Semaine 4

  • Yitro
Editorial
Vers le renouveau

Avec le temps, l’écologie est devenue une idée « tendance ». Déclinée politiquement, socialement, elle devient un élément incontournable de la conscience moderne. De tous côtés monte la clameur : «Notre planète est fragile, elle constitue un système global, ne le mettons pas en déséquilibre.» Une telle préoccupation, toute récente soit-elle dans les sociétés occidentales, possède une légitimité incontestable. Dans la vision juive, le monde n’est-il pas ce lieu que D.ieu a confié à l’homme «pour le travailler et le garder», faisant ainsi de ce dernier le couronnement – et le responsable – de l’ensemble de la création ? C’est dire que la planète nous aurait été confiée comme « en gestion » et non «en pleine-propriété»… Et voici que revient le 15 du mois de Chevat, Tou Bichevat, le « nouvel an des arbres ».
Et, avec lui, revient la traditionnelle question : pourquoi l’homme devrait-il marquer, de quelque manière que ce soit, un «nouvel an des arbres» ? Si une telle célébration a le moindre sens, ne revient-il pas aux arbres – et à eux seuls – de s’en souvenir ? Il y a ici une idée qu’il nous faut retrouver. Si l’homme est invité au «nouvel an des arbres», c’est aussi parce que cette date n’est pas qu’une fête du végétal. La création est véritablement un ensemble global et elle le manifeste dans l’harmonie générale qui caractérise l’univers. Quant à l’homme, il est sans doute l’élément essentiel de cette globalité car il en est le maître, le guide et l’inspirateur. En d’autres termes, c’est lui qui lui donne sens. Le jour de Tou Bichevat résonne ainsi comme celui où notre sort s’inscrit dans un espace plus grand. Pour cela, il élargit l’horizon de notre conscience, il donne au champ de notre connaissance un arrière-plan plus profond.
Cela veut dire également que la célébration de Tou Bichevat ne peut se limiter à la plantation d’arbres, même si la démarche a toute son importance. C’est d’avenir et de développement global qu’il est question ici. A la croissance de l’arbre doit répondre le progrès – personnel et collectif – de l’homme. A la renaissance en devenir de la nature doit correspondre le ressourcement spirituel de chacun. L’arbre constitue une image familière. Ses racines, son tronc, ses branches, les fruits qu’ils portent sont la métaphore parfaite de l’homme qui se dresse fermement parce que ses propres «racines» sont fortes et que, grâce à la subsistance qu’elles lui apportent, il peut s’élancer vers le ciel et donner les fruits qui embelliront lui-même et le monde. Pour une harmonie tant attendue, éternelle.
Etincelles de Machiah
La joie comme clé

On raconte, à propos d’un des Maîtres de la ‘Hassidout polonaise, que, lorsqu’il était encore un jeune enfant, il demanda une pomme à son père. Celui-ci refusa de lui donner le fruit. L’enfant était intelligent ; il prononça la bénédiction requise sur la pomme et obligea ainsi son père à la lui donner pour lui éviter de l’avoir dite en vain.
Nous vivons une situation semblable. Lorsque les Juifs se réjouissent, dès à présent, de la venue de la Délivrance avec une confiance absolue dans le fait que D.ieu enverra très bientôt le Machia’h, cette joie même «conduit» D.ieu à répondre favorablement à leur attente. Il ne s’agit pas là de forcer la décision divine mais d’accomplir Sa volonté avec la plus grande joie.
(d’après Likoutei Si’hot, vol. XX, p.384) H.N.
Vivre avec la Paracha
Yitro

L’élément central de la Paracha Yitro est le Don de la Torah au Mont Sinaï. Tous les événements évoqués dans la Torah, depuis la création du monde, conduisent à ce moment unique entre tous. Par le Don de la Torah, D.ieu accomplit le dessein de la Création du monde: le transformer en Sa demeure.
Et pourtant, avant même que D.ieu ne donne la Torah au Peuple juif, un événement doit encore se produire, et selon le Zohar, s’il n’avait pas eu lieu, D.ieu n’aurait pu nous faire Son don. Yitro, le beau-père de Moché, prince et Grand-Prêtre de Midian, doit se convertir et rejoindre le Peuple Juif. Qu’y a-t-il de si particulier concernant Yitro et en quoi sa conversion est-elle si significative qu’elle représente une condition sine qua non au Don de la Torah ?
Dans cette Paracha, Yitro s’adresse à Moché en ces termes : «Maintenant, je sais que D.ieu est plus grand que toutes les autres divinités». Nos Sages nous enseignent que cela implique que Yitro était familier de toutes les formes d’idolâtries sinon, comment aurait-il pu faire une telle déclaration ? L’idolâtrie naquit de la croyance erronée que, puisque D.ieu avait choisi de déléguer certains de Ses pouvoirs aux forces de la nature, il était juste de révérer ces forces. A plus ou moins long terme, les gens en vinrent à adorer ces forces intermédiaires et, dans la plupart des cas, oublièrent D.ieu. Ainsi, le fait que Yitro ait eu la connaissance de toutes les formes d’idolâtries venait de ce qu’il avait étudié toutes les forces naturelles du monde. Il les avait toutes adorées comme des intermédiaires entre D.ieu et la Création.
Mais si Yitro était si brillant, pourquoi n’avait-il pas réalisé par lui-même que tous ces intermédiaires n’avaient aucune force propre et n’étaient que des outils dans la main de D.ieu ?
En fait, la nature du monde, à l’époque de Yitro, conduisait plus facilement à des perspectives païennes qu’à la Vérité. Depuis le faute d’Adam, dans le Jardin d’Eden, le monde avait été de plus en plus hostile à l’égard de la Sainteté et la présence de D.ieu avait été bannie du monde : il semblait que D.ieu avait bel et bien cédé Ses pouvoirs aux forces de la nature.
Avraham et ses descendants renversèrent ce courant et leur travail était maintenant sur le point d’être achevé. La brèche qui n’avait cessé de grandir entre la Divinité et la réalité matérielle était sur le point d’être colmatée, permettant ainsi à D.ieu d’imprégner toute réalité.
C’est la raison pour laquelle les Dix Plaies puis le passage de la Mer Rouge étaient des préalables nécessaires pour que D.ieu puisse donner la Torah. Quand la mer s’ouvrit, se révéla la dimension cachée et spirituelle de la réalité, dévoilée par la mer qui cache toutes les formes de vie qu’elle renferme. La Divinité fut temporairement évidente et visible à travers toute la Création.
Mais l’ouverture de la Mer Rouge ne suffisait pas. En fait, la force du mal, ce qui nie l’omniprésence et l’omnipotence de D.ieu, était temporairement neutralisée. Mais elle n’était pas totalement déracinée puisque les fondements philosophiques de l’idolâtrie existaient toujours. Dès que la mer revint à son état naturel, il fut à nouveau possible de vivre dans l’illusion que la force de D.ieu ne Se déploie que dans les royaumes de la sainteté mais que la nature est, d’une certaine façon, inaccessible à Son contrôle.
C’est pour cela qu’Amalek put attaquer Israël, même après le passage de la Mer Rouge, quand bien même «tous les habitants de Canaan fondirent [de peur]». La nation d’Amalek représente la personnification du doute et de l’apathie qui en résulte. Tant qu’il y a de la place pour penser que D.ieu et la vie forment deux entités séparées, nous pouvons entretenir la notion que nous pouvons vivre sans l’implication totale de D.ieu. Cela vient miner notre enthousiasme naturel pour le Judaïsme. La Torah et ses Commandements se transforment en poids dont nous voulons nous débarrasser pour continuer allègrement notre travail de la vie. Il est bien évident que dans ce climat, il n’y avait aucun intérêt à donner la Torah au Peuple Juif.
Ce n’est que lorsque Yitro, le représentant sur terre de la philosophie la plus opposée à la Torah et à la spiritualité, reconnut que «D.ieu est plus grand que toutes les autres divinités» et qu’il Le couronna comme Roi sur toutes les manifestations de la vie, y compris les plus matérielles et les plus «naturelles», que la Torah put descendre des Cieux. En reconnaissant que la Providence Divine envahit tous les recoins de la Création, qu’il n’existe aucun aspect de la vie qui puisse subsister vide de toute présence Divine, Yitro préparait le monde à la conscience de l’omniprésence de D.ieu, ce qui se produisit lors du Don de la Torah. Aussi la Paracha qui décrit le Don de la Torah porte le nom de Yitro, un prêtre païen, car sa conversion exprime de la façon la plus éloquente qui soit la force de la Torah pour imprégner et transformer toute la réalité et en faire la Résidence que D.ieu a choisie.
D.ieu nous donne la Torah chaque jour. Chaque jour, si nous en faisons l’effort, nous pouvons nous abreuver à son puits intarissable. Mais avant tout, il faut nous assurer que nous laisserons la Torah imprégner chaque aspect de notre vie. Cela exige que nous évincions l’Amalek qui est en nous et que nous convertissions le Yitro qui est en nous et qui préfère encore servir les idoles des satisfactions matérielles et animales.
Pour y parvenir, nous devons tout d’abord nous immerger, totalement, même si c’est temporairement, dans la sainteté : expérimenter la pure conscience de D.ieu dans nos prières du matin et dans l’étude régulière de la Torah. Une fois que nous nous sommes solidement ancrés sur ce sol, nous pouvons, en toute sécurité, apporter la conscience de D.ieu à toutes les activités de notre vie matérielle : manger, boire, gagner sa vie, avoir des relations sociales, affectives,etc.. Alors, quand nous prenons un peu de temps, au cours de la journée, pour étudier la Torah, nous gagnons la possibilité d’en découvrir de nouvelles dimensions qui la rendent éternellement présente à tel point que nous pouvons entendre la voix de D.ieu, depuis le Sinaï, à chaque instant de notre vie.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que Tou Bichevat ?

Le 15 («Tou») du mois juif de Chevat est un jour particulier : il est un des quatre «Roch Hachana» (début de l’année), en l’occurrence le Roch Hachana des arbres. On ne récite pas la prière de Ta’hanoune (supplications).
Ce jeudi 20 janvier 2011, on mangera davantage de fruits, en particulier des fruits qui font la fierté de la terre d’Israël : blé, orge, raisin, figue, grenade, olive et datte. On s’efforcera également de manger des caroubes ainsi que des fruits nouveaux. On n’oubliera pas de réciter les bénédictions adéquates avant et après manger.
On aura soin de prélever la «Terouma» et le «Maasser» des fruits provenant d’Israël.
La Torah compare l’homme à un arbre des champs : lui aussi est supposé produire des fruits, c’est-à-dire des Mitsvot, des bonnes actions. De même que le fruit peut produire des arbres qui produiront des fruits etc…, de même nos Mitsvot entraînent d’autres Mitsvot, encouragent d’autres Juifs à assumer leur judaïsme, à retrouver leurs racines et à s’enraciner dans un sol riche d’étude de la Torah et de pratique des Mitsvot. C’est ainsi que le peuple juif se perpétue, se développe et produira d’autres fruits.
À Tou Bichevat, nous mangeons des fruits, nous «produisons» des fruits, nous plantons des graines de bonnes actions.

F. L.
De Recit de la Semaine
Saisir l’inspiration

Il était 21h 30 à New York, cette nuit de 1943, du vivant du précédent Rabbi de Loubavitch. Le programme d’études des étudiants de la Yechiva venait de s’achever et plusieurs d’entre eux – dont Rav Hershel Fogelman – restaient dans le couloir et discutaient de ce qu’ils venaient d’étudier. Soudain, un jeune homme surgit en ouvrant la porte avec fracas. Il ne portait pas de Kippa et semblait très agité.
- Où est le Rabbi ? s’écria-t-il sans autre forme de politesse. Je dois absolument voir le Rabbi !
Rav Fogelman lui répondit calmement, affirma qu’il allait s’occuper de lui obtenir une entrevue avec le Rabbi tandis qu’un autre étudiant lui tendait discrètement une Kippa : après tout, il se trouvait dans une synagogue.
Le jeune homme s’appelait Herbert Goldstein. Ses frères venaient de lui téléphoner de Boston pour l’informer qu’une personne de la famille était très gravement malade et lui avaient demandé de solliciter au plus vite la bénédiction de Rabbi Yossef Its’hak de Loubavitch.
Rav Fogelman demanda à Herbert d’attendre un instant tandis qu’il demanderait à Rav Eliahou Simpson – le secrétaire du Rabbi – s’il était possible d’obtenir une entrevue le soir-même. Rav Simpson promit de faire le nécessaire et Rav Fogelman retourna s’occuper de Herbert. Celui-ci s’était calmé et acceptait volontiers de raconter sa vie. Il habitait à l’hôtel Mayflower à New York où il organisait des réceptions commerciales. Lui et ses frères avaient eu une entrevue avec Rabbi Yossef Its’hak trois ans auparavant. A cette époque, Herbert sombrait dans l’alcoolisme : le Rabbi avait pris sa main dans la sienne, l’avait encouragé à se contrôler et à diminuer significativement sa consommation d’alcool.
Et les paroles rassurantes du Rabbi avaient trouvé le chemin de son cœur. A partir de cette entrevue, Herbert avait trouvé la force de se maîtriser : chaque nuit, raconta-t-il, avant de se coucher, il embrassait la main que le Rabbi avait tenue avec tant d’affection.
Rav Simpson revint et informa Herbert qu’il pourrait bientôt avoir une entrevue avec le Rabbi. Très heureux, Herbert continua de bavarder avec Rav Fogelman jusqu’à ce qu’il fût admis en «Yehidout», entrevue privée.
Quand il en ressortit, Herbert était tout excité : le Rabbi s’était souvenu de lui ! Il lui avait rappelé où il s’était tenu durant leur rencontre trois ans auparavant, où ses frères s’étaient tenus. Il lui avait accordé une bénédiction pour la rapide guérison de son proche parent et lui avait rappelé l’importance de mettre les Téfilines chaque jour.
Rav Fogelman et Herbert se séparèrent en se serrant chaleureusement la main.
Peu après, le «Ramach» – c’est-à-dire le gendre du Rabbi, celui qui allait lui succéder sept ans plus tard et qui serait connu mondialement comme «Le Rabbi de Loubavitch – et Rav Simpson demandèrent à Rav Fogelman de leur raconter toute l’histoire de Herbert.
Il n’y avait aucune hésitation de la part du Ramach. Il ne voulait pas que l’inspiration d’Herbert demeure dans les nuages : elle devait se traduire dans les faits. Il demanda à Rav Fogelman de se munir d’une paire de Téfilines auprès de Rav Simpson et de se rendre le lendemain matin à l’hôtel Mayflower afin d’aider Herbert à les mettre. Rav Fogelman devait par la suite les offrir à Herbert bien qu’il soit préférable que celui-ci paye pour elles.
Rav Fogelman agit comme le Ramach le lui avait demandé : Herbert avait été très heureux de le revoir : «C’est si gentil de la part du Rabbi de vous envoyer à moi alors que je suis encore sous le coup de l’inspiration !», avait-il déclaré en souriant et tout en acceptant de mettre les Téfilines.
Quand Rav Fogelman retourna au 770 Eastern Parkway, il informa Rav Simpson (et donc le Ramach puisque tous deux travaillaient en étroite coopération) de l’heureuse issue de cette initiative. Le Ramach lui demanda de retourner le lendemain au Mayflower : Herbert fut à nouveau très heureux de revoir Rav Fogelman : «Vous n’allez pas croire à ce qui m’est arrivé ce matin ! Quand je me suis réveillé, je me suis souvenu que, enfant, mes parents m’avaient appris à réciter le ‘Modé Ani’ dès que je me réveille. Et c’est ce que j’ai fait !» Il remit les Téfilines pour la seconde fois, les paya et promit de les mettre dorénavant chaque jour.
Rav Fogelman fut envoyé une troisième fois chez Herbert et le jeune homme répéta sa promesse d’observer scrupuleusement cette Mitsva.
«Aujourd’hui, explique Rav Fogelman, il est difficile de comprendre combien une telle promesse semblait pratiquement impossible à obtenir d’un jeune Juif américain non-pratiquant. Quand le Rabbi avait vu qu’après tout, c’était possible, il avait refusé de laisser passer cette opportunité !»

To Know and To care
traduit par Feiga Lubecki