Semaine 36

Editorial
Quelle rentrée ?
Cette fois-ci, nous y sommes ! Pour la plupart d’entre nous, le rythme quotidien reprend. Autour de nous, l’activité anime de nouveau les rues et, déjà, cette période un peu entre parenthèses qu’on a coutume d’appeler «les vacances» commence à prendre sa place dans nos souvenirs bien rangés. Décidément, rien ne peut plus nous en détourner : c’est la rentrée ! Il y a, dans ce mot, comme une tonalité d’irrémédiable. Faut-il le prendre comme une clôture de scène ou un lever de rideau ? Peut-être est-ce la question essentielle du moment.
Comme bien souvent, il est possible de regarder les jours qui passent de deux façons profondément différentes. Il est loisible à chacun d’y voir ce que l’on a décrit : le retour après la grande transhumance estivale, la réapparition des soucis de la vie et de la course effrénée – et parfois sans but – qui caractérise les sociétés modernes… On peut aussi prendre brutalement conscience que le calendrier nous ouvre ici un champ de potentialités inespéré. Car cette rentrée n’est pas comme celles qui l’ont précédée. Elle nous introduit, sans aucune transition, dans la deuxième partie du mois d’Elloul. Et cela change tout.
Elloul : dernier mois du calendrier juif, qui précède les fêtes de Roch Hachana et de Yom Kippour, mais surtout période à part. C’est le temps où, disent nos Sages, D.ieu attend chacun comme le Roi prêt à accueillir avec bienveillance tous ses sujets et à leur accorder toutes leurs demandes. La Kabbale enseigne qu’alors les Treize Attributs de la Miséricorde Divine éclairent l’univers et tous ceux qui y vivent. Pour ces raisons, Elloul est un mois plus personnel, comme intérieur à chacun. C’est un mois de réflexion – sur soi, ses actes, les démarches nouvelles à entreprendre. Le ressentir, de façon tangible, n’est qu’affaire de sensibilité ; si l’on sait voir, la réalité physique n’est plus tout à fait la même.
C’est bien d’une véritable découverte qu’il s’agit : la rentrée peut avoir une portée spirituelle et le grand retour peut être celui de l’âme vers D.ieu. D’une certaine manière, particulièrement cette année du fait du calendrier, cela ne dépend que de nous. Nous avons ainsi un choix aux conséquences fondamentales. Vivre la rentrée comme une nouvelle soumission au monde, à ses contraintes et à ses exigences de matérialité ou la vivre comme une aire ouverte de liberté, comme un espace de lumière, comme une source de lien avec le Divin. Le chemin qui s’ouvre est clair ; il nous entraîne vers cette année bonne et douce dont nous rêvons tous, cette année de toutes les bénédictions et de la plus grande d’entre elles : la venue de la Délivrance messianique.
Etincelles de Machiah
Pour l’éternité

Le texte de la Torah enseigne (Exode 25): “Et ils prendront pour Moi un prélèvement”. Le Midrach Rabba (2,2) souligne: «En tout endroit où il est écrit “pour Moi”, cela ne disparaît jamais ni dans ce monde-ci ni dans le monde futur».
Cela signifie que, lorsque le Machia’h viendra, ce prélèvement – la Terouma – sera également offert pour le Temple comme il fut offert pour l’édification de Michkan, du Sanctuaire dans le désert. C’est, en effet, ce qu’énonce le prophète Ezéchiel, lorsque le Machia’h se révèlera, la ville de Jérusalem et le Temple seront reconstruits tandis que le Michkan réapparaîtra.
(D’après le Midrach Rabba. Commentaire du Maharaze) H.N.
Vivre avec la Paracha
Nitsavim : le second niveau de choix

La Paracha Nitsavim – dont le sens est : «se tenir debout» – est toujours lue avant Roch Hachana. Moché s’y adresse au peuple se tenant tout entier debout, qu’il s’agisse des chefs, des érudits âgés ou des porteurs d’eau. Tous sont rassemblés pour écouter ce que Moché a à dire.
Vers la fin de son discours, Moché s’exprime ainsi : «Regardez, je mets devant vous, aujourd’hui, la vie et le bien et la mort et le mal… Vous choisirez la vie pour que vous et vos enfants vivent». Moché signifie par là que la voie de la Torah apporte la vie et le bien-être.
Cette idée comporte deux niveaux. Le premier implique que l’individu peut entrevoir une variété de manières de vivre. Lorsqu’il songe aux diverses possibilités et probabilités, il lui apparaît qu’une vie guidée par les enseignements de la Torah est susceptible de lui apporter un plus grand bonheur et un accomplissement personnel plus riche. Ainsi choisit-il la voie de la Torah, la voie de la vie. Il s’agit ici du premier choix. Il est guidé par la compréhension et le sentiment que le Judaïsme apportent, l’harmonie et des valeurs positives dans la vie.
Le second niveau s’exprime lorsque l’harmonie n’est pas évidente, lorsque l’on se trouve dans une situation de crise, d’antagonisme et de lutte et que l’observance d’une vie juive authentique ou simplement le fait d’être juif semblent ajouter encore des problèmes.
Dans cette situation de challenge, chaque Juif possède encore la force de choisir la voie de «la vie» et du «bien». Cependant, cela peut apparaître comme un choix qui défie le raisonnement et la compréhension conventionnels. La personne choisit ce qui lui apparaît comme la vraie vie et le bien mais certains risquent de ne pas comprendre cette attitude. Des gens, apparemment bien intentionnés et raisonnables, peuvent conseiller : «Pourquoi vous encombrer de tout cela ? Facilitez-vous la vie!»
Mais Moché nous enjoint de choisir la vie, un Judaïsme authentique. Ses recommandations s’appuient sur une perspective plus large de ce que nous sommes et de notre destination.
La ‘Hassidout explique que ce choix est l’expression de l’essence de l’âme, unie de façon absolue avec D.ieu. Elle doit choisir la voie de la Torah, quelles que soient les circonstances adverses du moment. Parce que du point de vue de notre essence profonde, aucune autre voie n’est possible. Et pourquoi pas ? Parce que notre essence se soucie de la réalité et non de ce qui apparaît bien, ponctuellement, mais qui ne l’est pas véritablement.
Les paroles de Moché, nous recommandant de «choisir la vie», incluent ces deux niveaux de choix. Et il s’agit là d’une introduction importante à Roch Hachana. En effet, lors de cette célébration, nous exprimons notre dévouement à D.ieu, notre Roi, et Lui, à Son tour, nous «choisit» à nouveau comme Son peuple.
Le choix du Peuple Juif par D.ieu n’est pas basé sur nos bonnes actions, le premier niveau de choix. Il s’agit plutôt du choix de l’essence du Juif, à l’intérieur de nous-mêmes, le point où nous sommes tous unis avec D.ieu, quelles que soient nos actions du moment : le second niveau.
Etant donné ce lien intérieur profond avec D.ieu, c’est à nous qu’il revient d’apporter de la consistance dans notre vie, de faire de notre comportement extérieur un reflet de l’amour qui se cache dans l’essence de notre cœur. C’est alors que les réalités intérieures et extérieures se soudent, pour l’individu et également pour l’univers en général, et que les deux niveaux de choix deviennent un. Choisir la voie de la vie juive signifie choisir la vie, le bien et le bonheur.

Vayélé’h

Et Moché alla et il prononça les paroles suivantes à tout Israël. Et il leur dit : «J’ai cent et vingt ans aujourd’hui…» (Devarim 31 :1-2)
Aujourd’hui mes jours et mes années sont remplis ; en ce jour je suis né et en ce jour je vais mourir… Cela vient nous enseigner que D.ieu remplit les jours des Justes, au jour et au mois précis, comme il est écrit (Chemot 23 :26) : «Je remplirai le nombre de vos jours. » (Rachi, ibid ; Talmud Roch Hachana 11a)

Une année représente plus qu’une quantité de temps : c’est un cycle, une suite de transitions qui suit son cours pour se répéter encore et toujours. Sur le plan matériel, une année marque l’achèvement du cycle solaire et la répétition des suites de saisons et de cycles annuels qu’elle engendre. Sur le plan spirituel, chaque année apporte la répétition des influences spirituelles suscitées par les fêtes (la liberté à Pessa’h, la joie à Souccot, etc.), depuis leur position fixée sur le calendrier juif.
C’est la raison pour laquelle, le mot hébreu pour «année», chana, signifie à la fois «changement» et «répétition». Car l’année contient en elle toutes les transformations que constitue l’expérience humaine. Et chaque année de notre vie ne fait que répéter ce cycle mais au niveau supérieur que nous a permis d’atteindre une année précédente de maturité et d’accomplissements. En d’autres termes, on peut dire que nous vivons tous un an et puis revivons notre vie autant de fois que nous le pouvons, chaque année, à un niveau plus élevé, comme une spirale qui réamorce le même itinéraire à chaque révolution, mais chaque fois plus haut.
C’est là le sens d’une vie qui est «remplie» dans la mesure où elle consiste en années du calendrier complètes. Moché est né le 7 Adar et a quitté le monde le même jour, comme c’est le cas de nombreux Tsaddikim (Justes parfaits).
Le monde que nous habitons possède à la fois une dimension matérielle et une dimension spirituelle. Alors que ce ne sont que deux faces d’une même réalité, l’une n’est pas toujours le miroir exact de l’autre. C’est pourquoi beaucoup de Tsaddikim ont «rempli» leurs années au sens spirituel, dans le sens où le potentiel de chacun de leurs jours et de chaque instant a été réalisé parfaitement…, mais pourtant, cette perfection ne s’exprime pas dans les dates du calendrier de leur naissance et de leur mort. Physiquement, leur dernière année sur terre est «incomplète». Mais ils sont des hommes et des femmes de si grande envergure que leur vie corporelle est un réceptacle de cristal pour leur contenu spirituel, cela se reflétant dans le fait que «D.ieu remplit leurs années au jour et au mois précis».
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que les Seli’hot ?

Les Seli’hot sont des prières de supplications qui rappellent les besoins de l’homme mais aussi sa petitesse et ses faiblesses. En récitant les Seli’hot, le Juif procède à une introspection approfondie qui lui permet d’aborder la nouvelle année avec la crainte et l’humilité requises.
Dans les communautés ashkénazes et ‘hassidiques, on commence à réciter les Seli’hot à partir du samedi soir précédant (d’au moins quatre jours) la fête de Roch Hachana : cette année samedi soir 4 septembre 2010 vers 1 heure 30. Puis on dit les Seli’hot, à partir du lundi 6 septembre, avant la prière du matin. On aura au préalable récité les « bénédictions du matin » ainsi que les bénédictions de la Torah.
On ne commence les Seli’hot qu’en présence de dix hommes adultes (plus de treize ans) afin de pouvoir prononcer le Kaddich.
Si possible, on reste debout pendant les Seli’hot, au moins lorsqu’on prononce les «Treize Attributs de Miséricorde» et le «Vidouy» (confession des fautes). Celui qui ne prie pas avec un Minyane (dix hommes) ne prononce ni les «Treize Attributs» ni les prières en araméen.
L’officiant s’enveloppe d’un «Talit» (châle de prière). S’il fait encore nuit, il ne prononcera pas la bénédiction : il serait alors préférable qu’il emprunte un Talit à un ami ou à la synagogue.
L’endeuillé (durant les sept premiers jours) ne sort pas de chez lui et ne peut donc aller à la synagogue pour les Seli’hot, excepté la veille de Roch Hachana (mercredi 8 septembre) où les Seli’hot sont particulièrement longues.
De Recit de la Semaine
Une lettre à Chlomo

(J’ai reçu le message suivant sur mon site Facebook de la part de «Ra’hel» après qu’elle m’ait contacté pour me demander si j’étais apparentée à Rav ‘Haim Yaffe et son épouse Ra’hel, de Portland dans le Maine – mes parents).

Chlomo !
Voici un événement dont vous ne vous souvenez peut-être pas mais que moi, je n’oublierai jamais.
Retour à cet été 1971. J’avais obtenu de mes parents la permission de retrouver mes racines en étudiant le judaïsme en Israël à la condition absolue que je revienne à la fin de l’année scolaire, au moins pour l’été.
Après une année de volontariat dans un Kibboutz religieux, j’étais persuadée que je pourrais tenir mon engagement à observer le Chabbat et la cacherout tout en étant monitrice dans une colonie de vacances à Fryeberg dans le Maine. Mais très vite, je dus constater que je résistais bien faiblement à l’assimilation ambiante…
Quand le second Chabbat arriva, je me sentis bien malheureuse. Et les quatorze adolescentes dont je m’occupais comprirent bien vite que quelque chose n’allait pas. Elles cherchèrent avec acharnement et découvrirent que je souffrais de ne pas me sentir «à la maison», de ne pas retrouver mon Chabbat.
Avant que j’aie pu réaliser ce qui se passait, elles avaient obtenu de la direction de la colonie la permission de se rendre à l’office du Chabbat matin à Portland, à deux heures de route de là ! J’avais fébrilement cherché dans le Bottin l’adresse d’une synagogue «orthodoxe» ; la conseillère pédagogique Linda – qui n’était pas juive – avait accepté de nous prêter le minibus de la colonie et nous sommes parties le cœur léger.
Quand nous sommes arrivées devant la synagogue, j’avais le cœur battant. Puis je vous ai aperçu – ou plutôt vous nous avez aperçus, descendant une à une du minibus, Chabbat… Vous avez couru pour chercher votre père qui nous est apparu comme une vision sainte, tout enveloppé qu’il était de son Talit. Il nous a accueillies avec un grand sourire – sans montrer la moindre nervosité du fait que nous avions à l’évidence transgressé la sainteté du jour. En quelques secondes, il nous fit de la place dans la section des dames et vous nous avez tendu des livres de prière. Mes ados étaient époustouflées mais j’étais enfin «chez moi».
A la fin de l’office, votre père nous a convaincues de vous suivre chez vous pour le repas de Chabbat. Quatorze personnes à l’improviste ! Jamais je n’oublierai combien vous étiez heureux tout en courant dans l’allée devant nous pour annoncer : «Maman ! Regarde les invitées que Taté (Papa) ramène à la maison !» La fierté dans votre voix et votre joie à être celui qui annonce la bonne nouvelle étaient indescriptibles !
Mais moi, j’étais horrifiée d’imposer à votre famille un aussi grand nombre d’invitées ! J’ai pourtant vite réalisé que ce n’était pas nécessaire. Nous avons été accueillies comme des amies perdues de vue depuis longtemps et, en quelques minutes, la table était agrandie, garnie d’assiettes, verres et couverts en plastique : nous faisions partie de la famille.
Après le repas (mais comment fit votre Maman pour nourrir tout ce monde ?), vers 15 heures, mes jeunes filles étaient rassasiées et désiraient rentrer – en minibus bien sûr – mais c’est vous qui avez compris que c’était impossible, vous avez sauvé mon Chabbat : vous avez supplié votre père – qui avait peut-être prévu auparavant de se reposer ou d’étudier – de nous raconter des histoires du Baal Chem Tov. Nous nous sommes assises sur le canapé, sur les chaises, parterre et avons écouté avec fascination les histoires et les réflexions ‘hassidiques – jusqu’à la tombée de la nuit, jusqu’à la fin du Chabbat !
Nous allions enfin vous laisser tranquilles ; c’est alors que ma vie a basculé ! Votre père m’a demandé si je voulais observer le Chabbat. J’ai bredouillé : «Oui, bien sûr mais…» Et j’ai donné plusieurs raisons pour lesquelles je ne pouvais pas me rendre à Portland chaque Chabbat. Il insista, encore et encore et je continuai à expliquer que je regrettais, que j’aurais bien voulu etc…
Finalement, il a souri et a promis qu’il viendrait me chercher le vendredi suivant à la colonie pour que je puisse passer Chabbat avec votre famille.
Effectivement, chaque vendredi de cet été, vous et votre père m’avez cherchée puis ramenée le samedi soir ! Une fois, je vous ai téléphoné car j’étais alitée à l’infirmerie avec une forte fièvre : il m’était impossible de voyager ! Mais votre mère a éclaté de rire et m’a assurée que le Chabbat était certainement le médicament dont j’avais besoin et que je devais me préparer car son mari viendrait me chercher comme d’habitude. Elle avait raison !
Mais ce dont je me souviens le plus de toute cette expérience, c’était votre attitude à vous, le petit garçon qui agissait de concert avec son père, résolu à ramener le maximum de Juifs «à la maison» pour faire de ce monde un endroit meilleur.
C’est vous qui avez allumé en moi le désir de consacrer ma vie au judaïsme afin qu’un jour, moi aussi je puisse donner naissance à un fils comme vous ! La vision de ce petit garçon courant joyeusement devant un groupe d’invitées imprévues, m’a accompagnée dans ce long voyage de retour. «Pixie» est devenue Ra’hel et réalise son rêve à Jérusalem, avec deux générations, des enfants et petits-enfants engagés dans la voie du judaïsme.
Comme je me trouve pour ce Chabbat à New York avec ma splendide famille, ma famille nombreuse, je ressens une immense gratitude, comme toujours depuis près de quarante ans, envers vous et vos parents.
Je vous raconte cette histoire parce que je crois qu’il est intéressant pour ceux qui, comme vous, consacrent leur vie à nous aider, d’entendre parfois «la fin de l’histoire»… de mon histoire qui commença grâce à votre amour des belles histoires un certain Chabbat après-midi.
Je me trouve cette semaine à New York et j’aurais aimé vous revoir ainsi que vos parents pour que je puisse enfin les remercier personnellement.
Ra’hel.

Rav Shlomo Yaffe – www.chabad.org
traduit par Feiga Lubecki