Le verset Vaygach 44, 18 dit : «Yehouda se présenta devant lui(1)». On sait que le nom d'une Paracha de la Torah est une indication sur son contenu. C'est la raison pour laquelle ce nom est parfois son premier mot, parfois le second ou le troisième, parfois même un mot de son second verset(2). En l'occurrence, le contenu profond de la Paracha et toutes les idées qui la constituent apparaissent dans le mot Vaygach, «il se présenta».

Cette Paracha relate des événements divers et variés, l'intervention de Yehouda en faveur de Binyamin, la rencontre au cours de laquelle Yossef se fit reconnaître par ses frères, la descente et l'installation de Yaakov et de ses fils en Egypte. Cependant, quand on s'approfondit sur la signification profonde de tous ces événements, on observe un point commun à tous, qui est exprimé par le mot Vaygach(3).

Le mot Vaygach, «il se présenta», évoque une rencontre, un contact physique entre deux personnes, permettant de les réunir. A cette rencontre entre Yehouda et Yossef, nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, appliquent les termes du verset(4) : «Voici que les rois se sont réunis»(5). Le Zohar(6) explique : «il y eut alors un rapprochement entre un monde et l'autre. Ils s'unifièrent pour ne former qu'un».

Cette idée apparaît encore plus clairement dans la Haftara, dont on sait qu'elle a pour objet de préciser le sens de la Paracha. En l'occurrence, la Haftara présente la rencontre la plus parfaite entre Yehouda et Yossef, qui se produira dans le monde futur, lorsque se réalisera l'unification totale entre le royaume de Yehouda et celui de Yossef(7).

La Haftara indique, à ce propos : «Prends pour toi une branche et écris sur elle : pour Yehouda... et prends une branche et écris sur elle : pour Yossef... et elles ne feront qu'une dans ta main(8)». Puis, cette Haftara se conclut par : «je ferai d'eux un seul peuple... et il n'y aura qu'un seul roi pour tous(9)».

Il est donc bien clair que l'objet de cette Parchat Vaygach et de son nom est de rétablir l'unité, là où règne la discorde. C'est le contenu de toute cette Paracha. Ainsi, Yehouda fit don de sa propre personne pour sauver Binyamin. Il exprima, de cette façon, l'unité profonde qui régnait désormais entre lui et ses frères, alors qu'au préalable, ils se querellaient et avaient été jusqu'à vendre Binyamin. Puis, dans la suite de cette Paracha, Yossef se fit reconnaître par ses frères et tous les douze s'unifièrent encore une fois, effaçant la trace de tout ce qui les avait divisés, au préalable. C'est précisément cette unification qui donne la force de parvenir à celle, pleine et entière, que l'on atteindra avec la venue du Machia'h(10).

La suite de la Paracha exprime encore une fois la notion d'unité. On observe, en effet, que Yaakov descendit en Egypte et que les enfants d'Israël s'installèrent dans ce pays, afin de mettre en évidence l'Unité de D.ieu dans un endroit qui était, jusqu'alors, séparé du domaine de la sainteté, au point d'être : «l'abomination de la terre»(11), ou encore, selon l'expression de nos Sages(12), dont la mémoire est une bénédiction : «les plus corrompus d'entre les nations». L'idolâtrie y régnait. Yaakov et ses fils se rendirent précisément dans un endroit aussi bas, afin d'y mettre en évidence le D.ieu unique.

Ainsi, la Parchat Vaygach souligne que l'unité est la valeur la plus fondamentale du peuple d'Israël, le début du service de D.ieu et son aspect essentiel. De fait, on connaît l'usage(13) qui consiste à dire, avant la prière du matin : «J'accepte l'Injonction d'aimer mon prochain comme moi-même(14)». C'est également la finalité ultime de ce service de D.ieu, qui doit permettre de mettre en évidence l'Unité de D.ieu au sein de la création(15).

En la présente période, en ces derniers instants de l'exil, l'unité prend une valeur particulière. Elle doit être réalisée entre tous les Juifs, entre ceux qui se consacrent à l'étude de la Torah, Issa'har et ceux qui ont une activité séculaire, Zevouloun(16). Elle doit apparaître dans le monde entier, qui doit s'unifier jusqu'à se révéler comme le Royaume de D.ieu.

(Discours du Rabbi, Séfer Ha Si'hot 5750-1990, tome 2, page 212)

 Notes :
(1) Devant Yossef, vice-roi de l'Egypte, pour demander la libération de Binyamin.
(2) En fonction de ce qui décrit le mieux son contenu.
(3) Et, qu'il convient de déterminer.
(4) Tehilim 48, 5.
(5) Ce qui veut dire que l'un et l'autre, Yossef et Yehouda, étaient des rois.
(6) Tome 1, Parchat Vaygach, à la page 206a. On verra aussi, à propos de cette rencontre, le Midrash Béréchit Rabba, au début de la Parchat Vaygach, chapitre 93, au paragraphe 2.
(7) Yé'hezkel 37, 15 et versets suivants, qui affirment que, dans le monde futur, il n'y aura plus un royaume de dix tribus et un autre de deux tribus. Toutes les douze tribus seront alors réunies dans un seul et même royaume. Le monde futur sera celui de l'Unité, celle de D.ieu, qui se reflètera dans l'ensemble de la création.
(8) C'est l'unification mentionnée ci-dessus.
(9) Le roi Machia'h.
(10) Et, qui est décrite par la Haftara, comme on l'a indiqué ci-dessus.
(11) Selon l'expression des versets Béréchit 42, 9-12. C'est la raison pour laquelle Moché, notre maître, se trouvant en Egypte, quittait la ville quand il devait recevoir la révélation céleste. En effet, D.ieu ne lui apparaissait pas dans l'endroit de l'idolâtrie, laquelle était généralisée dans l'ensemble de ce pays.
(12) Dans le Torat Cohanim, qui est cité, notamment, par le commentaire de Rachi sur le verset Bamidbar 18, 3.
(13) Selon le Sidour de l'Admour Hazaken, d'après le rite du Ari Zal, le Péri Ets 'Hahn, porte du monde d'Assya, au chapitre 1 et le début du Chaar Ha Kavanot, de même que le Sidour du Ari Zal, à cette réfé-rence. L'usage s'est répandu que chacun récite cette phrase, tous les matins, avant de commencer la prière de Cha'harit.
(14) Même si l'obligation s'en impose, en tout état de cause, le fait de dire cette phrase apporte une force accrue pour la mettre en pratique.
 (15) Ce qui est la finalité ultime, qui se réalisera avec la venue du Machia'h, ainsi qu'il est écrit : «Ce jour-là, D.ieu sera Un et Son Nom sera Un». Alors, l'Unité de D.ieu apparaîtra clairement dans le monde et la matière ne Le voilera plus.
(16) Issa'har se consacrait à l'étude de la Torah et Zevouloun, qui pratiquait le commerce maritime, lui fournissait les moyens de sa subsistance. Ainsi, le mérite de l'étude était partagé entre les deux tribus. Bien plus, Zevouloun est mentionné avant Issa'har, car c'est bien par son mérite que cette étude de la Torah est possible.