Yaakov est décrit comme «l’élu des Patriarches». Parmi les multiples caractéristiques qui le distinguent des autres Patriarches, se détache la postérité qu’il laissa après lui. «D’Avraham descendit Ichmaël et d’Its’hak descendit Essav» (Vayikra Rabbah 36 :5), c’est dire que leur sainteté n’engloba pas tous leurs enfants.

A ce propos d’ailleurs, l’expression hébraïque employée est significative. En effet, le mot pour «descendit», miméno yatsa, signifie littéralement : «il sortit de lui». En d’autres termes, Ichmaël et Essav détachèrent les liens qui les attachaient à Avraham et à Its’hak.

Par contre, en ce qui concerne Yaakov, il est dit : «sa postérité était parfaite» : la sainteté de Yaakov notre Patriarche enveloppa tous ses descendants.

Il est vrai qu’en ce qui concerne son fils Réouven, il est dit : «Il profana la couche de son père» (Rachi, Beréchit 35 :22). Cependant, nos Sages déclarent que cela ne signifie pas qu’il commit une faute. «Quiconque dit que Réouven pécha parle de toute évidence de façon erronée» (Chabbat, 55b). Il défendait l’honneur de sa mère.

Et il reçut malgré tout l’entier héritage spirituel de Yaacov, et même davantage encore que ses frères, comme l’affirme à son propos le texte : «Plus grand en position et en puissance» (Beréchit 49 :3). Même à un moment de défaillance, il est décrit comme «le premier-né de Yaacov».

La qualité unique de la postérité de Yaacov nous permet de comprendre les paroles du Talmud (Bava Metsia 84a) : «la beauté de Yaacov est comparable à la beauté d’Adam, le premier homme». En Adam étaient incluses toutes les âmes des futures générations. C’est pourquoi, chacun de ses actes affecta l’humanité dans son intégralité. Si bien que le déclin spirituel dont il souffrit par la faute de l’Arbre de la Connaissance apporta un déclin pour toutes les générations qui allaient suivre.

De la même façon, Yaacov possédait «la beauté d’Adam», c’est-à-dire qu’il possédait également en lui toutes les âmes des générations à venir. Ainsi tous ses accomplissements positifs affectèrent également ses descendants car «un attribut positif est encore plus puissant que l’attribut du châtiment» (Yoma 76a).

Donner la force à ses descendants

Les récits de la Torah ne sont pas de simples chroniques historiques mais servent de leçons dans notre service Divin. Cela est tout particulièrement vrai en ce qui concerne «les actes de nos Patriarches» qui servent de «signe pour leurs descendants». De ce que nous venons de voir, il apparaît clairement que tous les événements décrits par la Torah dans la vie de Yaacov contiennent une signification encore bien plus profonde car elles se propagent dans les âmes du Peuple Juif tout entier et sont toutes incluses dans son âme. Les récits de la Torah concernant Yaacov montrent la voie et donnent la force aux âmes de ses descendants, se révélant dans ce monde matériel.

Une mission et ses fruits

Dans la Paracha Vayétsé, la Torah relate que Yaacov quitta Beer Cheva en Erets Israël pour se rendre dans la maison de Lavan, à ‘Haran. Au début de son voyage, «il rencontra l’endroit» (Beréchit 28 :11). Par la suite, la Torah décrit son arrivée chez Lavan où il travaillerait vingt ans, se marierait et élèverait une famille. Et la Paracha de conclure avec son retour en Erets Israël où cette fois-ci, il fut «accueilli par des anges de D.ieu» (Beréchit 32 :2).

Quelle leçon pouvons-nous tirer de ces événements ?

La mission de chaque Juif est de quitter Erets Israël et «les tentes de Chem et Ever» (les académies de Torah où Yaacov avait étudié avant son départ pour ‘Haran (Rachi, Beréchit 25 :27, 28 :9)), c’est-à-dire l’environnement confortable de l’étude de la Torah, car le but de la Torah est de «conduire à l’action». Cela implique «aller à ‘Haran», un lieu associé à «la colère de D.ieu», aller dans le cœur même du profane. Là, on rencontre Lavan l’araméen et notre service consiste à élever les étincelles de Divinité qui s’y trouvent. C’est dans un tel environnement que le Juif doit établir «une progéniture parfaite».

Si nous suivons ce cours des actions, le «voyage à ‘Haran» n’implique pas de véritable descente. Mais au contraire, «l’homme rencontrera un succès prodigieux», tant dans les sujets matériels que spirituels. Et en dernier ressort, quand il retournera en Erets Israël, il y sera «accueilli par les anges de D.ieu».

Le Zohar oppose le départ de Yaacov pour ‘Haran avec son départ pour Erets Israël. Il explique : avant que Yaacov ne parte pour ‘Haran pour y travailler et élever sa famille, il est écrit : «il rencontra l’endroit ». Bien qu’il eût étudié beaucoup de Torah dans l’Académie de Ever, c’est lui qui voyagea et chercha «l’endroit», c’est-à-dire le lieu où se révéla à lui la Divinité. Plus encore, cette révélation ne survint que dans un rêve.

Après avoir accompli sa mission à ‘Haran, il fut «accueilli par les anges de D.ieu». Les anges et D.ieu Lui-même, pour ainsi dire, lecherchèrent. Et cette révélation ne se produisit pas dans un rêve mais alors qu’il était pleinement éveillé.

La même chose s’applique à chaque Juif. Tant qu’il reste en «Erets Israël», c’est-à-dire impliqué dans des sujets de spiritualité, dans ses propres préoccupations, il peut atteindre de très hauts niveaux mais jamais ceux auxquels il parvient après son «voyage à ‘Haran», où il a travaillé dans le monde, attiré d’autres Juifs à leur héritage et les a rattachés à leur identité juive.

Mais une fois qu’il a accompli sa mission, son service Divin lui permet alors d’attirer une plus grande lumière «car la descente d’En-Haut» qui suit une «ascension d’en-bas» est supérieure et il est accueilli par «des anges de D.ieu».

(Adapté de la Si’ha du 3 ‘Hechvan 5721)