Semaine 21

Editorial
Notre Chavouot

Nous vivons un temps de tumulte, de fureur, de violence et parfois d’affrontements. Nous sommes abreuvés d’images qui nous racontent, jour après jour, toutes les formes du malheur et de la détresse des hommes. Face aux nouveaux conforts procurés par des technologies conquérantes se lèvent trop souvent de profondes inquiétudes que la perte de repères solides rend encore plus présentes. Et l’homme dans tout cela ? Que devient-il ? Mais peut-être est-ce la nature même du monde que de produire du tumulte ? Peut-être tout cela est-il fait justement pour qu’on le dépasse ? C’est alors que se pose la question éternelle : comment ? De la réponse dépend sans doute largement notre façon de vivre voire notre vie.

Voici Chavouot, le « temps du Don de notre Torah ». Laissons nos Sages décrire l’événement : lorsque fut venu l’instant où D.ieu Se révéla sur le mont Sinaï pour y donner la Torah au monde, une Loi qui le conduirait pour toujours, de l’obscurité vers la lumière, l’univers entier fit silence. Les animaux cessèrent leurs cris, toute la création se tut, comme en attente. Il est difficile d’imaginer un tel silence, présent, non comme une absence mais comme une existence active. Le Don de la Torah ou le jour où la sérénité apparut, invincible. Car imposer silence au monde, même si cela semble une prouesse, ne peut être un but en soi. Ce silence inespéré n’a de sens que s’il est le signe d’un autre événement : l’apparition de la Sagesse ultime. C’est ainsi que, d’année en année, nous vivons la fête de Chavouot : loin des clameurs éphémères, à l’écoute des vérités essentielles, celles que nous savons détenir profondément en nous, parfois étouffées par le bruit du dehors, enfin révélées.

« Et D.ieu descendit sur le mont Sinaï » nous dit le Texte, établissant, pour qu’il ne disparaisse plus jamais, un lien entre le spirituel et le matériel, entre le Créateur et Sa création. C’est de cela que nous sommes aujourd’hui les héritiers. Dans notre vie quotidienne, dans notre manière de voir et de vivre les choses, dans l’éducation que nous donnons à nos enfants, et à nous-mêmes, dans tout ce que nous sommes, nous incarnons cette idée prodigieuse. L’homme, être libre par essence, ne se laisse pas imposer ses choix par quelque élément que ce soit. Il les détermine avec toute l’assurance de la conscience, toute la certitude de l’Histoire. Chavouot, le jour où D.ieu Se révéla et donna Sa Sagesse, est parmi nous. Il nous revient de le vivre. Les Dix Commandements retentissent en ce jour dans toutes les synagogues. Faisons plus que les entendre, écoutons-les de tout notre cœur et de toute notre âme, tous, hommes, femmes et enfants. Ils ne nous parlent ni de passé ni d’avenir – seulement d’éternité.
Etincelles de Machiah
Le sort des nations

Décrivant le temps de Machia’h, le prophète Isaïe (54 :7) déclare: «Car la nation et le royaume qui ne te serviront pas disparaîtront». Cette annonce présente évidemment un caractère dramatique cependant elle ne correspond pas à une punition, même méritée.
En effet, à cette nouvelle époque, la réalité de chaque existence apparaîtra. C’est ainsi que tous verront clairement que toute la création, y compris l’ensemble des nations du monde, n’a été créée que pour accomplir la Volonté Divine. C’est dire que le refus de se conformer à cet objectif ultime prive la créature de sa raison d’être.
C’est pourquoi, lorsque le Machia’h viendra, toute créature qui rejettera la fonction pour laquelle elle a été créée, ne pourra que cesser d’exister.
(d’après Likouteï Si’hot, vol. XXIV, p. 161) H.N.
Vivre avec la Paracha
Chavouot : Les Dix Commandements vus de l’intérieur

Les Dix Commandements étaient gravés sur deux Tables. Les cinq premiers concernent les relations de l’homme avec D.ieu et les cinq suivants sont relatifs aux relations de l’homme avec son prochain.
Parmi les 613 Commandements de la Torah, D.ieu choisit précisément ces dix, avec un soin tout particulier. Il les communiqua directement au Peuple Juif sans utiliser Moché comme intermédiaire et les inscrivit sur des Tables qui allaient être placées à l’intérieur de l’Arche Sainte située dans le Kodech Hakodachim, le Saint des Saints. Il est évident que, bien que toutes les Mitsvot soient vitales, les cinq d’entre elles qui furent choisies pour être gravées dans la pierre de la première Table constituent la base de notre relation avec D.ieu et les cinq autres qui figurent sur la seconde Table, le fondement de notre relation avec les hommes.

La première Table
1. Je suis l’Eternel ton D.ieu qui t’ai sorti de la terre d’Egypte
Ce n’est pas «indigne» de D.ieu, le Tout Puissant devant Lequel «tout est considéré comme ‘rien’», de S’impliquer personnellement dans les tâches de ce monde, de libérer une nation persécutée des mains de ses oppresseurs. Nous pouvons toujours avoir confiance en Lui, Qui veille soigneusement sur nous et contrôle tous les événements qui affectent notre vie.

2. Tu n’auras pas d’autres dieux en Ma présence
D.ieu est le seul Qui contrôle tous les événements et tout ce qui arrive. Aucune autre entité, que ce soient notre gouvernement, notre patron, notre conjoint… ne peut nous nuire ou nous faire du bien si D.ieu ne l’a décrété ainsi. Chacun d’entre nous bénéficie d’une relation particulière avec D.ieu et aucune force, aucune puissance ne peuvent s’interférer dans cette relation.

3. Tu ne prononceras pas le Nom de D.ieu en vain
La relation que l’on vient d’évoquer peut réellement être intime et personnelle mais nous ne devons jamais perdre de vue qu’Il est notre Créateur et non notre «ami». Trop de familiarité peut conduire au mépris, il faut donc veiller à ce que la prière que nous Lui adressons trois fois par jour n’émousse pas le respect que nous devons au Roi des Rois.

4. Souviens-toi du jour du Chabbat pour le sanctifier
Maintenir cette relation avec D.ieu requiert des efforts de notre part. Trop souvent, nous sommes tellement immergés dans notre routine quotidienne que nous oublions de réactualiser cette relation avec D.ieu, qui est la priorité des priorités. C’est pourquoi Il nous a enjoint de consacrer un jour par semaine pour «entretenir» cette relation ; c’est le Chabbat, jour pour se concentrer sur ce qui compte vraiment dans la vie et en tirer de l’inspiration pour toute la semaine qui suit.

5. Honore ton père et ta mère
Pourquoi ce commandement est-il inclus dans ceux qui régissent les relations entre «l’homme et D.ieu ?» N’appartient-il pas plutôt à la seconde Table ? La leçon en est peut-être que, bien que nous devions tout à D.ieu, nous ne devons pas oublier d’exprimer notre gratitude aux gens à qui D.ieu a confié la mission de nous aider dans le voyage de la vie. Comme le dit le Talmud : «le vin appartient à l’hôte mais on remercie également celui qui nous le verse.»

La seconde Table
Bien que la plupart des interdictions soient des avertissements contre des erreurs flagrantes que bon nombre d’entre nous n’envisageraient pas même de commettre, elles possèdent de subtiles implications qui s’appliquent à tout un chacun.

1. Tu ne tueras pas
Le meurtre est le résultat du fait que l’on considère l’autre comme totalement insignifiant. En réalité, chaque être humain a été créé par D.ieu selon Son image sainte et possède donc le droit légitime d’exister. Le premier message que nous devons assimiler est l’importance du respect dû à chaque individu. Si D.ieu estime que cette personne est importante, nous devons en faire de même.

2. Tu ne commettras pas d’adultère
Un amour mal avisé. Certes, nous devons être aimants, gentils et respectueux à l’égard de chacun. Mais l’amour n’est pas une «carte blanche» qui justifie tout. Il est des règles que nous devons suivre. Parfois un fidèle amour à l’égard d’un enfant, d’un élève ou d’un membre du sexe opposé etc. implique le fait d’être sévère et de s’abstenir d’exhiber cet amour.

3. Tu ne commettras pas d’enlèvement (l’on traduit habituellement par «tu ne voleras pas». Mais nos Sages expliquent que cette interdiction concerne en fait l’enlèvement, contrairement à l’interdiction de voler qui est mentionnée dans le Lévitique (9 :11).
L’essence de l’enlèvement consiste à utiliser l’autre pour un gain personnel. Toute l’attention doit être donnée à un véritable ami : n’entrons pas dans cette relation pour notre propre intérêt. Soyons là pour notre ami, même si cela nous est inconfortable ou difficile.

4. Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton voisin
Chacun est un juge. Nous observons constamment nos connaissances et nos amis, jugeant chacune de leurs paroles et de leurs actions. Il nous faut être conscients de cette tendance à «porter des témoignages» afin de porter notre propre jugement. Il nous faut sans cesse accorder le bénéfice du doute, prendre en considération tous les différents facteurs que nous ignorons, nous assurant ainsi de ne pas être conduits à une très grave erreur de jugement.

5. Ne convoite pas les possessions de ton voisin
Soyons heureux de la bonne fortune de notre voisin ! Tout ce qui précède peut pâlir en comparaison avec ce message final que nous portent les Dix Commandements. Une fois que nous nous sommes entraînés intellectuellement à respecter notre prochain et à toujours le juger avec une lumière positive, il est maintenant temps d’impliquer notre cœur. Aimons-le. Ne craignons pas de nous impliquer avec nos émotions, c’est là tout ce qu’implique former une famille !
Le Coin de la Halacha
Que fait-on à Chavouot ?

On a coutume de se couper les cheveux la veille de Chavouot, donc cette année le mardi 18 mai 2010.
Il convient de préparer un nombre suffisant de bougies pour les deux jours de fête ainsi qu’une bougie de vingt-quatre heures.
Mardi soir 18 mai (à Paris avant 21h 11) et mercredi soir 19 mai (après 22h 31), les femmes allumeront les deux bougies de la fête (les jeunes filles et les petites filles allumeront une bougie), avec les bénédictions : 1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chèl Yom Tov » - (« Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, Qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les bougies du jour de fête » et 2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé » - (« Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, Qui nous as fait vivre, exister et Qui nous as fait parvenir à ce moment »).
La fête se termine jeudi soir 20 mai après 22h 32 (heure de Paris).
Il est de coutume d’étudier toute la première nuit de Chavouot.
Tous, hommes, femmes et enfants, même les nourrissons, se rendront à la synagogue mercredi matin 19 mai pour écouter la lecture des Dix Commandements. On marque ainsi l’unité du peuple juif autour de la Torah, et on renouvelle l’engagement d’observer ses préceptes.
On a l’habitude de prendre un repas lacté avant le vrai repas de viande mercredi midi.
Jeudi 20 mai, on récite, pendant l’office du matin, la prière de Yizkor en souvenir des parents disparus : on donnera de l’argent à la Tsedaka pour leur mérite.

F. L.
De Recit de la Semaine
Pourquoi ne m’as-tu pas dit ?

L’étude de la Torah a toujours occupé une place centrale dans le judaïsme. De plus en plus de cours sont dispensés dans les centres communautaires : que ce soit pour débutants ou pour personnes plus avancées, pour hommes ou pour femmes, des sujets de réflexion philosophique ou des applications pratiques, l’étude de la Torah est indispensable.
En 1974, le Rabbi de Loubavitch en fit le thème d’une campagne mondiale, dont le but était d’assurer non seulement la transmission de connaissances mais véritablement de renforcer la protection et la sécurité de chacun et de tous. Le Rabbi cita alors souvent l’adage : « La Torah protège et défend ! »
A cette époque, nous avons mis en place un cours de Tanya pour les dames. Chaque semaine, le cours avait lieu dans une autre maison : ainsi, en plus du bénéfice net de l’étude, les femmes devinrent vraiment des amies.
Bien entendu, au fil des années, il m’est arrivé d’être obligée d’interrompre la cadence, surtout lorsque je donnai naissance à mes enfants : le cours s’arrêtait alors quelques semaines jusqu’à ce que je me remette.
Un des cours qui était normalement donné dans l’une des synagogues du quartier fut délocalisé dans un appartement privé, à la demande de deux femmes, ‘Hanna et Aliza, en fait deux belles-sœurs qui étaient aussi des voisines : elles trouvaient difficile de sortir le soir car leurs maris travaillaient tard et elles n’avaient personne pour garder les enfants.
Bien qu’il me fût plus confortable de donner le cours dans un endroit neutre, j’acceptai leur requête et nous avons donc étudié une fois chez l’une, une fois chez l’autre. Ainsi, les deux belles-sœurs qui habitaient vraiment l’une à côté de l’autre purent assister à tous les cours.
En Kislev 5752 (1992), j’eus la joie de pouvoir passer quelques jours au 770 Eastern Parkway à Brooklyn et de m’imprégner de l’atmosphère si spéciale de la synagogue du Rabbi. Si on m’avait demandé mon nom et mon adresse à ce moment, je crois que je n’aurai pas pu répondre… Rien ne comptait à ce moment-là si ce n’est assister à tous les offices, à tous les Farbrenguen (réunion ‘hassidiques), à toutes les fois où le Rabbi distribuait des dollars à remettre à la Tsedaka (charité)… Le Rabbi nous comblait de tant d’opportunités !
Un jour, je reçus un coup de téléphone de la maison. Ah, c’est vrai ! Il existe quelque chose qui s’appelle ainsi à l’autre bout du monde… si loin de ma réalité présente. C’était une de mes filles qui m’informait que ‘Hanna, l’une des dames chez qui se déroulait le cours une fois sur deux, avait donné naissance à un petit garçon ; la Brit Mila (circoncision) avait déjà eu lieu et l’enfant avait été nommé… Mena’hem Mendel !
C’était vraiment une bonne nouvelle et j’étais au comble de la joie. Pour la première fois je constatais que mon cours portait ses fruits : ce que j’avais enseigné – ce que le Rabbi avait écrit – avait été bien absorbé. De fait, plusieurs dames avaient appelé leurs filles ‘Haya Mouchka (du nom de la Rabbanit, l’épouse du Rabbi), mais là, c’était le premier Mena’hem Mendel. Immédiatement j’écrivis une lettre au Rabbi pour l’informer de la nouvelle et demander des bénédictions matérielles et spirituelles pour l’enfant et toute sa famille.
Puis je retombai dans la réalité : si ‘Hanna avait eu un bébé et que je me trouvais aux Etats-Unis, je devais lui acheter un petit cadeau. On trouve à Crown Heights d’adorables idées de cadeaux qui étaient la fois éducatifs et d’un prix abordable mais mon budget était très serré.
Finalement je raisonnai : quel meilleur cadeau pouvais-je offrir qu’un billet d’un dollar du Rabbi ? Exactement ! ‘Hanna méritait un dollar du Rabbi : elle avait fourni tant d’efforts pour accueillir le cours dans sa maison, elle avait introduit de nombreux changements positifs dans sa vie personnelle et celle de sa famille et avait même nommé son fils Mena’hem Mendel ! Certainement elle avait dû affronter des remarques désobligeantes autour d’elle pour ce nom « vieillot » et un dollar du Rabbi la renforcerait dans ses opinions.
Je retournai en Israël le dimanche soir. Le prochain cours serait le jeudi suivant, après une interruption de trois semaines. Je savais à l’avance que le cours prendrait plus la forme d’un Farbrenguen et ce serait l’occasion de raconter mon séjour à Brooklyn.
Ma fille avait mis le dollar dans un joli cadre. Puis je reçus un coup de fil d’Aliza : comme ‘Hanna venait d’accoucher, le cours se passerait donc chez Aliza.
J’arrivai dans le bâtiment et montai à l’étage où les deux portes entre les deux appartements étaient ouvertes comme d’habitude afin que les enfants puissent se rendre de l’un à l’autre ainsi que les mamans.
Au lieu d’aller à droite – chez ‘Hanna – je me rendis à gauche chez Aliza. Quand ‘Hanna entendit que j’étais arrivée, elle se précipita et nous nous sommes embrassées chaleureusement. Je lui offris le dollar qui lui fit vraiment plaisir. D’ailleurs toutes les femmes du cours auraient bien voulu recevoir un dollar du Rabbi…
Pendant ce temps, Aliza était restée assisse sur un fauteuil, contemplant les retrouvailles… et le dollar ! Sans rien dire.
Je savais qu’elle devait accoucher à peu près en même temps que ‘Hanna. Je m’approchai d’elle : elle était habillée normalement, elle portait même des chaussures alors qu’elle aurait pu être en pantoufles puisqu’elle était chez elle. Je lui demandai comment se passait la fin de sa grossesse, si tout était prêt pour la naissance imminente de son bébé.
Sa réponse me fit l’effet d’une bombe : « J’ai déjà accouché ! »
Dans ces cas-là, il faut savoir comment réagir, trouver les mots qu’il faut, citer un bon mot ‘hassidique, une parole du Rabbi… mais, à vrai dire, j’étais désemparée.
- Tu ne me crois pas ? Viens voir !
Elle se leva et m’emmena voir son bébé.
- Mais quand as-tu donc accouché ?
- Il y a deux jours !
- Et quand as-tu quitté l’hôpital ?
- Cet après-midi !
Elle n’avait même pas pris le temps d’enlever ses chaussures ! A peine rentrée de la maternité, elle avait mis le bébé au lit, préparé le repas des « grands » et rangé le salon pour accueillir les participantes du cours !
- Mais pourquoi ne m’as-tu pas annoncé que tu avais déjà ton bébé ! Nous aurions pu déplacer le cours !
- Parce que je savais que dans ce cas, tu n’accepterais pas de donner le cours chez moi et alors ni ‘Hanna ni moi, nous n’aurions pu y assister !

P. Zarchi
traduite par Feiga Lubecki