Samedi, 24 janvier 2015

  • Bo
Editorial

 Après l’épreuve

La communauté juive vient de vivre un de ces moments tragiques dont elle a déjà malheureusement fait l’expérience dans le passé. Une fois de plus, la barbarie s’est abattue sur elle et l’a meurtrie dans sa chair. Certes, tout a été dit : les condamnations rituelles ont été prononcées, les manifestations de sympathie n’ont pas manqué et la solennité de mise en de telles circonstances a convenablement entouré les cérémonies programmées. Le pays unanime a paru serrer les rangs autour des valeurs que les barbares voulaient détruire : la liberté et finalement la vie même. Il s’agit là de choses, de comportements, de mots précieux et, à ce titre, il faut les saluer même si on éprouve quelque peine à croire à leur caractère profond et surtout durable. Cependant, déjà les jours sont passés. Déjà, les sentiments ont commencé à s’estomper chez beaucoup. Que peut-il donc rester de tout cela ?

Pour affronter cette épreuve, chacun d’entre nous a fait appel à des ressources puissantes. Chacun les possédait depuis toujours en son for intérieur sans en avoir toujours conscience : la fierté d’être juif, l’absolue confiance en D.ieu et le courage de rester soi-même dans toutes les situations. Car, face à ces événements, deux attitudes étaient possibles : celle du repli sur soi, de la volonté de disparaître de l’espace public dans l’espoir de plus de tranquillité et celle de l’affirmation sereine que rien ne changera jamais notre manière de vivre, ancienne et nouvelle à la fois, si connue et si précieuse. Le choix a pu paraître difficile à certains mais c’est la deuxième option que chacun a retenue. Et c’est ainsi que la vie juive continue – et continuera – de fleurir. Quelle victoire cela aurait-il été pour nos ennemis si, mus par une inquiétude compréhensible, nous avions glissé vers l’oubli ! Et quelle défaite est-ce pour eux quand ils se rendent compte que leurs tristes tentatives n’ont en rien entamé notre détermination mais, au contraire, l’ont renforcée !

C’est un chemin de crête que nous empruntons à présent. Il peut sembler étroit mais il nous conduit à travers ciel vers le but à atteindre : l’assurance, le progrès, la sérénité ou, en un mot si simple et si profond, la paix. Elle viendra grâce à nos actes et, éternelle, Machia’h nous l’apportera.

Etincelles de Machiah

 L’obscurité et la lumière

A l’époque du Tséma’h Tsédèk, le troisième Rabbi de Loubavitch, le gouvernement russe imposa la conscription trois fois dans une même année. C’est ainsi que des milliers de jeunes Juifs, souvent déjà mariés, furent contraints d’aller combattre au loin dans l’armée du tsar, pourtant leur oppresseur.

Certains ‘hassidim dirent alors devant le Tséma’h Tsédèk : «Quel terrible décret... Cela ne fait aucun doute : nous sommes arrivés au temps de Machia’h !»

Le Tséma’h Tsédèk répondit : «Quand le Machia’h viendra, c’est une grande lumière qui apparaîtra, une lumière merveilleuse. Qui sait quelle obscurité il doit y avoir avant une telle lumière !»

 (D’après Lechema Ozen p. 59) 

Vivre avec la Paracha

 Un défi double

«D.ieu plaça le monde dans le cœur (de l’homme)» (Ecclésiaste 3 :11). La mission de l’humanité, qui consiste à faire du monde une demeure pour D.ieu, reflète les défis que doit relever chaque individu pour cultiver la nature Divine de son propre caractère. Car tout un chacun représente un monde en microcosme (Midrach Tan’houma, Pekoudé, part.3).

Notre tâche de raffinement personnel comporte deux dimensions. Tout d’abord, nous devons utiliser les aptitudes dont nous sommes dotés dans un but positif. Notre propension à aimer, par exemple, doit s’exprimer dans l’amour de D.ieu et dans celui de notre prochain (Avot 5 :16). Et nos potentiels doivent se concrétiser dans des accomplissements de nature durable et être dédiés au bien.

Mais un autre défi plus fondamental encore nous appelle. Chacun doit se demander : pourquoi ma vie ? Mon but ne consiste-t-il qu’à une gratification personnelle ou à une vision plus élevée ?

La ‘Hassidout explique (Tanya, ch. 1 et 2) que nous possédons deux âmes. L’une, l’âme animale, n’est concernée que par ses propres besoins et ses propres désirs. Ce n’est pas nécessairement mal mais cela ne permet aucun dépassement de ses limites.

La seconde âme est «une réelle partie de D.ieu» et elle s’accomplit à travers un service, encourageant l’expression de sa nature divine et révélant la Divinité investie dans le monde en général.

Le conflit apparent entre ces deux âmes renvoie au défi que rencontre l’homme : «briser» ses préoccupations égocentriques et révéler son essence Divine. Quand nous y parvenons, en utilisant positivement nos potentiels et les occasions que nous rencontrons, la première tâche mentionnée ci-dessus nous est beaucoup plus facilement accessible.

Dans le macrocosme

Cette même dynamique se retrouve dans le monde en général. L’une des missions de l’humanité est d’utiliser le monde matériel dans une perspective positive. Chaque élément d’existence contient, enfoui en lui, des étincelles de Divinité. En l’utilisant dans un but spirituel, par exemple en consommant un repas avec l’intention d’en utiliser l’énergie générée pour servir D.ieu, nous faisons émerger la spiritualité investie dans la matérialité.

Mais un second projet, plus général, consiste à nourrir l’altruisme. Car l’existence matérielle encourage l’égocentrisme et l’homme se doit de le dépasser pour révéler sa vérité intérieure.

Le mot «briser», en référence aux pulsions égocentriques, est utilisé intentionnellement. Car pour emprunter une expression talmudique «sa destruction est une purification». Nous pouvons donner à nos désirs une autre direction, une orientation positive mais tout d’abord, il nous faut «briser» l’égocentrisme fondamental qui caractérise l’existence matérielle.

Le but des Dix Plaies

L’Egypte sert d’analogie à l’existence matérielle en tant qu’entité. Les deux thèmes évoqués ci-dessus se retrouvent dans l’histoire de l’Exode. Les miracles que D.ieu fit en Egypte avaient deux intentions.

Tout d’abord, il fallait que le pharaon libère les Juifs et lors de leur départ, «chaque homme demanda à son ami et chaque femme à sa voisine de l’or et des objets en argent» (Chemot 11 :2). Ainsi pouvaient-ils dire qu’ils avaient «vidé l’Egypte de sa richesse». Cela fait référence à l’effort Juif de raffiner les étincelles de sainteté cachées en Egypte, permettant à ces ressources de trouver une expression positive.

Mais il s’agit également d’autre chose : «pour que vous puissiez dire à vos enfants et à vos petits-enfants comment Je me suis joué de l’Egypte, y accomplissant des signes miraculeux» (ibid. 10 :2).

Le pharaon apparaît comme un vantard têtu, «Je ne connais pas D.ieu», «la rivière est mienne et je l’ai façonnée» (ibid. 10 :2 ; 5 :2), niant l’influence Divine dans notre monde. Le but fondamental des plaies était de briser cette illusion, de manifester la Divinité de sorte que tous pussent en être les témoins et ainsi, de briser l’orgueil du pharaon et de sa nation.

D.ieu persista dans cette entreprise jusqu’à ce que l’orgueil du pharaon soit brisé et qu’il vienne chez Moché, dans ses habits de nuit, implorant la bienveillance de D.ieu. D’un point de vue personnel, le pharaon aurait pu être prêt, beaucoup plus tôt, à libérer les Juifs. Mais s’il en fut retenu (et que les plaies continuèrent), c’est parce que D.ieu endurcit son cœur.

Pourquoi cela était-il nécessaire ? Si le pharaon avait relâché les Juifs plus tôt, son propre orgueil et celui de son peuple n’auraient pas été suffisamment rabaissés. Le raffinement de la Divinité cachée en Egypte aurait été accompli mais une certaine force qui s’opposait à D.ieu serait restée intacte. Les plaies continuèrent jusqu’à ce que «l’Egypte (sût) que Je suis D.ieu» et que l’approche autocentrée qui était celle de son dirigeant fût complètement écrasée.

Viens avec Moi

Le commandement d’affronter le pharaon et d’annihiler son influence est donné à Moché, représentant de l’humanité, parce que la négation de l’égocentrisme est une dimension fondamentale du service humain. L’homme a reçu la mission de faire de ce monde une résidence pour D.ieu et cela n’est possible que lorsqu’est totalement effacée toute trace d’égocentrisme. L’arrogance, l’intérêt autocentré empêche la Divinité de Se manifester.

Et pourtant cette annihilation ne peut s’accomplir par l’homme seul. Elle exige la force de D.ieu. C’est pour cette raison que Moché recula devant le commandement de D.ieu. Il réalisait que cette tâche le dépassait. Et donc D.ieu lui ordonna : «viens chez le pharaon», c’est-à-dire, «viens avec Moi» et non «va chez le pharaon». D.ieu allait accompagner Moché dans sa confrontation avec le dictateur de l’Egypte.

Moché ne reculait pas devant sa responsabilité. Il voulait y aller mais pas avec ses ressources seules. En hésitant, il appela l’assistance de D.ieu, mettant l’accent sur le fait qu’il agirait seulement comme agent et que la force déployée pour annihiler l’orgueil du pharaon serait celle de D.ieu.

La dynamique de la Rédemption

Pénétrer et annuler l’intérêt exclusif pour sa propre personne rend possible la révélation d’une dimension positive. Et c’est ainsi que le Zohar se réfère à la maison du pharaon comme «le lieu où toutes les lumières sont révélées sans retenue».

Pour propulser plus loin encore ce concept, la sortie d’Egypte est liée à la Rédemption ultime. En fait, si les Juifs l’avaient mérité, ils seraient entrés immédiatement en Israël, après leur libération.

Cependant, l’on se réfère à toute la période qui part de l’Exode et nous mène à la Rédemption comme «les jours de ta sortie d’Egypte». Car l’annihilation de l’orgueil du pharaon et le démantèlement des limites de l’Egypte commença et commence pour chacun de nous quand nous (re)vivons cette sortie, une dynamique qui nous renforce et est destinée à conduire notre peuple au delà de toutes les limites naturelles, vers la Rédemption. 

Le Coin de la Halacha

 Comment se conduire quand on attend un enfant ?

La tradition ‘hassidique recommande plusieurs attitudes à adopter pendant la grossesse :

- On évite d’annoncer qu’on attend un enfant durant les quatre premiers mois – sauf à la famille très proche à qui on recommande de garder la discrétion à ce sujet.

- La conduite de la future maman influence l’avenir du bébé : elle s’efforcera donc d’augmenter sa pratique personnelle des Mitsvot.

- Elle mettra, chaque vendredi, avant l’allumage des bougies de Chabbat quelques pièces supplémentaires à la Tsedaka de Rabbi Meïr Baal Haness – si possible d’une valeur de 18 (valeur numérique du mot Vie)

- On fera vérifier toutes les Mezouzot de la maison.

- On veillera à réciter chaque jour les Tehilim (Psaumes du jour du mois).

- Avant d’aller se coucher, avant la prière de Hamapil, le mari récitera le Psaume 20 puis en répétera le verset : « Yaane’ha Hachem Beyom Tsara… ».

- Le mari s’efforcera, sans pour autant insister et se faire remarquer, d’ouvrir le rideau de l’arche sainte avant la lecture de la Torah ; la future maman ajoutera des pièces supplémentaires à la Tsedaka le lundi et le jeudi ainsi que le vendredi après-midi.

- On sera particulièrement attentif aux lois très précises de la Cacherout, chez soi comme en-dehors de la maison.

F.L. d’après Rav Yossef Hartman – (Kétsad Ne’haneh eth Yaldénou)

Le Recit de la Semaine

 Un récit sur six ans…

Elles s’étaient rencontrées par hasard…

Elle avait 18 ans, retournait à New York après un voyage enthousiasmant en Israël et elle espérait découvrir la beauté de son héritage juif.

A ses côtés, était assise Sarah Shemtov, l’émissaire du Rabbi à Riverdale, près de New York. Sarah revenait aussi d’Israël où elle avait assisté au mariage d’un membre estimé de sa communauté.

Sarah savait qu’à son retour à la maison, elle devrait à nouveau jongler entre son rôle d’épouse, de mère de famille, d’éducatrice, de confidente, de responsable communautaire engagée. Mais elle espérait mettre à profit ce long vol de douze heures pour se relaxer et se permettre de lire sans être interrompue à chaque instant. Elle avait acheté récemment mon livre Tending the Garden à propos du rôle si spécial de la femme juive et se réjouissait de le commencer.

Mais, alors que l’avion survolait la Méditerranée puis l’Atlantique, Sarah s’intéressa à sa compagne assise à côté d’elle qui lui posa mille et une questions. Le livre resta fermé tandis qu’un cœur juif s’ouvrait à Sarah : si vous lui demandez de quoi elles avaient parlé, Sarah vous répondra qu’elle ne s’en souvient pas mais que sans doute, ses paroles sorties de son cœur entrèrent dans celui de la jeune passagère.

Le voyage arrivait à sa fin et le livre était resté fermé sur les genoux de Sarah… Elle pensa alors que ce serait un excellent cadeau à offrir à sa jeune voisine : elle lui écrivit une petite dédicace sur la page de garde et toutes deux se séparèrent, chacune allant de son côté.

Six ans plus tard :

C’est Roch Hachana. Sarah, la Chlou’ha dévouée est occupée à accueillir dans la synagogue les anciennes et les nouvelles venues. Parmi celles-ci se trouve une jeune fille qui est venue rencontrer un jeune étudiant de Detroit qui étudie maintenant à New York et qu’elle envisage d’épouser.

Sarah semble connaître cette jeune fille qui, elle aussi, sent qu’elle a dû déjà croiser Sarah quelque part. Mais aucune des deux ne parvient à établir un contact avec l’autre, chacune étant très occupée par ailleurs.

Ce n’est qu’à son retour chez elle que la jeune fille se souvient : l’avion, des années auparavant, le voyage en Israël, la conversation si enrichissante qui a changé sa vie… Et le livre… Elle retrouve mon livre, lit à nouveau la dédicace signée de la main de Sarah de Riverdale !

Récemment, j’ai eu le privilège de donner une conférence dans la communauté de Sarah. Le cours se déroulait dans l’agréable demeure d’un membre de sa communauté – justement la jeune femme qui s’était mariée quelques années auparavant en Israël et pour laquelle Sarah avait entrepris le long voyage jusqu’à Jérusalem.

Et, dans la foule, se trouvait celle qui avait reçu mon livre durant ce vol mémorable il y a plus de six ans. Elle et son mari habitent maintenant à Riverdale : tout en achevant leurs études de médecine, tous deux fréquentent assidument les programmes et les cours du Centre Loubavitch de leur ville.

Nos voies sont guidées par la Providence Divine, sans que parfois on s’en rende compte.

Et, à chacune de nos rencontres, nous avons la possibilité de contribuer à allumer l’étincelle qui brille dans une autre âme juive.

«J’ai prêté votre livre à une amie qui habite le Massachusetts ! Comme moi, elle en absorbe chaque page avec attention !» me confia cette jeune femme maintenant épanouie tout en souriant d’un air entendu à Sarah, sa première confidente !

Et qui dit que cette histoire est finie ?

Chana Weisberg – Chabad.org

Traduite par Feiga Lubecki