Semaine 11

Editorial
Solidarité pour toujours !

Alors que nous ressentons encore, avec acuité, la joie de Pourim, alors que nous préparons déjà, avec impatience, celle de Pessa’h, voici que s’élève du monde le tumulte toujours accompagnateur des catastrophes irrésistibles. Sur plusieurs continents, dans une courte période, tout s’est passé comme si, soudainement pris de folie, l’eau, la terre, le vent s’étaient ligués pour détruire la civilisation des hommes et parfois leur vie même. On a hélas déjà eu l’occasion, dans ce même cadre, de réfléchir à la fragilité des choses, à la fugacité des rêves humains et au caractère éphémère de leurs plus orgueilleuses réalisations. Il est vrai que cette idée est de celles qui devraient s’exprimer en nous avec force à chaque instant. Peut-être est-ce ainsi que l’homme, conscient alors de sa véritable nature et de sa place dans l’univers, se réconcilierait avec lui-même ? La conscience de sa fragilité comme source d’harmonie ? Cela peut être un projet…
Mais, s’il nous est donné d’assister, en témoins impuissants, à tous ces drames, c’est aussi parce que leur survenance nous donne une responsabilité nouvelle. Certes, il est toujours tentant de s’abandonner au confort maintenu du lieu où l’on vit. Il est toujours tentant de penser que le malheur s’abat toujours sur les autres. Pourtant, si l’événement parvient jusqu’à nous, c’est aussi pour que les ondes qu’il déplace nous touchent également, ne serait-ce qu’en fin de parcours. D’une certaine façon, chacun est ici concerné. En effet, au delà de la compassion naturelle, au delà des figures de style de circonstance sur l’unité des hommes, penser à l’autre, vivre personnellement ses peines comme ses joies sont un impératif. Car là réside une des clés de la création Divine. L’homme, couronnement de cette création, la conduit vers son but ultime, son accomplissement, donnant expression au sens de l’Histoire. Par son souci de l’autre, il donne au Bien la place qu’il doit tenir et écarte l’égoïsme réducteur. Il prend alors véritablement vie.
Refuser de ne pas voir, toujours et partout refuser l’oubli sont une ancienne tradition juive. La fête de Pourim nous l’a, encore récemment, rappelé dans l’activisme de Mordé’haï et d’Esther. Ceux-ci, devant la menace d’extermination du peuple juif par Haman, ne pensèrent pas simplement à leur propre sécurité, facile à assurer. Ils entreprirent leur combat : sauver tout le peuple ou disparaître avec lui. Nous savons aujourd’hui qu’ils furent vainqueurs. Bien souvent, la victoire est au bout de l’engagement et de l’enthousiasme. Cette victoire-là est, pour toujours, celle de l’homme. Elle nous mène jusqu’au sommet.
Etincelles de Machiah
La manière juive
Un jour, alors que le Tséma’h Tsédèk – le troisième Rabbi de Loubavitch – était encore un jeune homme, il s’assit parmi un groupe de ‘hassidim qui discutaient de la question : «Qui sait quand Machia’h va venir ?»
Il commenta : «Ce type de discours rappelle la manière de Bilaam, le prophète non-Juif qui déclara à propos de Machia’h : ‘Je le vois mais il n’est pas proche ; je le perçois mais pas dans l’avenir immédiat’ – comme si la Délivrance était lointaine. Un Juif, lui, doit espérer et attendre chaque jour que Machia’h arrive ce jour même.»
(d’après la tradition orale) H.N.
Vivre avec la Paracha
Vayakhel Pekoudé : Tendre l’oreille

La Paracha de Vayakhel décrit la réponse enthousiaste du Peuple Juif à la demande d’apporter des matériaux destinés à construire un Michkan (Sanctuaire, Tabernacle) pour D.ieu. Ils apportèrent avec empressement leur or, leur argent, leur cuivre et d’autres métaux précieux pour servir ce précieux dessein. Leur désir fut si grand qu’en fait, leurs contributions dépassèrent même la quantité nécessaire, à tel point que Moché dut supplier le Peuple de ne plus rien donner.
Le Tabernacle constitue en réalité le prototype du sanctuaire que construit chaque famille dans son propre foyer. Tout comme le Tabernacle servait de demeure pour D.ieu, notre maison privée devient pour Lui un havre, quand elle est imprégnée d’amour, de dévotion et de préoccupation pour autrui. Le Peuple Juif dans le désert nous donna à tous le ton pour construire nos foyers afin qu’ils deviennent des Sanctuaires pour D.ieu.
Bien que les hommes, les femmes et les enfants eurent partagé tous cette généreuse contribution, les femmes témoignèrent d’un empressement tout particulier dans leurs dons pour le Sanctuaire. Non seulement elles se séparèrent de leurs possessions et de leurs bijoux les plus précieux mais elles donnèrent également leur temps, leurs talents et leur énergie.
Tout comme à l’époque du désert, les femmes juives, tout au long de l’histoire, se sont toujours placées au premier rang dans la tâche sacrée de construire un Sanctuaire pour D.ieu dans leur propre foyer. Elles donnent avec empressement leurs «bijoux» personnels, leur vision, leurs talents, leur créativité pour combler les besoins de leurs enfants et de leur famille.
Quatre types de bijoux furent remis pour le Tabernacle : des boucles d’oreilles, des boucles de nez, des bagues et des bracelets. Le Rabbi précédent, Rabbi Yossef Its’hak, dans un discours adressé aux femmes juives, s’étend sur le sens symbolique de chacun de ces ornements.

Les boucles d’oreilles : tendre l’oreille
Ecoutez lorsque vos enfants parlent. Faîtes-leur savoir que vous êtes vraiment là pour eux. Ecoutez aussi quand ils parlent entre eux. Ce qu’ils disent reflète ce qu’ils retiennent des gens qui les entourent. Soyez aussi réceptives au bien, aux conseils et aux directives pédagogiques. Plus vous accepterez de conseils d’autrui, plus vos enfants seront ouverts à vos propres conseils.

Les boucles de nez : utilisez votre nez
Soyez vigilantes devant de subtils signes de souffrance ou de révolte chez vos enfants. Soyez attentives et surveillez avec qui vos enfants passent leur temps et ce qu’ils font ensemble. Des amis fiables et des activités productives formeront une personnalité saine.

Les bagues : pointez les choses
L’observation seule, (par l’intermédiaire des «oreilles» et du «nez») ne suffit pas à élever un enfant sain et rempli d’un sens de sécurité. Utilisez votre doigt pour clarifier les choses pour votre enfant et pour lui donner la bonne direction et les bons conseils. Montrez à vos enfants que vos conseils s’appuient sur un réel souci de leur bien-être et que vous êtes conscients de leurs préoccupations et de leurs besoins. Ne vous contentez pas de donner des ordres ; vos enfants seront beaucoup plus réceptifs à vos paroles si vous leur expliquez les choses à leur niveau.

Les bracelets : des tactiques «bras de fer» ?
Le bracelet symbolise la puissance et la force nécessaires pour élever les enfants. Un parent doit essayer d’anticiper. Ne vous jetez pas dans la bataille une fois que l’enfant s’est déjà mal conduit. Il faut essayer de rester en dehors du jeu, d’anticiper les points d’achoppement et de connaître le mieux possible le caractère de l’enfant.
Il s’agit également de la discipline intérieure et personnelle du parent. Avant de discipliner votre enfant, disciplinez-vous vous-même. Les enfants répondent à l’exemple que transmettent les adultes autour d’eux. Mettez dans l’éducation autant d’énergie qu’il vous est possible de mettre. Cela imprégnera vos enfants de caractère et de vitalité qui les feront emprunter un mode de vie plein de sens.
Rappelez-vous, par-dessus tout, que tous les dons que vous faites à votre foyer et à vos enfants sont votre contribution personnelle et volontaire. Ne laissez jamais l’éducation devenir une obligation rituelle et un devoir encombrant. Donnez avec joie, généreusement et de bon cœur. Votre sanctuaire personnel brillera par cette touche aimante que vous seules pouvez donner.

Un et tous
Une grande entreprise se conclut heureusement dans la Paracha Pekoudé. Le Michkan (Sanctuaire) est achevé par Moché et les Enfants d’Israël.
Ce merveilleux prototype du Temple avait été construit par tous. L’artiste, le maître d’œuvre, l’architecte en était Betsalel, mais tout le monde avait participé. La Torah mentionne les hommes et les femmes, avec une emphase toute particulière, nous l’avons vu, sur les talents artistiques de ces dernières. Nos Sages ajoutent que les enfants également y prirent part.
Chacun ressentait que par le fait de sa contribution personnelle à la construction du Sanctuaire, il jouait un rôle dans l’érection de la structure dans son ensemble. Il est vrai que sans les autres centaines de milliers d’individus, le Sanctuaire n’aurait pu être achevé. Cependant, chacun ressentait que lui avait réussi dans la tâche de faire exister le Michkan.
Nos Sages rapportent qu’à la fin du travail, Moché donna une bénédiction : «Que D.ieu accorde que Sa Présence réside dans le travail de vos mains». Le Michkan est appelé «le travail de vos mains», cela s’appliquant à toute la nation en tant que collectivité mais aussi à chacun individuellement.
Comment un individu peut-il ressentir ce sens d’accomplissement, non dans la petite participation qu’il a donnée, mais comme s’il avait créé l’ensemble ? Le Rabbi suggère la réponse suivante : quand on participe à une entreprise en donnant le maximum de ses aptitudes pour accomplir l’attente divine.
Vous faites le mieux possible, quelle qu’en soit la quantité, alors vous pouvez réellement ressentir que l’ensemble de la structure sacrée est le produit de vos efforts propres.
Cette idée à propos du rôle de l’individu ne s’applique pas exclusivement dans la construction du Sanctuaire, il y a des milliers d’années, mais dans nos entreprises collectives d’aujourd’hui, en tant que membres du Peuple Juif. De nombreuses tâches nous attendent. Non seulement nous devons préserver le Judaïsme mais nous, le Peuple Juif, agissant ensemble, avons le rôle de nous conduire, nous-mêmes et le monde vers la prochaine étape de l’histoire.
C’est un rôle qui implique chacun d’entre nous. Cependant, suivant la logique appliquée au Michkan, si chacun d’entre nous donne son «maximum», il peut ressentir que la tâche totale est son entreprise personnelle, individuelle. Tout est entre nos mains.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que la Matsa Chmourah ?

En hébreu, «Chmourah» signifie «gardée» et ce terme décrit parfaitement ce qu’est cette Matsa. La farine utilisée pour sa fabrication est gardée, protégée de tout contact avec de l’eau, depuis le moment de la moisson. En effet, si elle venait à être mouillée, elle pourrait lever et devenir impropre à la consommation pendant Pessa’h.
Ces Matsot sont rondes, pétries à la main et ressemblent à celles que les enfants d’Israël consommèrent lorsqu’ils quittèrent l’Egypte. Elles sont cuites en moins de dix-huit minutes sous stricte surveillance rabbinique, afin de s’assurer qu’elles ne puissent en aucune façon augmenter de volume et devenir levain pendant la fabrication. La Matsa Chmourah doit être utilisée pendant les deux nuit du Séder, c’est-à-dire lundi soir 29 mars et mardi soir 30 mars 2010, en particulier pour les trois Matsot posées sur le plateau. Certains ont la coutume d’en consommer pendant toute la fête.
Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé son ménage de Pessa’h pour acheter les Matsot ; il suffira de les stocker à l’abri de tout ‘Hamets.

F. L.
De Recit de la Semaine
L’employé de la compagnie du gaz

Samedi soir, le repas de Melavé Malka. Une odeur inquiétante de gaz venant de la cuisinière. Ce n’était pas la première fois. J’avais tenté de réparer ce problème auparavant mais apparemment sans succès. Nous avons appelé le service du gaz et en moins d’une heure, un grand gaillard de près de deux mètres, tatoué sur les deux bras, frappait à notre porte.
Il répara la fuite et en sortant, remarqua la photo du Rabbi sur le mur : «Je le connais ! murmura-t-il, c’est Rabbi Schneerson !»
- Vous l’avez connu ? m’étonnai-je. Vous voulez dire vous avez entendu parler de lui ?
Je pensais qu’il me répondrait qu’il avait vu le Rabbi à la télévision ou avait lu un article à son sujet dans un magazine. Mais il insista :
- Il y a de nombreuses années, j’ai consulté un médecin qui m’a affirmé que je ne pourrais jamais avoir d’enfants. Et comme j’avais prévu de me marier peu après, ce n’était pas une bonne nouvelle !
Quelques temps plus tard, j’ai été appelé pour une fuite de gaz au 770 Eastern Parkway. J’ai réparé la fuite et j’ai remarqué une longue file de gens, sérieux et concentrés, comme se préparant à une rencontre cruciale. J’ai demandé à un jeune homme qui passait par là ce qu’ils attendaient. Il m’a répondu qu’un homme saint donnait des bénédictions aux gens et distribuait des dollars à remettre à la charité.
- Qui reçoit des bénédictions et des dollars ? demandai-je, intrigué.
- Celui qui veut ! me répondit-on.
- N’importe qui peut prendre sa place dans la queue et recevoir une bénédiction et un dollar ?
C’était trop beau pour être vrai !
- Oui ! N’importe qui !
Alors j’ai décidé de faire la queue moi aussi, dans mes habits d’ouvrier du gaz.
J’ai attendu vraiment très longtemps jusqu’à ce que j’arrive devant le Rabbi. Je signalai que j’étais l’ouvrier qui venait de réparer une fuite de gaz au 770. Le Rabbi me remercia pour mon travail et me tendit un dollar en me bénissant : «Que vous ayez une gentille épouse, une belle vie et une belle famille !» Alors que je n’avais absolument pas évoqué mon problème de santé et mes projets de mariage !
Je raccompagnai l’employé du gaz dehors. Il me demanda de regarder l’intérieur de son camion : il y avait une séparation entre le siège du chauffeur et l’arrière du camion. Collées sur la séparation se trouvaient des photos de vedettes du sport et – Lehavdil – une photo du Rabbi. Et à côté une photo de l’épouse de l’employé avec leurs deux enfants !
- Alors vous voyez, j’ai connu Rabbi Schneerson ! conclut-il avec un grand sourire en remontant dans son camion. Il resta assis en silence, sans démarrer alors qu’il avait l’air d’un homme à ne pas perdre son temps. Puis il ajouta. «Moi je suis très grand et le Rabbi était bien plus petit que moi. Mais quand il me regarda et que ses yeux semblèrent percer à travers moi, je me suis senti bien plus petit que lui. J’avais compris qu’il n’était pas une personne «normale». Et c’est pourquoi je crois à tout ce que j’entends à son sujet. Ce n’était vraiment pas quelqu’un d’ordinaire !»
Et il tourna la clé et démarra.
Le Rabbi qui portait le poids du monde sur ses épaules utilisa son temps si précieux et son énergie pour bénir l’employé du gaz condamné par son médecin à la stérilité. Telle est la marque des véritables leaders : ils savent prendre le temps de s’occuper de chacun !

Rav Motty Lipskier
N’shei Chabad Newsletter n°7003
traduit par Feiga Lubecki