Semaine 37

Editorial
Roch Hachana : le moment du choix

Roch Hachana est là et chacun de nous se trouve devant un choix essentiel à opérer. Car le monde autour de nous est loin d’être simple. Ne nous donne-t-il pas à voir bien des motifs de crainte, bien des raisons d’inquiétude ou d’insatisfaction, personnelle ou collective ? Ne nous propose-t-il pas bien des modèles aux antipodes de nos espérances ? Nous pouvons alors choisir de fermer les yeux, de rester enfermés dans la prison de nos peurs, de nos ressentiments ou de notre désespoir, victimes passives des circonstances. Ou bien profiter de cette occasion pour nous envoler, nous aligner avec notre destinée, apprendre à être libres.
La liberté est un concept très noble mais elle se vit dans les choix que nous faisons à chaque instant. Dans nos relations, dans notre spiritualité, dans notre engagement à vivre une vie de joie, d’accomplissement. Dans notre conscience de la présence de D.ieu dans les détails les plus intimes de notre vie. Dans le souvenir que nous sommes là pour un but et qu’il nous faut faire chaque jour quelque chose qui donne du sens à ce but.
Si nous pouvions créer un nouveau futur, débarrassé de nos craintes et de nos erreurs passées, quel serait-il ? Comment nous comporterions-nous ? Qu’oserions-nous créer ? Qui remercierions-nous ? Qui écouterions-nous et que partagerions-nous ? Que ferions-nous pour embellir notre relation avec D.ieu et avec notre propre essence ? Quelle partie de nous-mêmes abandonnerions-nous et laquelle nourririons-nous ? Lesquels de nos rêves se réaliseraient-ils ?
Roch Hachana renferme une puissance considérable. Il nous est enseigné qu’à ce moment la lumière Divine, nécessaire à l’existence du monde et qui le pénètre, qui a soutenu la création toute l’année passée, est épuisée. C’est une lumière nouvelle qui doit à présent descendre dans le monde et dans notre vie pour animer l’avenir. C’est dire qu’en ce jour tous les possibles s’étendent devant nous. Le Livre est ouvert. Qu’allons-nous choisir ?
C’est de ce choix premier que tout va découler. Il faut savoir l’affirmer au son du Choffar. Il faut savoir le porter en cœur et en tête. Il faut le vivre pleinement. Tout est possible a-t-on dit. Et tout dépend de nous. Pour une année 5711 couronnée de joie, de bénédictions… et de Délivrance.
Etincelles de Machiah
Un Machia’h dans lequel tout le monde croira

Un seigneur non-Juif interrogea, un jour, un ‘Hassid : “Que feras-tu si ton Machia’h arrive et que je ne crois pas en lui ?”
Le ‘Hassid répondit sans hésiter : “Si vous ne croyez pas en lui, je n’y croirai pas non plus !”
Dans cette anecdote, une idée essentielle apparaît : la venue de Machia’h retirera tous les doutes qui peuvent exister et tout homme aura pleine conscience du nouveau temps qui aura commencé.
(d’après la tradition ‘hassidique)
Vivre avec la Paracha
Roch Hachana : Une explosion de lumière

A la tombée de la nuit, la veille de Roch Hachana, la nouvelle année, D.ieu enlève un peu de Sa lumière du monde. Bien sûr, Il reste présent, sinon le monde ne pourrait survivre, mais cette présence se fait plus discrète, plus retenue.
Et puis Il attend. C’est maintenant à notre tour d’agir.
Vers le milieu du saint jour suivant, dans tous les coins du monde, les Juifs reconnaissent Sa souveraineté par leurs prières et le son du Choffar. Alors D.ieu accepte à nouveau d’être notre Roi et Il renoue à nouveau Ses relations avec notre monde. Et Il le fait avec un nouveau seuil de lumière et de puissance. De toutes nouvelles possibilités, des possibilités qui n’avaient jamais existé auparavant, pénètrent le monde et nous avançons d’un pas de géant vers notre destinée ultime.
Mais le premier pas doit venir de nous. Nous devons renouveler notre contrat avec notre Créateur pour que le monde continue à exister. Chaque année, le monde doit choisir D.ieu.

Des larmes à la transformation
Pourquoi le Choffar ? Quelle force possède cet instrument primitif au point de faire descendre une lumière si intense et si essentielle ? Plus qu’une simple corne, le Choffar est un instrument de transformation. Le son qui en émane est celui d’un cri sortant d’un cœur brisé et sa force est la force des larmes.
Nous vivons dans un monde matériel où nous sommes sujets aux multiples angoisses et défis de la vie sur terre, nous sommes soumis aux demandes incessantes de notre corps et de notre ego et nous sommes loin d’être conscients de notre véritable potentiel. Notre âme, elle, avec sa conscience, sa perspective, sa créativité, sa force et son amour illimités est prise au piège et étranglée.
Mais quand nos défenses tombent, quand nous nous trouvons face à face avec notre petitesse et notre vulnérabilité inhérentes, dans ce vaste monde, nous pleurons vers D.ieu.
Et ce cri, cette conscience aiguë de nos propres limites, est ce qui nous rend notre liberté. Le cri d’un cœur brisé peut libérer notre âme de sa prison et nous ouvrir à quelque chose de totalement nouveau.
Cette liberté, et ce n’est pas un hasard, est également liée au son du Choffar. En fait, c’est le son du «Grand Choffar», le Choffar de la Rédemption, qui annoncera notre libération et notre transformation ultimes à la fin des temps.
La faiblesse et la force. La petitesse et la grandeur. L’isolement et l’unité. L’esclavage et la liberté. Comment peuvent-ils aller de pair et comment le même son peut-il les exprimer en même temps ?

Un monde d’opposés
La Kabbale explique que tout ce qui existe est fait de contraires. Le contraire de l’obscurité est la lumière. Le contraire du mal est le bien. Le contraire de l’esclavage est la liberté. Là où l’on trouve l’un, l’on trouve son contraire. Ils se définissent mutuellement et chacun permet l’existence de l’autre.
Cependant les états négatifs n’ont pas de réalité intrinsèque. L’obscurité n’est pas un état définitif. Tout comme pour lancer un ballon avec force, il faut d’abord mettre le bras en arrière, l’obscurité n’est qu’un prélude à une lumière qui jaillira avec encore plus de force.
C’est la raison pour laquelle les larmes ont une telle force de transformation. Paradoxalement ce n’est qu’en prenant conscience de notre petitesse, de notre faiblesse, de notre solitude et des limites de notre existence égocentrique que nous nous ouvrons suffisamment pour nous dépasser et devenir ce pourquoi nous sommes réellement nés.
Cette force de transformation est extrêmement présente à Roch Hachana quand le monde recommence à nouveau.

Au seuil de la Rédemption
A Roch Hachana, cette transformation n’est pas seulement davantage possible mais elle est aussi davantage nécessaire.
Chaque année, à Roch Hachana, le monde attend, suspendu dans l’espace obscur entre l’ancienne lumière et la nouvelle. Entre deux façons d’agir, il y a toujours un moment «creux», un moment de transition. C’est dans cet espace que nous avons l’opportunité de laisser partir les mesquineries, les ressentiments, les erreurs, les peurs et les échecs passés. Nous pouvons adopter un comportement tout à fait nouveau, une vie avec plus de sens. Nous pouvons nous engager dans des relations où dominent davantage la bonté, le respect, la compassion, envers les gens que nous aimons et envers ceux que nous pourrions aimer si nous cessions d’être en colère, sur la défensive ou effrayés.
En nous ouvrant à la vie, nous créons la plus grande ouverture pour que D.ieu nous inscrive dans le Livre de la Vie, pour une bonne et douce année dans son sens le plus vrai.
A Roch Hachana, le monde attend au seuil de la Rédemption. Dans ces moments d’obscurité intense, notre monde tremble ; la terreur, la guerre, les désastres naturels jettent une ombre terrible sur notre vie.
Mais cette obscurité n’est qu’un prélude à une toute nouvelle réalité. Ces événements sont décrits dans le Talmud (fin du traité Sota) et se concluent par la nécessité de resserrer nos liens avec D.ieu et de concrétiser notre potentiel comme partenaires de la Création.
Tout dépend de nous.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que Erouv Tavchiline ?

On n’a pas le droit, un jour de fête juive, de préparer de la nourriture pour le soir suivant ou le lendemain. Cependant, lorsqu’un jour de fête tombe le vendredi, on prépare avant la fête un aliment cuit au four et un aliment cuit à l’eau, pour montrer qu’on a pensé, avant la fête, à préparer Chabbat.
Cette année, mercredi 8 septembre 2010 (ainsi que mercredi 22 septembre et mercredi 29 septembre), on procédera au Erouv Tavchiline : on prépare une Halla ou un pain ainsi qu’un mets cuit (viande, poisson ou œuf). On récitera la bénédiction : «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bemitsvotav Vetsivanou Al Mitsvat Erouv.» («Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi de l’univers, Qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné le commandement du Erouv»). Puis on les mettra soigneusement de côté et on les consommera pendant un des repas de Chabbat.
Grâce à cet Erouv, tous les membres de la famille (et les invités) pourront cuire, porter, allumer les bougies et, en général, procéder vendredi à tous les préparatifs pour Chabbat.

Que fait-on la veille de Roch Hachana (cette année mercredi 8 septembre 2010) ?

On ne récite ni le Ta’hanoune ni les Psaumes 20 et 86 durant la prière du matin. On ne sonne pas le Choffar, afin de marquer la différence entre la coutume (du mois d’Elloul) et l’obligation (de Roch Hachana).
En présence de dix hommes, chacun récite le texte de «Hatarat Nedarim», l’annulation des vœux, afin de ne pas commencer la nouvelle année tant qu’on n’aurait pas accompli tout ce qu’on a promis l’année précédente : en effet, à Roch Hachana, chacun promet de mieux faire. Mais quelle serait la valeur d’une telle promesse si on n’a pas tenu les promesses de l’année précédente ?
Les hommes se coupent les cheveux, s’immergent dans le Mikvé. On revêt les vêtements de fête car on est confiant que D.ieu jugera chacun avec miséricorde.
On augmente les dons à la Tsedaka (charité) en s’assurant que chacun a de quoi faire face aux dépenses de la fête.
Nombreux sont ceux qui se rendent au cimetière sur les tombes des êtres chers disparus et des Tsadikim (Justes) afin qu’ils intercèdent en faveur de leurs descendants et de leurs fidèles.
De nos jours, on évite de jeûner et on préfère donner à la Tsedaka (charité) l’argent équivalent aux repas consommés (en général une somme multiple de 18).

Que fait-on à Roch Hachana ?

Mercredi 8 septembre 2010, après avoir mis des pièces à la Tsedaka (charité), les femmes, les jeunes filles et les petites filles allument les bougies de Roch Hachana ainsi qu’une bougie qui dure au moins 48 heures (avant 19h 58, horaire de Paris) avec les bénédictions suivantes :
1) : «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bemitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Yom Hazikarone» ; et (2) : «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé».
(«Béni sois-Tu Eternel notre D.ieu Roi du monde qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les lumières du jour du souvenir. Béni sois-Tu Eternel notre D.ieu Roi du monde qui nous a fait vivre, exister et arriver à cet instant»).
Après la prière du soir, on se souhaite mutuellement : «Lechana Tova Tikatev Veté’hatème» - «Sois inscrit(e) et scellé(e) pour une bonne année». Après le Kiddouch, on se lave les mains rituellement et on trempe la ‘Halla dans le miel pendant les repas de fête (et ce, jusqu’à Hochaana Rabba, mercredi 29 septembre inclus).
Ensuite on trempe un morceau de pomme douce dans le miel, on dit la bénédiction : «Haèts» et on ajoute : «Yehi Ratsone Milfané’ha Chete’hadèche Alénou Chana Tova Oumetouka» (« Que ce soit Ta volonté de renouveler pour nous une année bonne et douce »). Durant le repas, on s’efforce de manger de la tête d’un poisson, des carottes sucrées ou du gâteau au miel, une grenade et, en général, des aliments doux, pas trop épicés, comme signes d’une bonne et douce année.
Jeudi soir 9 septembre, les femmes, les jeunes filles et les petites filles allument les bougies de la fête (après 21h 03, horaire de Paris) à partir de la flamme allumée avant la fête, avec les mêmes bénédictions que la veille.
On aura auparavant placé sur la table un fruit nouveau, qu’on mangera après le Kiddouch, avant le repas.
Jeudi 9 et vendredi 10 septembre, on écoute la sonnerie du Choffar. Si on n’a pas pu l’entendre à la synagogue, on peut encore l’écouter toute la journée.
Jeudi après-midi, après la prière de Min’ha, on se rend près d’un cours d’eau et on récite la prière de Tachli’h.
Durant les deux jours de Roch Hachana, on évite les paroles inutiles et on s’efforce de lire de nombreux Tehilim (Psaumes).
Il est permis de porter des objets dans la rue les deux jours de Roch Hachana.
Jusqu’à Yom Kippour inclus, on ajoute dans la prière du matin le Psaume 130 et on récite matin et après-midi (sauf Chabbat) la prière «Avinou Malkénou» («Notre Père, notre Roi»). On ajoute certains passages de supplication dans la prière de la «Amida». On multiplie les actes de charité et, en général, on s’efforce d’être davantage scrupuleux dans l’accomplissement des Mitsvot.

F. L.
De Recit de la Semaine
Juste une sonnerie !

Cette histoire fut racontée par Rabbi Barou’h Rabinovitch de Munkach (père de l’actuel Rabbi de Munkach) à propos de son défunt beau-père, Rabbi ‘Haïm Elazar Spira (1871 – 1937) connu par le nom de son livre, « Minhat Elazar ».

Durant une certaine période, Rav Barou’h et son épouse habitèrent à Varsovie. Plus tard, quand le Rabbi «Minhat Elazar» tomba malade, il les supplia de retourner vivre à Munkach (en Tchécoslovaquie), ce qu’ils firent.
Le jeune couple avait un fils nommé Tsvi Natane David. Rav Barou’h rappelait souvent que son beau-père aimait beaucoup cet enfant, son petit-fils, d’une «façon exagérée», sans doute parce que le couple avait attendu longtemps avant de mettre au monde ce premier enfant. Rabbi ‘Haïm Elazar jouait beaucoup avec lui, le gâtait même et le jeune Tsvi était souvent assis sur les genoux de son grand-père tandis que celui-ci dirigeait les réunions ‘hassidiques du Chabbat.
La dernière année de sa vie, Rabbi ‘Haïm Elazar prit le Choffar le premier jour du mois de Elloul et le testa pour vérifier qu’il était en bon état. Le petit Tsvi l’observait et était visiblement ravi par les sons qui sortaient du Choffar.
Il demanda à son grand-père de sonner encore une fois, ce qu’il fit avec plaisir. Et à partir de ce jour, durant tout le mois, cela devint un rite immuable : le Rabbi sonnait du Choffar une fois chaque jour juste pour son petit-fils.
La veille de Roch Hachana, Tsvi attendait comme d’habitude que son grand-père sonne du Choffar, mais le Rabbi expliqua : «Aujourd’hui nous sommes le jour précédant Roch Hachana et la coutume est de ne pas sonner du Choffar ce jour-là. Demain nous sonnerons solennellement le Choffar à la synagogue avec les bénédictions !»
L’enfant ne comprenait pas, l’enfant ne prêtait pas attention aux explications, seule sa volonté existait ! Il trépigna et cria : «Juste une sonnerie ! Seulement une sonnerie ! Grand-père, une sonnerie !»
Déstabilisé par ce brusque caprice, le Rabbi tenta bien de refuser mais finit par céder à la volonté de son cher petit-fils : il saisit le Choffar et sonna encore une fois.
A Roch Hachana, la coutume voulait que le Rabbi prononce un discours avant de sonner le Choffar. Cette année-là - la dernière année de sa vie – le Rabbi se leva, se dirigea lentement vers le «Arone Hakodech», l’Arche Sainte où étaient déposés les rouleaux de la Torah, l’ouvrit et déclara d’une voix tremblante : «Maître du monde ! Je dois Te demander pardon ! Il est écrit que la veille de Roch Hachana, on ne sonne pas du Choffar et pourtant je l’ai fait !» Il pleurait maintenant sans même tenter de se cacher.
«Maître du monde ! Sais-Tu pourquoi j’ai transgressé cette coutume ? C’était à cause de mon cher petit-fils qui, assis par terre, suppliait et exigeait que je sonne du Choffar une dernière fois pour lui ! Mon cœur a fondu, je ne pouvais pas supporter de le voir pleurer ainsi et j’ai donc sonné pour lui, bien que cela ne se fasse pas.
Zaidé (Grand-père) ! Comment peux-Tu assister sans réagir quand des millions de Tes enfants sont assis par terre et Te supplient : « Père ! Juste une sonnerie ! Sonne dans le grand Choffar qui annoncera la Rédemption finale ! » Même si ce n’est pas vraiment le moment, même si ce ne devrait pas encore être l’avènement prévu du Machia’h (le Messie), Tes enfants ont besoin de Toi ! Comment peux-Tu attendre ? Accorde-leur le Machia’h ! »
En racontant cette histoire, Rabbi Barou’h tremblait de tous ses membres et pleurait. Il rappela comment tous les fidèles réunis à la synagogue fondirent en larmes en écoutant le court «discours» de leur Rabbi.
Il fallut attendre longtemps, ce Roch Hachana, avant que chacun se ressaisisse et qu’on puisse sonner du Choffar…

Hirshel Tzig
www.chabad.org
traduit par Feiga Lubecki