La Parchat Pekoudeï fait suite à la Parchat Vayakhel. L'une et l'autre relatent de quelle manière Moché, notre maître et les enfants d'Israël ont mis en pratique toutes les injonctions divines qui leur avaient été transmises, lors de l'édification du Sanctuaire. Ces deux Sidrot énumèrent longuement tout le détail de ce que les enfants d'Israël ont préparé pour confectionner les instruments du Sanctuaire et les vêtements du Cohen.

On peut, cependant, s'interroger, à ce propos, car la Parchat Terouma et la Parchat Tetsavé expliquaient déjà, par le détail également, de quelle manière le Sanctuaire devait être édifié et la Torah relatait alors comment D.ieu avait édicté à Moché, notre maître, toutes les directives nécessaires, en la matière.

Pourquoi donc est-il nécessaire de répéter encore une fois, jusque dans le moindre détail et sur des dizaines de versets, dans la Parchat Vayakhel et dans la Parchat Pekoudeï, toutes les Injonctions relatives au Sanctuaire, qui furent mises en pratique exactement comme D.ieu l'avait ordonné(1)?

La réponse à cette question est la même que celle qui a été donnée, par ailleurs, à une interrogation similaire. En effet, la Parchat Nasso rapporte de quelle manière les douze chefs de tribu apportèrent leurs sacrifices(2). Là encore, la Torah répète, à douze reprises, comment chaque chef de tribu offrit exactement le même sacrifice que tous les autres.

La question se pose donc. Pourquoi répéter douze fois ces sacrifices, jusque dans le moindre détail ? Pourquoi ne pas dire, plus simplement, que chaque chef de tribu apporta le même sacrifice que le précédent ?

Il est donc expliqué, à ce propos, que la Torah répète douze fois ces sacrifices, parce que chaque chef de tribu, en offrant le sien, réalisa un accomplissement différent de celui des autres et il obtint ainsi une révélation qui lui était propre. La Torah ne peut donc pas dire que chacun apporta le même sacrifice que les précédents, parce que chaque sacrifice était différent et fut à l'origine d'une autre révélation dans le monde.

La même explication s'applique aussi à notre Paracha. Le Sanctuaire que D.ieu demanda à Moché de construire, comme l'indiquaient la Parchat Terouma et la Parchat Tetsavé, d'une part, celui qui fut effectivement édifié par les enfants d'Israël, comme le rapportent la Parchat Vayakhel et la Parchat Pekoudeï, d'autre part, sont, en réalité, deux Sanctuaires différents(3).

C'est précisément pour cette raison que la Parchat Vayakhel et le Parchat Pekoudeï rapportent, encore une fois, tous les détails de la préparation, par les enfants d'Israël, des instruments du Sanctuaire et des vêtements du Cohen.

La différence entre ces deux Sanctuaires est la suivante. Les instruments et les vêtements du Cohen définis par la Parchat Terouma et la Parchat Tetsavé sont ceux qui ont été indiqués par D.ieu Lui-même à Moché, dont l'âme possédait une élévation particulière. Tout cela lui fut donc communiqué lors d'une révélation prophétique, alors qu'il se tenait sur le mont Sinaï.

A l'inverse, les instruments du Sanctuaire et les vêtements du Cohen présentés par la Parchat Vayakhel et la Parchat Pekoudeï sont ceux qui furent confectionnés, d'une manière concrète, par les enfants d'Israël, ici-bas, dans ce monde matériel, avec de l'or, de l'argent, de l'airain et tous les éléments matériels(4).

Ces deux Sanctuaires différents apparaissent, en allusion, dès le début de la Parchat Pekoudeï, qui dit : «Voici les comptes du Sanctuaire, Sanctuaire du Témoignage». En effet, le verset aurait pu dire simplement : «Voici les comptes du Sanctuaire du Témoignage». Quel est le sens de cette répétition(5) ?

On peut donc admettre que la répétition fait allusion, en l'occurrence, à ces deux Sanctuaires différents, celui que D.ieu a montré à Moche (6)et celui que les enfants d'Israël ont eux-mêmes édifiés(7).

Ceci conduit à se poser la question suivante : à quel moment la promesse selon laquelle : «Je résiderai parmi eux»(8)se réalisa-t-elle ? Lequel de ces deux Sanctuaires fut la finalité ultime, voulue par le Saint béni soit-Il ? Ce fut précisément le Sanctuaire matériel décrit par la Parchat Vayakhel et par la Parchat Pekoudeï, non pas le Sanctuaire spirituel défini par la Parchat Terouma et la Parchat Tetsavé. Il est dit, en effet, que : «le Saint béni soit-Il conçut le désir de posséder une Résidence parmi les créatures inférieures». Il voulut que ce monde matériel soit le lieu de Sa Demeure, qu'il soit pénétré de Divinité(9).

Ce qui vient d'être exposé nous permettra de comprendre le début de cette Parchat Pekoudeï : «Voici les comptes du Sanctuaire, Sanctuaire du Témoignage». Le premier Sanctuaire, celui que le Saint béni soit-Il montra à Moché, n'est pas défini par le verset comme celui du Témoignage. C'est le second, celui qui fut bâti par les enfants d'Israël, qui est le : «Sanctuaire du Témoignage».

En effet, on porte témoignage uniquement à propos de ce qui n'est pas révélé(10). Concernant ce qui est évident et bien connu, tout témoignage est inutile. Celui-ci n'a une valeur que pour ce qui est caché et que l'on ne sait pas. Dans le Sanctuaire que D.ieu montra à Moché, la Divinité apparaissait à l'évidence. Aucun témoignage n'était donc nécessaire. En revanche, dans celui qui fut construit, au sein de ce monde matériel, en lequel la Divinité et la spiritualité sont cachées, un témoignage était nécessaire et le verset parle donc du «Sanctuaire du Témoignage».

Tel est donc le but, l'objectif de l'édification d'un Sanctuaire pour D.ieu, au sein de ce monde matériel et grossier, dans lequel le Saint béni soit-Il ne se révèle pas, afin de l'illuminer par la clarté céleste(11).

Il découle de tout ce qui vient d'être exposé un enseignement pour chacun. Un homme(12) ne doit pas se décourager en se demandant : «Comment pourrais-je agir dans le monde pour y révéler la Divinité (13) ?». Il doit savoir que, même dans la situation actuelle(14) et dans le monde matériel(15), D.ieu attend de lui qu'il bâtisse pour Lui Sa Résidence ici-bas. Le Saint béni soit-Il vient en aide à chacun(16) et Il donne l'assurance que : «Je résiderai parmi eux». Cette promesse se réalisera dans le troisième Temple, lors de la délivrance véritable et complète, très bientôt et de nos jours.

(Discours du Rabbi, Likoutei. Si'hot, tome 1, page 195)

Notes :

(1) En effet, s'il y avait eu une divergence entre les Injonctions et leur application, on aurait compris le sens de cette répétition. Mais, ce n'est pas le cas, en l'occurrence.
(2) Pour l'inauguration du Sanctuaire.
(3) Comme l'indique le Midrash Bamidbar Rabba, chapitre 12, au paragraphe 12 : «Rabbi Chimon dit : Lorsque le Saint béni soit-Il demanda aux enfants d'Israël de bâtir le Sanctuaire, Il indiqua aux anges du service, de manière allusive, qu'ils devaient en faire de même. Lorsque le Sanctuaire fut dressé ici-bas, il en fin de même là-haut. C'est le 'Sanctuaire du jeune homme' dont le nom est Matatron. C'est là qu'il offre les âmes des Tsaddikim pour apporter l'expiation aux enfants d'Israël, pendant le temps de leur exil».
(4) En quelque sorte, le premier Sanctuaire était théorique, idéal, alors que le second était effectif, réel.
(5) Qui ne semble pas modifier le contenu du verset.
(6) Le Sanctuaire tout court.
(7) Le Sanctuaire du Témoignage.
(8) Terouma 25, 5.
(9) C'est la finalité de son existence et elle est satisfaite par le Sanctuaire réel.
(10) Nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, soulignent qu'un témoignage est inutile également pour ce qui est encore caché, mais se révèlera par la suite, car il suffit d'attendre pour en obtenir la révélation. Ainsi, le témoignage est recevable uniquement quand il apporte une information que l'on ne peut obtenir d'aucune autre façon.
(11) De porter témoignage de la Présence de D.ieu.
(12) Prenant conscience de sa petitesse, de la limite de ses moyens.
(13) En y bâtissant Sa Résidence, ce qui est la finalité de l'existence de chacun.
(14) Dans la pénombre de l'exil.
(15) Conçu pour voiler Sa Présence.
(16) Pour s'acquitter de cette mission.