Devarim signifie «mots» et c'est le nom de la Paracha de cette semaine, la première lecture hebdomadaire du livre de Devarim, cinquième livre de la Torah. Bien sûr, la Torah tout entière, du moins comme elle nous fut communiquée, à nous êtres humains, est constituée de mots ; mais dans le livre de Devarim, la nature de ces mots prend une signification particulière.

Le livre de Devarim est un discours de Moché, long de trente-sept jours, commençant le 1er Chevat et s'achevant le 7 Adar, jour de sa disparition en l'année 2488 depuis la Création. Dans son discours, Moché récapitule les événements et les lois essentiels rappelés dans les quatre autres livres de la Torah. C'est pourquoi le livre de Devarim est également appelé Michné Torah, «la répétition de la Torah» (le nom d'origine latine Deutéronome signifie ainsi «seconde loi»).
Techniquement, Moché écrivit les cinq livres. Mais comme l'expliquent nos Sages, dans les quatre premiers livres, Moché transcrivit tout ce qu'il recevait de D.ieu alors que dans Devarim, il le dit avec «ses propres mots». La distinction apparaît clairement dans le fait que les quatre premiers livres sont écrits à la troisième personne («Et D.ieu parla à Moché en ces termes») alors que dans Devarim, nous entendons la voix de Moché à la première personne («à ce moment, D.ieu me dit» etc.).
Néanmoins, Devarim appartient à ce que nous appelons la «Torah écrite», ce qui signifie que non seulement son contenu mais également ses mots et ses lettres sont considérés d'origine divine. Nos Sages expliquent que Moché avait totalement fait abnégation de son ego devant la Volonté Divine, que «la Présence Divine parlait à travers sa gorge», les mots de Moché étant ainsi les propres mots de D.ieu.
En tant que tel, le livre de Devarim agit comme un pont entre la «Torah écrite» et la «Torah orale». Cette dernière inclut le Talmud et les Midrachim, les commentaires et les lois, le Zohar et la Cabbale, et «tout ce qu'un étudiant érudit expliquera devant son maître», tout ce qui a été produit par trente-trois siècles d'érudits étudiant et interprétant la Torah selon la tradition sinaïtique. Dans la Torah Orale produite par des esprits et des bouches moins libérés de leur ego que ne l'était Moché, le contenu est divin mais les mots et les lettres sont humains.
En d'autres termes, il existe deux dimensions à la Torah: une dimension dans laquelle le contenu et son expression sont accordés d'En Haut et une dimension dans laquelle la Sagesse et la Volonté Divines sont «habillées» dans nos propres mots. Et puis, nous avons le livre de Devarim dans lequel les deux convergent: un être humain, Moché, atteint un niveau d'identification avec la Sagesse et la Volonté Divines.

L'homme qui parle
Il en va de même, à un certain niveau, chaque fois que nous ouvrons la bouche.
Les anciens philosophes se réfèrent à l'être humain comme à celui qui est doté de la parole, et personne n'a encore trouvé une meilleure définition de notre race «parlante». Nous aimons parler. Observez les explications sur nous-mêmes dans lesquelles nous nous engageons interminablement, les conversations perpétuelles que nous nous sentons obligés de tenir, les millions de mots déversés chaque jour dans chaque media imaginable. Pourquoi ce désir insatiable de tout mettre dans des mots, comme si rien n'existait véritablement avant d'être exprimé et développé dans une longue série de sons humains ?
Parce que, nous disent les maîtres 'hassidiques, il n'y a rien que l'homme aime plus que de jouer à D.ieu.
D.ieu le fit : Il créa par la parole. Il dit: «que la lumière soit!» et la lumière fut. Il dit «que les eaux se rassemblent et que la terre se révèle!» et les océans et les continents furent créés. Mais l'homme contemple la création de D.ieu et la voit comme quelque chose qui doit encore être formé, qui manque encore de définition. Alors il parle et parle sans cesse, catégorisant, quantifiant et qualifiant le monde de D.ieu dans un effort pour lui donner un sens et un but.
Bien sûr, des différences existent. D.ieu est infini et omnipotent ; nous sommes finis et faillibles. D.ieu créa la lumière par la parole, nous avons la possibilité de la définir en termes de luminosité ou d'obscurité. Nous pouvons par les mots transformer les continents en pays et provinces d'une communauté mondiale productive ou nous pouvons en faire des frontières d'animosité et de luttes.
Mais c'est là «le partenaire dans la création» que D.ieu désire: un partenaire qui est capable de détruire comme de construire. Un partenaire indépendant, libre, dont les choix lui appartiennent et donc entièrement sous sa responsabilité et son accomplissement, parce que D.ieu voulut de véritables partenaires dans Son entreprise.

Passer au niveau supérieur
Mais D.ieu fit encore plus. Non seulement Il soumit Sa création à la verbalisation humaine mais Il mit également Sa Torah, Ses propres pensées et désirs, dans des mots humains et compréhensibles et puis Il nous invita dans le processus de verbalisation de Sa Torah.
Parce que si nous sommes Ses partenaires, il nous faut l'être pour tout. Un véritable partenaire ne fait pas remplir son rôle dans le déroulement et le développement de l'entreprise mais il participe également à son projet, à son mode opératoire, à ses lois et ses principes.
Ainsi D.ieu accorda-t-Il à l'être humain l'esprit et la parole, un moyen non seulement de former Son monde mais également de participer à la formulation de la Torah, lois et plan de la création.
Ainsi naquit Devarim, le livre des mots.
Le premier à recevoir cette mission fut Moché qui l'accomplit si parfaitement que sa «contribution» devint l'un des cinq livres qui forment le cœur de la Torah. Et l'accomplissement de Moché contient les semences qui donnent à tous les partenaires humains suivants la possibilité d'articuler la Sagesse Divine.