Samedi, 1er décembre 2018

  • Vayéchev
Editorial

 Pour une lumière qui monte

Il y a comme un frémissement dans l’air, cette sorte d’impatience à la fois sourde et puissante qui s’empare de chacun. Parfois, on peine à en déterminer l’origine mais elle est bien présente et, à la réflexion, ne se laisse confondre avec aucune autre : nous venons de vivre le 19 Kislev et sa chaleur, voici venir ‘Hanouccah et sa lumière. De la fête à venir et de ses messages, il sera temps de reparler mais nul ne peut rester indifférent à cette clarté nouvelle qui monte dès à présent.

De fait, après les splendeurs du mois de Tichri et de sa succession de moments spirituels intenses, nous sommes passés dans ce mois de ‘Hechvan aux couleurs de saison, apparemment souvent gris et monotone. Et voici que, brutalement, c’est une autre perspective qui s’impose. Les hommes rêvent toujours aux lendemains qui chantent ; ici, pas de rêve ni de chant mais l’obscurité qui recule devant la toute-puissance de la lumière. C’est précisément cela qu’il convient d’interroger. En effet, ce n’est qu’hier que les ombres semblaient sans rivales et voici qu’elles ont trouvé un élément qui les dépasse, mieux qui les écarte. Au-delà de l’observation matérielle, c’est un véritable message spirituel qui nous est ainsi adressé.

Nous vivons dans un monde sans doute trop souvent obscur. Au fil des impressionnantes avancées techniques, des louables développements produits par le génie humain, c’est parfois un peu d’une ancienne sagesse qui a pu être oubliée. Des idées qui semblaient élémentaires ont rapidement vieilli, sans même que l’on s’en rende vraiment compte. Avec l’individualisation des consciences et des comportements, le cadre moral des sociétés s’est mis à vaciller. Et derrière une devise du type « si la technique l’autorise, au nom de quoi se l’interdire ? », ce sont des pans entiers d’acquis de civilisation millénaires qui se retrouvent bousculés. Une interrogation a dès lors sa place : quel avenir se prépare-t-il ? Donnera-t-il encore place au meilleur de l’humain ? L’imminence de ‘Hanouccah est, en soi, un élément de réponse : la profondeur de l’obscurité ne lui assure jamais une victoire définitive. La loi des choses est que la lumière l’emporte. Celle-ci n’a besoin que de trouver ceux qui la porteront. Cette histoire-là est bien connue du peuple juif, ne l’a-t-il pas souvent vécue ? A nous d’être ces porteurs.

Etincelles de Machiah

 La Techouva au temps de Machia’h

Le Zohar (III, 153b) enseigne : « Machia’h viendra pour que les Justes fassent Techouva ». La définition du « Juste », du « Tsadik » étant précisément qu’il n’a pas commis de faute, pourquoi devrait-il revenir à D.ieu, faire Techouva, en ce nouveau temps ?

En fait, quand Machia’h viendra, c’est un niveau si élevé de la Divinité qui se révèlera que, en comparaison, même le degré le plus haut de la Sagesse Divine sera considéré comme aussi bas que le monde matériel. Du fait de l’intensité et de la grandeur de cette révélation, les Justes ressentiront un sentiment de Techouva. Bien entendu, celui-ci ne correspondra à aucune faute mais à la pure volonté de s’approcher de D.ieu.

(d’après Likoutei Torah, Chir Hachirim, p. 50b)

Vivre avec la Paracha

 Vayéchev

Yaacov s’établit à ‘Hévron avec ses douze fils. Yaacov montre de la préférence pour Yossef, son fils de dix-sept ans, en lui réservant un traitement de faveur, comme le don d’un manteau multicolore, ce qui soulève la jalousie de ses autres fils. Yossef raconte à ses frères deux de ses rêves qui prédisent qu’il est destiné à les diriger. Cela accroît encore leur jalousie et leur haine à son égard.

Chimon et Lévi complotent de le tuer mais Réouven suggère de plutôt le jeter dans un puits. Il a l’intention de revenir le sauver. Alors que Yossef est dans le puits, Yehouda le vend à des voyageurs ismaélites. Les frères font croire à leur père Yaacov que Yossef a été dévoré par un animal sauvage.

Yehouda se marie et a trois enfants. L’aîné, Er, meurt jeune et sans enfant et sa femme est mariée, en lévirat, à son second fils, Onan. Onan pêche et lui aussi est frappé par une mort prématurée. Yehouda se refuse à lui donner son troisième fils. Mais Tamar, déterminée à avoir un enfant de la famille de Yehouda, se déguise et attire Yehouda lui-même. Quand Yehouda apprend qu’elle est enceinte, il la condamne à être exécutée mais devant les preuves, il réalise et reconnaît qu’il est le père. Tamar donne naissance à deux fils jumeaux : Pérets (ancêtre du Roi David) et Zéra’h.

En Egypte, Yossef est vendu à Potiphar, ministre du Pharaon. D.ieu bénit toutes ses entreprises chez Potiphar mais sa femme le convoite et, devant son refus, le fait emprisonner. En prison, il gagne la faveur de l’administration pénitentiaire. Il rencontre le maître échanson et le maître panetier du Pharaon. Il interprète correctement leurs rêves et demande au maître échanson, qui sera libéré, d’intercéder en sa faveur auprès du Pharaon. Mais celui-ci oubliera de le faire.

Un homme saint dans un sac de deuil

« Réouven retourna au puits et voici que Yossef n’était pas dans le puits ; et il déchira ses vêtements. Puis il revint vers ses frères et leur dit : ‘L’enfant n’est plus là ! Et moi, où vais-je aller ?’ » (Beréchit 37 :29-30)

Où était Réouven quand Yossef fut vendu ?...

« Il était absorbé dans son sac de deuil et il jeûnait, se repentait pour sa faute lorsqu’il avait dérangé la couche de son père. » (Rachi)

Dans les bénédictions qu’il adresse à ses enfants avant de quitter ce monde, Yaacov assigne à chacun d’eux son rôle dans la formation du peuple juif. C’est ainsi que les douze fils de Yaacov deviennent les douze tribus d’Israël, dont les vocations individuelles réalisent collectivement la mission d’Israël.

A Yehouda, le quatrième fils, est confiée la mission de la souveraineté et la direction. Selon les mots de Yaacov : « Le sceptre ne partira pas de Yehouda, ni la plume du législateur de ses descendants ; à lui les nations se soumettront jusqu’à la venue de Chilo ». A partir du Roi David, tous les dirigeants légitimes d’Israël, les rois, Nessiim, exilarques, jusqu’à (et y compris) Machia’h (« Chilo ») ont appartenu et appartiendront à la tribu de Yehouda.

Légalement, la royauté aurait dû appartenir à Réouven, l’aîné de Yaacov . Mais il avait péché contre son père, perdant ainsi son droit légitime qui fut dès lors transféré à Yehouda. Pourquoi Yehouda ? Nos Sages mettent en lumière deux qualités chez lui qui lui valurent de mériter de gouverner Israël.

En premier lieu, quand les autres fils de Yaacov complotaient pour tuer Yossef, Yehouda lui sauva la vie : « Quel intérêt aurions-nous à tuer notre frère et à couvrir son sang ? argumenta-t-il. Vendons-le aux Ismaélites et ne lui faisons pas de mal de nos propres mains car il est notre frère, notre propre chair. » Les autres acceptèrent le raisonnement de Yehouda et Yossef fut tiré du puits infesté de serpents, dans lequel il avait été jeté, et vendu en esclavage.

D’autre part, Yehouda reconnut publiquement sa culpabilité dans l’incident avec Tamar, la sauvant, ainsi que les jumeaux qu’elle attendait, de la mort.

Il semblerait pourtant que Réouven ne fût pas moins vertueux que Yehouda. En fait, il apparaît que dans précisément ces deux domaines, les actes de Réouven aient été plus admirables et ses intentions plus pures.

En ce qui concerne le complot visant Yossef, c’est Réouven qui sauva le premier sa vie en suggérant à ses frères de le jeter dans le puits plutôt que de le tuer. Comme en témoigne la Torah, il le fit « pour le sauver de leurs mains (pour qu’il puisse par la suite) le ramener à son père » (Réouven ne savait pas qu’il y avait des serpents et des scorpions dans le puits). La Torah souligne également que Réouven n’était pas présent quand Yossef fut vendu et évoque son choc lorsqu’il ne le retrouva pas dans le puits où il était venu l’en sortir, et les réprimandes qu’il adressa à ses frères pour leur acte.

Yehouda, quant à lui, n’avait fait que suggérer une manière plus « profitable » de se débarrasser de Yossef (la Torah ne mentionne aucune intention cachée) et il fut responsable de sa vente en tant qu’esclave. D’ailleurs, par la suite, on pourra observer les frères accuser Yehouda : « C’est toi qui nous as dit de le vendre. Si tu nous avais ordonné de le ramener (à la maison), nous t’aurions écouté. »

Quant au domaine de la repentance, nous pouvons aussi souligner que Réouven surpassa également Yehouda. Il reconnut lui-aussi son péché pour lequel il se repentit. Mais alors que Yehouda se trouvait devant le choix de reconnaître sa propre responsabilité ou de causer la mort de vies innocentes, aucun facteur contraignant ne se présentait à Réouven. Plus encore, sa repentance ne s’acheva pas une fois qu’il eût admis sa faute mais elle continua à consumer tout son être, durant de très longues années. En fait, c’est là-même la raison pour laquelle il n’était pas présent au moment de la vente de Yossef, neuf ans après le délit originel contre son père, car il était « absorbé dans son sac de deuil et son jeûne ».

La perfection face à l’action

Lorsque l’on s’intéresse aux vertus personnelles, il est indéniable que Réouven surpassait Yehouda, à la fois dans la pureté de ses intentions concernant Yossef et dans l’intensité de sa repentance pour ses erreurs. Mais Yehouda fut celui qui sauva concrètement Yossef alors que Réouven l’avait placé involontairement devant un danger mortel. Dans le même esprit, la repentance de Yehouda sauva trois vies. Alors que les remords de Réouven n’aidèrent personne. Bien plus encore, s’il n’avait pas été concentré sur « son sac de deuil et son jeûne », il aurait peut-être pu empêcher que Yossef ne soit vendu comme esclave.

En fait, Réouven conserva son droit d’aînesse dans tout ce qui lui appartenait en tant qu’individu. Mais il perdit son rôle de chef en négligeant la qualité primordiale d’un dirigeant. Estimant Yossef à l’abri pour le moment, il se précipita pour reprendre ses prières et sa pénitence, oubliant que la préoccupation pour autrui doit prendre le pas sur les recherches personnelles, quelques pieuses et spirituelles puissent-elles être.

Alors que Réouven priait et jeûnait, Yehouda agit. Il gagna la direction d’Israël en reconnaissant que lorsqu’un autre être humain est dans le besoin, il faut mettre de côté toute autre considération et s’impliquer, quand bien même l’on n’ait pas encore soi-même atteint la perfection et que l’on doive encore raffiner son caractère. Un dirigeant doit pouvoir mettre de côté ses aspirations personnelles et se précipiter dans l’action lorsqu’elle est nécessaire pour aider l’autre.

Le Coin de la Halacha

 Quand dit-on Tal Oumatar ?

A partir de mardi soir 4 décembre 2018, on dit « Tal Oumatar » dans la prière de la Amida.

Cette prière pour « la rosée et la pluie » précise que ceci doit être « Livra’ha », pour la bénédiction.

Celui qui a oublié de dire « Tal Oumatar » et s’en souvient avant d’avoir commencé la bénédiction suivante (« Teka Bechofar ») le rajoute alors. S’il a commencé « Teka Bechofar », il rajoute dans la bénédiction « Choméa Tefila » : « Vetène Tal Oumatar Livra’ha Ki Ata Choméa Tefilat Kol Pé… »

S’il l’a encore oublié mais s’en souvient avant « Retsé », il le dit alors. S’il a commencé « Retsé » et s’en souvient avant d’avoir reculé de trois pas à la fin de la Amida, il reprend à partir de « Barè’h Alénou » et continue la suite de la Amida. S’il a oublié après avoir reculé de trois pas, il reprend toute la Amida.

Il convient de louer et remercier le Créateur « pour chaque goutte de pluie » bénéfique, en son temps, qui apporte la bénédiction pour les récoltes, en particulier en Erets Israël.

 (d’après Séfer Hatodaa)

Comment allume-t-on les 6 lumières de ‘Hanouccah

le vendredi après-midi 7 décembre 2018 ?

Il convient, avant l’allumage, de procéder à la prière de Min’ha. On peut allumer à partir de 16h 01 et jusqu’à 16h 39 (horaire de Paris).

Le maître de maison, et éventuellement tous les garçons de la maison, prononceront d’abord les deux bénédictions :

(1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner ‘Hanouccah ».

« Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer les lumières de ‘Hanouccah. »

(2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéassa Nissim Laavoténou Bayamime Hahème, Bizmane Hazé ».

« Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui a fait des miracles pour nos pères en ces jours-là, en ce temps-ci. »

On allumera d’abord la mèche ou la bougie située le plus à gauche puis celle qui la précède, etc… à l’aide de la bougie appelée « Chamach ».

On aura pris soin de mettre assez d’huile dans les 6 godets (ou d’avoir prévu 6 bougies assez grandes) pour durer jusqu’à une demi-heure après la nuit, c’est-à- dire qu'elles doivent brûler jusqu’à environ 17h 49 (heure de Paris). Après l’allumage, on récite « Hanérot Halalou ».

Ensuite, les jeunes filles et les petites filles allumeront leur bougie de Chabbat (après avoir mis quelques pièces dans la boîte de Tsédaka (charité) ; les femmes mariées allumeront au moins deux bougies.

Puis, en se couvrant les yeux de leurs mains, elles réciteront la bénédiction :

« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Chabbat Kodech ».

Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer la lumière du saint Chabbat.

Tout ceci devra être terminé avant 16h 39 (heure de Paris) le vendredi 7 décembre.

Une jeune fille (ou une femme) qui habite seule devra elle aussi procéder d’abord à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah puis des bougies de Chabbat, avec les bénédictions appropriées.

Le Recit de la Semaine

 Une demie pomme de terre

Décembre 2009

C’était le premier ‘Hanouccah depuis que nous étions arrivés à Tioumen en Sibérie pour y remplir la fonction d’émissaires du Rabbi. Nous avions emporté d’énormes valises bourrées de provisions pour au moins les trois premières semaines de notre séjour : de la nourriture cachère, des livres mais aussi des dizaines de ‘Hanoukiot et des centaines de bougies pour la fête de ‘Hanouccah qui approchait. Nous avons atterri tôt le vendredi matin à Tioumen en repérage. On était le 24 Kislev, la veille de ‘Hanouccah.

Ce n’est qu’une fois que nous eûmes rassemblé tous nos bagages que nous avons constaté le problème : les trois énormes caisses dans lesquelles se trouvait tout le matériel prévu pour ‘Hanouccah ne nous avaient pas suivi et traînaient probablement quelque part dans l’aéroport de Moscou. Les fonctionnaires de l’aéroport se sont sincèrement excusés, ont promis que, très certainement, tout arriverait avec le prochain vol depuis la capitale russe. Mais l’hiver sibérien ne nous laissait aucun espoir : Chabbat commence ici à 15h 30 et le prochain avion n’atterrirait certainement pas avant.

C’est promis, je ne recommencerai plus jamais une erreur pareille. Dans ces caisses, il y avait ma ‘Hanoukia personnelle avec des godets, des mèches et de l’huile d’olive. Oui, promis… mais ce genre de résolution ne m’est d’aucune aide en ce moment précis.

Dès l’aube, c’est-à-dire à 10 heures du matin en Sibérie, je suis sorti pour faire les courses : où serait-il possible de trouver de l’huile et, qui sait, peut-être même de l’huile d’olive afin que je puisse allumer au moins la première flamme de ‘Hanouccah ? J’ai inspecté soigneusement les épiceries et grands magasins de la ville alors que je ne sais que bredouiller quelques mots de russe. Au fond, je pouvais me comparer à ces Cohanim du temps de la fête de ‘Hanouccah, qui cherchaient désespérément une fiole d’huile pure dans le Beth Hamikdach, le Temple de Jérusalem qui avait été souillé par les Gréco-Syriens de l’époque.

Comme eux, j’ai eu une chance inouïe : D.ieu merci, au bout de trois heures, j’ai pu rentrer à la maison, chargé de nombreux paquets destinés à nous permettre de passer un Chabbat normal et, surtout, une bouteille d’huile d’olive !

Soulagé, je fis taire les reproches de ma conscience : la Sibérie actuelle est bien différente de la Sibérie « d’alors », telle que nous l’avaient décrite les ‘Hassidim qui avaient été internés dans les camps de Staline ! On y trouve même de l’huile – et de l’huile d’olive en plus !

Quant à la mèche… je n’ose l’avouer : nous avons retiré quelques cheveux de la poupée de notre fille. C’est parfait.

Les aiguilles de la montre continuent d’avancer, il faut bientôt allumer la lumière de ‘Hanouccah. Nous fouillons les armoires de la maison que nous avons louée pour trouver un récipient dans lequel poser l’huile et la mèche. Mais en vain. Absolument rien ! A quoi servira alors l’huile d’olive ? Un récipient ! Et vite !

Dans une demi-heure, ce sera Chabbat. Plus je réfléchis, plus je m’angoisse et je m’affole. Et ma conscience qui recommence à m’agresser : comment ai-je pu être aussi négligent ? Le premier ‘Hanouccah de ma Chli’hout, je suis un émissaire du Rabbi et je me retrouve dans une situation aussi stupide ?

Soudain, comme un éclair, j’ai une idée.

Je me souviens d’un instant très spécial : avant que nous partions en Chli’hout, nos amis se sont rassemblés pour nous encourager. La Sibérie ! Pour les ‘Hassidim plus âgés, ce mot signifie l’horreur, les morts par milliers à cause du travail forcé, la faim, le froid mais aussi le dévouement ultime, la débrouillardise, l’imagination nécessaire pour parer à tous les dangers, pour respecter les Mitsvot coûte que coûte. Retourner en Sibérie ? C’est une folie, non ? « Le’haïm, A la vie ! me souhaite le regretté ‘Hassid Reb Meïr Verzub ; jamais je n’oublierai ce que m’avait raconté ton grand-père, Rav Mendel Gorelik ! Quand il était détenu au Goulag, il ne disposait évidemment pas d’huile d’olive. Durant plusieurs semaines, il avait économisé chaque jour quelques grammes de sa faible ration de margarine ; en guise de mèche, il avait retiré quelques fils de ses pauvres vêtements de prisonnier. Mais comment agir quand il n’y a pas de godets, pas de ‘Hanoukia ? Comme il n’avait pas le choix, il utilisa une pomme de terre qu’il coupa en deux : il creusa la chair avec sa cuillère et voilà ! Le godet parfait pour déposer la margarine et les fils de coton ! Combien il avait été heureux de réciter les bénédictions avant d’allumer sa « ‘Hanoukia » de fortune ! Tel était ton grand-père ! ».

Dans quelques minutes, ce sera Chabbat. « Les actes de nos pères sont un signe pour les enfants », n’est-ce pas ? Au lieu de paniquer, j’ai calmement coupé une pomme de terre en deux, j’y ai creusé un trou (avec un couteau, quel luxe !), je l’ai remplie d’huile d’olive, j’ai récité les bénédictions et j’ai allumé.

Alors que je contemplai la flamme qui dansait dans la pomme de terre, je me suis représenté mon grand-père allumant sa flamme dans (presque) les mêmes conditions… L’histoire se répète : qui aurait cru qu’après soixante années, après la chute du Rideau de Fer et l’effondrement du communisme soviétique, je serais obligé moi aussi d’utiliser une demie pomme de terre ?

Ce fut mon premier ‘Hanouccah en Chli’hout : il faut parfois « semer dans les larmes pour récolter dans la joie » selon les mots du Psalmiste. Cette terre gelée regorge de sang juif versé par de cruels gardiens mais nous pourrons certainement connaître une récolte fructueuse - et dans la joie.

Depuis ce premier ‘Hanouccah, nous avons pu allumer de très belles ‘Hanoukiot, chez des particuliers mais aussi au cours de fêtes en pleine rue, en présence des autorités locales toutes disposées à nous aider à célébrer le miracle de ‘Hanouccah en grand. Nous avons allumé fièrement, en présence de centaines de participants, en chantant et en dansant, en proposant des beignets cachères aux goûts variés, avec des orchestres jouant à tue-tête les chants traditionnels de la fête…

Mais jamais je n’oublierai ce premier ‘Hanouccah car certainement, je n’aurai plus jamais l’occasion d’allumer une flamme dans une demie pomme de terre…

Rav Yerachmiel Gorelik – Chatz Lelo Minyane

Traduit par Feiga Lubecki