Le nom de cette Paracha, Vaye’hi, signifie : «il vécut». Il se réfère à la façon dont Yaacov passa les dernières années de sa vie en Egypte. Nous savons bien que le nom d’une Paracha exprime son contenu dans son intégralité, nous nous attendons donc à ce que celle qui se dénomme «il vécut» soit entièrement consacrée au récit des événements importants de la vie de Yaacov. Or, il n’en est rien ! Cette Paracha est consacrée à tout le contraire, à tout ce qui va conduire à la mort de Yaacov et à ses conséquences. C’est ici que nous voyons Yaacov donner ses dernières bénédictions à ses fils et ses petits-fils, émettre son dernier souffle et être enterré dans la grotte de Ma’hpélah. Tous ces événements sont suivis par le récit de la mort de son fils préféré et successeur désigné, Yossef. La Paracha Vaye’hi nous rappelle ainsi la Paracha ‘Hayé Sarah, «la vie de Sarah», bien qu’elle fut centrée sur les événements qui eurent lieu juste après sa mort.
Comme cela s’avérait à propos de Sarah, nous n’atteignons la vie réelle que lorsque nos idéaux survivent en ceux qui viennent après nous. Il est donc paradoxal que tant que nous sommes physiquement présents, il n’est pas tout à fait sûr que nous soyons réellement «vivants», que la preuve de la vraie vie ne vienne qu’après la mort. Si nos descendants restent fidèles aux valeurs que nous leur avons transmis, il devient alors rétroactivement clair que nous étions également «vivants» durant notre temps de vie. Sinon, il s’ensuit alors que, même vivants, nous étions essentiellement «morts».
Cette perspective aide à expliquer pourquoi, ici, dans la Paracha Vaye’hi, la mention de la Torah quant à l’âge de Yaacov est précédée par la phrase : «Yaacov vécut dix-sept ans en Terre d’Egypte». Dans la Paracha ‘Hayé Sarah, il n’existe aucune phrase introductive en ce qui concerne l’âge de Sarah au moment de sa disparition. On nous informe simplement de son âge au moment de sa mort. Le fait que Yaacov passa dix-sept ans en Terre d’Egypte, avant de quitter ce monde, années, nous précise-t-on, qui furent les meilleures de sa vie, remplies de réelle satisfaction à la vue de ses enfants et ses petits-enfants loyaux à ses idéaux, prouve qu’il était réellement «vivant» durant sa vie. Le fait qu’il réussit à garder indemne sa propre spiritualité dans l’environnement corrompu et idolâtre de l’Egypte et qu’il put élever ses enfants et ses petits-enfants pour qu’ils en fassent de même, atteste qu’il était réellement «vivant» pendant sa vie.
En fait, Yaacov survécut de façon si tangible dans la vie de sa progéniture que la Torah n’utilise même pas le verbe «mourir» quand elle relate sa mort. Elle se contente de signaler qu’il arrêta de respirer et le Talmud assure donc que, dans son essence, Yaacov ne mourut pas !
Plus encore, comme nous le verrons par la suite, la mort de Yaacov indiqua l’amorce d’une descente qui allait se conclure par l’esclavage physique de ses descendants. Le fait que le Peuple Juif restât fidèle à l’héritage de Yaacov même dans des circonstances si dévastatrices est une preuve supplémentaire que sa mort était une véritable indication que non seulement il était vivant durant sa vie mais qu’il continua à l’être même après !
Comme nous l’avons vu, dès sa jeunesse, Yaacov fut un érudit en Torah parfait. Tout en absorbant la connaissance renfermée dans la Torah, il s’imprégna également de sa qualité de transcendance, de son essence divine qui la rend profondément, universellement et éternellement pertinente dans tous les aspects de la vie. C’est ce qui lui permit de surmonter toutes les vicissitudes de la vie, de faire de tous ses fils des Sages malgré leurs personnalités différentes et d’assurer que les années qu’il passerait en Egypte seraient les meilleures. La Torah, incorporant la volonté et la sagesse de D.ieu, est la Vérité. L’étude de la Torah est donc la poursuite de la Vérité. Et c’est la raison pour laquelle, par extension, se dévouer à la Torah signifie une dévotion sans compromis à la Vérité. La Torah était la clé de Yaacov pour la vie éternelle car la Vérité est, par définition, éternelle.
La leçon de la Paracha est donc que nous pouvons également surmonter toutes les tribulations restantes de l’exil, élever nos enfants de telle sorte qu’ils restent fidèles à leur héritage, puissent jouir de toutes les bénédictions d’abondance spirituelle et matérielle et surtout avoir un avant-goût de la douceur du futur messianique, même encore en exil, par l’étude de la Torah et l’accomplissement de ses commandements.
Il est donc adéquat que le premier livre de la Torah s’achève avec le message de Vayé’hi : «il vécut». Le rideau se ferme sur les fondements établis par nos Patriarches et nous prépare à assister à la maturation de leur progéniture qui va devenir un peuple à part entière, peuple qui assumera le rôle de «royaume de nobles et nation sainte». La Paracha Vaye’hi sert également à nous rappeler que le livre de Beréchit n’est pas simplement de la littérature, un hommage sentimental ou partisan à nos ancêtres nationaux, qui, aussi impressionnants qu’ils aient pu être, sont morts, appartenant au passé et donc dépassés. Non, ils sont vivants, vraiment vivants et ce n’est qu’en s’identifiant à leurs aspirations et en intériorisant leur héritage, en y restant loyaux, que nous aussi pouvons être réellement vivants. Tant que nous restons en exil, nous continuons à être interpelés par les séductions éblouissantes de la «pseudo vie» qui nous entoure (et qui est en nous). Mais la Torah est «Torah de vie» nous défiant éternellement de résister à ces tentations et de «choisir la vie», en accomplissant les commandements de D.ieu et transformant ainsi notre vie et le monde environnant en une Résidence pour D.ieu, la véritable «source de vie».