiment pas un téléphone banal - et pas seulement par sa couleur ! Même avec le temps qui file entre nos doigts et les nouvelles technologies qui ne cessent de nous émerveiller, son utilité est éternelle ! Les années ont passé mais nous pouvons toujours rester connecté, nous pouvons toujours réactiver la ligne qui nous lie à notre Source de vie, il ne dépend que de nous de remarquer une faiblesse dans notre attachement à D.ieu et de prendre les mesures qui s’imposent pour le renforcer. Le GPS vous indique la voie à suivre et, si vous n’avez pas écouté ses instructions, il vous donne une option de secours… L’essentiel est de continuer d’avancer, d’utiliser le téléphone rouge s’il le faut car un Juif ne peut ni ne veut être séparé de D.ieu.

Yehoudis Bluming - COLlive

Traduite par Feiga Lubecki