Le verset Emor 23, 10 dit : «Vous apporterez l'Omer(1), début de votre récolte, au Co-hen». C'est dans cette Paracha(2) que la Torah ordonne deux sacrifices d'offrande que l'on apportait dans le Temple, l'offrande d'Omer que l'on apportait à Pessa'h et l'offrande des deux pains, qui étaient pour la fête de Chavouot.

C'est le sacrifice de l'Omer qui autorisait la consommation de la nouvelle récolte de céréales. Avant cette offrande, en effet, elle était déclarée 'Hadach, «nouvelle» et il était alors interdit d'en consommer.

En revanche, il restait interdit, même après avoir offert le sacrifice de l'Omer, d'apporter dans le Temple des offrandes constituées de la nouvelle récolte. Il était encore nécessaire, pour cela, d'offrir, au préalable, les deux pains de la fête de Chavouot.

Pour autant, il existe une différence entre les deux interdictions. Une offrande de la nouvelle récolte offerte avant l'Omer est disqualifiée, alors que celle qui est offerte avant les deux pains est acceptable, a posteriori, bien qu'a priori, il soit interdit de l'apporter(3).
Les ouvrages de Hala'ha donnent plusieurs explications à propos de cette différence(4), mais l'on peut en donner également une interprétation plus profonde, basée sur la signification morale de ces deux sacrifices.

L'offrande d'Omer est constituée d'orge(5) et les deux pains, de blé(6). L'orge est considéré comme un aliment pour les animaux(7), alors que le blé est un aliment des hommes. Et, le sacrifice effectué sur l'autel symbolise l'offrande au Saint béni soit-Il, par l'homme, des différentes parties de son âme.

Par l'offrande de l'Omer, qui est une nourriture animale, l'homme donne au Saint béni soit-Il l'animal qu'il porte en lui, son âme animale. A l'inverse, l'offrande des deux pains, une nourriture humaine, représente la partie la plus haute de l'homme, son âme divine.

Cette distinction nous permettra de comprendre l'interdiction de consommer la récolte nouvelle avant d'avoir offert l'Omer. En effet, tant qu'un homme n'a pas transformé son âme animale, il ne peut pas encore transformer le monde, tout autour de lui(8).

L'homme qui lui-même ne s'est pas transformé ne peut pas exercer son influence sur son entourage. Bien plus, il risque de connaître la chute(9). Seul celui qui se soumet pleinement au Saint béni soit-Il et se pénètre de l'idée que l'activité dans les domaines du monde doit nécessairement être consacrée au service de D.ieu a le pouvoir de conduire le monde à la perfection.

Toutefois, même après avoir offert l'Omer et transformé son âme animale pour le Saint béni soit-Il, une sanctification supplémentaire reste encore nécessaire. Il faut offrir à D.ieu également son âme divine, pour être en mesure de Lui présenter un sacrifice sur l'autel(10).

C'est la raison pour laquelle il reste encore interdit d'introduire la récolte nouvelle dans le Temple, jusqu'à l'offrande des deux pains, à Chavouot, car c'est elle qui symbolise la sanctification de l'âme divine.

On peut ainsi comprendre pourquoi l'interdiction d'une offrande constituée de la récolte nouvelle, avant l'Omer, est absolue, y compris a postériori, alors qu'avant l'offrande des deux pains, cela n'est interdit qu'a priori, mais non a posteriori.

Avant qu'un homme soumette son âme animale au Saint béni soit-Il, non seulement il n'est pas en mesure de Lui offrir un sacrifice, mais, plus encore, celui qui agit de la sorte peut tomber très bas, quand il se consacre à ses activités matérielles.

En revanche, dès lors qu'il a offert à D.ieu son âme animale, à travers le sacrifice de l'Omer, la nécessité de faire un sacrifice également de son âme divine a seulement pour objet d'atteindre une plus haute perfection, dans son service de D.ieu.

C'est la raison pour laquelle, même s'il est nécessaire, a priori, d'attendre le sacrifice des deux pains, un tel sacrifice reste effectivement acceptable, a postériori, car un tel homme a déjà acquis la sainteté fondamentale du sacrifice de l'Omer(11).

(Discours du Rabbi, Likouteï Si'hot, tome 32, page 134)

(1) Une mesure d’orge, dans le Temple.
(2) A partir du verset 23, 10 et dans les versets suivants.
(3) Selon le traité Mena’hot 68b, dans la Michna.
(4) On verra, notamment, à ce propos, les ‘Hidouchim qui sont attribués au Rachba, dans le Assifat Zeké-nim, à cette référence du traité Mena’hot, le Taharat Ha Kodech, à la même référence du traité Mena’hot, le Sfat Emeth, à la même référence du traité Mena’hot et la longue explication du Tsafnat Paanéa’h sur les Lois des vœux, à la page 8d et sur les Lois des dons aux pauvres, à partir de la page 38c.
(5) Comme l’indique la Michna, au début du second chapitre du traité Sotta et dans le traité Mena’hot 68b.
(6) Chemot 34, 22 et commentaire de Rachi, à cette référence.
(7) Selon le traité Sotta, au début du chapitre 2 et l’on verra aussi le traité Pessa’him 3b.
(8) Bien au contraire, il ne peut alors que lui apporter la chute, car il en fera le terrain de la satisfaction de ses passions.
(9) A titre personnel, en plus de la chute de son entourage.
(10) A l’intérieur du Temple, dans un stade de sainteté accrue.
(11) Qui permet que son action soit fructueuse.