Semaine 31

Editorial
En route pour le nouveau monde !
Deux idées se rencontrent cette semaine. Alors que nous traversons les jours qui conduisent au 9 Av, nous ne pouvons pas oublier les tragédies qu’il marque : la destruction des premier et deuxième Temples, le début de l’exil, l’obscurité qui descend sur le monde… Jour après jour, la tristesse du moment doit être chassée et chacun s’y emploie par l’étude, en particulier par la conclusion d’un traité talmudique. La tristesse est donc présente… à rejeter. Pourtant, si nous avançons seulement de quelques jours, voici que la proximité du Chabbat, et plus encore sa survenance, nous ouvre d’autres horizons. «Chabbat de la consolation», c’est son nom et il ouvre ces «Sept semaines de consolation» où D.ieu panse nos plaies en une véritable élévation après la chute du 9 Av. Tout se passe comme si, en cette semaine unique, il nous était donné de vivre le plus terrible abaissement et les prémices de la plus glorieuse renaissance. Et si ce n’était pas là qu’une vue de l’esprit ? Et si, finalement, cette juxtaposition était elle-même une clé d’avenir ?
L’homme est ainsi fait : la tristesse absolue, même légitime, ne le conduit souvent qu’au désespoir et au renoncement ; l’absence de réflexion sur la réalité du monde, le refus de regarder les choses telles qu’elles sont ne mènent qu’à un oubli futile et à une joie artificielle. Mais peut-on concilier ce qui paraît inconciliable ? La conscience, même tragique, et l’espoir puissant et éternel ? C’est justement cela que nous sommes invités à vivre. La chute du 9 Av est terrible ? Son caractère vertigineux laisse entrevoir l’immensité de l’élévation vers laquelle elle ouvre. Le temps qu’elle inaugure est celui d’une immense obscurité ? Sa profondeur laisse comprendre comme la lumière à venir sera infinie. Décidément, jamais l’espoir ne nous quitte. Nos Sages ont su le dire lorsqu’ils ont proclamé que, le jour même de la destruction du Temple, «est né le sauveur d’Israël», le Messie.
Décidément, il est temps d’entrer dans la nouvelle ère : la consolation frappe à notre porte. Il faut simplement savoir la laisser entrer. Alors que, pour beaucoup, la période coïncide avec celle des départs en vacances, il est temps de retrouver les chemins nouveaux et anciens à la fois : les voies de la joie de chaque instant, celles qui mènent en ces lieux et ces temps de Lumière, ceux de l’époque messianique. L’espoir fait vivre dit-on… Sa concrétisation va au-delà d’une telle idée ; elle nous entraine à la source de l’existence. Aujourd’hui, tout peut commencer : l’étude de la Torah, le lien avec D.ieu. Pour un nouveau monde dont les contours se dessinent déjà à l’horizon.
Etincelles de Machiah
La place des portes

A propos du verset «ses portes s’enfoncèrent dans la terre» (Lamentations 2 : 9), les Sages enseignent (Midrach Ei’ha Rabba sur ce verset) que les portes s’enfoncèrent et furent ainsi cachées. Ainsi, quand Machia’h viendra et que le troisième Temple «descendra du ciel», les portes réapparaîtront et seront remises à leur place. L’idée est surprenante : comme le Temple lui-même descendra du ciel, des portes auraient pu déjà s’y trouver ?
Mais, comme l’enseigne le Talmud (Baba Métsia 53b), «L’homme préfère un ‘Kav’ en propre (de son travail) plutôt que neuf ‘Kav’ appartenant à son prochain». Aussi, dans Sa grande bonté, D.ieu laisse à l’homme une part dans l’œuvre d’édification du troisième Temple : les portes qu’il aura à mettre en place.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Chabbat Parcaht Terouma 5744) H.N.
Vivre avec la Paracha
Vaét’hanane : Vivre pour D.ieu

Trois amours
«Et tu aimeras l’Eternel ton D.ieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir». (Devarim 6 :5). Ces mots ne sont pas une simple répétition poétique pour exprimer l’amour que nous devons ressentir pour D.ieu mais constituent des instructions précises qui définissent les paramètres de l’amour désiré par D.ieu.
Selon nos Sages, les mots «de tout ton cœur» nous enseignent que notre désir premier doit aller vers D.ieu et que tous les autres désirs doivent lui être subordonnés.
Les mots «de toute ton âme» nous instruisent d’aimer D.ieu plus que nous aimons la vie elle-même. Nous devons L’aimer avec chaque fibre de notre être, quels que soient les sacrifices que demande cet amour. En d’autres termes, nous devons nous tenir prêts à donner notre vie pour D.ieu.
Les paroles «de tout ton pouvoir» nous indiquent que pour exprimer cet amour, nous devons utiliser toutes nos ressources. Chacune de nos possessions doit être consacrée à Son service. Nous devons être prêts à consacrer chaque centime à Sa cause. Une interprétation alternative de cette dernière forme d’amour implique que nous devons aimer D.ieu dans toutes les circonstances que la Providence nous fait rencontrer. Nous devons L’aimer dans la liesse et dans la détresse, dans le bonheur et dans le malheur. En bref, nous devons vivre pour D.ieu.

Vivre et mourir
La séquence des deux premières clauses est clairement structurée de façon progressive. Il est plus aisé de désirer D.ieu avec notre cœur qu’il ne l’est de le faire avec notre vie. Cependant, la position de la troisième clause paraît étonnante. Ayant reçu pour instruction d’être prêts à mourir pour D.ieu, est-il nécessaire que l’on nous recommande de vivre pour Lui ?
Mourir pour D.ieu est un acte héroïque. Il s’agit du sacrifice ultime et du paroxysme du dévouement mais ce n’est pas un sacrifice constant. Il ne dure qu’un moment. Vivre sa vie en accord avec le désir de D.ieu, même quand une telle dévotion engendre des sacrifices intenses et constants, constitue une expression perpétuelle d’un amour éternel.
Une analyse plus poussée de ces trois clauses nous donnera une meilleure compréhension de ces trois formes d’amour : l’amour ressenti par le cœur, mourir pour l’amour et vivre pour l’amour.


Le mari et la femme
L’amour entre un Juif et D.ieu est souvent comparé à celui qu’éprouvent entre eux les époux. Observer l’expérience de l’amour conjugal peut nous aider à opérer la distinction entre ces trois formes d’amour.
Considérons, après plusieurs mois de mariage, un couple capable de reconnaître l’amour réciproque que les époux ressentent l’un pour l’autre. Toute leur relation est subordonnée à ce sentiment. Ils s’aiment réellement mais cela signifie-t-il qu’ils sont prêts à mourir l’un pour l’autre ? Pas nécessairement.
Sauter devant un train pour sauver l’être aimé requiert une dévotion supérieure à l’amour «sentimental». Ce sentiment implique que nous aimons vivre avec l’être aimé. Mourir pour lui signifie que la vie sans lui ne mérite pas d’être vécue. L’amour ressenti avec le cœur implique que la vie sans l’autre serait difficile, tragique mais qu’elle pourrait se faire.
L’homme et sa femme qui sont prêts à mourir l’un pour l’autre ont atteint une relation plus profonde mais pas la plus profonde. Ils sont préparés à se sacrifier l’un pour l’autre mais sont-ils prêts à vivre l’un pour l’autre ?
Cet ultime degré d’amour est atteint quand, en dépit de difficultés qui paraissent insurmontables, il perdure.

A un niveau plus profond
Vivre pour l’autre est purement altruiste mais mourir pour l’autre ne l’est pas. Mourir pour l’autre est subtilement influencé par l’idée que la vie sans lui ne mérite pas d’être vécue.
Vivre pour l’autre est purement altruiste. Cette forme de dévotion n’est tournée que vers l’objet de l’amour et par vers la personne qui le ressent, elle-même.

Tangible et facile
Retournons à présent vers notre amour pour D.ieu. Les trois degrés d’amour énumérés par la Torah sont en réalité en ordre ascendant. Tout d’abord, nous devons apprendre à aimer D.ieu avec tout notre cœur, assurant que notre désir premier va pour D.ieu. Puis progressivement, nous évoluons vers l’amour de D.ieu avec notre âme, prêts si c’est nécessaire à mourir pour Lui. La troisième forme d’amour, la plus profonde est celle qui nous oblige à vivre pour Lui.
Vivre pour D.ieu peut être le plus grand amour mais son expression est tangible et facilement accessible. Chaque fois que nous sacrifions un moment pour accomplir une Mitsva, chaque fois que nous utilisons nos possessions pour le service de D.ieu, chaque fois que nous renonçons à un plaisir matériel pour une heure d’étude de la Torah, nous démontrons une dévotion absolue qui jaillit du plus grand amour connu chez l’homme.
L’amour est naturel pour l’âme mais il est, par nature, voilé. Il ne faut pas attendre qu’il soit révélé pour l’exprimer par la pratique des Mitsvot. Bien au contraire, l’accomplissement des commandements divins permet de mettre à jour ce lien inné et de faire jaillir à la surface cet amour caché.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que «Guemilout ‘Hassadim» ?

C’est le fait de «déverser des bienfaits» sur les autres ; ce sont toutes les formes d’aide à son prochain : visite aux malades, aux endeuillés ; aide aux jeunes mariés ; l’hospitalité ; l’aide psychologique aux «handicapés de la vie» ; aider l’autre à trouver un logement, un travail ou l’âme sœur ; bien conseiller l’autre et l’aider à retrouver le calme etc…
«Guemilout ‘Hassidim» est encore plus méritoire que la «Tsedaka» (charité) ; en effet :
- la Tsedaka ne peut s’effectuer qu’avec de l’argent alors que Guemilout ‘Hassidim peut aussi s’effectuer en donnant son temps, son énergie, ses capacités de toutes sortes
- la Guemilout ‘Hassidim s’applique non seulement aux vivants mais aussi aux personnes décédées (enterrement, éloge funèbre etc…)
- la Guemilout ‘Hassidim ne se fait pas qu’avec les pauvres ; elle peut aussi s’effectuer avec des riches qui ont besoin d’une aide psychologique ou autre.
Le monde tient sur (l’étude de) la Torah, la prière et «Guemilout ‘Hassidim» (Avot 1 – 2).

F. L. (d’après Rav Moshe Bogomilsky)
De Recit de la Semaine
Bon réveil à tous !

Tous les vendredis après-midi, j’anime une émission à la radio populaire «Radio Dimona», dans le sud d’Israël. Cette émission s’intitule «La table du Chabbat». J’y présente des commentaires du Rabbi et des notions de ‘Hassidout dans un langage simple, accessible à tous, entrecoupé de mélodies ‘hassidiques. Apparemment, cette émission jouit d’un taux d’écoute particulièrement remarquable dans la ville : les auditeurs sont par exemple les fonctionnaires de la mairie et les hommes d’affaires locaux. Il ne se passe pas de jour sans que je ne reçoive des réactions enthousiastes à ce programme. Une fois, un homme qui promenait son chien m’a arrêté dans la rue pour me déclarer : «Rav Gliess ! Rappelez-moi de quoi vous avez parlé vendredi dernier, c’était passionnant !»
Le technicien de la station, le magicien des manettes s’appelle Chalom Bar Avi. Il s’était toujours présenté comme «anti-religieux à l’extrême». Grâce à l’émission, il s’est forgé entre nous deux une complicité chaleureuse et il s’est beaucoup rapproché du mouvement Loubavitch.
Dernièrement j’ai fêté le mariage de ma fille devant la synagogue 770 de Kfar Chabad, la ville des ‘Hassidim Loubavitch sur la route Tel-Aviv - Jérusalem. Quand, selon la tradition, on a commencé à chanter avant la ‘Houppa «Les Quatre Strophes», la mélodie composée par Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, Chalom qui m’avait fait l’amitié d’assister, s’est mis à pleurer d’émotion sans chercher à se cacher, sans pouvoir s’arrêter. Par la suite, il a pris part avec beaucoup d’entrain à toutes les danses du côté des hommes.
Environ une semaine plus tard, nous avons organisé une réunion ‘hassidique à l’occasion du 3 Tamouz, la ‘Hiloula du Rabbi de Loubavitch : les participants étaient particulièrement impliqués. A la fin, j’ai demandé à chacun d’inscrire sur un papier les bonnes décisions qu’il aurait prises en l’honneur du Rabbi. Afin de servir d’exemple vivant, je me suis engagé à m’investir davantage dans la «Campagne de Téfilines» mais je désirai ne pas être le seul ! D’autres participants se sont alors levés qui se sont engagés à renforcer leur observance personnelle d’une Mitsva ou à sensibiler d’autres Juifs à l’action concrète.
Mon ami Chalom qui, jusque là était resté assis en silence, s’est alors levé et a demandé à prendre la parole : «Rav Gliess ! Je suis prêt à me joindre à vous chaque semaine pour une «opération Téfilines» ! A en juger par l’expression de mon visage, il a compris qu’il nous devait des explications ! «Cela fait 22 ans que je ne mets plus les Téfilines ! Mais la semaine dernière, j’ai assisté au mariage de votre fille et j’ai ressenti une émotion particulière quand j’ai entendu «Les Quatre Strophes» puis le chant «Mi Adir». A vrai dire, cela m’a rappelé mon propre mariage ! Oh oui, c’était il y a une vingtaine d’années à Eilat. Le rabbin n’était autre que Rav Hecht, le jeune émissaire du Rabbi fraîchement arrivé dans la ville. Il avait tenu à organiser la cérémonie selon la plus pure tradition Loubavitch avec, entre autres, ces mélodies bien qu’aucun des convives ne les connaissent. Au mariage de votre fille, j’ai ressenti un réveil spirituel intense : puisque moi-même j’avais mérité un mariage Loubavitch, cela signifie que je suis Loubavitch ! Et, depuis le mariage de votre fille, je me suis engagé à mettre les Téfilines chaque jour ! Effectivement, toute la semaine j’ai emprunté des Téfilines autour de moi pour les mettre chaque jour !»
Comme on peut s’y attendre, ces paroles ont été accueillies avec un étonnement admiratif. Immédiatement l’un des participants organisa une quête afin d’acheter des Téfilines strictement cachères pour Chalom. Bien vite, la somme nécessaire fut atteinte : chacun avait tenu à contribuer.
Lors de l’émission suivante, Chalom me demanda en direct : «Rav Gliess ! Quelle est vraiment la définition d’une réunion ‘hassidique ? Qu’est-ce qui la différencie d’un cours de Torah habituel ?» Je lui ai expliqué – à lui ainsi qu’aux auditeurs – l’importance de ce genre de réunions tout en illustrant mes propres avec des récits – entre autres la grande influence qu’avait exercé la récente réunion dans notre Beth ‘Habad pour le 3 Tamouz, avec sa propre réaction à lui, Chalom, qui était assis en face de moi !
Une fois que Chalom eut plus ou moins repris ses esprits après l’évocation de sa propre révolution, il demanda à ajouter que, sa femme et ses filles avaient décidé d’allumer chaque vendredi après-midi les bougies.
Mon épouse qui écoutait comme à son habitude mon émission sortit alors spontanément du réfrigirateur un gros gâteau avec l’inscription «Mazal Tov» et demanda à notre fils de se dépêcher de l’apporter – à vélo – au studio de la radio avec, en prime, des bougies de Chabbat. C’est ainsi que, vers la fin de l’émission, nous eûmes la surprise d’accueillir en direct mon fils qui offrit à Chalom un cadeau inattendu : un gâteau et des bougies !
Difficile de décrire la suite des événements : l’homme des médias, le technicien froid et blasé, connu d’ordinaire pour ses sentiments anti-religieux, ne put émettre un mot ! Il tenta bien d’ouvrir le micro et de continuer l’émission mais sans succès : durant de longues minutes, il ne parvint pas à ouvrir la bouche !
Qui peut prétendre connaître l’influence de cette émission hors du commun sur les auditeurs, quand un Juif connu pour ses convictions «anti» est soudainement déstabilisé et – en direct ! – se laisse emporter par une émotion très réelle ! Bien entendu, c’est encore une fois la présence du Rabbi parmi nous qui était évidente !
Mais j’attends avec curiosité et impatience la réaction de l’homme qui promenait son chien…

Rav Israël Gliess – Dimona
Kfar Chabad n°1334
traduit par Feiga Lubecki