Semaine 51

  • Vayéchev
Editorial
Lumière!
La lumière est toujours chose précieuse. De tout temps, c’est autour d’elle que les hommes se sont rassemblés. Elle les attire avec une puissance incomparable car ils savent qu’elle est essentielle à la vie. Lorsqu’au dehors, il fait froid, que l’obscurité semble étouffer les mouvements de la vie, la lumière monte et chasse miasmes de l’inquiétude. Voici justement revenu le temps de la lumière : cette semaine commence la fête de ‘Hanouccah. N’est-ce pas là une célébration étonnante ? Loin des fanfares militaires, que victoire miraculeuse de la petite armée juive sur les puissantes colonnes de l’empire grec justifiait, loin des discours de circonstance, que le rétablissement de l’indépendance du royaume appellerait ‘Hanouccah arrive et, seule, lumière s’élève, noble, pure et indépassable. Dans toutes les maisons juives, les flammèches vont projeter leur éclat, renvoyant, d’une demeure à l’autre, comme lumineux écho. Une fois de plus, les familles se réuniront, enfants se réjouiront et les bénédictions retentiront. Une fois de plus, la lumière aura fait du monde alentour lieu où il fait meilleur vivre, un lieu de chaleur et de sérénité. Le peuple juif a souvent connu de ces périodes, cours de sa longue histoire, où les certitudes d’hier semblent remises en cause. Il a souvent connu ces temps où jour paraît presque avoir perdu de son éclat tant les ombres étendent leur emprise. C’est vrai: des époques, des lieux, des évènements sont parfois moins faciles à vivre. Mais le peuple juif sait voir audelà des troubles de l’histoire. Il sait voir le chemin qui traverse sans jamais se détourner au travers du tumulte des orages qui grondent. sait le voir car c’est sa lumière qui le conduit. Celle qui monte à Hanouccah en est l’expression. Une flamme puis deux et jusqu’à huit vont danser aux branches du chandelier. Leur danse ne sera pas qu’un signe de joie, elle sera, fois, un signe d’espoir et la manifestation d’une vérité essentielle : devant la lumière, l’obscurité ne peut que reculer. Nous sommes les porteurs de cette lumière, sur chandeliers de la fête comme en notre cœur. Afin que vienne enfin le temps de toute Lumière.
Etincelles de Machiah
Le sort des nations

Décrivant le temps de Machia’h, le prophète Isaïe (54 :7) déclare: “Car la nation et le royaume qui ne te serviront pas disparaîtront”. Cette annonce présente évidemment un caractère dramatique cependant elle ne correspond pas à une punition, même méritée.
En effet, à cette nouvelle époque, la réalité de chaque existence apparaîtra. C’est ainsi que tous verront clairement que toute la création, y compris l’ensemble des nations du monde, n’a été créée que pour accomplir la Volonté Divine. C’est dire que le refus de se conformer à cette objectif ultime prive la créature de sa raison d’être.
C’est pourquoi, lorsque le Machia’h viendra, toute créature qui rejettera la fonction pour laquelle elle a été créée, ne pourra que cesser d’exister.
(d’après Likouteï Si’hot, vol. XXIV, p. 161
Vivre avec la Paracha
Vayéchèv : Reouven et Yehouda


Dans les bénédictions qu’il donna à ses enfants avant de quitter ce monde, Yaakov assigna à chacun d’eux une tâche particulière dans la formation du Peuple Juif. Les douze fils de Yaakov devinrent les douze tribus d’Israël dont toutes les vocations individuelles réalisent la mission d’Israël.

A Yehouda, le quatrième fils de Yaakov fut confié le rôle de souverain et dirigeant, dans les mots mêmes de Yaakov: “le sceptre ne quittera pas Yehouda, pas plus que la plume du législateur ne quittera ses descendants; devant lui les nations se soumettront jusqu’à la venue de Chiloh”. Depuis le Roi David, tous les dirigeants légitimes du Peuple Juif : les rois, les nessiim (les princes), les exilarques, et ce jusqu’à Machia’h, ont appartenu et appartiendront à la tribu de Yehouda.

Par le droit, la souveraineté aurait dû appartenir à Reouven, le fils aîné de Yaakov. Mais Yehouda avait péché contre son père, perdant de ce fait son droit qui fut alors transféré à Yehouda. Pourquoi Yehouda ? Nos Sages identifient deux qualités qui lui valurent la position suprême en Israël :
a) Quand les autres fils de Yaakov complotèrent pour tuer Yossef, Yehouda sauva sa vie: “Quel bienfait tirerons-nous en tuant notre frère et en couvrant son sang? , argua Yehouda, vendons-le aux Ismaélites et ne lui faisons pas de mal de nos propres mains, car il est notre frère, de notre chair”. Les autres acceptèrent et Yossef fut sorti du puits infesté de serpents dans lequel il avait été jeté. Puis il fut vendu comme esclave.
b) Yehouda reconnut publiquement sa culpabilité dans l’épisode avec Tamar, sauvant ainsi de la mort elle-même et les deux fils qui allaient lui naître.

Il semblerait toutefois que Reouven ne fut pas moins vertueux que Yehouda. En fait en relation à ces deux domaines, les actes de Reouven furent plus grands et ses intentions plus pures.

En ce qui concerne le complot pour tuer Yossef, ce fut Reouven qui sauva le premier la vie de Yossef en suggérant à ses frères qu’au lieu de le tuer, il était préférable de le jeter dans le puits. Comme l’atteste la Torah, il agit ainsi “pour le sauver de leurs mains et le rendre à leur père” (Reouven ignorait que le puits était rempli de serpents et de scorpions). La Torah témoigne également que Reuven n’était pas présent lorsque Yossef fut vendu et relate son choc lorsqu’il ne le retrouva pas dans le puits alors qu’il était revenu l’en sortir, et ses reproches à l’encontre de ses frères pour l’acte qu’ils venaient de commettre.
Yehouda, quant à lui, ne fit que suggérer une façon plus profitable de se débarrasser de Yossef (la Torah n’évoque pas d’intentions cachées de sa part) et fut responsable de la vente de Yossef comme esclave. En fait plus loin, nous voyons les autres frères accuser Yehouda “C’est toi qui nous as dit de le vendre. Si tu nous avais dit de le ramener [à la maison] nous t’aurions écouté” ( Rachi Beréchit 38:).

En ce qui concerne la pénitence publique de Yehouda, là encore il avait été surpassé par Reouven. Reouven admit également qu’il avait péché et s’en repentit. Mais alors que Yehouda se trouvait devant le choix d’admettre sa responsabilité ou de causer la disparition de trois vies innocentes, dans le cas de Reouven, il ne devait affronter aucun dilemme semblable. Plus encore, sa pénitence ne s’interrompit pas avec la reconnaissance unique de sa culpabilité mais continua à consumer son être tout entier pendant de nombreuses années. En fait, la raison pour laquelle Reouven n’était pas présent lors de la vente de son frère Yossef, neuf années après son méfait contre son père, était qu’“il était occupé, vêtu d’un sac [habit de deuil] et jeûnait”.

Le Rabbi explique qu’en ce qui concerne les qualités personnelles, Reouven dépassait, en effet, Yehouda, à la fois dans la pureté de ses intentions à l’égard de Yossef, et dans l’intensité de sa repentance sur ses manquements.
Mais Yehouda fut celui qui dans les faits sauva Yossef, alors que Reouven sans le vouloir l’avait mis en danger mortel. Dans le même esprit, la repentance de Yehouda sauva trois vies alors que le remords de Reouven n’aida personne ; en fait s’il n’avait pas été préoccupé de son sac de deuil et son jeûne, il aurait pu empêcher que Yossef soit vendu en esclavage.

En fait, Reouven garda ses droits de fils aîné de Yaakov pour tout ce qui le concernait en tant qu’individu. Mais il perdit son rôle de chef en négligeant les préalables essentiels pour cette fonction. Pensant que dans l’instant Yossef était en sécurité, il se précipita pour s’occuper de ses propres prières et de sa pénitence, oubliant que se soucier de son prochain doit toujours prendre la priorité sur ses propres aspirations, quelques pieuses qu’elles soient.

Alors que Reouven pria et jeûna, Yehouda agit. Yehouda gagna la fonction de chef d’Israël en reconnaissant que lorsque l’autre est dans le besoin, a besoin de nous, nous devons mettre de côté nos considérations et nos préoccupations personnelles et nous impliquer. Même si nos motivations manquent de perfection, il est des situations où l’on ne peut se permettre d’attendre.
Le Coin de la Halacha
Comment allume-t-on la première lumière de 'Hanouccah le vendredi soir 19 décembre 2003 et les huit lumières le vendredi 26 décembre 2003 ?

Il convient, avant l'allumage, de faire d'abord la prière de Min'ha. Le maître de maison, et éventuellement tous les garçons de la maison, prononceront d'abord les deux bénédictions (1) “ Barou'h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bemitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Hanouccah ”.
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’Univers qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les lumières de ‘Hanouccah.
et: (2) “ Barou'h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè'h Haolam Chéassa Nissim Laavoténou Bayamime Hahème, Bizmane Hazé ”.
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’Univers qui as fait des miracles pour nos pères en ces jours-là, en ce temps-ci.
(Le vendredi 19 décembre, on ajoutera : (3) : Barou’h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè'h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhigiyanou Lizmane Hazé.
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’Univers qui nous as maintenus en vie, nous as préservés et nous as permis d’atteindre ce moment-ci.
On allumera d'abord la mèche ou la bougie située le plus à gauche puis celle qui la précède, etc… à l'aide de la bougie appelée “ Chamach ”.
On aura pris soin de mettre assez d'huile dans les godets (ou d'avoir prévu des bougies assez grandes) pour durer jusqu'à une demi-heure après la nuit, c’est-à-dire jusqu’à environ 18 h 20 (heure de Paris). Après l'allumage, on récite “ Hanérot Halalou ”.
Ensuite les jeunes filles et les petites filles allumeront leurs bougies de Chabbat (après avoir mis quelques pièces dans la boîte de Tsédaka, charité); les femmes mariées allumeront au moins deux bougies. Elles diront la bénédiction habituelle (“ Barou'h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bemitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Chabbat Kodèche ”).
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière du saint Chabbat.
Tout ceci devra être terminé avant 16 h 36 (heure de Paris) le 19 décembre et avant 16 h 39 le 26 décembre.
Une jeune fille (ou une femme) qui habite seule devra elle aussi procéder d'abord à l'allumage des lumières de 'Hanouccah puis à celui des bougies de Chabbat, avec les bénédictions appropriées.

F. L.
De Recit de la Semaine
“ Il reverra la lumière… ”

Il y a quelques années, un médecin du sud de France m’a téléphoné. Sa petite-fille avait contracté une maladie qui décontenançait les praticiens français. Il avait lu quelques-uns de mes articles dans la presse médicale à propos des troubles du système nerveux. Il semblait que les symptômes de sa petite-fille correspondaient aux pathologies que je décrivais et il me demandait de l’aider.
Durant plusieurs mois, je correspondais donc par téléphone et par fax avec les médecins français, ce qui permit d’orienter leur diagnostic. Je prescrivis alors le processus thérapeutique et, en quelques semaines, la santé de l’enfant fit des progrès spectaculaires. Ses grands-parents exprimèrent leur sincère gratitude et me demandèrent de les contacter si jamais j’avais l’occasion de me rendre en France.
En été 1996, je fus invité à diriger une conférence devant un important congrès scientifique à Nice. J’envoyai donc une lettre au médecin que j’avais conseillé des années auparavant et nous décidâmes, à mon arrivée, de passer ensemble une soirée chez lui.
Au jour dit, il vint me chercher à l’hôtel et m’emmena chez lui, dans la splendide campagne du sud de la France. Il était étonnant de constater que sa maison était plus ancienne que les Etats-Unis ! Durant le voyage, il m’annonça que sa femme souffrait d’une grave maladie qui, petit à petit, s’étendait à tous les organes mais elle avait insisté pour me rencontrer. Quand nous arrivâmes, je remarquai de suite que, malgré l’épreuve, elle était restée une femme belle et digne.
Après le dîner, nous avons pris un digestif dans leur salon du 17ème siècle et nous avons bavardé dans un mélange d’anglais, de français et d’espagnol.
A un moment donné, la femme me demanda : “Mon mari affirme que vous êtes juif. Est-ce vrai?”
“Oui, répondis-je, je suis juif”.
Ils me posèrent diverses questions sur le judaïsme, surtout sur les fêtes. Je répondis de mon mieux, mais j’étais étonné du peu de connaissances de base qu’ils avaient à ce sujet. Elle semblait particulièrement intéressée par ‘Hanouccah. Une fois que j’eus achevé de répondre à ses questions, elle me regarda droit dans les yeux et me dit: “Je veux vous remettre quelque chose”.
Elle revint quelques minutes plus tard avec un petit paquet enveloppé dans un chiffon. Elle s’assit, ses yeux las plantés dans les miens et raconta lentement un épisode de son enfance: “Quand j’étais une petite fille de huit ans, durant la Seconde Guerre mondiale, les autorités envahirent notre village pour rafler tous les Juifs. Ma meilleure amie à l’époque était une fille de mon âge, Jeannette. Un matin, alors que je venais jouer avec elle, j’aperçus qu’elle et sa famille étaient forcées de monter dans un camion. J’ai couru à la maison et j’ai annoncé à ma mère ce qui se passait: “Où emmène-t-on Jeannette?” lui dis-je anxieusement. “Ne t’inquiète pas, répondit-elle, elle reviendra bientôt!”
Je retournai vers la maison de Jeannette et consternée, je fus forcée d’admettre qu’elle était bel et bien partie. Les autres villageois avaient déjà envahi la maison, et recherchaient avidement des objets précieux ou d’une quelconque utilité, tout ce qu’ils pouvaient récupérer. Les objets de culte juif ne les intéressaient pas et ils les jetaient dans la rue. Je me suis approchée et j’ai ramassé un de ces objets ; je l’ai immédiatement reconnu, c’était un chandelier à huit branches que Jeannette et sa famille allumaient aux alentours de notre fête du 25 décembre.
Je me suis dit, avec ma logique de petite fille : je vais le garder pour Jeannette jusqu’à ce qu’elle revienne, elle sera contente de le retrouver ”.
Elle s’arrêta et prit une gorgée de brandy. “Depuis ce jour, je l’ai gardé. Je l’ai caché de mes parents et nul n’en a soupçonné l’existence. De fait, depuis cinquante ans, seul mon mari est au courant.
“Petit à petit j’ai compris ce qui était arrivé aux Juifs, que ni Jeannette ni ses parents ne reviendraient jamais. J’ai aussi été forcée de constater combien de personnes que j’ai connues ont, de fait, participé au génocide perpétré par les Nazis; je n’avais plus le courage de regarder ce chandelier. Mais je l’ai gardé, caché, en attendant quelque chose, je ne savais pas quoi exactement. Maintenant je sais ce que j’attendais. C’était vous, un Juif, qui avez activement aidé à la guérison de notre petite fille et c’est à vous que je remets ce chandelier”.
Ses mains tremblantes déposèrent le paquet sur mes genoux. Lentement, j’enlevais le tissu qui l’enveloppait. C’était une Ménorah, mais totalement différente de toutes celles que j’avais vues jusqu’à présent. Elle était en cuivre, avec huit godets pour l’huile et les mèches et un neuvième godet au centre, placé plus haut. Il y avait une sorte d’anneau attaché au sommet et la femme mentionna qu’elle se souvenait que le père de Jeannette l’avait accroché dans l’entrée de leur maison.
Ce chandelier devait être très vieux. Par la suite, des gens qui s’y connaissaient en Judaïca estimèrent qu’il avait au moins un siècle.
Alors que je le tenais dans mes mains en pensant à tout ce qu’il représentait, je me mis à pleurer. Tout ce que je pus murmurer, ce fut un “merci” étouffé.
Quand je pris congé, elle me dit: “Il verra encore une fois la lumière…”
J’appris par la suite qu’elle mourut moins d’un mois après cet épisode. Elle avait certainement été soulagée d’avoir pu être fidèle à la mémoire de son amie Jeannette, qui n’était jamais revenue.
Ce ‘Hanouccah, la Ménorah de Jeannette reverra la lumière. Tandis que j’allumerai les mèches devant ma famille réunie, nous dirons tous ensemble une prière spéciale pour la mémoire de tous ceux qu’elle représente. Nous ne laisserons plus la lumière du judaïsme s’éteindre. “Il reverra la lumière…”

Dr Blair P. Grubb
traduit par Feiga Lubecki