Le début de la Paracha de cette semaine «quand Pharaon renvoya la nation…» soulève une question évidente : pourquoi Pharaon est-il présenté comme l’agent actif de l’Exode ? Jusque là, il avait été celui qui empêchait les Juifs de quitter l’Egypte. Pourquoi lui attribue-t-on soudain le crédit de les avoir renvoyés ?

La réponse à ces questions porte sur un champ plus large : pourquoi D.ieu crée-t-Il a priori des pharaons ? Il est sûr que la cruauté et la barbarie dont se rendit coupable Pharaon étaient le résultat de son propre choix. D.ieu ne l’avait pas créé inhumain, pas plus qu’Il ne l’obligea à opprimer les Juifs. Mais D.ieu lui donna l’opportunité ainsi que l’inclination pour agir ainsi. S’Il ne l’avait pas voulu, Il aurait créé un Pharaon différent ou ne l’aurait pas créé du tout.

Certains avancent que c’est simplement ainsi que va le monde. Le monde possède ses pharaons. Tout ce que nous voyons n’est pas rose.

Mais cela va à l’encontre du fondement-même de notre foi. Il ne peut rien y avoir au monde que D.ieu ne désire car Il a créé le monde à partir d’un néant absolu. Il n’existe rien qu’Il aurait été obligé de permettre dans le monde. Ainsi, tout ce qui existe l’est parce qu’Il a choisi que cela existe.

Nous revenons donc à notre question : pourquoi créé-t-Il des pharaons ?

La réponse ultime est : pour que Pharaon puisse envoyer les Juifs d’Egypte.

Pharaon n’est pas censé être mauvais ou malveillant. Il existe plutôt pour aider les Juifs à parvenir à la Rédemption. Mais il existe certaines entités qui expriment d’emblée leur intention positive et d’autres, comme Pharaon, pour lesquelles un effort et même une transformation sont nécessaires avant que leurs qualités ne fassent surface.

Il n’est rien dans le monde de D.ieu qui n’ait pas été créé pour le bien. Il est le bien et Il ne peut faire quoi que ce soit qui ne soit bien.

Mais il n’est pas toujours apparent que tout ce qu’Il fait est bien et, dans ces situations, Il invite le Peuple Juif à travailler avec Lui pour faire jaillir ce bien à la surface. Il fera sa part du travail mais il faut qu’il y ait un agent, ici sur terre, qui Lui serve de représentant et s’efforce de faire avancer Son dessein. C’est là le rôle qu’Il a confié au Peuple Juif : affronter Pharaon, et tous ceux qui lui ressemblent, et faire sortir le bien que D.ieu a placé en eux.

Ce n’est pas toujours facile, parce que face à des pharaons, nous risquons d’être blessés. Mais ce qui vient en dernier ressort est la satisfaction d’être le partenaire de D.ieu dans la création, c’est-à-dire que nous avons joué notre part pour aider à ce que la vision divine d’un monde idéal devienne une réalité.

En fait, cela implique beaucoup plus que la satisfaction. Finalement, Pharaon renvoie les Juifs et devient l’agent actif de la Rédemption parce que c’est précisément pour cela qu’il a été créé. Il peut rechigner, protester et le combattre mais il finira par accomplir son objectif parce qu’il n’a comme choix que de faire ce pourquoi il a été créé.

Il en va de même pour le Juif. Il peut ne pas apprécier le fait qu’il a été choisi comme agent de D.ieu pour être «une lumière pour les nations». Il peut préférer une tâche plus facile, moins exigeante. Mais il doit réaliser que c’est cela la raison pour laquelle il a été créé. Et si tel est son but, c’est par la réalisation de ce but qu’il trouvera son véritable accomplissement.

Voir l’horizon

Nos efforts pour raffiner Pharaon et ceux qui lui ressemblent sont également orientés vers l’avenir. L’une des prophéties citées par Maïmonide, en ce qui concerne la Rédemption, est : «Je rendrai les nations pures dans leur parole si bien qu’elles invoqueront le Nom de D.ieu et Le serviront dans un but unique». Et il continue : «A cette époque, la préoccupation du monde entier [c’est-à-dire des non-Juifs comme des Juifs] sera exclusivement de connaître D.ieu.»

Car la Rédemption ne concernera pas seulement le Peuple Juif. Au contraire, le but est que la révélation de la Divinité qui imprégnera cette ère soit appréciée par toute l’humanité.

Dans l’attente de cette révélation, les efforts doivent se multiplier pour raffiner la conduite de toutes les nations et pas simplement celle du Peuple Juif. Dans cette perspective, il est significatif qu’immédiatement avant de décrire la Rédemption future, Maïmonide évoque les Sept Lois Universelles* commandées à Noa’h et à ses descendants. Cela implique que la connaissance et la pratique de ces lois universelles hâtent la venue de la Rédemption. Car la Torah n’est pas seulement un guide pour le Peuple Juif mais sert de panneau indicateur pour toute l’humanité, la dirigeant sur la voie d’une existence plus signifiante.

*Les sept lois de Noa’h commandent :

L’obligation d’établir des institutions judiciaires

L’interdiction du blasphème du Nom divin

L’interdiction de l’idolâtrie

L’interdiction du meurtre

L’interdiction  des unions interdites

L’interdiction du vol

L’interdiction de consommer de la viande arrachée à un animal vivant.

La liste de ces lois est énoncée dans le traité Sanhedrin 56b