Semaine 22

Editorial
Comme un regard d’enfant

Les années passent, le monde vieillit et les hommes aussi, ne semble-t-il pas de plus en plus difficile de regarder l’univers avec des yeux neufs ? Pourtant c’est là une vertu si précieuse. Ne plus voir une réalité figée par l’habitude. Ne pas poser sur toute chose un regard usé par trop d’usages semblables. Retrouver les couleurs vives qui nous restent souvent en mémoire et que nous peinons à retrouver. Si l’on en était capable par une simple décision, comme tout serait sans doute différent. Comme il serait plus facile de percevoir alors le riche potentiel de la vie, sans limites ni barrières ! C’est un grand vent qui se serait levé, bousculant les certitudes trop faciles et nous entrainant dans une grande aventure à la découverte des terres de l’esprit et de l’âme encore inexplorées. Cela s’appellerait «retrouver un regard d’enfant» comme pour dire le courage de voir autrement, la joie de savoir contempler pour la première fois et la volonté de poursuivre sur le chemin ainsi ouvert, pour grandir encore.
Est-ce un rêve inaccessible ? C’est pourtant bien comme cela qu’apparaît le monde après la fête de Chavouot. Celle-ci nous a donné à célébrer le Don de la Torah. Bien plus, elle nous a donné à le revivre, au sens le plus littéral. Une telle expérience nous a, par essence, profondément transformés. De fait, le monde ne peut plus être aujourd’hui le même. Il vient de recevoir la Loi civilisatrice, celle qui enchaîne la violence des sociétés et des hommes, donne sens à leur vie et permet de construire l’harmonie. Pour cela, à présent, notre regard n’est plus celui que nous avions encore hier. Tout s’ouvre au devant de nous. Tout est profondément neuf et plus rien ne contraint la belle immensité de nos libres choix. Peut-être avions-nous oublié que l’on pouvait grandir ? L’habitude, la monotonie de nos gestes avaient pu nous faire croire que tout se limitait à ce petit espace devenu comme notre seul horizon. C’est bien cela qui a disparu. Nous regardons les choses avec tout l’enthousiasme de la radicale nouveauté.
Nous vivons maintenant le temps de tous les possibles. Gardons-nous de perdre cette toujours trop rare occasion. Ne laissons pas un regard usé s’accrocher à des réalités anciennes. Tout est neuf, notre vie peut également l’être. C’est à nous qu’il revient d’agir. La Torah et ses commandements sont notre héritage et la source même de notre vie. Pour un Juif, le terme «se ressourcer» a une signification claire et puissante. La retrouver, lui donner un sens concret, c’est la nécessité de l’heure. Elle recèle des promesses d’éternité. Pour soi et pour le monde.
Etincelles de Machiah
Mesure pour mesure

Le Tanya explique, dans son chapitre 36, que toutes les révélations dont nous jouirons lorsque Machia’h sera venu, dépendent de l’œuvre que nous accomplissons pendant le temps de l’exil. Si ce principe général est connu, son application concrète demande à être précisée.
En effet, c’est l’ensemble des actions que nous menons dans le domaine de la Torah et de ses commandements qui nous conduit à la Délivrance. Cependant, le concept de “mesure pour mesure” est très présent au cœur du judaïsme. Il implique que chaque acte entraîne une conséquence spécifique. Dans cette optique, quelle est l’œuvre qui peut être à l’origine de la résurrection des morts ?
Cette interrogation appelle deux réponses :
- d’une part, la pratique des commandements de D.ieu a pour but général de transformer le monde matériel, dont le caractère éphémère renvoie à l’idée de “mort”, en un lieu de résidence pour la Divinité qui représente l’éternité,
- d’autre part, l’œuvre spirituelle accomplie par l’homme est celle d’élévation des parcelles de spiritualité “exilées” dans la matière. La libération qui leur est ainsi apportée équivaut à une authentique résurrection.

(d’après Likouteï Si’hot vol. III, p. 1011) H.N.
Vivre avec la Paracha
Beaalote’ha : aller et retour : l’anatomie d’une flamme

Bien qu’elle n’occupe que trois versets du début de notre Paracha, la Mitsva de l’allumage de la Menorah donne à toute la Paracha son nom: Beaalote’ha («quand tu feras monter la lumière»). Comme cela est précisé dans les sources de nos Sages, les lumières de la Menorah représentent les âmes d’Israël. Le fondement de l’équation Menorah / peuple, lampe / âme est la déclaration du Roi Chlomo dans le Livre des Proverbes: «une lampe de D.ieu, l’âme de l’homme». Le fondateur de la ‘Hassidout ‘Habad, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, s’étend sur cette métaphore, retrouvant dans les constituants de la lampe matérielle une anatomie détaillée de l’âme humaine. Ce qui suit est basé sur l’analyse de Rabbi Chnéour Zalman et les discours que firent par la suite les Rebbéim ‘Habad.

La flamme:
des aspirations paradoxales
La flamme s’étire vers le haut comme pour se libérer de la mèche et se perdre dans la grande dépense d’énergie qui ceint les cieux. Mais même quand elle s’étire vers le ciel, elle revient aussitôt, resserrant son attache à la mèche et buvant avec soif l’huile de la lampe, une huile qui maintient son existence continue de flamme individuelle. Et c’est la tension entre ces énergies conflictuelles, ce vacillement entre vouloir se dissoudre et être à nouveau qui produit la lumière.
L’âme, également, aspire à la transcendance, aspire à s’arracher aux attaches de la matérialité et à parvenir à une réunion qui annule son existence propre avec son Créateur et sa Source. Néanmoins, simultanément, elle est également conduite par une volonté d’être, une volonté de mener une vie physique et d’imprimer sa marque dans le monde matériel. Dans la «lampe de D.ieu» qu’est l’homme, ces tendances contraires convergent en une flamme qui illumine son environnement d’une lumière divine.

Les ingrédients
Comment une flamme est-elle créée et maintenue ? Par l’intermédiaire d’une lampe, consistant en de l’huile, une mèche et un ustensile les contenant, de sorte que l’huile se transforme par l’intermédiaire de la mèche en une flamme qui brûle.
L’huile et la mèche sont toutes deux des substances combustibles. Mais aucune ne peut produire de la lumière par elle-même avec l’efficacité et la stabilité de la lampe. La mèche, si elle est allumée, ne brille que brièvement et meurt, entièrement consumée. Quant à l’huile, il serait extrêmement difficile de l’allumer. Mais quand une mèche et de l’huile sont jointes dans la lampe, elles produisent une lumière contrôlée et stable.
L’âme de l’homme est une lampe de D.ieu dont le but dans la vie est d’illuminer le monde avec une lumière divine. D.ieu nous a fourni l’élément qui produit Sa lumière: la Torah et Ses commandements (Mitsvot) qui incorporent Sa Sagesse, Sa Volonté et apportent Sa Vérité lumineuse.
L’huile divine requiert une «mèche», un corps physique, pour canaliser sa substance et la transformer en une flamme lumineuse. La Torah est la sagesse divine; mais pour que la sagesse divine soit manifeste dans notre monde, il faut que des esprits physiques l’étudient et la comprennent, que des bouches physiques en débattent et l’enseignent, et que des media la publient et la disséminent. Les Mitsvot représentent la volonté divine; mais pour que la volonté divine soit manifeste dans notre monde, il faut des mains réelles pour la mettre en œuvre et des objets matériels (des peaux animales pour les Tefiline, de la laine pour les Tsitsit, de l’argent pour la charité) par l’intermédiaire desquels elle se concrétise.
Pour réaliser son rôle comme «lampe de D.ieu», une vie humaine doit être une lampe qui combine une existence physique (la «mèche») avec des idées divines et des actes de la Torah (l’ «huile»). Quand la mèche saturée d’huile nourrit régulièrement ses aspirations spirituelles, la flamme qui en résulte est à la fois lumineuse et stable, préservant la productivité de la mèche et illuminant le coin du monde dans lequel elle a été placée.

Des nuances de lumière
La flamme elle-même est multicolore ce qui fait allusion aux nombreux niveaux auxquels l’homme se lie au Créateur dans son observance des Mistvot. D’une manière générale, il y a les régions inférieures et plus sombres de la flamme qui touchent la mèche et les parties supérieures et plus claires.
La partie plus sombre de la flamme représente ces aspects du service d’une personne, colorés par leur association avec l’élément physique de la «mèche», c'est-à-dire les Mistvot motivées par l’intérêt de soi-même. La partie la plus haute et la plus pure de la flamme représente les moments de l’être humain où il se dépasse lui-même, agit, comme le dit Rambam «pour aucune raison dans le monde: ni par peur du mal ou par désir de parvenir au bien; mais plutôt, il accomplit la vérité parce qu’il sait que c’est la vérité».

Se rapprocher et revenir
Aussi la «mèche» est-elle à la fois un geôlier et un libérateur pour la flamme. Elle retient l’âme dans sa spécificité par rapport au Tout Divin et dans son appartenance au Créateur. Et pourtant, ce sont cette spécificité et cette appartenance, cette incarnation dans la vie matérielle qui nous permet de nous lier à D.ieu de la façon la plus profonde et la plus significative, en accomplissant Sa volonté.
Ainsi lorsque le commandement divin, le corps physique et la vie humaine se réunissent comme l’huile, la mèche et la lampe, le résultat en est la flamme: une relation avec D.ieu caractérisée par deux aspirations contraires: un élan pour se rapprocher associé à un engagement à revenir. La matérialité de la vie évoque dans l’âme un désir de s’en libérer et de fusionner dans le divin. Mais plus l’âme se rapproche de D.ieu, plus elle reconnaît qu’elle ne peut accomplir Sa volonté qu’en étant un être distinct et matériel. Ainsi, alors que la matérialité de la mèche pousse la flamme dans un désir de s’élever, la volonté divine implicite dans l’huile soutient son engagement à l’existence et la vie.
Chaque Mitsva est de l’huile pour l’âme: avec chaque acte qui constitue l’accomplissement de la volonté divine, nos vies deviennent des lampes qui brillent, allumées de flammes qui vacillent du ciel vers la terre et à nouveau dans le sens inverse, et illuminent le monde par ce processus.
C’est là que réside la spécificité de la Mitsva de l’allumage des lampes de la Menorah dans le Temple. Chaque Mitsva génère de la lumière, que cela implique de donner une pièce à la charité, d’attacher les Téfilines sur notre bras et sur notre front, ou de manger de la Matsa à Pessa’h. Mais cette Mitsva (et les Mitsvot qui lui sont liées : l’allumage des lumières de Chabbat et de ‘Hanouka) ne font pas que nous transformer en lampes métaphoriques, elles assument également la forme réelle d’une lampe matérielle, d’une huile matérielle, d’une mèche matérielle et d’une flamme matérielle qui produisent une vraie lumière, tangible.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que le « Chaatnez » ?

La Torah (Deutéronome 22. 11 et Lévitique 19. 19) interdit de porter un vêtement dans lequel le lin et la laine sont tissés ensemble.
Même les vêtements qualifiés de 100 % synthétiques peuvent contenir du Chaatnez : dans les fils utilisés pour coudre les boutons, dans les boutonnières, dans les épaulettes. On peut trouver du Chaatnez dans les costumes, les manteaux, les robes, les pantalons mais aussi dans les cravates, les gants, les couvertures et les bottes.
On peut cependant essayer un vêtement avant de l’acheter si on ignore s’il contient du Chaatnez. Mais s’il est clairement stipulé sur l’étiquette que le vêtement contient du lin et de la laine, on n’a même pas le droit de l’essayer.
Il est permis de porter un vêtement en laine par-dessus un vêtement en lin et vice versa, tant qu’ils ne sont pas cousus ensemble.
Selon le Rambam (Maïmonide), cette interdiction vise à éloigner le Juif de certaines pratiques en usage chez les idolâtres.
D’autres commentateurs font remarquer que les vêtements sacerdotaux (portés par les Cohanim dans le Beth Hamikdach, le Saint Temple de Jérusalem) étaient justement à base de lin et de laine : l’interdiction servirait alors à distinguer ces habits sacrés de ceux du peuple.
Une explication kabalistique viserait à interdire le mélange du végétal (lin) avec l’animal (la laine). Les forces spirituelles qui se dégagent de ces deux matériaux différents se neutralisent et s’empêchent mutuellement d’agir positivement.
Vu la complexité des matériaux modernes, il appartient à des laboratoires spécialisés d’analyser à l’aide d’un microscope tout article susceptible de contenir du Chaatnez.
Pour toute question relative à cette Mitsva, contactez le Beth Loubavitch le plus proche de chez vous.

F. L. (d’après M. Lorne Rozovsky – www.chabad.org)
De Recit de la Semaine
Le volcan et la foi (ou le foie…) !

Une crise universelle ! Des millions de gens bloqués au cours de leurs voyages, des milliards de dollars… partis en fumée parce qu’un volcan est entré en éruption dans un pays lointain. Et au milieu de cette terrible pagaille, un jeune Juif a eu la chance de mériter un sourire de grâce du Créateur, avec une miraculeuse suite d’événements.
Il s’agit d’un jeune étudiant de Yechiva, âgé de dix-huit ans, originaire de Jérusalem. A la suite de plusieurs malaises, les médecins appelés à son chevet diagnostiquèrent une grave atteinte du foie : le pronostic vital était engagé. Les médecins conclurent qu’il n’avait aucun espoir de s’en sortir à moins de subir une transplantation du foie.
Comme le «marché» israélien est très restreint dans ce domaine, la famille prit conseil auprès de Rav Firer, connu pour son expertise et son taux de réussite dans ce domaine. Rav Firer conseilla aux parents de transférer le jeune homme à Bruxelles, là où fonctionne le centre mondial pour les greffes hépatiques. Cependant, il fit remarquer que ce centre était connu pour ne traiter que les patients européens : en effet, les donneurs sont rares et ce sont les malades originaires d’Europe qui sont prioritaires. Malgré cette lourde hypothèque, il fut néanmoins décidé d’y envoyer le jeune homme, malgré les dépenses et les efforts impliqués car il n’y avait aucun autre espoir.
A son arrivée dans la capitale belge, le jeune étudiant n’eut d’autre choix que d’ajouter son nom à la longue liste des malades en attente de transplantation. Puis il tenta de maintenir son programme d’études malgré les restrictions imposées par la maladie et la fatigue, le stress de la vie à l’étranger, loin de sa famille et de ses camarades de la Yechiva. Il était parfaitement conscient que l’attente pourrait durer des semaines, voire des mois… Et l’état de son foie ne s’améliorait évidemment pas ! De nombreux patients venus de tous les pays d’Europe figuraient sur la liste qui s’allongeait tandis que son nom était toujours repoussé plus loin. Et même quand son tour arriverait, il faudrait que le foie proposé corresponde exactement à son groupe sanguin et aux autres paramètres médicaux. Tant de conditions devaient être réunies qu’il fallait vraiment compter sur un miracle.
Mais : «Nombreuses sont les pensées de l’homme ; c’est le plan de D.ieu qui se réalise !» Apparemment D.ieu avait un autre projet pour ce jeune garçon. Alors que commençait le mois d’Iyar, le mois dont les lettres forment les initiale de : «Je suis l’Eternel, Celui qui te guérit», un des loyaux serviteurs du Tout Puissant se mit à cracher des tonnes et des tonnes de cendres incandescentes, de roches et de gaz en Islande : tout le ciel européen se couvrit d’épais nuages dangereux pour les voyages aériens. Tous les aéroports fermèrent les uns après les autres, des milliers de vols furent annulés, des millions de voyageurs se trouvèrent piégés «pour une durée indéterminée». Nul ne pouvait quitter l’endroit où il se trouvait, nul avion ne pouvait atterrir.
Et pendant ce temps, peu au courant de ce qui se passait dans le vaste monde, un jeune homme pratiquant de Jérusalem continuait d’étudier avec application, malgré les lourds traitements qu’impliquait sa maladie.
C’est alors qu’on apprit qu’à Bruxelles venait de décéder un homme qui avait auparavant exprimé son accord pour faire don de ses organes. Or le foie du défunt correspondait en tous points à celui de notre étudiant de Yechiva. Oui mais… Les autorités médicales se mirent à contacter frénétiquement tous les patients inscrits sur la longue liste. «Malheureusement» aucun d’entre eux ne se trouvait à Bruxelles et n’avait de moyen de s’y rendre rapidement, puisque tous les avions étaient cloués au sol à cause du volcan et de ses émanations brûlantes.
Au fur et à mesure des coups de téléphone infructueux, les responsables du service de transplantation se rendirent compte qu’il restait encore cet étudiant israélien. Qui n’était pas européen.
Mais les minutes et les heures passaient : bientôt le précieux foie ne pourrait plus être transplanté !
On fit alors abstraction de toute démarche administrative et on invita le jeune homme à se présenter d’urgence à l’hôpital.
C’est ainsi que, grâce à une intervention divine évidente, un étudiant de Yechiva put être transplanté dans les meilleures conditions possibles.
Et il était temps. Quand les médecins procédèrent à l’intervention, ils réalisèrent que le foie du jeune homme était considérablement détérioré : quelques jours plus tard, il aurait sans doute cessé de fonctionner risquant ainsi de mettre un terme tragique à une jeune vie. Tous les médecins témoins de l’opération reconnurent alors la Main de D.ieu qui avait utilisé «les grands moyens» pour lui venir en aide.
Le jeune homme – dont le nom n’a pas été divulgué – se repose et a entamé une longue convalescence. Le monde médical et toutes les communautés juives de par le monde lui souhaitent un prompt rétablissement lui permettant de bien vite reprendre l’avion pour rentrer chez lui !

Yera’hmiel Tilles – Safed
traduit par Feiga Lubecki