Le verset Vayétsé 31, 6 dit(1) : «Vous savez que j'ai servi votre père(2) de toute ma force» et le Rambam explique, dans son Michné Torah, que : «tout comme le maître de maison n'a pas le droit de voler le salaire du pauvre(3), de même, le pauvre n'a pas le droit de voler le travail du maître de maison et de rester sans rien faire, un peu par ci et un peu par là. Il est tenu de travailler de toute sa force, tout comme Yaakov, le Juste dit : j'ai servi votre père de toute ma force».

Ainsi, on déduit du comportement de notre père Yaakov, dans la maison de Lavan, non seulement les dispositions courantes du monde du travail, mais aussi leur signification plus profonde.

Par chacun de ses accomplissements spirituels, un Juif est «l'employé» du Saint béni soit-Il(4), si l'on peut se permettre cette expression. D.ieu est, en effet, le «Maître de maison» et les Juifs doivent donc mettre en pratique Ses Injonctions.

On pourrait penser que l'on met en pratique les Injonctions du Saint béni soit-Il uniquement en se consacrant à des accomplissements spirituels, élevés et saints(5). Ainsi, quand on étudie la Torah, par exemple, on est bien «l'employé» du Saint béni soit-iI. Il en est de même quand on prie, quand on se consacre à une activité sacrée. En revanche, quand on effectue son travail, dans les domaines du monde, on n'apporte rien, en apparence, à la Sainteté(6).

C'est donc pour écarter une telle conception que l'on déduit la réglementation du travail du comportement qui fut celui de Yaakov à 'Haran, c'est-à-dire dans un endroit dévoyé et obscur(7). Lorsque Yaakov se trouvait chez Lavan, à 'Haran, il n'évoluait pas dans un environnement saint et pur. Il était alors dans un endroit bas et grossier, spirituellement, obscur et éloigné de la Lumière de la sainteté. Malgré cela, se trouvant là, il travailla, de tout son empressement, afin de transformer l'endroit, pour y révéler la Lumière de D.ieu, (8).

Il en résulte que l'action menée dans les endroits les plus éloignés du domaine de la sainteté est aussi une mission confiée par le Maître de maison, le Saint béni soit-Il(9), Qui veut que l'on effectue un travail en cet endroit, qu'on y bâtisse, pour Lui, une Résidence parmi les créatures inférieures(10).

(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 25, page 147)

 Notes :
(1) Rapportant les propos que Yaakov adressa à ses épouses.
(2) Lavan, dont il fut le berger.
(3) Maître de maison et pauvre doivent être pris ici dans le sens d'employeur et employé.
(4) Il agit, en effet, sur Son Injonction.
(5) En se consacrant à une activité qu'il est possible de définir comme : «importante», cette importance étant mesurée précisément par l'éloignement, par rapport à la matière du monde.
(6) Et, l'on n'est donc pas «l'employé» de D.ieu, pourrait-on se dire.
(7) En lequel les actions ne peuvent être que basses et inférieures.
(8) Cela veut dire qu'un Juif est bien «l'employé» de D.ieu en chacune de ses actions, y compris la plus banale.
(9) Il est dit, en effet, que : «l'Eternel prépare les pas de l'homme». Quand quelqu'un parvient dans un endroit éloigné du domaine de la Sainteté, c'est donc nécessairement parce que D.ieu lui confie une mission, dans cet endroit.
(10) Bâtir cette Résidence est, en effet, la finalité ultime de la création, comme l'explique longuement la Hassidout. Or, elle ne relève pas uniquement des accomplissements spirituels les plus élevés. Chaque acte banal du quotidien, chaque objet matériel courant qui est utilisé pour le service de D.ieu sont autant de briques, s'ajoutant à cet édifice et contribuant à sa splendeur.